(1) L'évasion fiscale des grands acteurs du commerce électronique

La commission des finances du Sénat , dès 2010, a constaté que les grands acteurs mondiaux du commerce électronique ont bâti leur modèle économique en établissant leurs sièges sociaux dans les États à « fiscalité basse » comme l'Irlande et Luxembourg. Il en résulte une fuite des assiettes fiscales, qu'il s'agisse des revenus tirés de la publicité en ligne ou du commerce électronique. Un nouveau Forum de la fiscalité numérique organisé à la demande de la Fédération française des télécoms au Sénat le 14 février 2012 a confirmé l'utilité de la mobilisation pour promouvoir le débat sur la fiscalité numérique ainsi que la difficulté de parvenir à des solutions consensuelles pour limiter les possibilités d'optimisation fiscale internationale qui perdurent.

Les problèmes ici envisagés sont emblématiques des relations existant entre l'organisation des groupes transnationaux et l'évasion fiscale internationale. Ils relèvent de l'imposition des bénéfices sur les sociétés. La localisation des firmes est moins en cause en soi que les effets qu'on leur attribue sur le plan fiscal en jouant sur la valeur attribuée aux entités du groupe dans l'ensemble de la chaîne de valeur de l'entreprise. Par ailleurs, le libre choix d'implantation des entités titulaires des droits auxquels on rattache le plus de valeur aboutit à léser le droit fiscal à imposer les revenus afférents, droit que pourrait légitimement revendiquer « l'agglomération » d'origine de ces droits (souvent les États Unis).

Aperçu d'un schéma d'optimisation fiscale : le « double irish » et le « sandwich néerlandais ».

En offrant une fiscalité attractive, l'Irlande a attiré un très grand nombre de sièges européens de grandes entreprises, comme Microsoft, Intel, Oracle, Google et bientôt Facebook. Ces entreprises bénéficient d'un taux d'imposition sur les bénéfices de 12,5 % - l'un des plus faibles d'Europe - et d'un régime fiscal sur la propriété intellectuelle extrêmement favorable. En installant en Irlande son QG européen, Google a ainsi réussi à ramener son taux d'imposition sur les bénéfices à 2,4 % seulement comme l'a révélé une longue enquête de Bloomberg.

Pour minimiser son imposition, Google a eu recours à deux montages très en vogue parmi les multinationales domiciliées en Irlande : le « double irish » et le « sandwich néerlandais ». Ces deux astuces auraient permis à Google de réaliser 3,1 milliards de dollars d'économie en trois ans.

Comment Google s'y prend-il ? Google Ireland Holdings, dont la société mère se trouve dans les Bermudes, détient les droits sur les brevets (moteur de recherche, publicité en ligne...) et marques déposés par l'entreprise. Elle contrôle également Google Ireland Ltd, qui avec ses 2 000 employés, gère l'ensemble des activités du groupe pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique et encaisse 88 % des 12,5 milliards de dollars de revenus réalisés par Google en dehors des États-Unis. Pour minimiser son imposition en Irlande, Google Ireland Ltd reverse une grosse part de ses bénéfices sous forme de royalties à Google Holdings détenteurs des brevets et licences développés par le géant de l'Internet. Cela permet à Google Ireland Ltd de réduire drastiquement les bénéfices réalisés en Irlande. C'est le « Double Irish ».

Mais pour être consommé dans les règles de l'art, le « Double Irish » doit être agrémenté d'un « sandwich néerlandais » qui permet de sortir les profits sans payer d'impôt. L'autre particularité de la fiscalité irlandaise est d'autoriser une imposition minime sur les royalties générées sur son territoire mais qui souhaiteraient en sortir.

Pour faire remonter les bénéfices jusque dans les Bermudes, Google Ireland Holdings les fait d'abord transiter par les Pays-Bas. Pour une raison simple : l'Irlande exempte de taxe les royalties reversées à certains pays membres de l'Union européenne. Les milliards de dollars de royalties collectés passent donc par Google Netherlands Holding BV qui en reverse 99,8 % à la société mère de Google logée dans les Bermudes. Google Netherlands ne compte même pas un salarié.

Les bénéfices se perdent ensuite dans les sables des Bermudes, les sociétés créées par Google dans ce petit paradis fiscal des Caraïbes n'exigeant pas de tenir une comptabilité publique. Voilà comment Google a ramené son taux d'imposition sur l'ensemble de ses activités à l'étranger à 2,4 % alors que l'entreprise réalise l'essentiel de ses bénéfices dans des pays dont l'impôt sur les sociétés oscille entre 20 % et 35 %. Voilà pourquoi l'Union européenne souhaiterait que l'Irlande fasse évoluer sa fiscalité.

Pour mémoire, Google a déclaré pour la première fois en France, en 2009, un chiffre d'affaires de 51,9 millions d'euros. Un résultat ridicule qui ne constitue qu'une toute petite partie des revenus provenant de ses activités dans l'Hexagone.

Source : extrait d'un article publié dans La Tribune le 22 novembre 2010

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