EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mars 2013, sous la présidence de M. Albéric de Montgolfier, vice-président, la commission a entendu une communication de M. François Patriat, rapporteur spécial, sur la répartition du produit de la taxe d'apprentissage .

M. François Patriat , rapporteur spécial . - La taxe d'apprentissage, dont la collecte annuelle avoisine les 2 milliards d'euros représente une partie minoritaire de l'ensemble des fonds consacrés à la formation professionnelle (31 milliards d'euros) et, dans cet ensemble, à l'apprentissage (8 milliards d'euros). Néanmoins, il s'agit d'un enjeu majeur de financement dont on peut s'interroger sur l'efficience des modes de collecte et de répartition, à l'heure où la priorité est donnée à l'emploi et à la formation, mais aussi à la réduction du déficit et à la meilleure utilisation possible du produit de l'impôt.

Une série d'éléments m'a conforté, dès l'entame de mes travaux à l'automne 2012, dans la nécessité d'engager une réforme profonde de la taxe d'apprentissage. Cette taxe est acquittée par les entreprises et contribue financièrement au développement de l'apprentissage et de l'enseignement technologique et professionnel. Au-delà du fait que la taxe d'apprentissage n'a, de fait, pas pour seule vocation le financement de l'apprentissage, j'ai relevé qu'il s'agissait d'un dispositif d'une redoutable complexité tant dans ses modalités de collecte que de répartition.

Depuis la loi du 27 février 2002 dite de modernisation sociale, qui a procédé à une réforme d'ensemble du financement de la formation professionnelle et de la collecte de la taxe d'apprentissage, tous les rapports de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) n'ont cessé de mettre en évidence un dispositif juridique trop complexe pour les entreprises comme pour l'administration, mal respecté et insuffisamment contrôlé. S'agissant de la répartition de la taxe, l'ensemble de ces rapports, mais aussi mes auditions, m'ont permis de souligner le caractère peu transparent et illisible de la redistribution du produit de cette taxe. En 2009, un contrôle de l'IGAS concluait que : « près de la moitié des reversements sont littéralement saupoudrés sans garantie quant à leur finalité et à leur pertinence ».

Le 4 mars dernier, le Président de la République a annoncé le lancement d'une concertation avec les partenaires sociaux pour préparer un projet de loi sur la formation professionnelle et sur l'apprentissage qui devrait être prêt pour la fin de l'année 2013. Ma communication d'aujourd'hui a donc pour objet d'apporter une première contribution à cette concertation en présentant des constats puis des pistes et des préconisations pour une réforme de la taxe d'apprentissage.

A côté de la taxe d'apprentissage ont été créées deux autres contributions destinées à financer l'apprentissage : la contribution au développement de l'apprentissage (CDA), en 2004 et, en 2006, la majoration de la taxe d'apprentissage pour les entreprises de plus de 250 salariés qui n'atteignent pas un quota de contrats en alternance. Celle-ci a été remplacée en 2009 par la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) qui fonctionne selon un principe similaire de « malus ».

La taxe d'apprentissage proprement dite comprend deux parties communément identifiées comme le « quota » et le « hors quota ». Le quota est la fraction de la taxe d'apprentissage obligatoirement réservée au développement de l'apprentissage. Il était fixé à 52 % du montant de la taxe en 2011. Le hors quota, également dénommé « le barème », permet d'assurer le financement des premières formations technologiques et professionnelles. Il était égal à 48 % de la taxe en 2011.

La collecte de la taxe a progressé jusqu'en 2009 pour atteindre près de 1,96 milliard d'euros. Mais, pour la première fois en 2010, l'apprentissage a dû faire face à une baisse de recettes. Le montant de celle-ci en 2011 est remonté de 1,9 milliard à 1,94 milliard d'euros mais n'a pas retrouvé son niveau d'avant le début de la crise.

Le quota est constitué des dépenses libératoires suivantes :

- le versement au titre du compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage (FNDMA) égal à 22 % du produit de la taxe d'apprentissage. Celui-ci doit être effectué préalablement à toutes les autres dépenses libératoires ;

- l'autre fraction du quota, soit 30 % du produit de la taxe, est destinée au concours financier aux centres de formation des apprentis (CFA) où sont inscrits les apprentis employés par l'entreprise.

Dès lors qu'ont été respectés les versements du quota, les autres dépenses, dites « hors quota », représentent 48 % du montant de la taxe. Ces autres dépenses sont composées, outre des frais liés à l'accueil des apprentis, de toutes les sommes versées par l'intermédiaire des organismes de collecte de la taxe d'apprentissage (OCTA) en vue de favoriser les premières formations technologiques et professionnelles, qu'elles se déroulent sous statut scolaire, par exemple l'enseignement dispensé dans les lycées professionnels, ou sous statut d'apprenti. Une partie du hors quota peut donc aller à l'apprentissage. La répartition des fonds du hors quota est effectuée suivant les choix d'affectation des entreprises dans le cadre de barèmes de répartition selon les niveaux de formation et la liste des établissements habilités.

Le schéma de principe de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage s'avère donc fort complexe et nous verrons que, dans la pratique, l'affectation finale des fonds diffère de la théorie. En outre, le dispositif se caractérise également par le fait que ce sont en réalité trois taxes assises sur la masse salariale des entreprises qui contribuent au financement de l'apprentissage, pour un total de près de 2,8 milliards d'euros. S'ajoute depuis 2005 à la taxe d'apprentissage proprement dite la contribution au développement de l'apprentissage (CDA). Son taux est de 0,18 % de la masse salariale pour toutes les entreprises. Le produit de la CDA, environ 730 millions d'euros, est réparti directement par la direction générale des finances publiques (DGFiP) entre les régions et affecté aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue (FRAFPC), selon des règles identiques à celles de la dotation générale de décentralisation. Enfin, la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA), créée en 2009, est la plus récente des trois taxes dédiées au développement de l'apprentissage. La CSA s'est substituée à la majoration de taux de la taxe d'apprentissage due depuis 2006 par les entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas un taux de 3 % d'alternants. Mais la loi de finances rectificative pour 2011 a sensiblement complexifié le nouveau dispositif de la CSA.

La collecte de ces taxes repose sur les OCTA et, de fait, ceux-ci sont devenus les collecteurs quasi-exclusifs des taxes en faveur de l'apprentissage. Ces organismes assurent les tâches suivantes : la collecte des déclarations et versements des entreprises, les reversements au Trésor Public, et la répartition des sommes collectées au titre des dépenses libératoires entre les organismes de formation.

Le nombre des OCTA diffère d'une année sur l'autre : il était de 563 en 2003 et a été ramené à 130 en 2005, du fait d'une première réforme, avant de remonter à 144 en 2011.

La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a procédé à une première rénovation du régime juridique de la collecte de la taxe d'apprentissage en définissant les conditions d'habilitation des collecteurs. Depuis, ces organismes obéissent à trois catégories différentes d'agréments :

- soit par le ministère de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- soit au titre d'une convention cadre de coopération conclue avec le ministère de l'éducation nationale, de l'agriculture ou des sports ou au titre d'un agrément interministériel ;

- soit au niveau régional en tant qu'établissement consulaire régional (chambres régionales de commerce et d'industrie, de métiers, d'agriculture) ou par agrément préfectoral régional.

Selon les dernières données qui m'ont été transmises, les 141 OCTA se répartissent entre 63 établissements consulaires, 23 organismes ayant une habilitation régionale et enfin 55 OCTA nationaux. Mais en analysant les montants collectés par les OCTA, il apparaît que trois seulement d'entre eux (chambre de commerce et d'industrie régionale (CCIR) Ile de France, Unipe et Agefa PME) concentrent à eux-seuls 30 % de la collecte, pour un total de 571,9 millions d'euros et que les dix plus gros établissements collectent plus de la moitié (51 %) de la collecte totale, soit 979,7 millions d'euros. Ceci conduit à considérer que 130 collecteurs se répartissent en fait 49 % de la collecte, soit un montant moyen de collecte de 7,121 millions d'euros. Il faut aussi observer que la dispersion de l'outil de collecte n'est pas sans effet sur la répartition des fonds collectés. L'IGAS considérait dès 2009 que « près de la moitié des dépenses sont littéralement saupoudrée » par des « petits OCTA », sans garantie quant à leur pertinence et leur finalité, et sans véritable contrôle possible.

Par ailleurs, les auditions ont permis de pointer de nombreuses dérives, parfois graves, des dispositifs de collecte. Plusieurs modes d'habilitation des organismes de collecte coexistent. Ils n'obéissent donc pas aux mêmes critères d'attribution. Le système conduit à une concurrence entre les principaux organismes de collecte et engendre des pratiques anormales comme par exemple le recours à des courtiers ou « rabatteurs » de taxe. Une telle situation entraîne une « très grande hétérogénéité » des performances de gestion des organismes de collecte. Les frais de collecte varient selon la délégation générale à l'emploi et à la formation (DGEFP) de 1 à 140 en fonction de l'organisme. Les obligations comptables sont imparfaitement respectées.

Il faut aussi regretter que le contrôle de la collecte soit déficient. Dans les faits, l'administration fiscale ne dispose plus de l'information relative au paiement de la taxe. Ce sont les employeurs qui autoliquident et s'autocontrôlent dans leurs obligations de versement. L'architecture du réseau des OCTA et leur dispersion fait obstacle à l'exercice d'un contrôle exhaustif des déclarations des entreprises et d'une identification des redevables « défaillants ». C'est pourquoi sans une remise en cause en profondeur du dispositif actuel de collecte, nous sommes en droit de nous interroger sur l'efficacité du recouvrement de la taxe.

Il n'existe pas de véritable gouvernance de la répartition des fonds compte tenu du principe fondateur de la taxe d'apprentissage qu'est la liberté d'affectation de l'entreprise. Il ne faut pas remettre en cause ce principe, mais l'encadrer et assurer plus de transparence.

Aujourd'hui, des règles de base régissent les versements des entreprises, qu'il s'agisse du respect de la répartition quota / hors quota, de la part obligatoire destinée au FNDMA (22 %) et de l'obligation de versement au CFA de leur apprenti. Mais, au-delà de ces versements obligatoires, c'est le principe de libre affectation des fonds par les entreprises qui est appliqué. Celles-ci y sont très attachées, arguant du lien étroit que ce principe permet d'établir entre le monde de l'entreprise et celui de la formation professionnelle. Je souscris à ce principe.

En pratique, la répartition de ces dépenses libératoires entre les établissements de formation fait l'objet d'une pré-affectation par les entreprises au moment de leur déclaration et les OCTA sont alors tenus de respecter ces décisions de pré-affectation en redirigeant les fonds vers les établissements de formation. Mais, en l'absence d'indication, 300 millions d'euros, soit 16 % du total de la taxe, n'avaient pas été affectés par les entreprises, laissant ainsi les OCTA seuls décideurs de la répartition de ces fonds. C'est sur ces fonds libres que je souhaite agir et introduire davantage de gouvernance. En effet, les flux de répartition de la taxe aboutissent à ce que l'apprentissage soit en réalité destinataire de près de 1,2 milliard d'euros, soit 62 % des fonds de la taxe d'apprentissage, par un report de fonds issus du hors quota vers le quota. Cet état de fait ne résulte donc d'aucune gouvernance de l'Etat ou des régions sur la répartition des fonds.

Par ailleurs, il n'existe aucune articulation des financements par la taxe et par les régions. Si les régions perçoivent 22 % de la taxe d'apprentissage via le FNDMA, le reste de la taxe est réparti sans stratégie globale autre que celle suivie par chaque entreprise ou organisme collecteurs. C'est pourquoi, au final, la dérive du dispositif se traduit par une attribution effective finale des fonds qui ne correspond pas au schéma de principe de répartition de la taxe d'apprentissage.

Le problème fondamental est donc celui de la gouvernance. Laisser aux OCTA la répartition des fonds libres ne favorise pas la meilleure réponse à apporter aux besoins des territoires. Il en ressort que contrairement au principe de « libre affectation » de la taxe d'apprentissage par l'entreprise, les OCTA sont de fait les seuls décideurs de l'affectation des fonds : soit la liberté d'affectation est relative, soit celle ci est pratiquée au niveau de la branche professionnelle et autofinance l'appareil de formation qu'elle gère en direct. De ce fait, les CFA interprofessionnels souffrent d'un déficit de financement.

D'autres problèmes d'utilisation des fonds se posent également :

- compte tenu des faiblesses des procédures d'agrément et de l'hétérogénéité des acteurs, le dispositif actuel ne prévoit aucune mutualisation dans la répartition des fonds collectés, alors même qu'il pourrait s'agir d'un objectif attendu d'une taxe à caractère fiscal ;

- le système actuel de listes préfectorales ne permet pas d'identifier avec précision les formations éligibles au financement par la taxe et les organismes qui les dispensent. Ce problème réglementaire d'affectation des fonds de la taxe d'apprentissage ne favorise pas le financement prioritaire des établissements qui en auraient le plus besoin.

L'ensemble de ces constats et dérives plaident pour une réforme profonde de la collecte qui doit précéder ou accompagner une non moins importante refonte du mécanisme de répartition. Je propose que cette réforme respecte trois principes, à savoir la simplification, la décentralisation et le paritarisme. Il s'agit donc :

- d'abord de simplifier, clarifier et homogénéiser la collecte avec un agrément précis délivré au niveau national soit par le transfert de la collecte aux URSSAF - comme cela est le cas pour l'assurance chômage -, soit par un adossement au réseau des organismes paritaires de collecte agréés qui ont été réformés dans le cadre de la formation professionnelle. Une autre solution serait de rationaliser le réseau des OCTA autour d'organismes régionaux interconsulaires et d'OCTA de branche, comme cela est en cours pour les OPCA et qui a permis d'en réduire le nombre et d'instaurer des conventions d'objectifs et de moyens ;

- ensuite d'introduire un pilotage régional dans la répartition de la taxe en fonction des priorités de formation définies, par exemple, au travers du contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle (CPRDFP) ;

- enfin, d'associer l'ensemble des acteurs en introduisant le paritarisme dans la collecte et la répartition des fonds.

Plusieurs réformes importantes de simplification du dispositif de collecte ont été introduites en 2005, notamment avec le renforcement du rôle d'intermédiation des OCTA. Mais de nombreuses mesures n'ont toujours pas été engagées. Je note qu'aucun relèvement du seuil de collecte n'est intervenu. La collecte reste donc fractionnée entre un grand nombre d'OCTA. La possibilité pour les entreprises de s'acquitter simultanément de leurs obligations auprès de plusieurs OCTA est restée ouverte. Toutes ces recommandations demeurent d'actualité et devront être intégrées dans le future réforme de la taxe d'apprentissage.

S'agissant de la collecte, j'ai recensé quatre pistes de réflexions alternatives : la réduction du nombre des OCTA, l'option d'un transfert de la collecte aux URSSAF, l'adossement de la collecte sur les OPCA qui sont aujourd'hui au nombre de 20 ou, enfin, la gestion de cette tâche par les régions.

A priori, j'écarte cette dernière piste qui n'est pas celle souhaitée par les régions. Dans le cadre du nouvel acte de la décentralisation, celles-ci ont souhaité se voir confier des responsabilités dans la répartition de la taxe, mais pas dans sa collecte. S'agissant de l'option d'un transfert de la collecte aux URSSAF, il apparaît nécessaire que, dans le cadre de l'élaboration du futur projet de réforme de la formation professionnelle, le bilan coût-avantages soit expertisé pour pouvoir se prononcer. Il ne me semble pas certain qu'une telle opération permette de dégager de réelles sources d'économies.

L'adossement de la collecte sur les OPCA pourrait également être envisagé, à la lumière de la réforme de 2009 qui a élevé de 15 millions à 100 millions d'euros le seuil de collecte et a permis de réduire de 65 à 20 le nombre de collecteurs. Cela va dans le bon sens, mais comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport annuel pour 2013, cette réforme, en cours d'application, demeure inaboutie. La encore, il est donc trop tôt pour retenir une telle orientation.

En prenant pour hypothèse la première proposition qui serait celle d'une réforme profonde des OCTA sur le modèle de la réforme des OPCA opérée en 2009, il faudrait a minima proposer les mesures de simplification et de transparence suivantes :

- limiter le choix de chaque entreprise à un seul organisme collecteur de la taxe d'apprentissage qu'il s'agisse d'un OCTA du ressort régional ou d'un OCTA de branche national ;

- instaurer un seuil minimum de collecte afin de parvenir à une quarantaine d'organismes collecteurs ;

- créer une tête de réseau des organismes collecteurs, qui jouerait un rôle d'appui, d'animation, de coordination et d'évaluation, et de confier ce rôle le cas échéant au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Cette solution permettrait aussi d'introduire une dose de paritarisme dans le circuit de collecte de la taxe ;

- d'autres préconisations techniques doivent également être mises en oeuvre, par exemple l'élaboration d'un modèle de reçu libératoire à délivrer aux entreprises commun à l'ensemble des OCTA ou l'extension à la taxe d'apprentissage du dispositif de contrôle envisagé jusqu'ici pour la seule CSA.

Il me semble qu'il faut aussi intervenir sur la structure même de la taxe d'apprentissage en la fusionnant avec la contribution de développement de l'apprentissage - taxe d'apprentissage et CDA fusionnées donneraient alors lieu à un prélèvement global et unique de 0,68 % - et en simplifiant la contribution supplémentaire à l'apprentissage. Je pense au remplacement des multiples taux et seuils de majoration par un « malus » forfaitaire calculé sur le quota d'apprentis que l'entreprise ne respecte pas.

Pour aborder la question de la réforme de la répartition du produit de la taxe d'apprentissage, je voudrais rappeler, en tant que rapporteur mais aussi que président de région, que la décentralisation a précisément pour objet, par la libre administration, d'orienter les crédits là où ils sont le plus pertinents pour mieux développer la politique de l'apprentissage. A cet effet, toutes les régions de France ont signé avec l'Etat des contrats d'objectifs et de moyens pour le développement de l'apprentissage en s'engageant à augmenter les moyens qui y sont consacrés. Je me félicite d'ailleurs que le nouveau Gouvernement ait ramené l'objectif de développement de l'apprentissage à un niveau réaliste, c'est-à-dire 500 000 apprentis à l'horizon 2017, au lieu de 600 000 en 2015. Je note que c'est dans cet esprit que les régions ont formulées deux propositions dans le cadre du nouvel acte de la décentralisation :

- premièrement, celle d'assumer la compétence pleine et entière de l'apprentissage et la répartition, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, de la totalité du quota de la taxe d'apprentissage et de la CSA dans le cadre d'un système de péréquation défini au niveau national ;

- et deuxièmement, celle de soumettre les propositions d'affectation du hors quota à l'accord de la région et à l'avis du Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), lequel comprend des représentants des salariés et des employeurs.

A ces propositions, auxquelles je m'associe, j'ajoute que la réforme doit s'inscrire dans un projet global de renforcement de l'apprentissage qui devra sous-tendre le texte que le Gouvernement nous présentera à la fin de l'année comme l'a annoncé le Président de la République. Pour ma part, je propose que la réforme permette de recentrer la gouvernance de la taxe vers le financement de l'apprentissage et suive les principes suivants :

- l'augmentation de la part de la taxe d'apprentissage réellement affectée à l'apprentissage ;

- l'attribution aux régions de la gouvernance de la répartition des fonds libres non affectés par les entreprises ;

- et le rééquilibrage du quota et du hors quota notamment pour prendre en compte la fusion de la taxe avec la CDA.

Pour traduire en acte ces principes, je préconise d'inscrire dans un cadre régional la répartition des fonds avec la région comme pilote, en coordination avec l'Etat et les partenaires sociaux. Ce pilotage régional de la répartition de la taxe d'apprentissage permettrait véritablement de prendre en compte les priorités de formation définies au travers du contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle (CPRDFP). Cette réforme conserverait le principe de libre affectation des entreprises mais en en limitant la part et en confiant aux régions la gouvernance concertée des fonds libres non-affectés.

Je souhaite que le Parlement puisse contribuer au dialogue qui va s'instaurer entre le Gouvernement et les partenaires sociaux en vue de l'élaboration du prochain projet de loi de réforme de la formation professionnelle. Toutefois, je ne souhaite pas préempter la concertation qui aura lieu en proposant d'emblée des recommandations chiffrées. C'est pourquoi j'ai préféré les termes de pistes et de préconisations pour décrire le scénario de simplification des trois taxes existantes au sein d'une « nouvelle taxe d'apprentissage » et d'une nouvelle gouvernance Etat-régions-partenaires sociaux que je vous propose.

M. François Marc . - Le Sénat a vocation à faire oeuvre utile grâce à ce travail, par exemple en envisageant le dépôt d'une proposition de loi qui pourrait traduire sur le plan législatif les préconisations que notre rapporteur a formulées. Je partage donc cette volonté de bâtir un dispositif plus rationnel.

M. François Trucy . - Il serait intéressant de comparer notre situation avec celle de nos voisins européens, notamment les Allemands dont la culture dans ce domaine est souvent citée en exemple.

M. Philippe Dallier . - Je souscris à ces critiques qui me font penser à celles formulées il y a quelques années à l'encontre de la collecte du 1 % logement : multiplicité des collecteurs et écart dans les coûts de gestion. La question de la répartition des fonds est fondamentale. Je prends pour exemple le campus des métiers qui a été créé en Seine-Saint-Denis mais dont le budget demeure fragile. Cet établissement peine à remplir l'ensemble de ses formations car sur 3000 places, il n'y a que 1 500 inscrits. Dans un département où la priorité est d'assurer une meilleure orientation des jeunes, cette situation apparaît totalement inacceptable. Il faut absolument que l'apprentissage devienne une filière de formation reconnue par tous les acteurs de l'orientation.

M. Francis Delattre . - Je soutiens l'idée de renforcer ces formations et c'est pourquoi je ne voudrais pas que vos propositions conduisent à écarter les chambres consulaires du système de financement de l'apprentissage alors que ce sont des acteurs proches du terrain et très engagés dans la gestion des centres de formation des apprentis. Cela marche bien dans mon département. Il me semble que les collecteurs nationaux posent davantage de problèmes. Pour autant, il ne faudrait pas leur substituer une collecte purement régionale. Il faut associer ces deux niveaux : régions et réseaux consulaires. Je suis donc d'accord pour la réduction du nombre de collecteurs, mais pas en faveur du seul échelon régional.

M. Jean Germain . - Ce sujet s'inscrit pleinement à la fois dans la future réforme de la formation professionnelle mais aussi dans le nouvel acte de la décentralisation. L'équilibre se modifie entre les différents niveaux de formation et l'on constate que les orientations récentes privilégient le fléchage des crédits vers les niveaux supérieurs de formation au détriment des niveaux CAP et BEP. Ensuite, si on pouvait parvenir à une fusion OCTA et OPCA, ce serait aussi un bon aboutissement tant en matière de gestion que de paritarisme. De même, il faudrait réussir à trouver un nouvel équilibre dans la répartition des compétences et des charges entre l'Etat et les régions.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Pour ma part, tout en félicitant le rapporteur, parmi les pistes évoquées, je suis réfractaire à l'instauration d'une collecte par l'URSSAF ou par les régions. Il nous faut attendre de voir le texte de la réforme pour nous prononcer plus avant.

M. François Patriat . - Je voudrais lever tout malentendu. Mon projet est clair : il s'agit d'économiser les deniers publics en simplifiant et en clarifiant le dispositif. Je pense que ces principes sont valables pour toute réforme. Je ne propose pas que les régions collectent la taxe d'apprentissage. Au contraire, je préconise que nous gardions les fonctions de collecte des réseaux consulaires dans le circuit mais elles seraient regroupées au sein d'OCTA régionaux interconsulaires. Je ne veux donc nullement écarter les CCI et les chambres de métiers. Par ailleurs, j'ai également émis des réserves sur une collecte confiée à l'URSSAF.

S'agissant de la répartition, je souhaite que les régions puissent davantage intervenir dans le schéma de gouvernance, avec l'Etat et les partenaires sociaux. Par exemple en Bourgogne, le CFA du sport perçoit dix fois plus de fonds que le CFA des métiers de bouche, cela ne peut pas continuer ainsi. Ensuite, par rapport au modèle allemand, je pense qu'il s'agit surtout d'une meilleure culture d'entreprise et d'orientation qui fait que l'alternance est clairement reconnue comme une des voix de la réussite. Sur ce plan, je milite pour des maisons régionales de l'orientation.

Enfin, on observe effectivement un transfert des fonds vers les formations supérieures et les grandes écoles. C'est pourquoi je souhaite réorienter davantage vers ceux qui en ont le plus besoin. Or il me semble que les régions sont bien placées pour intervenir dans le champ de la répartition, en bonne intelligence avec tous les partenaires.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. François Patriat, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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