V. PERFECTIONNER LES OUTILS DE DÉTECTION ET D'ENQUÊTE

Des propositions ont été formulées depuis 2015, et certaines d'ores et déjà adoptées, pour doter l'Union européenne d'outils lui permettant de connaître les personnes se rendant et quittant son territoire et de garder trace du passage aux frontières extérieures des ressortissants des pays tiers. Leur champ d'application mériterait cependant d'être étendu et, de façon générale, les capacités de ciblage d'être perfectionnées en vue d'aider à la conduite d'enquêtes, notamment dans le cadre d'opérations communes de police, dans l'espace Schengen.

A. RENFORCER LES CAPACITÉS DE PRÉVENTION ET DE DÉTECTION

L'adoption de la directive européenne relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) constitue sans aucun doute un progrès, en ce qu'un tel système de collecte et de traitement des données de réservation des compagnies aériennes permettra de prévenir certains actes terroristes ou criminels, en détectant en amont les profils à risque. Un retard important ayant déjà été pris dans l'adoption de la directive PNR, une priorité absolue doit être donnée à sa transposition rapide dans l'ensemble des États membres et à la mise en place effective des PNR nationaux .

Les moyens d'analyse de risque et de ciblage pourraient toutefois être accrus pour améliorer l'efficacité des contrôles aux frontières et optimiser les moyens humains disponibles. Il serait donc souhaitable d'étendre, à moyen terme, le traitement automatisé des données PNR :

- aux vols « intra-Union européenne » : la directive du 26 avril 2016 prévoit l'obligation de transfert des données PNR par les compagnies aériennes aux « Unités information passagers » de chaque État membre uniquement pour les vols « extra-Union européenne » - c'est-à-dire au départ d'un pays tiers vers un État membre de l'Union européenne et vice-versa. Seuls les États membres qui le souhaitent sont autorisés à étendre le système aux vols ayant comme point de départ et de destination un État membre de l'Union européenne. Cette situation crée une faille dans le dispositif européen dans la mesure où une personne qui ne souhaiterait pas voir ses données personnelles de réservation transmises aux autorités pourrait voyager entre deux États membres n'appliquant pas le PNR aux vols « intra-UE » et, si l'État membre d'arrivée est situé à une frontière extérieure, utiliser un moyen de transport terrestre pour sortir de l'Union européenne ;

- aux transports internationaux par bateau, train et autocar : dès lors que le PNR serait rendu obligatoire pour les vols à l'intérieur de l'Union européenne, il conviendrait, en toute logique, d'étendre le système de collecte et de traitement automatisé aux données de réservation des passagers des compagnies maritimes, ferroviaires, mais aussi de transport par autocar effectuant un trajet international. Une première étape a été engagée en ce sens en France grâce à la loi du 20 juin 2016 relative à l'économie bleue 173 ( * ) qui prévoit, en son article 63, d'étendre le traitement automatisé prévu à l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure aux déplacements internationaux par voie maritime. L'application d'un PNR maritime au niveau européen gagnerait toutefois en efficacité.

En matière ferroviaire, les ministres de l'intérieur français, belge, néerlandais et britannique ont annoncé, lors du Conseil des ministres Justice et affaires intérieures informel du 26 janvier 2017, leur intention d'étendre leurs systèmes PNR respectifs aux déplacements en train Thalys et Eurostar entre ces pays. Si cette initiative est un premier pas encourageant, l'efficacité d'un tel dispositif passe, ici encore, par son extension à l'échelle de l'Union européenne.

Pour l'essentiel, les enjeux résident dans la mise en oeuvre opérationnelle de tels systèmes pour les transports maritimes, ferroviaires et par autocars et dans l'application harmonisée au niveau européen de ces traitements.

Propositions relatives aux données des dossiers passagers (PNR) :

mettre en place, au niveau de la Commission européenne, un dispositif de suivi de la transposition de la directive PNR et d'assistance à sa mise en oeuvre opérationnelle (proposition n° 26)

rendre obligatoire l'extension du PNR aux vols effectués à l'intérieur de l'Union européenne (proposition n° 27)

étendre la collecte et le traitement des données PNR à l'ensemble des transports internationaux de voyageurs (maritimes, ferroviaires et par autocar) (proposition n° 28)

S'agissant des marchandises, le travail d'analyse de risque et de ciblage en vue de contrôler les flux de marchandises a récemment été renforcé grâce à la création, au sein de la DGDDI, d'un service spécialisé à compétence nationale chargé de réaliser les analyses de risque, de déterminer les critères nationaux de ciblage et d'orienter les contrôles et enquêtes 174 ( * ) . Dans le cas du fret général et du fret express, ce travail est facilité par les obligations déclaratives pour les envois au-dessus d'un certain seuil de valeur. Il est nettement plus difficile s'agissant des petits colis acheminés par fret postal, qui ne font, dans la majorité des cas, pas l'objet de déclaration préalable et sont extrêmement nombreux. Sur 60 millions d'envois et de réceptions par an, 300 000 contrôles sont opérés par les brigades douanes, situées notamment au sein du hub de La Poste à Roissy.

Votre commission d'enquête considère que les moyens de contrôle ciblé des colis transportés par fret postal - à partir du lieu d'origine de l'envoi, du destinataire ou encore de l'entreprise - doivent être renforcés et le travail d'analyse de risque perfectionné. Un contrôle exhaustif de ce type d'envois n'est ni possible, ni souhaitable - il n'existe d'ailleurs pas pour les marchandises acheminées par d'autres moyens de transport, qui font l'objet d'un ciblage établi par l'outil européen de contrôle des importants Import control system (ICS). Pour autant, l'importance croissante du fret postal sous l'effet du développement du e-commerce présente, au-delà de l'enjeu fiscal lié au recouvrement des droits et taxes, un enjeu de sécurité non négligeable. Ainsi que l'a confirmé Mme Hélène Crocquevieille devant votre commission d'enquête, « dans les paquets, arrivent beaucoup de choses : contrefaçons, armes en pièces détachées, produits stupéfiants, argent liquide, faux-papiers, etc. Beaucoup de produits illicites ».

Le renforcement des effectifs contrôlant les envois postaux grâce aux emplois supplémentaires créés dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste est un premier pas encourageant. L'échange d'informations avec les services de police et de renseignement, ainsi que les outils de détection des risques, gagneraient certainement à être développés afin d'accroître l'efficacité de ces contrôles.

Proposition n° 29 : renforcer le contrôle des marchandises acheminées par fret postal grâce au développement des outils d'analyse de risque et de ciblage


* 173 Loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.

* 174 Arrêté du 29 février 2016 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « service d'analyse de risque et de ciblage ».

Page mise à jour le

Partager cette page