(2) La solution européenne en matière de TVA sur le e-commerce

Le principe retenu à partir du 1 er janvier 2015 est l'application du critère de la territorialité de la consommation au commerce « B to C » .

Les règles en vigueur sur la vente de produits immatériels permettent, en pratique, à un site marchand opérant depuis le Luxembourg de bénéficier jusqu'en 2015 du taux de TVA luxembourgeois (15 %) plutôt que du taux applicable dans le pays de résidence du consommateur. Le Conseil Ecofin de décembre 2007 a cependant entériné l'extinction de ce système en 2019 (avec une période transitoire entre 2015 et 2019). La TVA sur les prestations (« B to C ») de services électroniques sera donc facturée au lieu de consommation à compter de 2015. Concrètement, le taux de TVA français s'appliquera donc aux consommateurs de notre pays et la TVA deviendra exigible en France si l'acheteur final y réside.

Deux principales difficultés restent en suspens .

Tout d'abord, ce mécanisme laisse entier le problème des distorsions de taux de TVA qui prennent deux formes :

- le niveau de ces taux, 15 % au Luxembourg et 19,6 % en France, par exemple ;

- et les différences de traitement, notamment dans le secteur culturel, entre certaines formes de consommations qui peuvent bénéficier de taux réduits si elles sont vendues sous forme de biens physiques mais sont soumises au taux normal par la voie de téléchargements .

Ensuite, l'efficacité du contrôle reposera sur la diligence des administrations partenaires .

Des progrès ont été réalisés dans ce domaine et en matière de TVA, il existe d'ores et déjà des formes d'assistance administrative : Eurofisc crée ainsi les conditions d'une meilleure coopération en matière fiscale. Reste que le point le plus délicat concerne la surveillance aux frontières de l'Europe des échanges avec les pays tiers .

Enfin, il convient de signaler qu'interrogée par la commission d'enquête au moyen d'un questionnaire écrit, sur le changement de lieu de taxation de la TVA, l'entreprise Amazon EU SARL a suggéré, tout comme les entreprises de l'économie numérique entendues au cours des auditions, une simplification et une harmonisation des taux au niveau de l'Union européenne en faisant observer qu'à compter de 2015 le vendeur devra gérer de nombreux paramètres pour déterminer le taux de TVA applicable à ses client.

Un « casse-tête » pour les entreprises du e-commerce ?

Une des grandes raisons du succès de la plateforme e-Commerce luxembourgeoise est évidemment l'attractivité d'un des taux de TVA les plus bas d'Europe. Avec ses 15 % de taxes indirectes, le Grand-Duché disposait d'un avantage concurrentiel sur les autres pays de l'Union pour les vendeurs non européens qui souhaitaient s'établir sur le Vieux Continent au travers de ce qu'on appelle un « One Stop Shop ». Disposait ! Car d'ici 2015, c'en sera fini d'apposer une TVA sur le lieu de résidence du commerçant mais il faudra tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée du lieu de consommation.

Ainsi, par exemple, pour iTunes, un single à la mode se vendra avec 27 % de TVA en Hongrie, 25 % en Suède et au Danemark, 23 % en Grèce, au Portugal et en Irlande, 21 % en Belgique, 19,6 % en France, 19 % en Allemagne et 15 % à Chypre et au Luxembourg...Mais plus probablement, le tube « Video Games », sera vendu par la firme à la pomme à 1,29 Euros partout dans l'Union Européenne. C'est dire que c'est directement sur la marge que la variation des différents taux de TVA en Europe grappillera les cents nécessaires.

Un véritable casse-tête qui coûtera très cher - s'il est louable pour les États membres de vouloir récolter la TVA sur les biens vendus sur leurs territoires, cela en devient un véritable casse-tête pour les e-commerçants.

D'une part, ils vont devoir jongler avec (bientôt, lorsque la Croatie aura rejoint l'EU) 28 taux de TVA réguliers et quasiment tout autant de taux réduits (de +/- 6 à 15 %), de taux super-réduits (de +/- 2 à 5 %) et de taux parking (+/- 12 %). D'autre part, il faudra établir les reportings en conséquence et maintenir les taux up-to-date . « Sur les deux dernières années, 23 pays des 27 de l'Union Européenne, ont modifié au moins une fois un de leurs taux de TVA », explique Christian Deglas. Or, on sent bien que face à la situation de crise et aux impératifs budgétaires des États, il est souvent considéré que la taxation indirecte comme la TVA est mieux acceptée que la taxation directe, tels les impôts sur les revenus ou les habitations. On entend dans la campagne présidentielle française un questionnement sur la relève du taux régulier de TVA. Ainsi, la TVA est toujours en mouvance...(le 01/10/12 le taux standard en France changera de 19,6 % à 20,2 %).

Le véritable défi résidera pour le Luxembourg à maintenir une industrie qui s'est développée entre autres autour de cet avantage compétitif et qui a permis de se hisser au top des pays du commerce en ligne européen pour les biens immatériels. Il faudra trouver des incitants différents pour permettre la stabilité de cette économie. Pour rappel, d'après l'enquête d'ITnation, à elle seule, iTunes pèserait jusqu'à plus de 2 % des revenus de l'État en récoltant de cette manière la TVA sur des millions de chansons vendues en Europe. Si selon les Echos, le risque de voir partir des entreprises installées est modéré, il est certain que l'attractivité des nouveaux joueurs à venir ne se fera plus sur base de cet argument fiscal. Il faudra mettre les autres cartes de qualité du Luxembourg en avant et si nécessaire creuser de nouveaux sillons pour les prochaines niches du marché du e-commerce en Europe. « Les entreprises du secteur devront être particulièrement créatives et devront repenser complètement la structure du prix, prévient Christian Deglas. Ces décisions sont stratégiques et ce sont les Board de ces entreprises qui doivent s'approprier de préférence sans tarder ces sujets. »

Source : extrait d'un article publié sur le site luxembourgeois : www.itnation.lu

Pour vérifier le bien-fondé de cette nouvelle stratégie de taxation sur le lieu de consommation, les autorités communautaires ont planifié une réflexion d'ensemble sur la TVA, les nouvelles formes de commerce et les lieux de taxation qui fera le bilan de l'application de cette réforme.

TVA : de la taxation chez le prestataire à la taxation sur le lieu de consommation

De façon générale, la Cour des comptes rappelle que la TVA repose sur des règles qui font d'elle, en théorie, un impôt relativement simple, économiquement neutre et d'un rendement budgétaire important. Toutefois, ces caractéristiques sont fréquemment contrariées dans leur mise en oeuvre par de multiples dérogations ou atténuations qui contribuent à rendre plus complexes la gestion et surtout le contrôle de cet impôt qui présente la spécificité d'être géré par deux administrations : la direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Au niveau européen, historiquement, le principe de la taxation du prestataire a été privilégié parce que le système communautaire était conçu en fonction d'un hypothétique « régime définitif », avec une harmonisation de tous les taux. Il apparaissait, par la suite, relativement indifférent d'être taxé chez le prestataire ou chez le consommateur et certainement plus facile de contrôler la taxation chez le prestataire. Le système de la TVA étant sur le point de migrer vers un système de taxation au lieu de consommation, il conviendra de vérifier qu'il est opérationnel.

Source : intervention au Sénat de Mme Maïté Gabet, chef du bureau affaires internationales, à la direction générale des finances publiques

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