C. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 11 FÉVRIER 2016, SUITE AU DÉPLACEMENT À MONTREUIL ET PARIS LE 14 JANVIER 2016

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Nous allons pouvoir rendre compte maintenant de la matinée du 14 Janvier où nous étions nombreux à participer à un déplacement composé de deux visites. Nous nous sommes tout d'abord rendus à Montreuil pour rencontrer la Direction générale des Douanes et des droits indirects, puis à Paris pour découvrir la Fondation Entreprendre. Ces deux rencontres, bien que différentes, ont fait souffler un vent d'optimisme. Nous avons trouvé d'abord une administration centrale du ministère des finances en train de développer une nouvelle culture tournée vers l'entreprise.

Les Douanes préparent actuellement l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l'Union à compter du 1 er mai 2016. Cette réforme prévoit notamment un dédouanement centralisé au niveau national, qui permettra à une personne de déposer auprès d'un bureau de douane une déclaration concernant des marchandises présentées dans le ressort d'un autre bureau. En outre, le nouveau code des douanes de l'Union permettra d'accomplir toutes les formalités et tous les actes douaniers en représentation directe ou indirecte : autrement dit, le monopole des professionnels du dédouanement agréés sera levé. C'est vraiment une simplification notable. Derrière ces questions très techniques se cache un enjeu majeur : renforcer l'attractivité des plates-formes logistiques françaises et la domiciliation du dédouanement en France. Cela fait le lien avec notre déplacement dans le Nord, zone frontalière où l'activité logistique est essentielle et où l'on connaît la compétitivité des ports d'Anvers et de Rotterdam.

Par ailleurs, les Douanes ont engagé une mutation qui les voit compléter leur mission traditionnelle de contrôle et de surveillance des flux commerciaux par l'exercice d'une nouvelle mission de conseil, de facilitation et d'accompagnement des entreprises tant à l'import qu'à l'export. Elles ont notamment mis en place une certification d'« opérateur économique agréé ». Après un audit douanier destiné à s'assurer de sa fiabilité, de sa solvabilité et du respect de standards de sûreté, l'entreprise labellisée obtient des avantages : ses contrôles douaniers sont réduits, elle est prévenue à l'avance des contrôles de marchandises, elle est traitée prioritairement en cas de contrôle ou de tests en laboratoire, elle choisit partiellement son lieu de contrôle, etc. Fin 2015, 1 400 entreprises étaient labellisées. De même, il existe un statut d'exportateur agréé qui permet notamment à l'entreprise de devenir certificatrice de l'origine des marchandises : 5 800 entreprises en bénéficient, ce qui leur offre des garanties contre des ennuis juridiques ou tarifaires dans le pays d'exportation.

L'administration des Douanes s'est lancée dans un Tour de France : il s'agit de présenter aux entreprises les procédures à suivre, les faire participer à des ateliers pratiques concrets et leur fournir des conseils personnalisés. Je vous rappelle les prochaines étapes de ce Tour de France des experts de la Douane : Lille - Tourcoing le 18 février, Rouen le 3 mars et Bordeaux, le 10 mars.

Vous le voyez, une vraie dynamique positive s'est mise en marche, même s'il reste des points de blocage que nous avons librement évoqués dans nos questions :

- encore trop peu de PME et d'ETI se saisissent des nouvelles facilités douanières. Il y a encore un travail de communication à faire et le tour de France est le bienvenu ;

- les flux illégaux, par exemple de médicaments en provenance d'Asie, explosent au même rythme que l'e-commerce ;

- les ports français manquent de compétitivité et se font une très forte concurrence, sans que le ministère des transports en tant que tutelle parvienne à les coordonner ;

- les règles d'origine, fixées par l'Union européenne et appliquées par les Douanes, bloquent le développement du label « made in France » pour de nombreuses entreprises.

Notre rencontre avec la Fondation Entreprendre nous a permis de découvrir un très bel endroit, la Filature, un exemple de réhabilitation réussie du patrimoine manufacturier parisien. Elle nous a surtout permis de rencontrer des associations et des chefs d'entreprise, dynamiques et très engagés dans le développement de l'esprit d'entreprise et dans le soutien actif aux jeunes créateurs d'entreprise.

L'association 100 000 entrepreneurs a pour but de transmettre aux jeunes de 13 à 25 ans la culture de l'entreprenariat, en faisant intervenir des entrepreneurs dans des classes à partir de la 4 e . Grâce à un réseau de 80 entreprises qui travaillent avec 4 000 enseignants sur toute la France, 63 000 jeunes ont été sensibilisés. Ces interventions sont couplées avec la réalisation d'un projet collectif. Elles sont particulièrement bien accueillies chez les élèves qu'on a un peu trop tendance à reléguer par défaut dans la voie professionnelle comme dans une voie de garage, notamment dans les zones d'éducation prioritaire.

Dans un deuxième temps est intervenue l'association Entreprendre pour apprendre qui développe des programmes comme la mini-entreprise : il s'agit d'amener des jeunes, en BTS typiquement, à faire toutes les démarches de création d'entreprise à partir d'une idée, d'un concept qu'ils ont défini au cours d'une année scolaire. 25 000 jeunes ont participé à une mini-entreprise. Nous avons bénéficié du témoignage de l'un d'entre eux qui, grâce à cette immersion concrète dans la vie de l'entreprise, s'est découvert une vraie vocation après avoir été orienté en BEP puis en bac pro par défaut. Il a finalement créé sa propre entreprise de sécurité informatique et participe désormais comme tuteur au programme. Deux autres associations En Actes et Les entrepreneuriales nous ont été présenté : elles agissent dans le monde universitaire pour diffuser la culture de l'entreprise et contribuent à la popularisation du statut d'étudiant-entrepreneur, créé il y a un an et demi.

Enfin, nous avons découvert le Réseau Entreprendre Paris . Il appartient à la fédération nationale qui a été créée en 1985 dans le Nord par André Mulliez et qui regroupe 6 000 chefs d'entreprise bénévoles pour soutenir 800 projets par an. Le Réseau entreprendre apporte un soutien financier sous forme de prêt à taux zéro et de garanties apportées aux banques. Il offre aussi aux créateurs d'entreprise un espace de dialogue et d'échanges pour rompre l'isolement et aborder toutes les difficultés du quotidien. Ces échanges sont réalisés avec un mentor qui suit spécifiquement une entreprise et dans le cadre d'un cercle informel où se réunissent tous les entrepreneurs soutenus par le réseau. Les résultats parlent d'eux-mêmes : au cours de l'accompagnement par le Réseau entreprendre, les entreprises passent en moyenne de 1 ou 2 salariés à 20 salariés. Un programme complémentaire appuyé par la Caisse des dépôts vise ensuite à croître au-dessus de 100 salariés pour les plus performantes. Nous avons pu échanger avec deux jeunes lauréats qui ont fondé les sociétés See Concept sur le marché des lunettes de lecture et Guest to Guest , devenu leader mondial de l'échange gratuit d'appartements.

Nous les retrouverons, je l'espère, lors de notre Journée de l'entreprise du 31 mars 2016, car ils nous ont envoyé un vrai message d'espoir et de confiance : les choses peuvent bouger dans notre pays, notamment grâce à un écosystème favorable aux start-ups et un soutien réel des collectivités, pour peu que l'on fasse confiance aux chefs d'entreprise, que l'on stabilise le cadre réglementaire et que l'on fluidifie la législation du travail. Ces messages nous sont désormais familiers. Il nous revient de les écouter.

M. Henri Cabanel . - La semaine dernière se déroulait un colloque à Bercy entre les douanes et la filière viti-vinicole. J'ai trouvé cela très intéressant. Dans le cadre de la simplification, une volonté politique, partagée par les acteurs économiques, a beau se manifester sur les bancs des hémicycles, l'administration elle-même ne connaît pas toujours le même élan. S'il n'y a pas de volonté de leur côté, cela ne se fera pas. C'est pourquoi je me félicite que la directrice générale des douanes fasse preuve d'une réelle volonté de créer des ponts entre administration et entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Il faut en effet saluer ce que font les douanes avec leur tour de France, qui leur permet de rencontrer les chefs d'entreprises dans les principales villes. Cette nouvelle culture de l'administration, en direction des entreprises, est un grand pas en avant.

Mme Nicole Bricq . - Effectivement. Cela permet à l'administration des douanes de monter en gamme et en compétences. La rencontre avec la fondation Entreprendre était aussi très intéressante. Ce n'est pas la seule fondation à agir, mais elle fait beaucoup pour les jeunes.

Nous travaillons au sein de la Délégation sur la question de la croissance des entreprises françaises ; nous sommes encore organisés dans un capitalisme vertical, où dominent les grands groupes, et notre industrie est importante mais fragile. La filière pétrolière, qui a été évoquée par le biais de Vallourec tout à l'heure, est soumise aux aléas géopolitiques. C'est également vrai pour Alstom, qui affronte une concurrence féroce. Derrière cette problématique, il y a des emplois, des savoir-faire à préserver.

Par ailleurs, nous devrions travailler sur la création d'entreprises. La Seine Saint Denis est le département où l'on crée le plus d'entreprises, notamment des TPE/ PME. Toutefois, la création d'entreprise reste compliquée en France ; les entreprises doivent payer avant même d'avoir fait entrer dans leurs caisses la moindre somme d'argent. Les méandres de la protection sociale et la multiplicité des divers statuts de société constituent d'autres facteurs de complexité. Nous n'aurons pas de loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOÉ), mais certains éléments de réforme devraient apparaître dans le projet de loi défendu par Myriam El Khomri. La Commission qui sera saisie sera la Commission des Affaires Sociales, notamment pour les questions du droit du travail, mais notre délégation peut aussi jouer un rôle fédérateur sur ces sujets. Il n'y a pas seulement les start-ups parmi les entreprises, même si le numérique est un domaine important et que la numérisation de l'économie est un vrai sujet sur lequel nous sommes très en retard, au détriment de la compétitivité de nos entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - J'ai interpellé le Ministre du Commerce extérieur sur ce sujet lors de son audition. La grande faiblesse de nos PME provient de leur manque de visibilité en ligne. Malgré tout, il y a en France près de 500 000 créations d'entreprise par an. Le statut de l'auto-entrepreneur, bien que décrié, a apporté une simplification majeure. L'idée était de pouvoir créer son entreprise d'un clic. Il reste néanmoins, vous avez raison, encore beaucoup de choses à simplifier.

Mme Nicole Bricq . - Ce statut a été complexifié depuis. Je le reconnais d'autant plus que nous en y avons contribué.

M. Jean-Marc Gabouty . - On peut être réservé sur le statut d'auto-entrepreneur ; tant que l'activité d'auto-entrepreneur était une activité complémentaire pour certaines catégories et un sas vers la création d'entreprise effective pour d'autres, l'idée était intéressante. Mais vous connaissez la lutte qui existe dans certaines professions entre artisans et auto-entrepreneurs. Créer une entreprise en une heure, avec un bout de papier, un euro et un clic est quelque chose d'excessivement dangereux. Ce n'est pas créer une entreprise qui est difficile, mais la faire durer et fonctionner correctement. Pour la création, il existe des statuts-types. Ce n'est pas insurmontable, avec un expert-comptable qui peut intervenir en la matière. La complexité se situe plutôt dans l'ensemble de nos institutions. Nous avons voté il y a une semaine la loi ratifiant l'ordonnance sur la diminution du nombre minimum d'actionnaires dans une société anonyme. L'ordonnance traite toute la question sur une page et demie. Il a fallu pourtant 14 mois pour la mettre en oeuvre, sur un sujet simple et sans opposition professionnelle. Il faut donc réfléchir à ces délais. Nous avons participé récemment avec Valérie Létard à une remise de prix en matière d'innovation à des entreprises. L'un des lauréats est de ma ville. Il m'a parlé des contacts qu'il avait pris, pour vendre son projet, avec l'opérateur Orange en France et avec le premier opérateur américain. Aux États-Unis, ces affaires se traitent en quinze jours et dans notre pays, elles se traitent en deux ans. C'est cet effet d'enlisement qui plombe notre économie, que l'on soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Je voudrais faire observer que les statistiques concernant les créations d'entreprise sont faussées car elles comprennent également les auto-entrepreneurs.

M. Olivier Cadic . - Effectivement, la visite à la fondation Entreprise était revivifiante. Elle avait un côté très dynamique qui invitait à l'optimisme. Une réserve néanmoins : un entrepreneur face aux parlementaires a tenu à parler médecine du travail et tickets restaurant. C'est ce qui le préoccupait. Lorsque nous avons rencontré Madame Clotilde Valter avec le bureau de la délégation, elle nous a présenté comme mesure de simplification un logiciel permettant pour une entreprise de savoir, en donnant son code postal, quel est le montant total des aides auxquelles elle a droit. Il existe un décalage entre les préoccupations des entrepreneurs et la simplification vue par l'administration. Les chefs d'entreprise sont conscients de la complexité et du nombre d'aides, mais la solution apportée est un logiciel qui ne fait que perpétuer le système plutôt que le réviser. Comment changer cet état d'esprit ? Lundi, je suis allé voir des entreprises du Kent, dont un entrepreneur français qui avait créé son entreprise en France et qui a dû la fermer à cause de la complexité de la réglementation et de la pression fiscale. Certains jettent l'éponge et s'en vont. Il m'a affirmé qu'il avait payé plus d'impôts en France, où il n'avait recruté personne, qu'au Royaume-Uni, où il avait 20 salariés. Il n'arrive pas pourtant pas à fermer son entreprise en France. Une fois dans le système, le plus difficile est d'en sortir : il faudra que l'on examine aussi ce processus de sortie.

Mme Élisabeth Lamure, présidente . - Nous sommes tout à fait dans le sujet de la simplification. Tout le monde est demandeur. Il sera d'ailleurs abordé largement lors de notre journée des entreprises.

M. Francis Delattre . - Je souhaiterais juste poser une question à Valérie Létard concernant le Crédit Impôt Recherche (CIR) et ses difficultés. Il a été très simplifié en 2008-2009, ce qui lui a donné un nouvel élan. Les entreprises bénéficient aujourd'hui de plus de 5 milliards d'euros. Les difficultés que l'on a répertoriées au cours de notre commission d'enquête étaient liées aux faiblesses du financement de l'innovation et du capital-risque dans notre pays. D'après l'association des banques françaises, 80 % des investissements pour les PME / PMI / ETI sont d'origine bancaires. Les banques appliquent les critères de fonds propres de Bâle III, ce qui stérilise une partie de leur réserve, qui n'est pas injectée dans l'économie. C'est un vrai souci. En outre, la France est le pays le plus mis à contribution au titre du Fonds de Garantie européen, à hauteur de 18 milliards. Nous sommes confrontés à un défaut de capacité capitalistique des banques pour soutenir les entreprises. Nous devrions avoir une réflexion de nature fiscale, car notre système est tout de même orienté vers une épargne sans risque : le logement et l'assurance vie captent pratiquement 80 % de l'épargne du pays. Il faut donc avoir également des propositions pour développer l'épargne plus risquée mais plus stimulante pour l'activité. Le CIR fonctionne bien, mais nos start-ups n'ont qu'une idée : se vendre à l'étranger. J'étais allé à une exposition il y a deux ans aux États-Unis ; les Canadiens, les Allemands et les autres rachètent beaucoup de nos start-ups et profitent en réalité de notre système fiscal et du CIR.

Mme Valérie Létard . - L'entreprise que nous avons rencontrée a bénéficié du CIR mais elle a exprimé des réserves à son sujet car elle a subi un contrôle et un redressement trois ans après l'avoir obtenu. Ce décalage temporel est terrible pour l'entreprise. Si pour les grandes entreprises, le système fonctionne parfaitement, pour les PME, reconnaissons que c'est un peu plus compliqué. Souvent, celles-ci n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour solliciter le Crédit Impôt Recherche. Beaucoup d'organismes de conseil ne sont soumis à aucun label ou à aucun agrément de quelque nature que ce soit, et vendent le CIR comme un produit de défiscalisation, même si cela a certainement évolué.

Mme Nicole Bricq . - Le contrôle peut intervenir jusqu'à la fin de la troisième année mais pas après, car il y a prescription.

Mme Valérie Létard . - Tout juste en tout cas, puisqu'ici l'entreprise s'est faite redresser trois ans plus tard.

Mme Nicole Bricq . - C'est la même chose pour les particuliers.

M. Francis Delattre . - N'oublions pas la solution du rescrit fiscal.

Mme Valérie Létard . - Certes, mais le rescrit est quelque chose de complexe à mettre en pratique qu'il faudrait rendre plus efficient. Pour revenir à la défiscalisation, je voudrais prendre l'exemple de Vallourec ; 550 millions d'euros de la BPI sont ainsi réinjectés dans Vallourec Monde, fleuron français. Il existe deux unités de production en France, Saint Saulve (Valenciennes) et Déville-lès-Rouen, qui sont envoyées en Allemagne malgré le refinancement. Dans le même temps, l'entreprise achète pour 180 millions d'euros une aciérie en Chine. En revanche, elle a du mal à soutenir le maintien et la recapitalisation, avec un nouveau partenaire industriel, de l'aciérie Valenciennes - Saint Saulve, qui n'est pas sauvée et qui compte 350 salariés. Si l'aciérie meurt, c'est le reste de la tuberie et du laminoir, et ses 350 autres emplois, qui peut-être demain disparaîtront. Si meurt cette aciérie qui est la plus moderne de France et d'Europe et qui a bénéficié de 250 millions d'euros d'investissement par Vallourec depuis 2008, alors c'est tout le processus de production qui meurt. Par contre à Aulnoye-Aymeries, dans l'autre unité du Nord, le nombre de chercheurs en recherche et développement augmente, car ceux-ci bénéficient de la défiscalisation française.

Paradoxe : l'acier sera fabriqué à Saint-Saulve, avant que les tubes soient envoyés en Allemagne, d'où ils seront renvoyés pour les finitions à Saint-Saulve. Nous devons faire attention à protéger les outils de production sur notre sol et nous interroger sur la stratégie française qui vise à maintenir des fleurons qui n'ont de français que le nom, alors que la production se fait ailleurs. Soit cela ne sert à rien d'injecter les 550 millions de la BPI, soit on nous assure de la pérennité de l'unité de production et de sa modernisation. Il ne faut pas confondre stratégie industrielle et politique fiscale.

M. Jean-Marc Gabouty . - Juste un mot pour compléter : depuis 25 ans, nous ne faisons plus de politique industrielle. Nous ne sommes désormais plus en mesure de suivre des politiques de filières. Ce qu'il y a de plus dangereux en France, ce ne sont pas les difficultés des entreprises mais c'est surtout que, dans certains secteurs d'activité, on ne peut même plus relocaliser car il manque des pans entiers de savoir-faire.

Mme Valérie Létard . - Il manque juste 15 millions pour moderniser le laminoir en France, alors qu'il n'y a pas besoin de moderniser le laminoir allemand... Mais on peut tout de même acheter une aciérie en Chine.

Mme Nicole Bricq . - On pourrait aussi parler d'Areva et d'autres grosses entreprises comme celles-ci qui se retrouvent en grande difficulté. Areva est un drame national, pas seulement en termes d'emploi, mais également au niveau de la technologie et du savoir-faire. Beaucoup d'entreprises qui travaillent à l'international, réfléchissent par rapport à leur chaîne de valeur. Une grande compagnie comme Airbus, qui est à la fois française, espagnole, allemande, anglaise et italienne choisit les lieux de fabrication des divers morceaux de ses avions pour optimiser sa chaîne de valeur. Les nez des Airbus sont fabriqués en Tunisie, car ce n'est pas le nez qui rapporte de l'argent, tout comme les composants qui sont fabriqués en Asie du Sud Est. Ce qui compte, et les Allemands sont bien organisés de ce point de vue, c'est comment capter le maximum de valeur ajoutée. En France, à Toulouse, on fait de l'assemblage. On capte l'essentiel de la valeur ajoutée dans cet assemblage, mais aussi dans le design, le bureau d'études de faisabilité... Il faut donc s'habituer à cela car beaucoup de grandes entreprises réfléchissent comme cela. Le rapatriement de la valeur ajoutée, par ces entreprises très souvent patriotiques, est fait sur le sol national. Je me place du point de vue de cette grande entreprise. C'est cela qui fera qu'elle restera en France, malheureusement ou heureusement.

Mme Valérie Létard . - Il faut faire attention, comme cela a été dit, de ne pas perdre des savoir-faire sur des industries essentielles qui peut-être demain seront de nouveau utiles sur le territoire national. Si l'on va trop loin dans la désindustrialisation, et le Commissariat à l'énergie atomique est très inquiet à ce sujet, nous n'aurons plus les savoir-faire sur la filière acier et nous nous exposons aux difficultés liées à l'éloignement, aux enjeux environnementaux, aux éventuelles fiscalités carbone...

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