EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 juillet 2014 sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission des finances a entendu une communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sur le musée national du sport.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Dans la culture française, associer dans un même nom les mots « musée » et « sport » peut paraître insolite, voire relever de la provocation, tant la vision élitiste que nous avons de la culture en général et des musées en particulier s'accorde mal avec l'univers populaire du sport. Pourtant, il existe un musée national du sport (MNS), même si encore trop peu de nos concitoyens le savent.

Comme nous allons le voir, ce défaut de popularité vient, en partie, d'une histoire mouvementée, ponctuée par des déménagements. Il vient aussi d'une incapacité à présenter les riches collections qu'il possède dans des conditions optimales - du moins, jusqu'à présent.

Alors que le musée aborde une étape cruciale de son existence en déménageant à Nice, pour ce qui peut s'apparenter à une dernière chance de trouver son public, et dans des conditions financières dont nous reparlerons, il m'a paru nécessaire porter un regard d'ensemble sur cet établissement public.

L'idée que la France dispose d'un tel musée pluridisciplinaire date de 1963, à l'initiative de Maurice Herzog, alors secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports. Cependant, la naissance du musée prendra du temps. De fait, pendant plus de deux décennies, le musée, à défaut d'être complètement virtuel - puisqu'il a acquis ses collections au cours de cette période - ne disposait pas de lieu d'exposition et n'était donc pas identifiable par le public.

Ce n'est qu'en 1988, soit vingt-cinq ans après le lancement du projet, qu'un espace a pu lui être consacré au sein du Parc des princes.

Néanmoins, dix ans plus tard, les travaux engagés pour l'organisation de la Coupe du monde de football de 1998 et les besoins propres du Paris Saint-Germain, club résident du Parc des princes, conduisent à la fermeture des galeries du MNS. Seules restent sur place l'administration et les réserves du musée, qui redevient en quelque sorte « virtuel ». La Cour des comptes, en 2011, n'a pas manqué de relever le paradoxe qui a voulu que ce soit au cours de cette période d'absence de musée physique que le MNS s'est vu accorder le label de « Musée de France » par le ministère de la culture. De même, c'est en 2006 qu'il a accédé au statut d'établissement public à caractère administratif (EPA).

Enfin, après avoir disposé à compter de 2008 d'un espace au rez-de-chaussée des locaux du ministère des sports, dans le treizième arrondissement de Paris, qui ne lui a pas permis de trouver son public, le ministère a fait le choix, en 2010, d'un déménagement à Nice qui vient tout juste de se concrétiser.

La Cour des comptes, qui a consacré au MNS une partie de son rapport public annuel de 2011, a effectué, à cette occasion, quelques constats cinglants.

Ses critiques portaient sur la tutelle du ministère des sports, qu'elle a qualifiée de « déficiente ». En effet, la tutelle était éclatée entre la direction des sports et la direction des ressources humaines du ministère, dans des conditions peu claires de partage des rôles. À titre d'illustration, le contrat de performance de l'établissement public n'a été signé qu'en 2010, quatre ans après sa création.

Au-delà de ces problèmes administratifs, c'est surtout l'échec du musée sur ses missions fondamentales qui était préoccupant. La « vitrine » parisienne au rez-de-chaussée du ministère n'attirait que moins de cinquante visiteurs par jour en moyenne. D'un point de vue scientifique et culturel, les constats n'étaient pas meilleurs, les quelque 1 200 m 2 alors disponibles ne permettant d'exposer de manière permanente qu'environ 350 objets sur le site, c'est-à-dire une partie très restreinte des collections.

Les conditions de travail du personnel (une vingtaine d'emplois) étaient compliquées par l'éclatement des sites : administration au bois de Boulogne, réserves au Parc des princes, exposition dans le treizième arrondissement. Les témoignages que j'ai recueillis m'ont montré la situation très difficile à vivre d'un point de vue humain par les employés du musée face à cette situation d'échec très frustrante.

En 2010, comme l'a souligné la Cour des comptes, c'est donc bien l'existence même du musée national du sport qui était en question. Constat amer au vu, d'une part, de la réelle richesse des collections du MNS et, d'autre part, du succès que des lieux comme le musée du Comité international olympique à Lausanne ou le musée du Barça (lieu le plus visité de toute la Catalogne), qui montrent le grand potentiel de tels établissements.

Le ministère des sports a alors décidé un déménagement en province, dans une ville où le musée pourrait être davantage mis en valeur qu'à Paris et disposer de plus d'espace. Très vite, le choix s'est porté sur Nice, ville qui avait alors lancé son projet de nouveau stade « Allianz Riviera ».

Selon ce que m'ont dit mes différents interlocuteurs, cette candidature était la seule vraiment concrète - ce qui peut d'ailleurs sembler surprenant pour un équipement de ce type.

S'agissant des locaux, le musée dispose d'un espace total de 5 860 m 2 , dont 2 000 m 2 pour le seul espace d'exposition. Celui-ci est donc sensiblement plus vaste qu'à Paris, ce qui permet de montrer davantage d'objets et de prévoir un espace réservé à des expositions temporaires. Le musée dispose également d'une boutique pour vendre des produits dérivés. De plus, l'établissement public dispose enfin d'un même lieu pour l'espace d'exposition, son personnel et ses réserves, ce qui est une réelle source d'optimalité.

Je tiens à souligner la grande mobilisation du personnel, très motivé et désireux de faire de cette expérience un succès. On relèvera toutefois que neuf agents, soit environ la moitié d'entre eux, n'ont pas souhaité suivre le musée à Nice. Selon les éléments qui m'ont été transmis, le coût total des mesures de reclassement s'est élevé à 110 000 euros.

Le financement du déménagement mérite un développement particulier - d'autant qu'il a évolué au fil du temps. Outre la préparation du déménagement des précédents locaux du Parc des princes, qui a coûté un peu plus d'un million d'euros répartis sur 2010 et 2011, l'opération a entraîné le versement par l'État au musée d'une subvention d'investissement de 143 000 euros en 2012 pour préparer le déménagement à Nice, puis d'une subvention de 1,256 million d'euros en 2013 qui tient compte des dépenses consécutives à la libération des locaux parisiens - pour l'essentiel, la remise en état de la vitrine.

En revanche, en 2012, la question du financement de l'emménagement à Nice, avec la conception et l'aménagement des nouveaux locaux, restait pendante et n'avait pas été réglée par le gouvernement sortant. Or, à l'échelle du musée - et même du programme « Sport », il ne s'agissait pas d'un montant négligeable, l'effort exceptionnel à réaliser s'élevant à 4,5 millions d'euros pour l'année 2013.

Des négociations menées entre la précédente ministre, Valérie Fourneyron, et le maire de Nice, Christian Estrosi, ont abouti, du fait de la commune volonté des parties de clore le dossier, à un accord en mars 2013. Ainsi, c'est la Ville de Nice qui a avancé la somme nécessaire en 2013 sous forme d'une subvention forfaitaire. En contrepartie, le musée versera, pour solde de tout compte à la ville, une redevance d'occupation de 537 221 euros hors taxes par an pendant dix ans - ce qui couvrira l'emprunt municipal et les intérêts. Au terme de cette période, le musée occupera ses locaux à titre gracieux. On relèvera enfin que le fonds de roulement du musée a fait l'objet de deux ponctions, de 600 000 euros en 2013 puis de 430 000 euros en 2014.

Compte tenu de ce qui précède, on constate que l'évolution de la subvention de l'État au musée hors charges de personnel reste maîtrisée au vu de l'ampleur de l'opération en cours.

Après une exécution 2013 élevée en crédits de paiement (CP) du fait de la remise en état des locaux parisiens, on note que l'année 2014 intègre le premier versement de redevance de 537 221 euros à la mairie de Nice. Ensuite, la subvention 2015 devrait augmenter à nouveau pour tenir compte des besoins dans ces nouveaux locaux plus vastes. Puis, à compter de 2016, la subvention devrait baisser en tenant compte de l'augmentation des recettes propres du musée. Bien entendu, après 2023, il n'y aura plus à financer la redevance annuelle à la Ville de Nice.

S'agissant du personnel, après le creux logiquement enregistré à la suite des départs des agents ne souhaitant pas aller à Nice, le niveau normal de 19 emplois en équivalent temps plein (ETP) devrait être de nouveau atteint dès la fin de l'année. Il a vocation à rester stable au fil des ans.

Au total, un peu moins de quatre semaines après l'ouverture du musée au public, seul l'avenir dira si le pari de la délocalisation est réussi. Je voudrais dire, cependant, qu'à mes yeux, cette opération « de la dernière chance » méritait d'être tentée. En premier lieu parce que le MNS propose une expérience culturelle originale, qui méritait un écrin plus valorisant que ses anciens locaux parisiens. En deuxième lieu parce que ce musée possède de riches collections, susceptibles d'attirer aussi bien les amateurs de musées traditionnels qu'un public nouveau pour ce genre d'endroits. Et en troisième lieu parce que l'opération a un coût finalement raisonnable, qui sera bien absorbée par le budget du programme « Sport » grâce à la négociation menée entre Valérie Fourneyron et la ville de Nice.

Les facteurs de succès existent. Ils existeront d'autant mieux à l'avenir si le quartier de l'Allianz Riviera, aujourd'hui relativement mal desservi par les transports en commun, se développe dans les années à venir comme le prévoit la mairie.

Une fois formulés ces constats, au stade où nous en sommes (déménagement réalisé, ouverture effectuée), mes préconisations seront nécessairement limitées. Elles concerneront l'État et le musée lui-même.

L'État devra exercer une tutelle efficace sur l'établissement, en particulier en fixant des objectifs clairs à la direction. Ceux-ci devront notamment concerner la fréquentation du musée, qu'il s'agisse de la fréquentation globale ou du niveau d'entrées de certains publics cibles. Ils devront également inclure des objectifs financiers comme le développement des recettes propres (billetterie, boutique, etc.). Même s'il est probablement illusoire de prévoir un autofinancement à brève échéance, on pourrait imaginer qu'à terme, le musée ne coûte pas plus cher à l'État qu'au temps de sa « vitrine » parisienne.

Quant au musée, il lui reviendra de se faire connaître dans son nouvel environnement - mieux qu'à Paris. Cela passera sans doute, dans un premier temps, par de classiques opérations de communication, notamment lors des pics de la saison touristique. Mais il faudra surtout, à terme, donner envie au public local de revenir. Cela passera par l'organisation d'expositions temporaires. Et, loin de Nice, des prêts et des échanges avec des lieux d'exposition plus classiques pourraient aussi permettre à ce musée trop méconnu de rayonner auprès d'un public plus habitué des musées. Le contrat d'objectifs ou la lettre de mission gagneraient donc également à aborder ces thématiques.

M. François Marc , rapporteur général . - Je remercie le rapporteur spécial pour cette communication, dont j'avoue qu'elle m'a fait connaître un musée dont j'ignorais l'existence. Vous avez parlé d'opération de la dernière chance. On peut espérer qu'à Nice, ville peuplée et accueillant de nombreux visiteurs, le MNS pourra susciter de l'intérêt. Malgré tout, il sera difficile d'atteindre la fréquentation des musées plus ciblés dont vous avez parlé, comme le musée du Barça, où les visiteurs sont attirés par un club et une discipline particulière.

Au bout du compte, pensez-vous qu'un musée omnisports comme le MNS trouvera un rythme de croisière à un niveau élevé de visiteurs ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Il n'existe que très peu de musées parfaitement comparables, pouvant servir de points de référence. Le plus proche est sans doute le musée de Cologne, qui connaît un réel succès. Pour le reste, à Lausanne, on ne s'intéresse qu'aux sports olympiques, certes assez nombreux. Quant à Barcelone, on ne s'intéresse qu'à un seul club.

À mes yeux, l'un des facteurs clés de succès du MNS, qui ne pourra pas s'appuyer sur de tels fondements, sera sa capacité à se renouveler au travers d'événements ou d'expositions provisoires. Ses collections sont immenses et pourront tourner au gré de l'actualité sportive. Il devra aussi collaborer avec d'autres institutions, en prêtant des oeuvres ou en prenant des dépôts des oeuvres d'autres musées.

Dix jours avant l'ouverture, même si tout n'était pas encore en place, j'ai pu voir un superbe écrin, avec une muséographie bien faite. Il reste donc à trouver les moyens d'attirer du public toute l'année.

M. Philippe Marini , président . - Quels sont les objectifs en termes de fréquentation ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Comme je l'ai indiqué, il n'y en a pas à ce jour car, après avoir failli mourir, le MNS repart de zéro avec ce déménagement. Mais il va falloir déterminer rapidement de tels objectifs à l'issue des premières observations sur le potentiel du lieu. Le premier week-end a attiré 3 000 visiteurs mais la visite était exceptionnellement gratuite...

M. Philippe Marini , président . - On risque de finir vers 15 à 20 000 visiteurs par an. Où le musée est-il situé dans Nice ?

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Il est dans le nouveau stade, excentré vers l'ouest de la ville. Pour l'instant, l'accès en transport en commun pèche un peu, même si le train des Pignes s'y arrête. Cependant, le quartier devrait se développer et être desservi par le tramway d'ici à 2018.

M. Vincent Delahaye . - Je suis assez sceptique sur le concept de ce musée mais, comme l'indique le rapporteur spécial, l'État et la ville de Nice ont déjà consenti des efforts financiers. Il est tout de même gênant qu'un tel lieu soit difficile d'accès. L'enjeu n'est pas majeur du point de vue des finances publiques. Je trouve néanmoins illogique que cet établissement ne se soit pas vu assigner d'objectifs chiffrés précis.

M. Aymeri de Montesquiou . - À mes yeux, l'État devrait avoir d'autres priorités en matière d'investissement et laisser la ville de Nice gérer cet établissement et assumer les dépenses correspondantes.

Mme Michèle André . - Il y a quelque part une contradiction entre ce qu'est un musée, c'est-à-dire la conservation d'oeuvres matérielles ou immatérielles, et l'identité du sport, lié à la vie et à l'éphémère. De plus, le caractère omnisports n'est pas toujours très valorisé. Qu'expose donc le MNS ? Et quelles expositions temporaires a-t-il prévu, le cas échéant ?

M. Richard Yung . - Même si l'enjeu budgétaire est faible, je suis saisi d'un doute face à ce musée. Avec 20 000 visiteurs par an, même à dix euros le billet, ce qui serait cher, on ne parviendrait qu'à 200 000 euros de recettes, bien loin du niveau des charges et de la seule redevance à verser à la ville de Nice. Peut-être faut-il considérer ce musée comme un investissement, par exemple à l'égard du jeune public, mais certainement pas comme un établissement potentiellement rentable...

M. Yvon Collin . - J'ai la même interrogation que Michèle André. Qu'expose-t-on au MNS ? Car l'engouement immédiat que suscite le sport n'est pas de même nature que le souvenir d'exploits passés. Il faut que ce musée raconte une histoire, qu'il fasse rêver le public. Par ailleurs, son accessibilité sera sans doute une question clé.

M. Éric Doligé . - Certains l'ont dit, l'enjeu budgétaire est faible, la subvention de l'État représentant à peine un mois de salaire d'une star du football... Le musée pourrait d'ailleurs probablement attirer du monde en faisant venir en ses murs, une fois par mois, un sportif très connu qui signerait des autographes aux visiteurs. Quant à nous, laissons la ville de Nice assumer ses choix et dressons le bilan de ce déménagement d'ici un ou deux ans.

M. Philippe Marini , président . - Un musée en province coûte moins cher qu'à Paris...

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Plusieurs intervenants ont parlé de laisser faire la ville de Nice, mais le MNS est un musée d'État, d'ailleurs labellisé « Musée de France ». L'État ne peut donc s'en désintéresser.

Il est situé dans le nouveau stade de Nice. Il est visible et accessible de l'extérieur.

J'ai moi-même, comme certains d'entre vous, évoqué la nécessité de fixer des objectifs à ce musée. Mais je reconnais la difficulté de l'exercice car ce lieu n'a pas d'équivalent dans notre pays. J'ajoute que, même s'il est possible que les choses changent à l'avenir, les musées niçois sont aujourd'hui gratuits, les habitants n'ayant donc pas l'habitude de payer pour se rendre dans un musée.

S'agissant du quartier, je vous ai parlé de sa situation actuelle. Il est, en effet, excentré et relativement peu desservi par les transports en commun. Mais la mairie m'a souligné qu'il devrait se transformer dans les années à venir, à l'instar d'autres quartiers environnant des grands stades. Le tramway devrait venir d'ici quatre ans. Or, au minimum, le musée vivra dix ans. C'est, en quelque sorte, sa vraie naissance, cinquante ans après sa création officielle, d'où la difficulté d'avoir des références claires dans cette phase.

Les objets exposés sont très divers. Il y a de nombreux accessoires de sport, comme des voitures de course, des vélos de champions, les gants de Marcel Cerdan, des médailles des différentes olympiades, etc. Mais on y trouve aussi de nombreuses affiches et d'autres illustrations des à-côtés du sport. Les expositions temporaires auront vocation à accompagner de grands événements comme l'Euro 2016, dont plusieurs matchs se joueront à Nice. Mais certaines pourront aborder des thématiques hors de l'actualité immédiate, comme les rapports entre le sport et la mode.

Je vous invite à aller voir ce musée, plaisant à visiter. A l'origine, mes travaux ont été motivés par les incertitudes concernant le financement du déménagement à Nice. Depuis lors, les choses se sont aplanies, notamment grâce à l'effort de la ville sans laquelle il n'y aurait sans doute plus de MNS mais, peut-être, des fragments de collections présentées ici ou là.

M. Philippe Marini , président . - On peut imaginer que l'activité du musée sera liée à celle du stade.

M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial . - Ce n'est pas si sûr, le musée devant fermer au moment des matchs. Il devra donc attirer son public par lui-même.

Acte a été donné au rapporteur spécial de sa communication et il a été décidé d'autoriser la publication du rapport.

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