B. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 11 FÉVRIER 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LE NORD LE 13 NOVEMBRE 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Mes chers collègues, compte-tenu de l'ordre du jour particulièrement dense et de l'horaire, nous allons tout de suite commencer par le compte-rendu du déplacement dans le Nord, le 13 Novembre 2015, date funeste.

Mme Valérie Létard . - Merci madame la Présidente. Le 13 novembre dernier, une dizaine d'entre nous se sont rendus à Valenciennes, dans le département du Nord. J'ai été très heureuse de pouvoir accueillir cette partie assez significative de la délégation à la communauté d'agglomération de Valenciennes Métropole que j'ai eu l'honneur de présider jusqu'à mon élection récente au Conseil Régional. Je remercie encore Élisabeth Lamure d'avoir bien voulu organiser ce déplacement, qui avait un relief particulier du fait qu'y a également participé le président du Sénat, Gérard Larcher. Nous accompagnaient aussi Olivier Cadic, Michel Canevet, Jacky Deromedi, Jacques Legendre, Patricia Morhet-Richaud, Claude Nougein, Sophie Primas et Michel Vaspart.

Le Nord est le département le plus peuplé de France, avec plus de 2,6 millions d'habitants. C'est une terre d'industrie en perpétuelle mutation et c'est ce que j'espère vous avoir fait toucher du doigt au cours de cette journée. Les dernières décennies ont été marquées par le double séisme qui a touché la sidérurgie et les mines, et qui a eu des conséquences sur 40 000 emplois directs sur un arrondissement de 400 000 habitants. Le taux de chômage a ainsi grimpé à 22 % sur l'arrondissement de Valenciennes, avec des poches à 35 %. Pour vous donner un ordre d'idée, des villes comme la commune de Denain sont passées du plein emploi à aucun emploi. Sont restés les gens qui étaient prisonniers de leur condition.

Une reconversion industrielle a été engagée au début des années 1990. Les collectivités territoriales ont accompagné les entreprises dans cette reconversion du territoire, en s'appuyant notamment sur l'université de Valenciennes et du Hainaut qui joue un rôle particulier. Cette université a vocation à attirer de nouvelles industries, former leurs personnels d'encadrement et permettre aux jeunes des familles modestes d'accéder à l'enseignement supérieur. La particularité de cette université qui est très ouverte au secteur économique est d'être née d'un IUT ; elle a toujours entretenu des liens avec les acteurs économiques du territoire jusqu'à devenir une grande université.

La communauté d'agglomération, créée il y a dix ans, n'a eu qu'une seule stratégie : l'investissement. Elle a ainsi entrepris de raser les friches industrielles, de les dépolluer, de les aménager, de les fibrer... Nous avons fait de Valenciennes une agglomération de projet plutôt qu'une agglomération de service, tout simplement parce que l'on partait d'une situation qui nécessitait de restructurer des friches sans lesquelles on ne pouvait pas bâtir de reconversion économique. 170 personnes y travaillent, pratiquement 50 % de cadres avec des ingénieurs et des chargés de mission, typiquement sur un modèle d'agence d'urbanisme et développement, avec pour priorités : la mobilité, l'accessibilité, les grands équipements... 15 % des revenus de l'agglomération viennent de l'autofinancement, alors que c'est un territoire extrêmement pauvre bénéficiaire du Fonds de péréquation. Je citerais quelques une de nos grandes réalisations : Transalley, le technopôle des mobilités innovantes et durables développé autour de grands acteurs automobiles et ferroviaires, d'une université et d'un pôle de recherche aménagé sur une zone de 25 hectares; les Rives créatives, pôle d'excellence numérique et technologique que nous avons aménagé sur les rives de l'Escaut, sur une friche Vallourec, située sur 27 hectares en plein coeur de ville, qu'il a fallu raser, dépolluer, aménager pour en faire un pôle d'excellence numérique qui bénéficie d'un data-center et d'une école supérieure de 900 étudiants dans le domaine du numérique ; enfin, le terminal à conteneurs au bord de l'Escaut, premier port de fret régional au service de la logistique durable. L'enjeu, pour nous, c'est de structurer des filières et de spécialiser les territoires, en créant des dynamiques locales sur des niches ou autour de clusters rapprochant les étudiants, les laboratoires de recherche, les entreprises... Ainsi, la Picardie mise sur l'agroalimentaire, particulièrement les céréales, le sud du département sur la mobilité durable, la côte sur les énergies renouvelables et la métropole lilloise sur la Silver economy.

Une fois dressé ce bref panorama, nous avons pu entendre une petite vingtaine de chefs d'entreprise, qui représentaient bien la diversité industrielle qui caractérise le Valenciennois : des grands employeurs du monde des transports comme Toyota ou Alstom, aux jeunes entreprises innovantes du numérique ou du développement durable, en passant par des entreprises de taille intermédiaire du monde de la mécanique, de la logistique ou de la fabrication, ou encore des sous-traitants du ferroviaire ou de l'automobile.

Ils ont témoigné de plusieurs difficultés qui avaient déjà été signalées à la Délégation lors de ses précédents déplacements :

- la complexité juridique : le « choc de simplification » reste insensible sur le terrain ; les entrepreneurs ont la sensation que nous légiférons sans arrêt pour peu de choses ; ils ont notamment dénoncé la complexité du droit social, et notamment du compte pénibilité et du compte personnel de formation, dont ils ne voient pas l'utilité. Ils estiment que cette complexité mobilise des armées au sein des entreprises comme au sein des services de l'État. La numérisation est vue comme une piste pour favoriser la simplification : l'un des participants a ainsi insisté sur la nécessité de numériser les greffes pour alléger les formalités des entreprises ;

- la frilosité de l'administration : aux yeux des entrepreneurs - je relate stricto sensu ce qui a été dit -, le fonctionnaire, même efficace, a peur et, de ce fait, ne prend de risques que sur ordre du préfet ;

- le manque de flexibilité du droit du travail : si les entrepreneurs ont salué la possibilité de renouveler les CDD, ils ont jugé que la durée des CDD (18 mois maximum) était trop courte, même doublée par le renouvellement: ainsi, le directeur général de Toyota a estimé que doubler la durée du CDD pour la porter à 36 mois serait un bon facteur de relance ; un entrepreneur a aussi proposé que les entreprises puissent adapter les contrats de travail de leurs employés en fonction des contrats qu'elles concluent avec leurs clients ; un autre a indiqué être obligé de recourir à l'intérim pour des contrats clients de deux ans, ce qui n'était satisfaisant pour personne, à commencer par l'entreprise, obligée de former les intérimaires ; le représentant d'Alstom a jugé que le défaut de flexibilité et le recours à l'intérim représentaient une difficulté centrale pour l'industrie ferroviaire. Sur ce point, le patron de Toyota nous a expliqué que sur l'arrondissement de Valenciennes qui connaît 15 % de chômeurs, la limitation des contrats empêchait des demandeurs d'emplois valenciennois qualifiés et ayant déjà travaillé chez Toyota d'y occuper des emplois à durée déterminée. L'entreprise est obligée d'aller recruter à l'extérieur de l'arrondissement. Les travailleurs viennent ainsi de plus en plus loin pour travailler chez Toyota du fait de la nature des contrats. Dans l'industrie automobile, Toyota emploie 4 000 CDI mais également 800 CDD composant ses équipes de nuit qui représentent une variable d'ajustement utile ;

- la durée d'indemnisation du chômage : un dirigeant de PME a déploré que certains ouvriers fassent tout pour être licenciés et bénéficier d'indemnités chômage pendant deux ans. Il a aussi voulu souligner que d'autres ouvriers se donnaient sans compter et regretté que ceux-là entendent parler de parachutes dorés ;

- les distorsions de concurrence intra-européennes : le secteur de la logistique a particulièrement souligné les écarts croissants entre les législations française et européenne, encore plus sensibles dans une région frontalière. Ainsi, les charges sociales, la fiscalité, la rigidité du droit du travail disqualifient la France par rapport aux autres pays européens. Notamment, la définition du temps de travail diffère entre la France et les pays voisins : par exemple, un chauffeur français est payé le temps de ses arrêts pour une livraison, alors que ce temps de repos n'est pas rémunéré à l'étranger ; un entrepreneur ayant démarré son activité en Belgique a indiqué que la différence de charges sociales avec la Belgique était telle que les coûts salariaux étaient 30 % plus élevés en France qu'en Belgique;

- les difficultés de financement des entreprises : plusieurs ont dénoncé la frilosité des banques qui demandent des garanties importantes alors qu'elles prennent des risques qu'ils jugent minimes. Le rôle facilitateur de la BPI a été souligné, même s'il a été indiqué que la BPI aussi demandait la caution du dirigeant, ne serait-ce que pour contre garantir le prêt bancaire. L'un des entrepreneurs présents a même confié être caution à hauteur de 15 fois sa maison, donc ne plus craindre de l'être encore!

- les difficultés liées au contrôle fiscal du crédit impôt recherche (CIR), contrôle qui intervient trop tardivement : ainsi, une start up qui développe des jeux vidéo a témoigné d'un contrôle intervenu trois ans après l'octroi du CIR, ce qui est très déstabilisant pout une petite entreprise en cas de redressement ;

- le défaut de reconnaissance des chefs d'entreprise : un dirigeant de PME, fier de prendre des risques, a regretté d'être stigmatisé comme chef d'entreprise ; il considère que la France ne sait pas garder ses chefs d'entreprise et doit cesser de nourrir un regard de jalousie sur la réussite, qui donne envie aux entrepreneurs de quitter le pays. Je ne fais ici que reprendre des propos qui ont été tenus. Plusieurs ont aussi déploré que le système éducatif français n'éveille pas à l'entrepreneuriat.

Ces constats, nous les avons déjà entendus. Il est important de les rappeler, même s'ils sont connus, car cela nous dit quelles doivent être nos priorités. Mais il est intéressant de noter que les entrepreneurs du Valenciennois ont mis en avant des sujets plus spécifiques:

- la pénurie de main d'oeuvre bien formée qui est un vrai défi : les entreprises du Valenciennois recherchent des savoir-faire, mais surtout, nous ont-elles dit, des savoir-être. C'est un sujet qui n'avait pas émergé dans nos précédents déplacements et l'un des intervenants a indiqué ne pas rencontrer ce type de difficultés dans son établissement situé en Rhône-Alpes. Cela est lié aussi à la réalité socio-économique d'un territoire, qu'il faut prendre en considération. La plupart ont estimé que notre main d'oeuvre, particulièrement sa frange la plus jeune, présentait des difficultés en termes d'employabilité : ainsi, le représentant de Toyota France a indiqué avoir embauché 500 intérimaires l'an dernier et déploré un taux de turn over de 30 %, de plus en plus de salariés jugeant trop dur de travailler sur une chaîne de fabrication pour 1 500 euros par mois. Un dirigeant de PME a lui aussi indiqué rencontrer des difficultés équivalentes : il a mis en place, avec Pôle Emploi, des formations à ses propres métiers mais, sur les 35 personnes sans qualification qui ont bénéficié de cette formation, l0 ont été recrutées et il n'en reste aujourd'hui que 3 qui travaillent encore dans l'entreprise. Cet enjeu de la formation est souvent revenu dans les échanges, plusieurs dénonçant le coût de l'alternance et de la formation professionnelle au regard des résultats ; pour éviter aux entreprises de payer deux fois pour la formation, l'une d'elles a suggéré d'alléger les taxes sur la formation (2 % de la masse salariale) et de laisser aux entreprises plus de liberté pour former leur personnel ;

- le rôle des partenaires sociaux : les plus gros employeurs du département souhaiteraient travailler avec eux dans une confiance mutuelle et un investissement partagé, pour assurer la qualité des relations sociales dans l'entreprise et mieux saisir les opportunités. L'un a estimé que les lois en matière de dialogue social ressemblaient à des « armes de destruction massive remises dans les mains de personnes qui n'ont pas toujours la compétence ou la volonté pour les utiliser de manière raisonnable pour l'entreprise »; plusieurs entrepreneurs ont déploré le manque de représentativité des instances représentatives du personnel : en effet, beaucoup de salariés ne veulent pas se syndiquer et il est souvent difficile d'atteindre le quorum aux élections professionnelles. C'est ainsi qu'un entrepreneur s'est trouvé empêché de conclure un accord d'entreprise, faute de délégués syndicaux. Un des participants a d'ailleurs proposé de travailler sur une obligation pour les salariés de se syndiquer, afin d'améliorer la représentativité des syndicats ; un autre a estimé que les ressources des syndicats ne dépendant pas du nombre de leurs adhérents, les syndicats étaient incités à vivre pour eux-mêmes, pas au service du bien collectif - je continue à relater les propos tenus - ;

- la commande publique : c'est en effet un levier de croissance que les petites entreprises ont mis en avant. Notamment les jeunes entreprises numériques, qui ont indiqué qu'elles avaient plus besoin de la commande publique que de subventions, d'autant que celles-ci ne peuvent dépasser 200 000 euros sur 3 ans, en application de la règle européenne de minimis en matière d'aides d'État, règle qui désavantage d'ailleurs les entreprises européennes dans la compétition internationale ;

- le nécessaire encouragement à l'investissement industriel : tous les intervenants sont convenus de la nécessité de transformer l'industrie française en industrie à valeur ajoutée. Ainsi, le représentant de Toyota a jugé nécessaire de miser sur l'hybride et l'hydrogène, qui sont l'avenir de l'automobile. Une des clefs pour accompagner cette transformation est assurément de soutenir l'investissement. L'un des entrepreneurs a d'ailleurs imaginé à cette fin que l'amortissement du matériel puisse se faire sur la même durée que celles des contrats clients ; il regrettait de ne pouvoir profiter du dispositif créé dans cet esprit par la loi Macron.

Ces pistes ouvertes à Valenciennes sont à creuser pour favoriser le développement de nos entreprises. Nous pouvons au moins nous féliciter d'un point positif : plusieurs des participants ont salué la façon dont les collectivités territoriales accompagnent leurs entreprises, pas seulement par la création de zones franches urbaines. C'est la dynamique impulsée au niveau de l'agglomération qui permet de renforcer l'attractivité territoriale, notamment pour répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises en matière de recrutement mais aussi à leur besoin d'accompagnement dans les dossiers à monter pour pouvoir s'implanter sur un territoire de proximité.

Après le déjeuner, nous avons visité deux entreprises industrielles. Nous nous sommes tout d'abord rendus dans l'usine HAMON D'HONDT installée à Fresnes sur Escaut, filiale du groupe belge, HAMON & Cie. Ce groupe est un acteur mondial en ingénierie et fabrication de grands équipements, dans quatre domaines principaux : les systèmes de refroidissement, les systèmes de dépollution de l'air, les systèmes de récupération d'énergie et les échangeurs de chaleur.

Nous avons visité l'usine historique du groupe, lequel compte aussi des sites en Arabie Saoudite, en Corée et en Belgique. Sur le site de Fresnes, travaillent près de 150 personnes, pour des clients, qui sont des grands donneurs d'ordres dans des projets internationaux, comme Kawasaki ou Eni, aux utilisateurs finaux, comme Total ou Shell. Le chiffre d'affaires de ce site, qui est de l'ordre de 50 millions d'euros, se fait pour 95 % à l'export. La société travaille sur plusieurs projets de R&D : refroidissement pour centrales solaires, stockage de l'énergie thermique... Elle participe d'ailleurs au concours mondial de l'innovation 2030.

Les dirigeants de l'entreprise ont attiré notre attention sur deux points majeurs :

leurs difficultés de financement : cette entreprise a besoin d'investir dans son parc industriel pour remplir un objectif de prises de commandes de 68 millions d'euros pour le site de Fresnes, ce qui devrait créer une trentaine d'emplois stables supplémentaires. Les dirigeants nous ont particulièrement sollicités pour appuyer leur demande auprès de la BPI de financement pour un investissement à hauteur de 2 millions d'euros qu'ils n'arrivent pas à obtenir alors que cet investissement, utilisé pour le matériel en fin de chaîne de production, permettrait de créer immédiatement 30 emplois. Il faut avancer, puisque dans ce cas, l'entreprise n'a pas de difficultés avec son carnet de commande mais c'est l'investisseur public qui manque de confiance envers l'entreprise ;

leur besoin d'accompagnement à l'export : mis à part les 9 VIE qui leur sont très précieux, ils ne se sentent pas soutenus dans leur développement à l'export. La Coface a aidé l'entreprise quand elle était florissante, mais elle se retire maintenant qu'elle rencontre des difficultés, ce qui accentue la tension sur la trésorerie. En comparaison, ils estiment que les autres pays protègent mieux et aident mieux leurs entreprises. Ils regrettent aussi que les entreprises entre elles ne s'entendent pas sur une approche groupée, à l'allemande.

La Délégation sénatoriale aux entreprises s'est ensuite rendue sur le site de Valenciennes du groupe HIOLLE INDUSTRIES, lequel compte 11 sites de production, principalement en région Nord Pas de Calais Picardie ; l'entreprise familiale réalise un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros et emploie 650 personnes dans des domaines variés. De grands donneurs d'ordre lui font confiance comme General Electric, EDF, Siemens, Alstom ou Areva, par exemple. Ces grands groupes dépendent de la commande publique, celle des régions notamment, dans les secteurs du transport et du ferroviaire. Ces entreprises à l'actionnariat familial font preuve de leur capacité à s'adapter à un marché très diversifié mais fragile.

Voilà à grands traits ce que nous avons vu, ce qui a été le témoignage d'entreprises, des grands groupes très solides à des start-ups du numérique en passant par des PME qui gravitent autour. Beaucoup d'innovations engagées, nos espoirs en matière logistique et la position de notre territoire au carrefour de l'Europe du Nord constituent autant d'atouts, mais des freins subsistent. J'ai essayé d'exprimer de façon directe quelles sont les inquiétudes, les préconisations et les attentes en direction de la Délégation aux entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Ceux qui faisaient partie de ce déplacement s'en sont bien rendu compte : la reconversion de ce bassin industriel et la dynamique déployée notamment par Valenciennes métropole sont assez spectaculaires. Par ailleurs, les témoignages des chefs d'entreprise furent très directs, comme à chaque déplacement : ils nous ont dit ce qu'ils avaient sur le coeur, charge à nous de tenir compte de leurs messages dans notre action parlementaire.

M. Michel Cavenet . - Nous avons été très bien reçus. Merci encore.

Mme Annick Billon .- Je regrette de n'avoir pu participer à ce déplacement.

Page mise à jour le

Partager cette page