QUELQUES INFLEXIONS MÉRITOIRES MAIS INCERTAINES EN DIRECTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Afin de répondre au sentiment d'exaspération des élus locaux, rappelé au chapitre précédent, l'État a fixé quelques orientations fortes, dont vos rapporteurs ont pris connaissance à l'occasion de leurs auditions au Sénat et de leurs déplacements à Orléans et à Limoges, les 7 et 14 novembre derniers.

En dépit des contraintes budgétaires, un effort aurait été consenti en direction de l'affirmation de la présence de l'État dans les territoires, d'une priorisation des missions des services déconcentrés - avec une réévaluation du contrôle de légalité et de l'ingénierie territoriale -, et d'une simplification des relations entre ces services et les collectivités territoriales.

Même si plusieurs mesures significatives ont d'ores et déjà été mises en oeuvre, des questions perdurent, au regard de l'imprécision des annonces faites et de l'insuffisance des moyens mobilisés. Il en résulte un contexte de profonde incertitude, l'appréciation portée par les élus locaux sur ces réponses allant de la perplexité à l'incrédulité.

I. UNE ORGANISATION DE PROXIMITÉ ?

Vos rapporteurs constatent que plusieurs initiatives ont été prises en faveur de l'affirmation de la présence de l'État dans les territoires.

Pour éviter que le redécoupage des circonscriptions régionales ne favorise localement un sentiment d'éloignement, un objectif d'équilibre territorial a été poursuivi , le tiers des directions régionales fusionnées ayant été implanté hors des nouveaux chefs-lieux, et les deux tiers des réductions d'effectifs ayant été concentrés à compter de 2016 sur l'échelon régional, par opposition à l'échelon départemental.

Dans les territoires les moins bien dotés, des formules de maintien de services de proximité , telles que les maisons de l'État et les maisons de services au public, ont été développées.

Enfin, les pouvoirs des préfets ont été complétés, dans le sens de plus de coordination, de mutualisation et de modularité dans l'organisation des réseaux territoriaux.

A. UN OBJECTIF D'ÉQUILIBRE TERRITORIAL

Une attention a été portée par l'État à ce que la réforme des circonscriptions régionales ne bouleverse pas les équilibres territoriaux.

En témoignent les annonces faites à l'issue du Conseil des ministres du 31 juillet 2015 , qui comprennent une série de mesures pour « conforter l'équilibre des territoires » et « conforter l'État départemental dans les territoires ».

D'une part, l'État a opté pour une organisation « multi-sites » , c'est-à-dire que les anciennes directions régionales ont été fusionnées, mais implantées, pour certaines d'entre elles, dans les anciens chefs-lieux régionaux. Au total, il a été prévu qu'un tiers des directions régionales soient localisées hors du chef-lieu de la nouvelle région.

D'autre part, l'État a pris diverses mesures pour renforcer l'échelon départemental, en contrepoint à la constitution de grandes régions. Parmi ces mesures, il a été décidé que les deux tiers des réductions d'effectifs portent, à compter de 2016, sur l'échelon régional 7 ( * ) .

Vos rapporteurs approuvent dans leurs principes ces objectifs visant à équilibrer les directions régionales, entre ancien et nouveau chefs-lieux, et les effectifs, entre échelons départemental et régional.

Ils jugent crucial de prévenir toute prise de distance des services déconcentrés à l'égard des collectivités territoriales dans les régions fusionnées, à commencer peut-être par les régions dites «XXL » (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie).

Lors de son audition par vos rapporteurs, Jean-Luc Nevache, coordonnateur de la réforme des services déconcentrés de l'État dans le cadre de la nouvelle carte régionale, a insisté sur l'importance à ses yeux du rééquilibrage des baisses d'effectifs au profit de l'échelon départemental : « Le Gouvernement a opté pour une optique très forte depuis l'été dernier, qui est de renforcer le niveau départemental puisque, par un effet mécanique, un sentiment d'éloignement vis-à-vis de la collectivité régionale a pu se créer dans les régions fusionnées, et notamment dans les régions "XXL" ».

Selon lui, cet objectif, qui a été atteint dans l'ensemble des régions fusionnées pour l'année 2016, s'est notamment traduit par des diminutions d'effectifs dans les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et des augmentations dans les directions départementales en charge de la cohésion sociale et/ou de la protection des populations (DDCS, DDPP ou DDCSPP). Ces redéploiements ont permis le renforcement de certaines missions, telles que celles afférentes au contrôle sanitaire ou à l'hébergement d'urgence.

Un effort de rééquilibrage territorial : le cas de deux régions « XXL »

Vos rapporteurs ont auditionné Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, et Michel Delpuech, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui leur ont notamment fait part de l'effort de rééquilibrage des directions et des effectifs engagé dans leurs régions respectives.

En ce qui concerne la région Auvergne-Rhône-Alpes, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) a été implantée à Clermont-Ferrand. Par ailleurs, la baisse de 57 équivalents temps plein (ETP) en 2016 a été répartie entre le niveau régional (- 83 ETP) et le niveau départemental (+ 25 ETP, dont 18 pour les unités départementales et 7 pour les directions départementales interministérielles).

S'agissant de la région Nouvelle-Aquitaine, la DRAAF a été basée à Limoges, tandis que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ont été localisés à Poitiers. En outre, l'objectif de rééquilibrage des effectifs vers le niveau départemental est atteint en 2016. Dans le périmètre de la DREAL, on constate une augmentation de 4 effectifs en unités départementales, et de 11 en directions départementales de la cohésion sociale et/ou de la protection des populations (DDCS, DDPP ou DDCSPP). Par ailleurs, le rapprochement de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et de la direction départementale de la cohésion sociale (DR-D-JSCS) au chef-lieu de région a permis de réaffecter 3 emplois à l'échelon départemental.

Lors de leur déplacement à Limoges, vos rapporteurs ont pu observer concrètement les bénéfices et les difficultés de l'organisation « multi-sites » des directions régionales en Nouvelle-Aquitaine.

La région Nouvelle-Aquitaine regroupe 12 départements et 5,8 millions d'habitants, sur une superficie de 84 000 km 2 .

Le fonctionnement « multi-sites » de directions régionales sur ce vaste territoire - le plus vaste des régions françaises - n'est donc a priori pas aisé, et il conviendra d'être très attentif à son évolution.

D'ores et déjà, plusieurs observations peuvent être faites.

Les effectifs affectés à certaines directions peuvent nécessiter d'être réévalués. À titre d'exemple, le pôle démocratisation culturelle et action territoriale de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), situé à Limoges, comprend moins de 5 équivalents temps plein (ETP), ce qui semble peu au regard des demandes multiples et diversifiées qui lui sont faites par le réseau préfectoral ou les élus locaux.

En outre, les synergies entre les services déconcentrés et les acteurs de terrain peuvent devoir être renforcées. Pour preuve, si la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) a été implantée à Limoges, la présidence de la chambre d'agriculture s'est installée à Bordeaux, ce qui ne concourt pas à la cohérence et à la lisibilité des interlocuteurs en charge des questions agricoles pour les élus locaux.

En définitive, vos rapporteurs retiennent de leurs travaux la nécessité que les aménagements réalisés par l'État en faveur d'un meilleur équilibre territorial, tels que le fonctionnement « multi-sites » des directions régionales et la relative préservation de l'échelon départemental dans les réductions d'effectifs, soient pérennisés.


* 7 Les autres mesures annoncées en faveur de l'échelon départemental à l'issue du Conseil des ministres du 31 juillet 2015 visent à réexaminer le partage des compétences entre les directions départementales des territoires (DDT) et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), à regrouper les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) du département chef-lieu dans 8 régions, à instituer des conseillers culturels dans les 40 départements les plus peuplés, et à rationaliser les intitulés des services départementaux de l'État.

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