II. DES MISSIONS PRÉSERVÉES ?

Un autre axe d'action de l'État est la réévaluation de certaines des missions exercées par les services déconcentrés au profit des collectivités territoriales.

Dans le cadre du Plan préfectures nouvelle génération (PPNG), un chantier de priorisation des missions a été engagé dans le réseau préfectoral, la modernisation de la gestion des titres devant permettre des redéploiements d'effectifs vers des missions identifiées comme prioritaires, dont l'expertise juridique et le contrôle de légalité.

Au-delà de ce plan, d'autres mesures plus ponctuelles et plus dispersées sont portées, à l'instar de la directive nationale d'orientation (DNO) sur l'ingénierie d'État dans les territoires 2016-2018.

Le contrôle de légalité et l'ingénierie territoriale pourraient sortir renforcés de ce plan et de ces mesures, même si de lourdes interrogations subsistent, notamment au regard de la modestie des moyens dégagés.

A. LA PRIORISATION DES MISSIONS

Les missions du réseau préfectoral identifiées comme prioritaires doivent être revalorisées dans le cadre du PPNG.

Ce plan, dont la mise en oeuvre doit s'échelonner de 2016 à 2020, vise à centraliser l'instruction des titres 8 ( * ) dans des centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), ce qui doit permettre de renforcer les effectifs du réseau préfectoral sur 4 missions : la lutte contre la fraude documentaire, la gestion locale des crises, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, et la coordination territoriale des politiques publiques.

Vos rapporteurs observent que plusieurs domaines intéressant les collectivités territoriales doivent être consolidés par ce plan.

Les résultats de la consultation témoignent d'une certaine convergence de vues entre les domaines identifiés comme prioritaires par le PPNG, et ceux définis comme tels par les élus locaux.

Ces derniers attendent des services déconcentrés un renforcement de leurs missions régaliennes, telles que la sécurité et la gestion des crises, et de leur fonction d'accompagnement, à travers le contrôle de légalité et l'ingénierie territoriale, ce qui ne contredit donc pas les orientations du plan.

Ainsi, sur les 16 domaines jugés prioritaires par les élus locaux, la sécurité arrive au premier rang (12% des réponses), suivie par le contrôle de légalité au 5 ème (8,5%), l'ingénierie territoriale au 7 ème (6,7%), la gestion des crises au 8 ème (6,7%) et la lutte contre la fraude documentaire au 11 ème (5,2%).

Vos rapporteurs estiment que le déploiement du PPNG nécessite un investissement réel et durable en termes de ressources humaines, faute de quoi la consolidation de ces missions prioritaires a peu de chances d'aboutir.

Selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur, des moyens humains complémentaires doivent être dégagés : sur les 4 000 postes aujourd'hui dévolus à la délivrance des titres, 1 000 seront redéployés vers les missions prioritaires.

Par ailleurs, un effort de « repyramidage » doit être entrepris. D'ici à 2020, les agents de catégories A doivent augmenter de 18 à 23%.

Il est crucial que cet effort allant dans le sens d'une meilleure allocation et d'une meilleure qualification des effectifs soit maintenu et accentué.

Vos rapporteurs rappellent que la numérisation des procédures, qui est au fondement du PPNG, appelle un accompagnement résolu de la part de l'État, afin d'éviter que ne se créent des inégalités d'accès aux services publics, en fonction des usagers et des territoires.

Dans la mesure où 18% des Français indiquent ne pas disposer d'une connexion à Internet à domicile, et où 16% d'entre eux affirment ne jamais se connecter à Internet 9 ( * ) , l'essor des télé-procédures achoppera nécessairement sur le besoin d'assistance de certains usagers dans leurs démarches, tels que les personnes âgées.

L'enjeu de la « fracture numérique » a été rappelé à vos rapporteurs lors de leur déplacement à Limoges, des actions ayant été entreprises en Haute-Vienne par les services de l'État et les collectivités territoriales pour déployer le haut et le très haut débit et résorber les zones blanches.

Il est impératif que l'État se saisisse de cet enjeu, et préserve une capacité de réponse pour les publics isolés, notamment en zone rurale.

Outre ces considérations d'ordre général, vos rapporteurs relèvent que la réforme des modalités de gestion de la carte nationale d'identité (CNI) , qui doivent être alignées sur celles du passeport biométrique, n'est pas sans soulever de critiques de la part des élus locaux.

Ainsi, lors de la table ronde organisée par vos rapporteurs, Rachel Paillard, membre du comité directeur de l'Association des maires de France (AMF), a indiqué que cette réforme suscitait de vives inquiétudes dans les communes, notamment rurales. Les élus communaux y voient un affaiblissement de l'institution communale dans son rôle de proximité avec les citoyens. En outre, les élus n'ont été informés que tardivement des expérimentations conduites dans les Yvelines et en Bretagne, et jugent insuffisantes les conditions d'indemnisation prévues par l'État.

Selon elle, l'appréciation portée localement sur cette réforme est donc négative : « En ce qui concerne la réforme des cartes nationales d'identité (CNI), elle est très mal ressentie par les communes rurales, qui considèrent qu'elle conduit à un délitement du lien entre les citoyens et leur commune. »

Ce jugement est partagé par Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui relève un déficit de dialogue dans la conduite de la réforme : « L'exemple de la carte nationale d'identité illustre parfaitement le manque d'échange et de coordination. »


* 8 Passeports et cartes nationales d'identité (CNI), permis de conduire, systèmes d'immatriculation des véhicules (SIV).

* 9 Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), Baromètre du numérique, 2015, pages 31 et 52.

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