II. QUELLE AUTONOMIE FINANCIÈRE POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?

A. LES INSUFFISANCES DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DU 25 MARS 2003 EN MATIÈRE D'AUTONOMIE FINANCIÈRE

1. Les principes constitutionnels

Le principe de libre administration des collectivités territoriales , affirmé par l'article 72 de la Constitution, ne peut être effectif que si ces collectivités disposent des moyens financiers nécessaires à leur action, c'est-à-dire d'un certain degré d'autonomie financière par rapport au pouvoir central. L'article 72-2 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 25 mars 2003 5 ( * ) , a notamment pour objet de garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales. Il dispose que « les recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Ce principe, mis en oeuvre par la loi organique du 29 juillet 2004 6 ( * ) , ne traite que des recettes des collectivités territoriales et conçoit donc l'autonomie financière comme reposant sur l'importance des recettes fiscales et des ressources propres au sein des budgets des collectivités territoriales .

Cinq ans après son adoption, un premier bilan de cette loi organique peut être dressé.

2. Les insuffisances conceptuelles et pratiques du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales

En pratique, la conception de l'autonomie financière résultant de la révision constitutionnelle de 2003 et de la loi organique du 29 juillet 2004 paraît insuffisante à plusieurs titres .

D'une part, la règle posée par la loi organique précitée du 29 juillet 2004 ne garantit pas que les collectivités territoriales disposent d'un réel pouvoir d'influer sur le montant et les modalités de fixation de leurs recettes fiscales ou de leurs ressources propres . En effet, comme l'a rappelé M. Gilles Carrez, président du comité des finances locales et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, lors de son audition par votre commission des finances, « le Conseil constitutionnel n'assimile pas l'autonomie fiscale à la liberté de fixer l'assiette ni à celle de fixer le taux ». Font ainsi partie des ressources censées conférer aux collectivités territoriales une autonomie financière, des transferts de fiscalité sur lesquels elles n'ont aucune marge de manoeuvre. En réalité, ces ressources fiscales peuvent être assimilées à des dotations.

De ce point de vue, les transferts de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), mis en place pour compenser les transferts de compétence accordés notamment dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales 7 ( * ) , ne renforcent ni ne garantissent réellement l'autonomie financière des collectivités territoriales. M. Edouard Balladur, président du comité pour la réforme des collectivités territoriales, a reconnu, lors de son audition devant votre commission des finances, que la notion de ressources propres résultant de la révision constitutionnelle de 2003 « posait problème ».

D'autre part, le principe posé par la loi organique précitée et inscrit à l'article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, selon lequel « la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 », ne répond à aucune logique particulière. Le choix de l'année 2003 comme année de référence semble résulter essentiellement de la difficulté à établir un critère objectif, déterminant la part de ressources propres nécessaire pour garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales 8 ( * ) .

Enfin, la question du lien entre l'autonomie financière et la capacité pour les collectivités territoriales de fixer l'assiette et le taux d'une part déterminante de leurs ressources peut légitimement être soulevée . En effet, comme l'indiquait Mme Cécile Moyon, consultante de l'agence Public Evaluation System, lors de son audition devant votre commission des finances, « les Länder allemands n'ont quasiment aucune ressource autonome, leur financement reposant principalement sur la répartition du produit de la TVA » et « la France est le seul pays qui a cherché à définir un pourcentage global de ressources propres pour les collectivités territoriales ». M. Stanislas Boutmy, directeur général de l'agence Public Evaluation System, a partagé ce constat en indiquant, lors de la même audition, que les Länder allemands, « disposant d'une large autonomie politique et de ressources conséquentes, n'ont qu'une faible maîtrise du levier fiscal : ils ne peuvent en effet fixer que les taux des taxes portant sur les chiens et la bière ». De ce constat, il a conclut à une absence de relation directe entre l'autonomie fiscale et l'autonomie politique des collectivités territoriales.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le travail sur la définition et les modalités de garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales doit être poursuivi .

* 5 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

* 6 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

* 7 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

* 8 D'après les informations fournies par la direction générale des collectivités locales, les ratios d'autonomie financière pour l'année 2003 s'élevaient à 60,8 % pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale, à 58,6 % pour les départements et à 41,7 % pour les régions.

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