CHAPITRE III - LES ACTIONS INTERNATIONALES

Michel DELEBARRE

Sénateur du Nord

I. PROPOS INTRODUCTIF

L'action internationale des collectivités territoriales en matière de lutte contre le changement climatique couvre deux aspects complémentaires.

Le premier volet, le plus prégnant, est l'action quotidienne des collectivités dans le cadre de leurs compétences. Comme le rappelle le récent rapport de votre rapporteur et de Ronan Dantec sur le rôle des collectivités territoriales dans les négociations climatiques, 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à des décisions prises localement dans de nombreux domaines d'actions des collectivités territoriales : énergie, assainissement de l'eau, transports, traitement des déchets, urbanisme,... L'expérience acquise dans ces conditions peut être valorisée dans le cadre de la coopération décentralisée.

En France, on dénombre environ 5 000 collectivités qui coopèrent avec près de 10 000 partenaires locaux et régionaux dans 145 pays. Cela représente plus de 13 000 projets de coopération décentralisée.

Le savoir-faire des collectivités territoriales et leurs expertises dans l'ensemble de leurs champs de compétence sont reconnus par tous. En 2011, le ministère des Affaires étrangères avait créé un label « expertise internationale des collectivités territoriales françaises » sur la base des dossiers déposés par les collectivités territoriales françaises sur des compétences ou des savoir-faire clairement identifiés 13 ( * ) .

Les volumes financiers correspondants sont importants. S'il n'existe pas de chiffrage précis, on estime généralement à 230 millions d'euros les sommes dépensées par les collectivités territoriales françaises pour leurs actions internationales. Votre rapporteur salue à cet égard la mise en place d'un nouvel outil financier, inspiré de ce qui existe déjà pour l'eau et l'assainissement, afin de financer les projets relatifs aux déchets : « le 1% déchets ». La loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale permet désormais aux collectivités territoriales de consacrer 1% des ressources du budget total des services de collecte et de traitements des déchets ménagers à des projets de coopération sur ce même thème.

La ville de Paris a ainsi annoncé en juillet 2015 qu'elle mettait en place progressivement ce dispositif, dès cette année avec 120 000 euros, pour atteindre 1 million d'euros en 2020.

La prise en compte du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique dans cet ensemble d'actions s'est accrue récemment pour deux raisons :

- d'une part, le développement durable et la lutte contre le changement climatique innervent de nombreuses compétences traditionnelles des collectivités territoriales, et de ce fait, peuvent aisément donner lieu à des projets de coopération décentralisée (transport, assainissement, traitement des déchets) ;

- d'autre part, nos collectivités détiennent des responsabilités spécifiques de plus en plus nombreuses en matière de protection du climat. Elles pilotent et coordonnent les Agenda 21, les plans climat, ou encore les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie.

Sur ces fondements solides, la « diplomatie des villes » a pris un essor remarquable et devrait de plus en plus contribuer à l'avancée pragmatique de la lutte contre le réchauffement climatique.

En 2004, la Charte de la coopération décentralisée et du développement durable élaborée par Cités Unies France, l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe, le Comité 21, le réseau 4D ainsi que des collectivités territoriales particulièrement engagées, telle la région Nord-Pas de Calais, a été publiée. Cette dernière vise à inciter et aider les collectivités territoriales à inscrire leurs actions de coopération décentralisée dans une perspective de développement durable. En outre, cette charte est accompagnée d'un guide méthodologique afin d'aider les collectivités territoriales à en appliquer concrètement les principes.

Deux autres déclarations internationales adoptées par des collectivités territoriales peuvent être mentionnées afin d'illustrer leur volonté de s'investir concrètement dans la lutte contre le réchauffement climatique. La déclaration de Saint-Malo, adoptée en 2008, vise à mutualiser les informations relatives à la création et à la mise en oeuvre des plans climat. Le point 5 de la déclaration vise à « partager de façon systématique l'information sur les politiques régionales de changement climatique, les meilleures pratiques et les réponses face au changement climatique ». Par ailleurs, le pacte de Mexico de 2010 incite « à réaliser un inventaire complet des engagements locaux, dans le but de partager les informations et les pratiques pertinentes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour garantir le sérieux et la pérennité de la démarche, les signataires du pacte s'engagent à créer un secrétariat permanent et à un enregistrement systématique des réalisations, de telle sorte que celles-ci soient mesurables, communicables et vérifiables ». Entre 2010 et 2011, les signataires du pacte ont réussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de près de 450 millions de tonnes.

Le deuxième volet de l'action internationale des collectivités territoriales, affirmé lors du Sommet de Rio de 1992, est la volonté d'obtenir au niveau international une reconnaissance du rôle des collectivités territoriales de tous les pays dans la conservation de l'environnement. À cet égard, on constate d'ores et déjà une structuration de la parole des élus locaux dans les négociations internationales, grâce la création d'associations internationales comme le Conseil des communes et régions d'Europe ou encore Cités et gouvernements locaux unis.

Depuis la Conférence sur le climat de Montréal, les collectivités territoriales, se réunissent en marge du sommet afin d'exprimer leurs souhaits. Le premier de ces textes est la déclaration de Montréal de 2005, dans laquelle les signataires, principalement des collectivités locales des États-Unis, du Canada, de France et d'Afrique, s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effets de serre. Il est intéressant de noter que ces années correspondent dans les négociations entre États à une stagnation (avancées difficiles des négociations ouvertes par le cycle de Doha, refus de ratification de protocole de Kyoto par les États-Unis,...). Face aux avancées jugées trop faibles, les collectivités territoriales ont souhaité porter la lutte contre le réchauffement climatique et se voir reconnaître un rôle officiel dans les négociations. C'est notamment le sens de la déclaration en marge du sommet de Bali de 2007 : le Local Governement Climate Roadmap .


* 13 La solidarité internationale à l'échelle des territoires : état des lieux et perspectives, rapport sénatorial n° 123 de Jean-Claude Peyronnet, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, session 2012-2013.

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