B. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES POUR LES CONTREFAÇONS DANGEREUSES

A l'initiative du Sénat et de sa commission des lois, la loi du 29 octobre 2007 a décidé d'aggraver les sanctions pour les contrefaçons dangereuses pour la santé et la sécurité des personnes.

En effet, le législateur a été sensible au fait que la contrefaçon ne portait pas seulement atteinte à des intérêts économiques protégés et à la loyauté du commerce, mais pouvait également, dans bien des cas, mettre en danger les personnes , dans le cas en particulier des médicaments, des jouets, des pièces de rechange automobiles ou encore des lunettes de soleil.

Or, avant l'intervention de la loi, le droit punissait la contrefaçon de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende et ne retenait comme circonstance aggravante, portant les peines à cinq ans de prison et 500.000 euros d'amende, que la commission de l'infraction en bande organisée.

Soucieux de combler un manque dans notre législation répressive et dans le respect de la directive 2004/48 dont le considérant 28 dispose que « les sanctions pénales constituent également un moyen d'assurer le respect des droits de la propriété intellectuelle », le Parlement a porté à cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende la peine maximale encourue par tout contrefacteur de brevets (art. L. 615-14 du CPI), de marques (art. L. 716-9 du même code) ou de dessins et modèles (art. L. 521-10 du même code) qui porte atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes.

Vos rapporteurs constatent avec regret qu'il est difficile d'évaluer avec précision si le vote du législateur a conduit à une aggravation effective des sanctions pénales pour les contrefaçons dangereuses.

En effet, les représentants de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère la justice ont indiqué, lors de leur audition, qu'ils ne disposaient pas de statistiques sur les sanctions prononcées par les juridictions pénales en matière de contrefaçons dangereuses.

Toutefois, ils ont fait valoir que :

- la création par le législateur d'une nouvelle circonstance aggravante avait été perçue comme un signal politique fort invitant à condamner avec une plus grande sévérité les contrefaçons dangereuses ;

- les parquets retenaient systématiquement la circonstance aggravante en cas de contrefaçon dangereuse et que les magistrats du siège suivaient les réquisitoires présentés en ce sens, même si les peines d'emprisonnement prononcées ainsi que le montant des amendes semblent très loin des plafonds prévus par le code pénal.

Toutefois, quand bien même les contrefaçons dangereuses seraient plus sévèrement réprimées depuis 2007 -ce qui n'est pas certain-, il n'en demeure pas moins que le phénomène des contrefaçons dangereuses s'est amplifié depuis le vote de la loi de lutte contre la contrefaçon, en particulier dans le domaine du médicament, dont la vente est de plus en plus souvent dématérialisée. En témoignent l'augmentation constante du nombre de sites proposant à la vente des médicaments et la présence massive dans les messageries électroniques de « pourriels » incitant à la consommation de médicaments généralement soumis à prescription médicale.

Or, vos rapporteurs rappellent que l'achat d'un médicament sur Internet n'offre aucune garantie sérieuse sur son authenticité et, en conséquence, sur sa composition : non seulement certains médicaments sont totalement inefficaces pour le traitement de la pathologie qu'ils sont supposés soigner mais encore comportent-ils parfois des substances toxiques.

D'une manière générale, le déplacement que vos rapporteurs ont effectué à l'aéroport de Roissy leur a appris que 37 % des produits saisis par les douanes sont « potentiellement dangereux », c'est-à-dire qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à la santé ou la sécurité des consommateurs. C'est le cas des produits que l'on peut ingérer (produits alimentaires, médicaments), que l'on met au contact de la peau (cosmétiques, parfums) ou en protection des yeux (lunettes), des pièces détachées automobiles, du petit électro-ménager...

Certes, si les contrefaçons de ces types de produits sont toujours illégales, elles ne sont pas pour autant systématiquement dangereuses pour le consommateur. Toutefois, force est de constater que le risque est fort car le contrefacteur poursuit avant tout l'objectif de produire à moindre coût avec des matières premières peu onéreuses. En conséquence, comme l'ont indiqué les douaniers rencontrés par vos rapporteurs, le contrefacteur « ne s'embarrasse pas de normes de santé ou de sécurité à respecter et ne cherche pas à se conformer à un quelconque contrôle de qualité pour la réalisation du produit final. ».

Pour l'ensemble de ces raisons, vos rapporteurs encouragent vivement le ministère de la justice à se doter des outils statistiques permettant d'évaluer si la création d'une circonstance aggravante a conduit à une aggravation effective des sanctions pénales pour les contrefaçons dangereuses.

Concrètement, cela passe par la création d'un code NATINF 51 ( * ) relatif à la circonstance aggravante de dangerosité. Une telle création permettra ensuite au pôle études et évaluations, rattaché à la Direction des affaires criminelles et des grâces, de connaître la moyenne des amendes et peines d'emprisonnement prononcées avec ou non cette circonstance aggravante.

Le ministère de la justice sera ainsi en mesure d'indiquer que, sur une période donnée :

- il y a eu X décisions de condamnation pénale en matière de contrefaçon avec la circonstance aggravante « dangerosité » : la moyenne a été de X euros d'amende et X mois d'emprisonnement par condamnation ;

- sans cette circonstance aggravante, la moyenne a été de X euros d'amende et X mois d'emprisonnement par condamnation.

Recommandation n° 16 : Demander au ministère de la justice de se doter des outils permettant d'évaluer si la création d'une circonstance aggravante a conduit à une aggravation effective des sanctions pénales pour les contrefaçons dangereuses.


* 51 Le sigle NATINF se réfère à l'expression « nature d'infraction ». La base de données NATINF a été créée en 1978 lors de l'informatisation des premiers tribunaux de la région parisienne. Elle recense la plupart des infractions pénales en vigueur et évolue au gré des modifications législatives et réglementaires.

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