DEUXIÈME PARTIE - LES ENJEUX FINANCIERS ET DÉMOCRATIQUES DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE, DE LA RADIOPROTECTION ET DE LA TRANSPARENCE

Les développements présentés dans la première partie ont permis de mettre en évidence la relative complexité des modalités de financement de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence . Ainsi, le financement du système de sûreté nucléaire et de radioprotection repose sur cinq programmes relevant de quatre missions distinctes et fait également intervenir une taxe affectée. S'il est également tenu compte des coûts indirects découlant des activités de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le nombre de programmes s'élève à sept et celui des missions concernées à cinq.

Aussi, il serait préférable de disposer d' une présentation des financements de l'ASN en coûts complets, de manière à disposer d'une vision exhaustive des moyens consentis à la sûreté nucléaire ainsi qu'à la radioprotection et à renforcer la lisibilité du dispositif - de cette manière, toute évolution des moyens fournis « indirectement » à l'Autorité pour l'exercice de ses missions serait identifiable.

Cette préoccupation s'inscrit, en outre, dans la perspective d'un renforcement du contrôle parlementaire sur le financement de la sûreté, de la radioprotection et de la transparence, comme cela est précisé infra .

Recommandation n° 1 : Faire figurer, dans la documentation budgétaire transmise au Parlement, le budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en coûts complets.

Eu égard aux enjeux sans précédent auxquels sera confronté, dans un futur proche, le système français de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transparence, un effort de rationalisation et de pérennisation de son financement s'impose , et ce tout en donnant de nouvelles marges de manoeuvre et de contrôle au Parlement en ce domaine.

I. LES DÉFIS À VENIR DU SYSTÈME DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Afin d' évaluer les besoins supplémentaires nécessaires au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans les années à venir , l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'est attachée à identifier et à hiérarchiser les principaux enjeux associés à celui-ci. Les résultats de cet exercice ont été communiqués par le Gouvernement à votre rapporteur spécial. Ainsi, les principaux sujets à traiter dans les années à venir sont au nombre de sept :

- contrôle du vieillissement et durée de fonctionnement des réacteurs électronucléaires ;

- contrôle des travaux consécutifs au retour d'expérience de l'accident de Fukushima pour l'ensemble des installations nucléaires de base (INB) - près de 1 000 prescriptions devant être mises en oeuvre d'ici 2022 ;

- contrôle de l'entrée en fonction, vers 2016, du réacteur pressurisé européen (EPR) sur le site de Flamanville ;

- encadrement et contrôle du démantèlement des réacteurs électronucléaires : recevabilité des dossiers et premiers travaux ;

- encadrement et analyse du réexamen de sûreté des quelque 50 installations exploitées par Areva et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) , et notamment de l'usine de retraitement de La Hague ;

- instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations (réacteur Jules Horowitz, centre industriel de stockage géologique - CIGÉO -, réacteur thermonucléaire expérimental international - ITER -, réacteur ASTRID, « petits réacteurs modulaires », etc.) ;

- élargissement de la transparence , information du public, commissions locales d'information (CLI) et international.

Lors de l'audition de leurs responsables, les représentants de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont indiqué à votre rapporteur spécial que pour répondre à ces grands enjeux dans la durée, il était nécessaire de renforcer les moyens humains et financiers
- essentiellement sous la forme de crédits de personnel - du dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
.

Cette préoccupation apparaît également dans l'avis de l'Autorité du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour les années 2015 à 2017 54 ( * ) , qui a estimé « indispensable d'engager maintenant le renforcement des moyens humains et financiers de l'ASN et de l'IRSN, dans la perspective de disposer, au terme du triennal, d'un renfort de 190 emplois (125 pour l'ASN, 65 pour l'IRSN) et d'un budget accru de 36 M€ (21 M€ pour l'ASN, 15 M€ pour l'IRSN) » - ce renforcement devant intervenir de manière progressive au cours des trois prochaines années.

Si ces moyens supplémentaires doivent faire l'objet d'un examen minutieux, notamment au regard des possibles gains d'efficience, votre rapporteur spécial note, malgré tout, que la mise sous tension à venir du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection a été reconnue par les exploitants d'installations nucléaires eux-mêmes , qui craignent, à ce titre, un engorgement de l'ASN et de l'IRSN qui retarderait l'examen de leurs dossiers de sûreté - en particulier dans un contexte marqué par d'importantes décisions industrielles prises par les exploitants, comme le souhait de prolonger la durée de vie des réacteurs existants (cf. encadré ci-après).

La poursuite du fonctionnement des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans

En 2009, Électricité de France (EDF) a émis le souhait d'étendre la durée de fonctionnement de ses réacteurs nucléaires significativement au-delà de quarante ans et de « maintenir ouverte l'option d'une durée de fonctionnement de 60 ans pour l'ensemble des réacteurs ». Les réacteurs nucléaires français ont été autorisés sans limitation de durée de fonctionnement ; pour autant, tous les dix ans, ils doivent faire l'objet d'un examen de sûreté détaillé. Ce réexamen de sûreté décennal est complémentaire au contrôle régulier des installations.

Quarante ans correspondent à la durée de fonctionnement des réacteurs initialement envisagée par EDF. Aussi, pour aller au-delà de cette durée de conception, la démonstration de sûreté doit-elle être révisée ou complétée. En particulier, l'exploitant doit démontrer que le vieillissement des matériels est maîtrisé compte-tenu de la nouvelle durée de fonctionnement envisagée ; certains équipements doivent être remplacés et des améliorations de sûreté doivent être apportées . C'est à ce titre que la durée de quarante ans constitue une étape significative au regard du fonctionnement du réacteur.

Dans les années à venir, les réacteurs actuels coexisteront avec des réacteurs de type EPR ou équivalent, dont la conception répond à des exigences de sûreté significativement renforcées. Dès lors, trois objectifs s'imposent, selon le Gouvernement :

- démontrer la conformité des réacteurs avec la réglementation applicable ;

- apporter la démonstration de la maîtrise du vieillissement et de la gestion de l'obsolescence de ses équipements ;

- rehausser le niveau de sûreté des réacteurs au regard des nouvelles exigences de sûreté exigées actuellement pour les réacteurs de type EPR ou équivalent, de l'état de l'art en matière de technologies nucléaires et de la durée de fonctionnement visée.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère que la poursuite du fonctionnement des réacteurs au-delà de quarante ans n'est envisageable que si elle est associée à u n programme volontariste et ambitieux d'améliorations au plan de la sûreté , en cohérence avec les objectifs de sûreté retenus pour les nouveaux réacteurs et les meilleurs pratiques sur le plan international.

L'Autorité insiste, en particulier, pour que les études de réévaluation de sûreté et les objectifs radiologiques associés soient considérés au regard des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs , tel l'EPR, conformément à la position retenue en 2010 par l'association des responsables des autorités de sûreté nucléaire en Europe (WENRA).

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

En outre, quelle que soit l'ampleur jugée souhaitable du renforcement des moyens publics de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, votre rapporteur spécial estime que celui-ci devra intervenir sans attendre . En effet, tout report de cette opération qui paraît, de toute évidence, nécessaire, exposerait le dispositif français à des pertes de compétences en raison du renouvellement insuffisant, ou insuffisamment rapide, des ressources humaines de l'ASN et de l'IRSN.

Enfin, votre rapporteur spécial a acquis la conviction, au fil des auditions qu'il a menées, que l'efficacité du « dispositif dual » dépasse le seul enjeu de la sûreté nucléaire dès lors que celui-ci participe par ailleurs pleinement à la réputation de la filière nucléaire française à l'étranger et donc à sa compétitivité .


* 54 Cf. avis n° 2014-AV-0205 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour les années 2015 à 2017.

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