ANNEXE 3 : CONTRIBUTION DE M. MICHEL TESTON, MEMBRE DU GROUPE SOCIALISTE

QUEL AVENIR POUR LE FRET FERROVIAIRE
EN FRANCE AU XXI ÈME SIÈCLE

En France, la part du fret ferroviaire et fluvial est tombée de 42 % en 1984 à 14 % en 2007. Elle a encore baissé depuis 2007.

La loi de programmation du Grenelle de l'environnement dite « Grenelle 1 » a donc mis l'accent sur un développement performant et sobre en carbone du transport de marchandises.

L'objectif de cette loi est de faire évoluer la part modale du non-routier et du non-aérien de 14 % à 25 % à l'échéance 2022, avec une première étape à 17,5 % en 2012.

Cette croissance serait assurée par le fret ferroviaire pour 85 % et le transport fluvial pour 15 %.

Ces objectifs sont ambitieux. Leur atteinte suppose la mise en place d'un plan très volontaire de développement du fret ferroviaire.

Dans le contexte de libéralisation voulue par la commission européenne, libéralisation que je désapprouve mais qui est une réalité, ce plan doit nécessairement comporter les 3 actions suivantes.

1 ère action : la fixation de règles du jeu qui ne pénalisent pas un mode de transport par rapport à un autre ou un (ou des) opérateur(s) ferroviaire(s) par rapport à ses (leurs) concurrents

Le constat est fait que tous les coûts externes (pollution de l'air, CO 2 , insécurité routière, congestion du trafic et détérioration des réseaux routiers), coûts qui pourraient représenter 210 milliards d'euros à l'horizon 2020 selon la commission européenne 48 ( * ) , ne sont pas intégrés. L'instauration de l'eurovignette comme le prévoit d'ailleurs la législation européenne, serait un bon moyen d'internaliser dans la tarification du transport tous les coûts externes du transport routier de marchandises. Il en va de même pour la taxe carbone, qui devrait trouver à s'appliquer à tous les engins thermiques polluants, qu'ils soient routiers ou ferroviaires. Malheureusement, le gouvernement a repoussé la mise en oeuvre de ces deux mesures.

De fait, bien que bon nombre d'entre eux y soient réticents, les transporteurs routiers français auraient intérêt à la mise en place d'une fiscalité écologique susceptible de leur permettre de lutter à armes égales avec les routiers d'autres pays qui peuvent effectuer des acheminements intérieurs en profitant de la possibilité ouverte par le cabotage.

Au sein du mode ferroviaire, il apparaît que la SNCF est plus chère que la concurrence en raison, notamment, de coûts d'organisation plus élevés. Comme il n'est pas envisageable d'égaliser « par le bas » les conditions sociales des personnels, il convient d'oeuvrer pour une harmonisation sociale européenne et française « par le haut », seule de nature à créer des conditions équitables de concurrence. Cette harmonisation suppose la création d'un statut unique du travailleur du rail.

Dans l'attente de cette harmonisation, qui ne pourra intervenir qu'à moyen et long terme, pourquoi ne pas rechercher la possibilité de mettre en place un dispositif qui, à l'instar de ce qui existe en Allemagne, permettrait de faire supporter le différentiel financier - tant qu'il existera - par une structure ad hoc ?

Le transport par wagon isolé est essentiel pour assurer un bon maillage du territoire. Son coût est cependant jusqu'à deux fois plus élevé que celui d'un transport par la route. Il apparaît en outre que les nouveaux opérateurs se limitent au transport de trains entiers laissant la SNCF supporter les pertes du wagon isolé.

C'est pourquoi le groupe socialiste estime qu'il est indispensable d'adopter des mesures favorisant le développement de la demande de transport en « wagon isolé » de manière à soutenir l'offre de service et l'augmentation de la qualité. Il pourrait être prévu par exemple d'octroyer des primes, ou des avantages fiscaux, aux entreprises qui ont recours aux services ferroviaires pour acheminer leurs produits.

La commission européenne pourrait en outre réfléchir à d'autres mesures de soutien. Malheureusement le règlement européen actuellement en discussion, relatif aux réseaux ferroviaires européens pour un fret compétitif n'évoque pas cette possibilité et se concentre essentiellement sur la mise en place de mécanismes de marché.

Pourtant, le Grenelle de l'environnement a montré qu'une approche fondée sur la seule pertinence économique n'est plus tenable. Une autre approche, basée sur la dimension « aménagement du territoire », est nécessaire. Elle repose sur la reconnaissance du caractère d'intérêt général du fret ferroviaire. Cette reconnaissance permettrait le recours à la procédure de la DSP s'appuyant sur un modèle économique solide et autorisant les aides à l'investissement mais aussi à l'exploitation, si nécessaire.

2 ème action du plan : la mise à niveau du réseau ferré existant pour assurer le développement du fret ferroviaire, dans le respect du Grenelle de l'Environnement.

Entre 1980 et 2008, l'évolution des réseaux autoroutier et ferroviaire a été diverse : le réseau autoroutier est passé de 4 800 km à plus de 11 000 km alors que le réseau ferroviaire est passé de 34 362 km à 29 473 km 49 ( * ) .

Voilà 5 ans, le rapport de l'école polytechnique fédérale de Lausanne, dit « Rapport Rivier », a pointé le mauvais état d'un certain nombre de lignes, particulièrement celles des groupes UIC 7 à 9, c'est-à-dire celles sur lesquelles circulent essentiellement les TER mais aussi des trains de fret.

Depuis quelques années, un effort important a été consenti par RFF qui a augmenté le montant des crédits consacrés à la régénération mais sans atteindre toutefois le niveau préconisé par le « Rapport Rivier ».

Le programme de régénération doit donc être amplifié. Un certain nombre de lignes doivent être électrifiées (exemple Serqueux-Gisors en région parisienne) en vue de pouvoir constituer des corridors dédiés ou principalement affectés au fret.

La question se pose, en outre, de savoir s'il ne faudrait pas rendre obligatoire la connexion au réseau ferroviaire des zones d'activités le justifiant.

Pour réaliser cette mise à niveau, il incombe à l'Etat d'arrêter rapidement un plan de résorption de l'énorme dette de RFF qui atteint 27,8 milliards d'euros (chiffre 2009).

Quant aux enveloppes financières mises à disposition de l'AFTIF, elles doivent être pérennisées.

3 ème action du plan de développement du fret ferroviaire : le développement de nouveaux services à côté des services existants.

Quelques exemples des services envisageables :

1. les trains longs. Un protocole d'accord a été signé, le 25 mars 2010, entre RFF, les acteurs du fret ferroviaire et les chargeurs afin d'expérimenter ce type de trains. En portant la longueur des trains à 1 000/1 500 mètres et le poids de 2 000 à 4 000 tonnes contre 750 mètres et 1 400 tonnes actuellement, le train long devrait rendre le transport fret moins coûteux en sillons pour le transporteur.

2. le soutien aux opérateurs ferroviaires de proximité, notamment dans les ports. Si le fait que 7 sociétés européennes de fret ferroviaire ont conclu l'alliance X RAIL pour accroître la qualité et la compétitivité du transport européen par wagon isolé face à la route est une bonne chose, il est dommage que la SNCF n'en fasse pas partie. Elle s'en tient, pour le moment, à son projet d'activité multilots-multiclients organisé autour de onze sites seulement et s'oriente vers des accords bilatéraux. La SNCF doit prendre sa part de ce défi, rejoindre cette alliance, conserver ses gares de triage et s'engager dans le capital des opérateurs de proximité, reconnus par la loi, pour conserver son rôle de proximité. Dans le même temps, le rôle et les missions de ces opérateurs doivent être circonscrits à leur zone de chalandise pour éviter qu'ils deviennent des opérateurs ferroviaires en tant que tels. Une nouvelle loi est donc nécessaire pour leur attribuer des missions de service public et d'aménagement du territoire.

3. le développement du transport de messagerie à grande vitesse (TGV fret, développement des trains de messagerie à grande vitesse sur les lignes classiques réaménagées).

Ceci étant, les services traditionnels comme le transport combiné -qui associe le rail et la route- sont essentiels. Est tout aussi essentiel le renforcement des autoroutes ferroviaires : la liaison BETTEMBOURG (LUXEMBOURG) - RIVESALTES étant concluante, il convient d'étendre la liaison AITON - ORBASSONO (Italie) à LYON-TURIN et d'ouvrir de nouvelles autoroutes ferroviaires, notamment, sur la façade ouest de la France entre le Nord et la Méditerranée ainsi qu'en provenance du HAVRE.

En conclusion

Le développement du fret ferroviaire exige la mise en place et la réalisation de toutes les actions décrites ci-dessus et qui devraient être inscrites dans un plan global.

La volonté politique existe-t-elle au niveau de l'Etat ? Telle est la question !

Quant à la Commission européenne, avant toute révision du 1 er paquet ferroviaire, elle devrait dresser un bilan objectif et contradictoire des effets de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, et accepter de modifier sa position en autorisant des mesures de soutien.


* 48 SEC (2008) 2208

* 49 Chiffres Clés du Transport, 1981 et 2010.

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