Rapport d'information n° 574 (2016-2017) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juin 2017

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N° 574

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la compétitivité des places financières ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LISTE DES RECOMMANDATIONS

1/ Protéger la stabilité financière et garantir une concurrence équitable en Europe dans le cadre du Brexit :

Recommandation n° 1 : étudier l'opportunité d'introduire une obligation de localiser au sein de l'Union européenne les infrastructures d'importance systémique dont les activités sont libellées en euro, afin de préserver la stabilité financière.

Recommandation n° 2 : rendre plus exigeants les régimes d'équivalence afin de maitriser les risques de divergence réglementaire.

Recommandation n° 3 : préciser les critères de substance devant être exigés par les autorités nationales en cas de délégation de gestion au bénéfice d'un pays tiers et renforcer la gouvernance et les pouvoirs de l'autorité européenne des marchés financiers, afin de prévenir l'installation d'entités « boite aux lettres » au sein de l'Union européenne.

Recommandation n° 4 : localiser à Paris l'autorité bancaire européenne, à proximité de l'autorité européenne des marchés financiers, afin de faciliter la nécessaire coordination de la réglementation des établissements bancaires, des services d'investissement et des activités de marché.

2/ Renforcer la compétitivité du cadre fiscal :

Recommandation n° 5 : supprimer la tranche supérieure du barème de la taxe sur les salaires, afin de réduire l'écart de coût du travail entre la place de Paris et ses principaux concurrents européens.

Recommandation n° 6 : renforcer le régime des impatriés par la mise en place d'une exonération totale de taxe sur les salaires, afin de réduire l'écart de coût du travail entre la place de Paris et ses principaux concurrents européens.

Recommandation n° 7 : ramener le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,2 % et supprimer l'extension aux transactions intrajournalières, dans l'attente des résultats de la négociation sur le projet européen de taxe sur les transactions financières.

Recommandation n° 8 : modifier le régime des stock-options, afin de rapprocher le niveau de taxation de l'ensemble des plans d'intéressement à long terme de la moyenne européenne.

Recommandation n° 9 : adosser la société de libre partenariat à un régime fiscal adapté aux besoins des investisseurs internationaux, afin que le secteur de la gestion d'actifs dispose d'un véhicule concurrentiel au niveau européen.

3/ Rénover le cadre juridique applicable aux services financiers :

Recommandation n° 10 : assouplir le droit des titres par l'introduction d'actions à droit de vote multiple, afin de répondre aux besoins des émetteurs.

Recommandation n° 11 : moderniser le code des assurances afin de lever les freins à l'attractivité de l'assurance vie française et de garantir des conditions de concurrence équitables au niveau européen.

4/ Moderniser le système de régulation :

Recommandation n° 12 : afin d'encourager l'innovation financière, mettre en place un « bac à sable » réglementaire permettant des dérogations temporaires et encadrées aux règles de droit commun pour les fintech.

Recommandation n° 13 : diversifier les recrutements et les parcours professionnels au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), afin de se rapprocher des pratiques les plus efficientes en matière de ressources humaines.

5/ Adapter le droit du travail :

Recommandation n° 14 : instaurer un barème encadrant les indemnités prononcées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, afin de garantir davantage de prévisibilité aux employeurs.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Depuis l'annonce des résultats du référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne (UE), le thème de la compétitivité des places financières fait l'objet d'une attention croissante , le Brexit étant susceptible de fragiliser la capacité de l'industrie financière britannique à déployer ses activités en Europe.

Dans ce nouvel environnement aux contours incertains, deux questions majeures se posent.

La première, qui a jusqu'à présent concentré l'attention, porte sur l'ampleur et la destination des relocalisations qui pourraient être décidées par les acteurs financiers exerçant actuellement leurs activités depuis Londres afin de sécuriser leur accès au marché européen.

Cette interrogation apparaît aujourd'hui d'autant plus pressante que la Première ministre britannique Theresa May, dans un discours prononcé à Lancaster House le 17 janvier 2017, a manifestement opté pour une sortie du marché intérieur , engageant ainsi le Royaume-Uni sur la voie d'un Brexit « dur ».

Alors que la place de Londres était parvenue depuis les années 1980 à retrouver le rang de premier centre financier mondial qu'elle avait perdu au lendemain de la Première guerre mondiale, tout en consolidant sa prééminence en Europe 1 ( * ) , le Brexit apparaît ainsi comme un événement susceptible de provoquer un rééquilibrage du paysage financier européen .

Paradoxalement, l'« effet de place » 2 ( * ) , qui tend selon la littérature économique à favoriser la concentration en un lieu géographique « de multiples acteurs qui concourent au bon fonctionnement des marchés financiers au sein d'écosystèmes dégageant d'importantes synergies » afin d'apporter « aux agents économiques financiers des services spécialisés et rapprochés indispensables pour la conduite de leurs opérations » 3 ( * ) , apparaît en effet à la fois comme un phénomène « extrêmement robuste et extrêmement fragile » 4 ( * ) .

Extrêmement robuste , d'une part, parce qu'une fois la dynamique enclenchée, il est particulièrement difficile de « rattraper » une place ayant atteint la « masse critique » en la concurrençant « sur les prix ou les coûts » 5 ( * ) . L'activité financière figure ainsi « parmi les plus hiérarchisées à l'échelle mondiale », un nombre très restreint de grands centres financiers « concentrant des opérations dont les montants sont colossaux comparés à l'activité de centres plus petits, et disproportionnés par rapport à la plupart des indicateurs d'activité économique » 6 ( * ) .

Extrêmement fragile , d'autre part, parce que le déclin des places financières apparaît historiquement comme aussi « brutal » et « inattendu » 7 ( * ) que leur émergence : de Gênes à Amsterdam en passant par Anvers, de multiples exemples 8 ( * ) illustrent le fait que « lorsque l'équilibre se rompt, que les champs de force et la direction des flux économiques se modifient, alors (...) le monde se polarise différemment » 9 ( * ) .

Aussi, bien que les conséquences à long terme du Brexit demeurent à ce jour largement indéterminées 10 ( * ) , les pouvoirs publics s'efforcent d'ores et déjà de peser sur les futures décisions de relocalisation des acteurs financiers . La place de Paris semble de ce point de vue avoir renoué avec « son ambition séculaire » 11 ( * ) de compter parmi les premiers centres financiers à l'échelle internationale, comme en témoignent les mesures visant à renforcer son attractivité annoncées conjointement le 6 juillet 2016 à l'occasion des « rencontres Paris Europlace » par le Premier ministre, Manuel Valls, la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, et la maire de Paris, Anne Hidalgo 12 ( * ) .

Dans ce contexte, le présent rapport a donc d'abord pour objet d'appréhender les forces et les faiblesses de Paris par rapport à ses principaux concurrents - afin, le cas échéant, de formuler des recommandations permettant de renforcer sa compétitivité.

L'ampleur du rééquilibrage du paysage financier européen dépendra toutefois fortement de la nature des relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Les vingt-sept États membres et la Commission européenne, sous l'impulsion du négociateur en chef Michel Barnier 13 ( * ) , considèrent à juste titre qu'il convient d'abord de s'accorder sur les conditions du « divorce » - et plus particulièrement sur la protection des droits des citoyens et le règlement financier du Brexit . Cependant, il apparaît dès à présent nécessaire d'identifier les grands enjeux de la négociation relative aux services financiers et de réfléchir aux réponses susceptibles d'être apportées aux demandes britanniques et aux inquiétudes des acteurs économiques.

En effet, le poids prépondérant occupé actuellement par Londres dans le domaine des services financiers est susceptible de créer un arbitrage difficile entre, d'une part, la volonté de préserver la souveraineté et la stabilité financière de l'Union , qui semble exclure que des fonctions financières centrales pour l'économie européenne « soient soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l'Union européenne » 14 ( * ) , et, d'autre part, la nécessité de tenir compte des risques de perturbation pour le financement des entreprises.

Les négociations portant sur les services financiers menées avec le Royaume-Uni et nos partenaires européens constituent ainsi la deuxième question majeure abordée par le présent rapport . À cet égard, ce dernier a vocation à poursuivre les réflexions engagées par le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne, mis en place au Sénat à l'initiative des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes 15 ( * ) .

PREMIÈRE PARTIE
LA PLACE DE PARIS EST PARVENUE À SE POSITIONNER PARMI LES CENTRES FINANCIERS DE RÉFÉRENCE EN EUROPE, SANS TOUTEFOIS EXPLOITER PLEINEMENT
SES ATOUTS

I. LA PLACE DE PARIS DISPOSE DE NOMBREUX ATOUTS POUR FIGURER PARMI LES PREMIERS CENTRES FINANCIERS À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE

A. L'OBJECTIF DE DÉVELOPPER UNE PLACE FINANCIÈRE DOMESTIQUE DE RÉFÉRENCE GARDE TOUTE SA PERTINENCE

Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, le développement financier a principalement été appréhendé sous l'angle du risque . Il est vrai que l'industrie financière, qui rassemble l'ensemble des entreprises « dont l'activité implique la gestion du risque et du temps, c'est-à-dire l'intermédiation entre des agents présentant une capacité de financement et ceux ayant un besoin de financement » 16 ( * ) , est susceptible, plus que d'autres secteurs, de provoquer une accumulation de déséquilibres qui se révèlent très coûteux pour la collectivité lorsqu'ils se matérialisent 17 ( * ) .

Si la question des coûts et des avantages du développement financier doit être abordée avec lucidité 18 ( * ) - toute stratégie visant à étendre la taille et l'efficacité d'un centre financier devant nécessairement s'accompagner de la mise en place d'un cadre prudentiel et d'une supervision adéquats -, l'objectif de développer une place financière de référence en France garde toute sa pertinence .

1. L'existence d'une place financière de référence favorise le bon développement de l'industrie financière, exerçant ainsi des effets positifs sur l'activité et l'emploi

La pertinence de cet objectif tient tout d'abord à l'importance intrinsèque du secteur financier pour l'activité et l'emploi .

En France, la part du secteur financier dans la valeur ajoutée est ainsi comprise entre 4 % et 5 % depuis quarante ans - soit un niveau comparable à celui observé en Allemagne, en Italie ou en Espagne 19 ( * ) . La contribution de l'industrie financière au produit intérieur brut (PIB) est ainsi dix fois plus importante que celle de l'industrie automobile .

À cette activité importante correspond naturellement une contribution significative sur le plan budgétaire : les impôts et prélèvements sur la masse salariale acquittés par les entreprises du secteur financier (40 milliards d'euros, dont 60 % par les banques et 20 % par les assurances) représentent près de 5 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires et 11 % de ceux acquittés par les entreprises 20 ( * ) .

Le poids de l'industrie financière est également manifeste sur le plan de l'emploi, les effectifs de la banque et de l'assurance étant estimés à plus de 750 000 21 ( * ) équivalents temps plein.

L'existence d'une place financière de premier plan, dans la mesure où elle favorise le bon développement de l'industrie financière par les effets d'agglomération qu'elle suscite, présente donc un intérêt réel pour l'économie nationale.

La concentration géographique des activités financières

La littérature économique mentionne trois principales forces d'agglomération expliquant la concentration géographique des activités financières dans un nombre limité de places.

La concentration des entreprises financières permet :

- d'attirer les fournisseurs spécialisés (droit, comptabilité, informatique) indispensables aux services financiers ;

- de susciter l'émergence d'un bassin de main d'oeuvre qualifiée ;

- de favoriser la circulation des connaissances et des informations au sein du secteur.

La concentration des entreprises est ainsi porteuse d'externalités pécuniaires - l'accroissement du bassin d'emploi et la concurrence entre les fournisseurs exercent une pression à la baisse sur les coûts - et informationnelles .

Ces externalités positives peuvent permettre non seulement de compenser les externalités négatives liées à la concentration des activités financières - principalement les coûts de congestion et l'éloignement des clients - mais aussi de préserver l'attractivité des places historiques d'une concurrence par les coûts (« prime au premier entrant »).

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Gunther Capelle-Blancard et Yamina Tadjeddine, « Les places financières : désintégration, suburbanisation et spécialisation », Revue d'économie financière , vol. 90, pp. 93-116, 2007

Le rayonnement de la place de Londres joue ainsi un rôle central pour expliquer le dynamisme de l'industrie financière britannique. Au Royaume-Uni, le secteur financier représente 7,2 % du PIB 22 ( * ) (dont 50 % à Londres) 23 ( * ) , 1 million d'emplois directs (dont un tiers à Londres), 1,1 million d'emplois indirects 24 ( * ) et 71,4 milliards de livres de prélèvements obligatoires 25 ( * ) .

En France, la région Île-de-France concentre à elle seule 40 % de l'emploi dans le secteur financier , alors qu'elle ne représente que 24 % des emplois métropolitains 26 ( * ) .

La géographie des activités financières en Île-de-France

La stabilité des effectifs du secteur financier en Île-de-France sur longue période masque de profondes modifications dans leur répartition géographique.

Si la place financière ne s'est jamais limitée à Paris, l'essentiel des activités financières ont longtemps été situées dans le quartier de la Bourse, autour du Palais Brongniart et des grands boulevards (9 ème , 8 ème et 2 ème arrondissements).

Les évolutions intervenues depuis le début des années 1990 ont toutefois fortement renforcé le poids des communes de petite couronne au détriment de la capitale, dont les effectifs ont diminué d'un tiers entre 1990 et 2005. Comme le relèvent Gunther Capelle-Blancard, Matthieu Crozet et Fabien Tripie, « au sein même de la région Île-de-France, on voit se dessiner une polarisation des activités : au centre de Paris et à La Défense les activités à forte valeur ajoutée ; à l'Est le back-office et les fonctions supports ».

Source : Gunther Capelle-Blancard, Matthieu Crozet et Fabien Tripier, « La localisation des activités financières dans l'Union européenne » in Consolidation mondiale des bourses , La Documentation française , 2007, pp. 129-155

2. Le rayonnement de la place financière est un élément majeur de l'attractivité et du dynamisme d'un territoire

Au-delà de sa contribution directe à l'activité et à l'emploi, l'importance que revêt le développement d'un centre financier de référence tient également à ses effets positifs sur l'attractivité et le dynamisme du territoire.

Comme le rappelle une étude publiée par la Banque de France, l'existence d'une place financière active et innovante représente tout d'abord « un argument important pour attirer les centres de décision des grands groupes », qui sont « les principaux consommateurs de services financiers élaborés » 27 ( * ) .

Si le développement des technologies de l'information et de la communication devrait a priori permettre aux fonctions remplies par le secteur financier d'être assurées à distance, « ne pas choisir de s'installer physiquement sur la place où sont déjà présents les autres » constituerait pour les entreprises « un risque de se priver des échanges relationnels indispensables » au partage des connaissances et des informations 28 ( * ) .

Pour cette raison, les grands groupes continuent de déterminer « au moins partiellement leur implantation en fonction de la capacité d'une place financière à répondre à leurs besoins » 29 ( * ) .

Au-delà de sa contribution à l'attractivité du territoire, l'existence d'une place financière favorise également « l'allocation efficace de l'épargne et de l'investissement » au sein des zones économiques auxquels elle est adossée, en raison de la « concentration d'expertises pluridisciplinaires et multiproduits » qu'elle induit 30 ( * ) .

L'étude de référence concernant l'entreprise de modernisation de la place de Paris engagée à la fin des années 1980 a ainsi permis de confirmer empiriquement les effets positifs de la réforme sur le coût de financement des entreprises et le renouvellement du tissu entrepreneurial 31 ( * ) .

Si le rayonnement d'une place financière demeure donc un élément majeur de l'attractivité et du dynamisme d'un territoire, l'objectif de consolider la place de Paris comme centre financier de référence apparaît d'autant plus pertinent qu'elle dispose d'atouts indéniables pour jouer les premiers rôles au niveau international.

B. LA PLACE DE PARIS DISPOSE D'ATOUTS INDÉNIABLES POUR JOUER LES PREMIERS RÔLES EN MATIÈRE FINANCIÈRE

Les déterminants de la compétitivité des places financières ont fait l'objet de multiples travaux théoriques et empiriques 32 ( * ) .

Si des débats nourris demeurent sur leur importance relative, quatre principaux facteurs explicatifs ont été mis en évidence par la littérature économique :

- le capital humain , l'existence d'un bassin de main d'oeuvre qualifiée dans le domaine financier étant généralement associée à un système éducatif performant ou à une forte capacité à attirer des expatriés ;

- les infrastructures , en particulier dans les domaines des transports et des technologies de l'information et de la communication ;

- le niveau d'activité potentiel , qui dépend notamment de la taille et du taux d'épargne de l'économie domestique ainsi que de la présence de grandes entreprises clientes ;

- l'environnement des entreprises , qui recouvre de multiples composantes (fiscalité, qualité de l'encadrement réglementaire, droit du travail, etc.).

Au regard de ces critères, la place de Paris présente d'indéniables atouts pour jouer les premiers rôles en matière financière.

1. Une formation en finance de premier plan

S'agissant du capital humain, les écoles et les universités françaises ont la capacité de pourvoir aux besoins de l'industrie financière , avec la formation, chaque année, d'environ 8 000 étudiants pour les métiers de front - office (dont 900 ingénieurs spécialisés dans le secteur financier) et de 18 000 étudiants pour les métiers de middle et back-office 33 ( * ) .

Historiquement, les banques françaises ont bénéficié de l'apport d'ingénieurs mathématiciens de grande qualité , qui ont favorisé l'informatisation de leurs activités dès les années 1960 et l'importation de nouveaux modèles de gestion des risques à partir des années 1980. Comme le relève Thierry Pascault, « nos banques ont ainsi largement devancé les banques anglo-saxonnes, dont les dirigeants étaient majoritairement de formation juridique » 34 ( * ) .

L'excellence des formations offertes en France dans le domaine financier, qui s'appuie notamment sur une forte tradition mathématique, est aujourd'hui pleinement reconnue à l'international.

En 2016, cinq écoles françaises figurent ainsi aux dix premières places du classement des masters en finance publié par le Financial Times 35 ( * ) . À titre de comparaison, les premiers représentants britannique et allemand figurent respectivement à la onzième et à la vingtième place.

Pour attirer les diplômés des grandes écoles françaises, l'industrie financière britannique n'hésite pas à les rémunérer à un niveau significativement supérieur à leurs homologues anglais : à titre d'illustration, les anciens étudiants de l'École Polytechnique arrivent en tête d'une étude menée en 2015 auprès de 700 jeunes professionnels travaillant à la City , avec une rémunération 38 % supérieure aux diplômés d'Oxford et de Cambridge 36 ( * ) .

2. Une métropole mondiale dotée d'infrastructures de qualité

Un constat identique peut être dressé concernant la qualité de vie et les infrastructures .

L'enquête annuelle « Cities of Opportunity » du cabinet PwC 37 ( * ) , qui a récemment classé Paris à la quatrième place des métropoles les plus attractives et dynamiques à l'échelle internationale, situe ainsi la capitale française :

- en tête de son classement pour les critères de la qualité de vie et de la couverture des transports ;

- à la deuxième place mondiale sur la thématique « Hub international pour le business ».

Classement européen des métropoles les plus attractives
à l'échelle internationale

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'étude « Cities of Opportunity 2016 » du cabinet Pwc)

Il peut être noté que Francfort, Dublin et Luxembourg ne figurent pas dans cette étude , qui ne prend en compte que les trente premières métropoles mondiales.

3. Un marché immobilier attractif pour les entreprises

S'agissant du marché de l'immobilier d'entreprise, Paris présente l'avantage d'offrir à la fois des prix modérés et une forte capacité d'accueil.

Pour les entreprises, s'installer à Paris permet ainsi d'éviter les problèmes de congestion liés aux prix de l'immobilier (Londres) et au manque d'espace disponible (Dublin, Luxembourg et, dans une moindre mesure, Francfort).

Comparaison du marché immobilier d'entreprise

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de Paris Europlace)

Selon les données de l'étude réalisée à la demande de Paris Europlace 38 ( * ) , les bureaux parisiens sont ainsi deux fois moins chers qu'à Londres , pour une capacité d'accueil quatre fois supérieure à Francfort.

4. Un centre financier qui bénéficie d'une épargne domestique abondante et de la présence de grandes entreprises

Si une place financière est susceptible de croître de façon autonome par rapport à son « arrière-pays », le dynamisme de la zone économique à laquelle elle est adossée constitue un atout pour son bon développement.

À cet égard, la situation de la place de Paris apparaît doublement favorable .

Son développement peut tout d'abord s'appuyer sur l'abondante épargne des Français , dont le taux d'épargne (14,5 % en 2015, 15,2 % en moyenne entre 1991 et 2015) reste significativement plus élevé que la moyenne de la zone euro (12,7 %) 39 ( * ) . En 2015, l'encours moyen des placements financiers par habitant atteint ainsi 68 800 euros en France, soit un niveau très légèrement supérieur à celui observé en Allemagne 40 ( * ) .

Surtout, la place de Paris est susceptible de bénéficier de la présence de nombreuses grandes entreprises en Île-de-France, qui constituent autant de clients potentiels.

À titre d'illustration, 29 des 500 entreprises listées dans le classement Forbes Fortune Global 500 ont leur siège dans la région, ce qui place Paris au 1 er rang européen et au 3ème rang mondial , derrière Tokyo et Pékin 41 ( * ) .

Par rapport à Francfort, la place de Paris peut en outre tirer parti de la concentration des grands groupes dans la région francilienne, qui contraste avec la grande dispersion des activités économiques sur le territoire allemand . À deux exceptions près (Michelin à Clermont-Ferrand et Auchan à Croix), l'ensemble des sièges sociaux des grandes entreprises françaises sont situés en Île-de-France.

Nombre de sièges sociaux des cinq cents
plus grandes entreprises mondiales

Source : commission des finances du Sénat (d'après le classement Forbes Fortune Global 500 )

5. Des autorités de supervision efficaces et reconnues au plan international

Sur le plan de la supervision, la place de Paris peut s'appuyer sur deux institutions reconnues au plan international : l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF).

À cet égard, l'efficacité du système de supervision français a été renforcée par la réforme entreprise en 2010 42 ( * ) , qui a fusionné les autorités de contrôle et d'agrément des secteurs de la banque et de l'assurance.

Là encore, la situation de Francfort apparaît plus contrastée . Si la BaFin est en théorie l'autorité de supervision unique des banques, des assurances et des marchés financiers 43 ( * ) , les Länder ont néanmoins conservé leur compétence de contrôle des bourses. Le Land de Hesse est ainsi en charge de la supervision de la Deutsche Börse - et disposait de ce fait d'un « droit de veto » sur le projet de rapprochement avec le London Stock Exchange (LSE) -, alors même qu'il ne dispose pas de la même expertise, ni de la même expérience qu'une autorité telle que l'AMF.

Au total, la place de Paris réunit donc de nombreux atouts, qui devraient lui permettre de se positionner parmi les centres financiers de référence à l'échelle internationale.

II. CES ATOUTS MAJEURS POURRAIENT ÊTRE MIEUX VALORISÉS

A. APRÈS LONDRES, LA PLACE DE PARIS CONSTITUE LE CENTRE FINANCIER DE RÉFÉRENCE EN EUROPE

Comme le relève l'historienne Laure Quennouëlle-Corre, les atouts de la place de Paris lui ont permis de « s'inscrire depuis le XIX e siècle dans le peloton de tête des grandes places internationales » 44 ( * ) .

L'examen de son passé récent permet à cet égard de distinguer quatre grandes périodes . Avant 1914, Paris connaît en tant que place internationale son « apogée » : véritable « banquier du monde », elle se situe « pour la quasi-totalité des historiens » à la deuxième place mondiale, « juste après Londres » 45 ( * ) . De la Première Guerre mondiale jusqu'en 1939, ses ambitions sont néanmoins contrariées par une multiplication de turbulences économiques, monétaires et financières, qui freinent son développement. À partir de la Grande Dépression, la place de Paris entre alors dans une période de repli, caractérisée par une fermeture aux capitaux extérieurs et à la concurrence sur les marchés internationaux. « Entièrement repliée sur elle-même », Paris est désormais « déconnectée des grands marchés internationaux et les négociations sur les grands titres français se font à Londres » 46 ( * ) . Si le début de la construction européenne et la stabilisation financière de 1958 conduisent à une « timide réouverture », les « années noires » de la place financière ne prennent véritablement fin qu'avec l'entreprise de modernisation engagée à partir de 1978 47 ( * ) , qui permet à Paris de retrouver son rang à l'échelle européenne 48 ( * ) .

L'entreprise de modernisation des années 1980

Entre 1978 et 1988, la place de Paris bénéficie d'un « concentré exceptionnel de mesures, d'une amplitude plus forte que le Big Bang de Londres, qui s'est limité à la réforme de la Bourse » 49 ( * ) .

L'entreprise de modernisation débute en 1978 avec la « loi Monory » 50 ( * ) , qui vise à réorienter l'épargne domestique vers l'investissement productif, en permettant notamment de déduire du revenu imposable les investissements en actions françaises.

Elle se poursuit par la modernisation du cadre réglementaire de la gestion collective, marquée par la réforme des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) 51 ( * ) et l'introduction des fonds commun de placement 52 ( * ) . Ainsi, alors que la gestion collective française est « inexistante » avant 1978, les encours collectés ne dépassant pas « une centaine de milliards de francs », elle « prend son envol au début des années 80, dopée d'un côté par un ensemble d'incitations fiscales et, de l'autre, par les modifications de la réglementation » 53 ( * ) .

S'agissant du marché financier, alors « considéré comme cloisonné, peu concurrentiel et très réglementé » 54 ( * ) , le basculement s'opère véritablement entre 1984 et 1989 , avec un ensemble de réformes visant à permettre la création d'un marché :

- moderne , c'est-à-dire ne reposant plus sur la négociation à la criée mais sur la confrontation des ordres d'achat et de vente dans le cadre d'une cotation informatisée en continu ;

- unifié du très court terme au très long terme et fonctionnant tant au comptant qu'à terme, avec par exemple la création d'un marché à terme des instruments financiers (Matif) et d'un marché d'options négociables (Monep) ;

- ouvert à tous les agents économiques, avec notamment l'ouverture du marché monétaire aux entreprises non financières (qui ne pouvaient pas jusqu'alors prêter et emprunter à court terme sur les marchés) et l'autorisation des émissions obligataires en eurofrancs ;

- offrant des services à un coût compétitif, avec la diminution de l'impôt de bourse ainsi que la libéralisation des tarifs de courtage et des commissions prélevées par les banques sur les émissions d'obligations.

Cette modernisation des marchés, si elle ne s'était pas accompagnée d'une évolution plus générale des modalités de financement de l'économie française, « aurait eu sans doute un intérêt technique pour les praticiens du marché, mais n'aurait pas eu de conséquences significatives » 55 ( * ) , compte tenu de la faible place des instruments de marché.

Aussi, deux évolutions parallèles sont engagées :

- la débonification , qui permet de réduire fortement la part des prêts à taux administré ;

- la réforme de la régulation monétaire , l'encadrement du crédit étant « progressivement remplacé par un contrôle de la masse monétaire par les taux d'intérêt » 56 ( * ) .

Ce mouvement de désintermédiation et de libéralisation des marchés soumet les établissements de crédit à une plus grande concurrence, favorisant ainsi la consolidation du marché bancaire et l'émergence de grands groupes diversifiés d'envergure internationale 57 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat

Si l'on excepte Londres dans un contexte marqué par le Brexit , Paris apparaît ainsi comme la seule place européenne « globale » capable de jouer les premiers rôles dans l'ensemble des secteurs d'activité du système financier.

À l'inverse, les principaux concurrents de la place de Paris demeurent des centres financiers spécialisés sur certains métiers et activités.

1. Le secteur bancaire

S'agissant du secteur bancaire, cinq établissements français 58 ( * ) figurent ainsi parmi les quinze premières banques européennes.

Nombre de banques figurant parmi les quinze premiers établissements de l'Union européenne en termes de total des actifs

(en nombre)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de Relbanks au 31 décembre 2016)

Les activités de marché de gré à gré développées par ces établissements pour répondre aux besoins de leurs clients permettent à la place de Paris de figurer en tête des classements européens sur les marchés des changes et des taux , derrière Londres.

Parts de marché mondiales sur les marchés de gré à gré en 2016

Londres

Paris

Francfort

Amsterdam

Luxembourg

Dublin

Dérivés de taux

38,8 %

4,6 %

1,0 %

0,7 %

0 %

0 %

Instruments de change

36,9 %

2,8 %

1,8 %

1,3 %

0,6 %

0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la BRI)

2. Le secteur des infrastructures de marché

S'agissant des infrastructures de marché , la place de Paris peut s'appuyer, contrairement à Dublin, Luxembourg ou Amsterdam, sur la présence d'entreprises de référence de la phase de négociation au post-marché , avec :

- Euronext , bourse paneuropéenne dont le siège opérationnel se situe à la Défense et qui figure à la troisième place en Europe sur le plan de la capitalisation boursière (3,3 milliards d'euros), derrière les bourses de Londres (13,6 milliards d'euros) et de Francfort (17,5 milliards d'euros) 59 ( * ) ;

- LCH.Clearnet SA , filiale française de la chambre de compensation de la bourse de Londres classée à la troisième place européenne en termes de nombre de participants (110), derrière l'entreprise britannique LCH. Clearnet Ltd (336) et l'entreprise allemande Eurex Clearing AG (186) 60 ( * ) ;

- trois représentants parmi les quinze premiers dépositaires à l'échelle mondiale 61 ( * ) , contre un seul pour Londres et zéro pour Francfort, Amsterdam, Dublin et Luxembourg.

Les infrastructures : de la négociation au post-marché

Schématiquement, l'exécution d'un ordre de bourse transmis par un investisseur comporte quatre étapes .

Lors de la phase de négociation , l'ordre de l'investisseur est transmis par un collecteur à un négociateur, chargé de trouver une contrepartie.

Lorsqu'une contrepartie est trouvée, commence alors la deuxième étape, dite de compensation . La chambre de compensation assume le risque de contrepartie en s'interposant entre l'acheteur et le vendeur.

Elle calcule également en fin de séance la position nette des acteurs afin de réduire les opérations de règlement-livraison au strict minimum. Les ordres nets sont alors transmis au dépositaire central.

La troisième étape, dite de règlement-livraison , est ainsi assurée par le dépositaire central. Concrètement, ce dernier s'assure que le versement a bien été effectué par l'acheteur et permute dans ses livres de compte l'inscription des titres au profit du vendeur.

Enfin, la quatrième étape, dite de conservation , implique les teneurs de compte-conservateur, qui tiennent à jour le portefeuille de titres de leurs clients. Ces titres sont répertoriés dans le compte ouvert par le teneur auprès du dépositaire central. Ce dernier peut ainsi vérifier à tout moment que le nombre de titres comptabilisés au sein du compte dit « d'émission » des sociétés enregistrées auprès de lui correspond à la somme des titres comptabilisés au sein des comptes des teneurs.

Source : Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 175.

À cet égard, la position de Paris apparaît d'autant plus solide qu'elle a pu jusqu'à présent s'appuyer sur la mobilisation des acteurs de la place , comme en témoigne la constitution d'un « noyau dur » d'actionnaires d'Euronext en 2014.

Euronext, un acteur incontournable devant être conforté

Né du rapprochement entre le New York Stock Exchange (NYSE) et la bourse paneuropéenne Euronext le 4 avril 2007, le groupe NYSE Euronext a ensuite été acquis par Intercontinental Exchange (ICE) le 12 novembre 2013. Dans ce cadre, ICE a souhaité détacher Euronext et procéder à son introduction en bourse.

À la suite des réflexions engagées par le Gouvernement 62 ( * ) et de l'émergence d'un consensus des acteurs de la place sur l'utilité et l'importance de disposer d'infrastructures de marché de référence en France, il a été décidé de constituer un noyau dur d'actionnaires d'Euronext . Un accord en ce sens a ainsi été conclu pour une durée de trois ans à l'occasion de l'introduction en bourse d'Euronext le 20 juin 2014. Représentant près du tiers du capital, ce pacte regroupe notamment deux grands établissements bancaires français (BNP Paribas et Société générale), ainsi que la Caisse des dépôts et consignations et BPI France participations 63 ( * ) .

Alors que des négociations sont actuellement en cours pour renouveler l'accord, qui arrive à son terme , votre rapporteur général estime indispensable de garantir la stabilité du capital d'Euronext, dans un contexte marqué par la perspective d'une consolidation des entreprises de bourse à l'échelle mondiale 64 ( * ) . En effet, l'échec du projet de rapprochement entre le London Stock Exchange (LSE) et la Deutsche Börse, à la suite de l'interdiction de la fusion par la Commission européenne en vertu du règlement sur les concentrations 65 ( * ) , ne met pas fin à la nécessité d'opérer une consolidation des acteurs européens, qui ne possèdent pas la masse critique de leurs concurrents américains.

Source : commission des finances du Sénat

3. L'industrie de la gestion d'actifs

Dans le secteur de la gestion d'actifs , la place de Paris apparaît également très bien positionnée. L'industrie française figure ainsi :

- à la deuxième place en Europe pour le montant des actifs sous gestion ;

- à la troisième place en Europe pour la domiciliation de fonds (13 % de part de marché), derrière Luxembourg (26 %) et Dublin (15 %).

4. Le secteur de l'assurance

Un constat analogue peut être dressé s'agissant du secteur de l'assurance.

En effet, la place de Paris compte quatre représentants 66 ( * ) parmi les vingt premiers assureurs européens - dont le premier assureur mondial, Axa.

Les acteurs français peuvent s'appuyer sur un marché domestique particulièrement développé, la France constituant le deuxième marché de l'Union européenne en termes de cotisations (206 milliards d'euros), derrière le Royaume-Uni (254 milliards d'euros) 67 ( * ) .

Nombre d'assureurs figurant parmi les vingt premiers établissements de l'Union européenne en termes d'actifs

(en nombre)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de Relbanks au 31 décembre 2016)

Il peut être noté que si l'Allemagne compte trois représentants parmi les vingt premiers assureurs européens (Allianz, Talanx AG et Munich Re), ces derniers ont fait le choix d'installer leur siège à Munich et à Hanovre plutôt qu'à Francfort , illustrant ainsi la dispersion géographique des activités financières sur le territoire allemand.

5. Le secteur des fintech

Enfin, la place de Paris s'est progressivement dotée d'un écosystème favorable au développement du secteur des fintech , qui rassemble les entreprises innovantes dans le domaine des services financiers.

Si les montants investis dans les fintech françaises restent inférieurs aux capitaux levés au Royaume-Uni (901 millions de dollars), en Allemagne (770 millions de dollars) ou encore en Irlande (631 millions de dollars) 68 ( * ) , ils ont très fortement augmenté en 2015 (+ 759 %), pour atteindre 189 millions de dollars.

Trois entreprises françaises figurent désormais au classement mondial des cent premières fintech : Lendix (plateforme de prêt en ligne), Leetchi (cagnotte en ligne) et Fluo (gestion des contrats d'assurance).

Nombre d'entreprises au classement mondial des cent premières fintech

(en nombre)

Source : commission des finances du Sénat (d'après le classement 2016 Fintech 100 de KPMG)

Sur certains segments, le marché français apparaît plus mature que ses concurrents . À titre d'exemple, selon les résultats de l'étude annuelle réalisée par le centre pour la finance alternative de l'Université de Cambridge, la France constitue désormais le second marché européen pour le financement participatif (319 millions d'euros), loin derrière le Royaume-Uni (4,4 milliards d'euros) mais devant l'Allemagne (249 millions d'euros) et les Pays-Bas (111 millions d'euros) 69 ( * ) .

Si la place de Paris apparaît ainsi comme le centre financier de référence en Europe après Londres, elle n'est toutefois pas parvenue à tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.

B. L'INTERNATIONALISATION DE LA PLACE DE PARIS EST PÉNALISÉE PAR L'INADAPTATION DE SON ENVIRONNEMENT FISCAL, SOCIAL ET RÉGLEMENTAIRE

Comme le relève le Conseil d'analyse économique, « dans un monde ouvert », la localisation des activités à forte valeur ajoutée telles que les services financiers « fait l'objet d'une vive concurrence entre les États » 70 ( * ) .

Les déplacements et auditions menés par votre rapporteur général ont largement permis de confirmer ce constat, les États n'hésitant pas à prendre des mesures fiscales « tactiques » ou à adapter leur cadre réglementaire pour attirer certains marchés et acteurs . À titre d'illustration, les autorités de Hong Kong ont récemment annoncé vouloir modifier la fiscalité applicable au financement et à la location d'avions afin de concurrencer l'Irlande, qui est parvenue à attirer 55 % du marché mondial du leasing 71 ( * ) .

Or, la place de Paris semble souffrir de handicaps concurrentiels croissants à l'échelle internationale.

Dans le Global Financial Centres Index (GFCI), publication de référence qui établit un classement international des centres financiers selon le critère de la compétitivité, une forte dégradation de la position de la place de Paris peut ainsi être observée.

Méthodologie du classement GFCI

Le classement réalisé par le groupe Z/Yen repose sur deux sources :

- les résultats d'une enquête menée directement auprès de professionnels de la finance ;

- la compilation d'une centaine de « facteurs instrumentaux » représentatifs des cinq principaux facteurs de compétitivité que sont l'environnement des affaires, le niveau de développement financier, la qualité des infrastructures, le capital humain et la réputation.

Source : commission des finances du Sénat

Si la méthodologie et les résultats de tout classement international peuvent être débattus, la tendance est particulièrement nette, avec un recul de dix-huit places en dix ans .

Dans ce contexte, le développement de la place de Paris apparaît davantage lié à l'importance de son marché domestique et à la présence historique de grands groupes français qu'à sa capacité à attirer, dans un monde ouvert, les entreprises et les capitaux étrangers.

1. La place de Paris éprouve des difficultés pour attirer les entreprises et les capitaux étrangers

S'agissant des entreprises, le constat est loin d'être spécifique au secteur financier : comme l'a récemment mis en évidence le Conseil d'analyse économique, la France connaît depuis trente ans une « érosion nette » de sa capacité à attirer les centres de décision des entreprises étrangères 72 ( * ) .

Dans le secteur bancaire, la place de Paris n'est ainsi pas parvenue à attirer les principales banques d'investissement américaines.

Répartition des effectifs des banques d'investissement
américaines en Europe

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de Bruegel)

Cette difficulté à tirer parti de l'ouverture financière se manifeste également par une moindre capacité à capter l'épargne internationale.

Si l'industrie française de la gestion d'actifs est la deuxième en Europe, elle repose ainsi sur une base essentiellement domestique .

À titre d'illustration, dans le secteur de l'assurance vie , le montant des primes collectées à l'étranger par les acteurs luxembourgeois est cinq fois supérieur à celui de leurs homologues français.

Ce constat concerne également l'activité de domiciliation de fonds. Ainsi, la grande majorité des acteurs ont choisi le Luxembourg et l'Irlande pour distribuer leurs fonds à l'international.

Autorisations délivrées en Europe pour la distribution des fonds internationaux

(en %)

Note de lecture : les fonds internationaux sont ceux distribués dans au moins trois pays.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'ALFI)

Ces données font naturellement craindre une érosion progressive des parts de marché de la place de Paris au profit de ses concurrents pour les activités les plus mobiles.

Ce phénomène peut déjà être observé pour certaines activités de marché, en particulier sur les produits dérivés de taux d'intérêt de gré à gré.

Une tendance similaire existe pour la domiciliation des fonds.

De façon plus préoccupante, certains acteurs français semblent avoir fait le choix de (dé)localiser différentes activités à forte valeur ajoutée dans le reste de l'Europe.

Dans le secteur de l'assurance vie , quatre des six premiers assureurs luxembourgeois constituent ainsi des filiales de groupes français 73 ( * ) , sans que cela ne puisse être justifié par la nécessité de se rapprocher des clients locaux. Le montant des primes encaissées par ces quatre acteurs atteint ainsi 7 milliards d'euros en 2015 74 ( * ) , alors que le montant des primes collectées par l'ensemble des assureurs sur le marché domestique luxembourgeois s'élève à seulement 1,3 milliard d'euros.

En parallèle, cette évolution s'accompagne d'une très forte hausse des primes d'assurance vie encaissées par les entreprises opérant depuis le Luxembourgeois en provenance de la France.

Depuis 2010, la France constitue ainsi le premier client de l'assurance vie luxembourgeoise , le montant des primes collectées (7 milliards d'euros) restant néanmoins limité par rapport à la taille du marché français (141 milliards d'euros).

2. Son internationalisation apparaît pénalisée par l'inadaptation de son environnement fiscal, social et réglementaire

Ces signaux d'alerte imposent de s'interroger sur les freins rencontrés par la place de Paris pour tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.

a) Le principal handicap concurrentiel de la place de Paris tient au niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés

À cet égard, le niveau des prélèvements sur le travail constitue un facteur déterminant pour l'attractivité d'un territoire . Ainsi, une augmentation de 10 % du coût salarial se traduirait en moyenne par une diminution comprise entre 13 % et 25 % de la probabilité d'implantation nouvelle d'entreprises 75 ( * ) .

Dans ce domaine, le secteur financier français souffre d'un handicap concurrentiel très marqué pour les salariés qualifiés .

Du point de vue du salarié, la situation française apparaît tout à fait comparable à celle de ses principaux concurrents européens. Comme le relève une étude comparative récente menée par un grand groupe international à la demande de l'inspection générale des finances, la France apparaît « bien placée sur le plan de la fiscalité individuelle appliquée aux salaires, même si une partie de ce gain est rogné par les charges sociales employé » 76 ( * ) . Pour les travailleurs, l'imposition plus faible des revenus en France vient ainsi compenser les prélèvements sociaux plus élevés.

Du point de vue de l'employeur, le niveau des prélèvements sur le travail dans le secteur financier constitue en revanche un handicap concurrentiel majeur .

Ainsi, le montant des prélèvements payés par un employeur pour un salarié rémunéré à hauteur de 250 000 euros - soit environ 18 000 euros net par mois - est neuf fois supérieur en France qu'en Allemagne .

Pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, le coût total pour l'employeur, c'est-à-dire la somme du salaire brut et des prélèvements sur le travail, s'élève ainsi à 265 000 euros en Allemagne, contre 387 000 euros en France, soit un écart de 46 %.

Il peut être observé que l'écart de coût total pour l'employeur entre la France et l'Allemagne est croissant avec le niveau de rémunération.

La décomposition de l'écart de coût total avec l'Allemagne conduit à mettre en évidence trois principaux facteurs explicatifs.

Pour un salaire brut annuel de 250 000 euros, la taxe sur les salaires explique un tiers de l'écart entre la France et l'Allemagne.

Acquittée par les employeurs qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires et calculée sur les rémunérations versées selon un barème progressif, cette taxe représente une recette de 12,9 milliards d'euros en 2015 77 ( * ) . Elle ne connaît aucun équivalent chez nos concurrents européens.

L'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires constitue le deuxième facteur déterminant : elle explique un quart de l'écart de coût total pour l'employeur .

Comme le rappellent Henri Lagarde et Clément Kopp, « en Allemagne, la notion de retraite complémentaire obligatoire (payée par les charges sociales de l'entreprise) n'existe pas » 78 ( * ) . Si les employeurs allemands ne sont pas tenus d'abonder les plans d'entreprise proposés à leurs salariés, il est toutefois courant qu'ils le fassent à titre volontaire, ce qui doit conduire à relativiser l'importance de ce facteur . D'après une étude de l'Institut d'économie de Cologne mentionnée par la Cour des comptes, un salarié du secteur privé allemand sur deux serait ainsi couvert, pour un niveau de prélèvement moyen représentant 10 % du salaire brut 79 ( * ) .

Les entreprises allemandes restent néanmoins libres de remettre en cause les plans d'entreprise offerts à leurs salariés : en 2004, la Commerzbank, quatrième banque allemande, avait ainsi déclenché une polémique nationale en « informant par lettre plus de 20 000 salariés bénéficiaires qu'elle cesserait toute nouvelle contribution sur leurs plans de retraite », alors que ces derniers « recevaient l'équivalent de 13 % de leur salaire sur un compte bloqué jusqu'à leur départ » 80 ( * ) .

Enfin, l'absence de plafonnement des cotisations sociales versées par les employeurs constitue le dernier facteur pénalisant, qui explique un tiers de l'écart de coût total pour l'employeur .

Comme le rappelle la Cour des comptes, si « jusqu'en 1978, les cotisations au régime général sur la partie des salaires supérieure au plafond de la sécurité sociale restaient marginales (...) au cours des quinze années suivantes, une part prépondérante des cotisations aux régimes de base a été déplafonnée » 81 ( * ) . À l'inverse, l'ensemble des cotisations allemandes demeurent plafonnées, à l'exception de l'assurance-accident.

C'est principalement en raison de ce déplafonnement, qui n'a pas d'équivalent chez nos principaux voisins, que le surcoût pour les employeurs français croît fortement avec le montant du salaire versé .

Comme le résume l'économiste Gilles Saint-Paul, « les politiques de l'emploi des dernières décennies », qui ont « reposé largement sur la baisse du coût du travail peu qualifié au moyen de baisses de charges », ont conduit à ce que les travailleurs qualifiés français figurent « parmi les plus chers du monde » , au risque de provoquer une « accélération de l'exode des cerveaux et, à terme, une délocalisation des centres décisionnels et intellectuels des entreprises » 82 ( * ) .

La situation apparaît d'autant plus préoccupante que ce désavantage compétitif est parfaitement identifié par les acteurs . À titre d'exemple, René Proglio, directeur général de Morgan Stanley France, déclarait le 8 février dernier devant votre commission que « ce qui nous handicape, ce sont les charges sociales - et ça c'est colossal. Et je parle des charges sociales patronales. (...) Quand vous regardez les écarts entre Francfort et Paris sur ce point, vous comprenez qu'on a un très, très gros problème » 83 ( * ) .

b) Sur le plan de la fiscalité des entreprises, le problème tient moins au niveau de taxation qu'à l'imprévibilité qui caractérise le système français

S'agissant de la fiscalité des entreprises du secteur financier, les éléments recueillis par votre rapporteur général lors de ses travaux suggèrent que le problème concerne moins le niveau de taxation - et ce d'autant qu'une baisse progressive de l'impôt sur les sociétés a été engagée, comme cela sera rappelé ci-après - que l'instabilité qui caractérise la fiscalité française .

En moyenne, 20 % des articles du code général des impôts sont ainsi modifiés chaque année 84 ( * ) .

L'exemple des actions gratuites est à cet égard particulièrement illustratif de l'imprévisibilité du système fiscal français. Alors que les dispositions de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques de 2015 visant à assouplir le régime des actions gratuites 85 ( * ) n'étaient effectives que depuis quelques mois 86 ( * ) , la loi de finances pour 2017 87 ( * ) est revenue en partie sur ces évolutions. Il s'agit pourtant d'un élément majeur d'attractivité , dans la mesure où les actions gratuites constituent un élément de rémunération important des dirigeants et cadres de haut niveau en France, le régime des stock-options demeurant « délibérément pénalisé » sur le plan fiscal et social 88 ( * ) .

S'agissant du secteur financier, cette instabilité apparaît d'autant plus problématique qu'elle s'accompagne d'une véritable « inventivité » fiscale.

À titre d'illustration, le secteur bancaire a ainsi été soumis à quatre nouvelles « taxes » spécifiques depuis 2010 89 ( * ) , pour un rendement global de 867 millions d'euros en 2016. Il s'agit de :

- la taxe au profit du fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés, prévue à l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts ;

- la taxe de risque systémique prévue à l'article 235 ter ZE du code général des impôts, mise en place afin de limiter la prise de risque et de compenser le coût de la crise financière ;

- la contribution pour frais de contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, prévue à l'article L. 612-20 du code monétaire et financier ;

- des droits et contributions supplémentaires aux ressources de l'Autorité des marchés financiers (AMF), prévus à l'article L. 621-5-3 du code monétaire et financier.

Une fois mises en place, il peut être noté que ces nouvelles taxes ont rapidement été modifiées, dans un objectif de rendement budgétaire. En dépit de l'opposition de votre commission des finances, l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 2014 90 ( * ) a ainsi imposé la non-déductibilité de la taxe de risque systémique de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, mesure dont le coût pour le secteur bancaire au titre de l'année 2016 était estimé à 382 millions d'euros 91 ( * ) . L'article 31 de la loi de finances pour 2016 92 ( * ) a par ailleurs augmenté le taux de la taxe pour le financement du fonds de soutien aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que certaines places financières aient fait de la stabilité fiscale un véritable argument de promotion. Le directeur général de Luxembourg for Finance , association de promotion de la place luxembourgeoise, met ainsi l'accent sur la stabilité fiscale de son pays pour se démarquer de ses concurrents - et notamment de Paris 93 ( * ) .

c) Si le droit du travail français apparaît désormais plus souple qu'en Allemagne, il reste trop imprévisible et moins flexible que dans le monde anglo-saxon

S'agissant du droit du travail, différents classements internationaux établis par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou par la Banque mondiale traduisent historiquement le choix d'un modèle social privilégiant la protection de l'emploi. La France figure ainsi à la quatorzième place des pays de l'Union européenne en matière de protection des emplois à durée indéterminée .

Un écart sensible existe avec les pays anglo-saxons , qui reflète en partie des préférences collectives irréductibles.

La protection offerte par le droit social français apparaît en revanche légèrement inférieure à celle de l'Allemagne , qui constitue le principal concurrent de la place de Paris.

Comparaison de l'indicateur de la protection de l'emploi 2013 de l'OCDE

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données OCDE

Comme le relève Gilbert Cette 94 ( * ) , ces données n'intègrent toutefois pas l'effet d'importantes réformes intervenues au cours des dernières années pour améliorer les procédures de rupture du contrat de travail.

Ainsi de la loi du 25 juin 2008 95 ( * ) , qui introduit la rupture conventionnelle . Ce dispositif permet de mettre fin à l'amiable au contrat de travail à près de 35 000 salariés par mois en moyenne 96 ( * ) , soit plus de 11 % des ouvertures de droits à l'assurance chômage. Or le droit du travail allemand n'ouvre pas cette possibilité : un départ négocié n'exonère pas l'employeur des contraintes procédurales du licenciement , ce qui comprend notamment sa motivation.

Surtout, une contrainte spécifique à l'Allemagne s'ajoute, avec le principe de la « sélection sociale », qui contraint fortement le choix de l'employeur pour les salariés à licencier. En vertu de ce principe, l'employeur doit licencier en priorité le salarié ayant le moins d'ancienneté, le plus jeune ou sans obligations familiales 97 ( * ) .

Aussi le ministre des finances du Land de Hesse, Thomas Schäfer, constate-t-il le manque de compétitivité du droit social allemand par rapport à l'Irlande et à la France 98 ( * ) . Malgré ses déclarations appelant à un assouplissement de la protection contre le licenciement ciblé sur les salariés présentant les plus hautes rémunérations, la ministre fédérale du travail, Andrea Nahles, a exclu cette perspective, ces compétences relevant du Bund .

Dans ces conditions, le droit du travail français se compare favorablement au cadre en vigueur dans les autres pays d'Europe continentale.

Toutefois, deux caractéristiques relatives aux modalités de licenciement demeurent problématiques :

- la faible prévisibilité du coût d'un licenciement : dès lors qu'aucun barème n'encadre les indemnités susceptibles d'être prononcées par le juge, l'entreprise ne peut préalablement le déterminer ;

- la durée des procédures 99 ( * ) : le taux de recours aux prud'hommes concerne environ un quart des licenciements, dont 60 % se prolongent jusqu'à une audience de jugement. En ce cas, la procédure moyenne est de quinze mois environ, mais atteint vingt-deux mois en région parisienne. En regard, la barémisation des indemnités contentieuses en Allemagne favorise la conciliation, pour laquelle un délai de deux mois et demi suffit 100 ( * ) .

d) La concurrence entre les systèmes juridiques n'a pas été suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics

La concurrence entre les territoires ne concerne pas seulement le cadre fiscal et social mais les systèmes juridiques dans leur ensemble : aussi, comme le relevait une mission commune d'information du Sénat dans son rapport consacré à la « bataille des centres de décision », il est « impératif (...) de savoir adapter certains outils juridiques, voire de les introduire en droit français lorsque leur absence oblige parfois les agents à développer hors de France certaines opérations » 101 ( * ) .

Or, il apparaît que les pouvoirs publics n'ont pas toujours fait preuve d'une réactivité suffisante pour remédier aux faiblesses du droit français ou anticiper certaines évolutions dans le domaine des services financiers.

À titre d'exemple, dans le secteur de la gestion d'actifs, les conséquences de la directive dite « AIFM » 102 ( * ) , transposée dans l'ordre juridique français en 2013 103 ( * ) , n'avaient pas été suffisamment anticipées .

Alors que cette directive avait pour objectif d'accroître l'intégration et la concurrence sur le marché européen des fonds d'investissement, en permettant aux gestionnaires de commercer plus librement leurs véhicules dans l'Union européenne, le manque de réactivité des autorités françaises a conduit à un fort développement de l'Irlande et du Luxembourg pour la domiciliation des fonds.

En effet, ces pays « ont profité de la transposition de la directive AIFM pour créer de nouveaux véhicules » répondant à la demande de neutralité fiscale et de souplesse des investisseurs afin « d'attirer les investisseurs anglo-saxons et nordiques (...) et ainsi profiter de la concurrence accrue sur le marché du capital-investissement » 104 ( * ) . En particulier, les sociétés en commandite spéciales instituées par le Luxembourg en 2013 « ont connu un succès important, plus de 290 d'entre elles ayant été créées dans l'année qui a suivi, au détriment des fonds français » 105 ( * ) . Ce n'est finalement qu'en 2015 que la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 106 ( * ) est venue compléter la gamme des fonds d'investissement français avec un nouveau véhicule s'efforçant de correspondre à la demande internationale, la société de libre partenariat (SLP), avec cependant des insuffisances comme souligné ci-après dans le présent rapport.

Le même constat peut être dressé concernant les actions à droit de vote multiple.

Dès 2007, une mission commune d'information du Sénat proposait dans ses conclusions de déroger plus largement à la stricte proportionnalité entre le capital et les droits de vote en droit français 107 ( * ) , dans la mesure où « les législations nationales de nombreux pays en Europe (Danemark, Finlande, Pays-Bas, Suède, Danemark) autorisent les actions à droit de vote multiple ».

En l'absence d'une telle évolution, qui correspond aux besoins de certains émetteurs, « des transferts de siège en direction des Pays-Bas ont été observés » en Europe (Altice, Fiat Chrysler Automobiles, etc.) 108 ( * ) . C'est également pour cette raison que le géant chinois du commerce en ligne Alibaba a préféré réaliser la plus grande introduction en bourse de l'Histoire à New York plutôt qu'à Hong Kong, en dépit de sa proximité géographique avec la cité-État.

Dans ce contexte, l'enjeu ne se limite pas à essayer d'attirer les emplois et capitaux qui seraient transférés de Londres vers le continent en raison du Brexit , mais bien de développer le potentiel de croissance de la place financière de Paris dans une perspective de moyen terme , à l'image de ce qui a pu être réalisé dans les années 1980 pour moderniser notre place financière.

Le Brexit constitue toutefois un levier unique pour renforcer la dimension internationale de la place de Paris , par le rééquilibrage du paysage financier européen qu'il est susceptible d'entraîner.

DEUXIÈME PARTIE
LE BREXIT POURRAIT PERMETTRE UN RÉÉQUILIBRAGE DU PAYSAGE FINANCIER EUROPÉEN AU PROFIT DE PARIS, À CONDITION D'ÊTRE CORRECTEMENT NÉGOCIÉ

III. LE BREXIT EST SUSCEPTIBLE DE FAVORISER UN RÉÉQUILIBRAGE DU PAYSAGE FINANCIER EUROPÉEN DONT L'AMPLEUR DÉPENDRA DE L'ISSUE DES NÉGOCIATIONS

A. LA PERTE D'ACCÈS AU MARCHÉ UNIQUE FRAGILISE LA CAPACITÉ DE L'INDUSTRIE FINANCIÈRE BRITANNIQUE À DÉPLOYER SES ACTIVITÉS EN EUROPE

1. La place de Londres constitue pour de nombreux acteurs financiers une porte d'entrée vers l'Union européenne

Comme cela a été précédemment rappelé, la place financière de Londres constitue actuellement la première place financière européenne, sinon mondiale . Alors que sa domination en Europe est restée largement incontestée tout au long du XXème siècle, les réformes réglementaires engagées en 1986 lui ont permis de rattraper New York au sommet de la hiérarchie mondiale 109 ( * ) .

Ainsi, le degré d'internationalisation et de développement de la City apparaît bien supérieur à celui de ses principaux concurrents européens.

Comparaison des principales places financières européennes

Londres

Francfort

Paris

Dublin

Amsterdam

Classement GCFI (septembre 2016)

1 er

19 e

29 e

31 e

33 e

Excédent du secteur financier (Md€)

87,1

7,4

6,1

6,7

0,7

Nombre d'institutions financières monétaires (IFM) étrangères immatriculées

123

63

39

30

34

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du GFCI, de Bruegel et de la BRI)

Fort logiquement, la plupart des acteurs financiers internationaux ont donc fait le choix de s'installer à Londres pour servir leurs clients européens . À titre d'illustration, les cinq plus grandes banques d'investissement américaines ont installé leur siège européen sur le territoire britannique et y ont localisé 88 % de leurs effectifs européens 110 ( * ) .

Au total, un quart des revenus du secteur financier britannique serait ainsi lié à l'Union européenne 111 ( * ) .

Décomposition sectorielle des revenus annuels du secteur financier britannique

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'Oliver Wyman)

Cette concentration des services financiers à Londres a été facilitée par la mise en place d'un système d'agrément unique, aussi appelé « passeport européen » , qui permet aux établissements de crédit, de paiement, de monnaie électronique, ainsi qu'aux entreprises d'investissement ou d'assurance d'exercer leurs activités dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, dès lors qu'ils ont obtenu dans leur pays d'origine un agrément de l'autorité compétente 112 ( * ) .

Concrètement, l'utilisation du mécanisme du passeport peut prendre pour les acteurs britanniques deux formes :

- la fourniture transfrontalière de services depuis le Royaume-Uni, dans le cadre de la « libre prestation de services » ;

- l'établissement de succursales , dans le cadre de la « liberté d'établissement ».

D'après la Chambre des Lords, 336 421 passeports ont été délivrés à 5 476 entreprises britanniques pour exercer leurs activités dans l'Union européenne. En sens inverse, le nombre de passeports délivrés par l'ensemble des autres États membres serait limité à 23 532, pour un total de 13 484 entreprises autorisées à exercer au Royaume-Uni 113 ( * ) .

Les données fournies par la direction générale du Trésor tendent à confirmer l'importance de ce mécanisme pour le Royaume-Uni .

Volume de passeports entre la France et le Royaume-Uni

(en nombre d'entités)

Note de lecture : ces chiffres doivent être interprétés avec prudence en raison de la pratique de certains établissements britanniques consistant à procéder systématiquement à des notifications de passeport dans tous les États membres. En tout état de cause, ils n'indiquent pas l'ampleur des activités exercées.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire adressé à la direction générale du Trésor)

Aussi, la perte du « passeport européen » est susceptible de se traduire par des délocalisations importantes dans le domaine des services financiers.

2. La perte du « passeport européen » est susceptible de se traduire par des transferts d'activités et d'emplois importants, au détriment de Londres

Au lendemain du Brexit , l'objectif de maintenir l'accès du Royaume-Uni au marché unique ne semblait pas totalement écarté par les britanniques.

Il est vrai que certains pays non-membres de l'Union européenne bénéficient d'un accès quasi complet au marché unique - incluant le « passeport européen » -, en contrepartie du respect de l'essentiel de ses règles et du versement d'une contribution. Ainsi, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein bénéficient du « passeport européen » dans le cadre de leur appartenance à l'Espace économique européen (EEE).

Les conditions d'un rattachement à l'Espace économique européen

L'Espace économique européen (EEE) rassemble les 28 États de l'Union européenne et trois des quatre pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) - à savoir la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein qui ont, ainsi, accès à de larges pans du marché unique.

Dans l'hypothèse où, à la suite d'un « Brexit », le Royaume-Uni souhaitait rejoindre l'EEE, celui-ci devrait préalablement adhérer à l'AELE et recueillir, à cet effet, l'unanimité des membres de l'Association ; de même, sa candidature devrait, ensuite, être unanimement validée par les membres de l'EEE.

L'adhésion à l'Espace économique européen comporte des obligations, comme celle d'apporter une contribution au budget de l'Union européenne.

En dépit d'une plus grande souplesse en matière agricole ou encore de pêche, les pays de l'EEE sont tenus d'appliquer l'essentiel des règles de l'Union européenne présentant directement un lien avec le marché unique, ou moins directement, comme dans les domaines environnementaux ou de la politique sociale. Dans ce cadre, resteraient ainsi applicables les libertés de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.

Source : rapport d'information n° 656 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier fait au nom de la commission des finances, précité.

À cet égard, il peut être noté que David Davis, ministre en charge du Brexit au sein du gouvernement britannique, évoquait le 1 er décembre 2016 devant les parlementaires britanniques la possibilité de verser une contribution à l'Union européenne pour conserver un accès « aussi large que possible » au marché unique 114 ( * ) .

Dans un discours prononcé à Lancaster House le 17 janvier 2017, la Première ministre britannique Theresa May a toutefois clarifié la position britannique en indiquant ne pas rechercher à maintenir le Royaume-Uni au sein du marché unique , ouvrant ainsi la voie à un Brexit « dur » .

Extraits du discours de Theresa May à Lancaster House

Je veux être claire. Ce que je propose ne peut pas signifier être membre du marché unique de l'UE.

Les dirigeants européens ont dit à plusieurs reprises qu'être membre veut dire accepter les « quatre libertés » dans les domaines des marchandises, du capital, des services et des personnes.

Et le fait d'être en dehors de l'UE mais membre du marché unique voudrait dire se conformer aux textes réglementaires de l'UE qui mettent en oeuvre ces libertés, sans avoir notre mot à dire sur ces textes réglementaires. Cela voudrait dire accepter un rôle pour la Cour de justice de sorte que celle-ci conserverait une juridiction directe dans notre pays.

Cela reviendrait à ne pas quitter l'UE du tout.

Et c'est pourquoi les deux camps de la campagne du référendum ont précisé qu'un vote pour quitter l'UE serait un vote pour quitter le marché unique.

Donc nous ne recherchons pas l'appartenance au marché unique. Nous recherchons plutôt le plus grand accès possible à ce marché à travers un Accord de Libre Échange nouveau, complet, audacieux et ambitieux.

Source : « Un "Global Britain" », Traduction de courtoisie du discours prononcé par la Première ministre Theresa May, Lancaster House, 17 Janvier 2017.

En l'absence de respect de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la liberté de circulation, il semble désormais acquis qu'il ne pourra pas y avoir de maintien du « passeport européen » pour les acteurs britanniques , comme tendent à le confirmer les auditions menées par votre commission des finances 115 ( * ) .

De ce fait, de nombreux acteurs financiers devraient être contraints d'ouvrir une filiale dans l'Union européenne ou a minima de renforcer les effectifs de leurs filiales existantes afin de sécuriser leur accès au marché européen, conduisant vraisemblablement à d' importants transferts d'activités et d'emplois, au détriment de Londres .

Or, il s'agit souvent d' activités à forte valeur ajoutée susceptibles d'exerce des effets d'entraînement importants sur l'économie locale, notamment par le recours à des services professionnels (services juridiques, comptabilité, etc.) et des services à la personne. Comme le relève le Conseil d'analyse économique, « un emploi hautement qualifié supplémentaire entraînerait en moyenne la création de 2,5 emplois locaux » 116 ( * ) .

Si les estimations produites sont à considérer avec une grande précaution, les études publiées jusqu'à présent suggèrent que le volume d'emplois susceptibles d'être relocalisés à court-terme serait compris entre 30 000 et 100 000 dans le scénario d'un Brexit « dur ».

Estimations du volume d'emplois relocalisés
à court-terme en cas de Brexit « dur »

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat

En termes d'activité, Olivier Wyman évalue la perte annuelle de revenus à 17 milliards d'euros en cas de Brexit « dur » 117 ( * ) .

Au sein du seul secteur bancaire , les déclarations récentes recueillies par Bloomberg auprès des principaux acteurs opérant depuis le Royaume-Uni laissent à penser que près de 13 000 emplois sont susceptibles d'être relocalisés à brève échéance.

Estimations du volume d'emplois relocalisés dans le secteur bancaire
à court-terme en cas de Brexit « dur »

(en ETP)

Emplois potentiellement relocalisés

Effectifs au Royaume-Uni

JP Morgan

4 000

16 000

Deutsche Bank

4 000

9 000

UBS

1 500

5 000

Goldman Sachs

1 000

6 000

HSBC

1 000

5 000

Morgan Stanley

1 000

6 000

Barclays

150

10 000

BNY Mellon

20

5 000

Total

12 670

62 000

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Bloomberg, « The Brexit Banker Exodus Gains Momentum », 26 avril 2017)

S'agissant des banques françaises , trois établissements disposent d'une présence significative au Royaume-Uni 118 ( * ) . Il s'agit de :

- BNP Paribas , avec plus de 6 600 emplois (dont environ 4 000 pour les activités de banque de financement et d'investissement et 200 pour la gestion d'actifs) ;

- Société générale , avec près de 3 400 emplois (dont environ 2 500 pour les seules activités de banque de financement et d'investissement) ;

- Crédit agricole , avec près de 900 emplois.

Comme l'illustrent les données ci-dessus, la part des effectifs susceptibles d'être relocalisés varie toutefois sensiblement selon la situation de chaque acteur . À titre d'exemple, les dirigeants européens de BNY Mellon ont indiqué que l'entreprise ne devrait relocaliser qu'une vingtaine d'emplois depuis le Royaume-Uni, dans la mesure où elle dispose déjà d'une filiale importante à Bruxelles depuis laquelle elle pourra continuer à fournir des services financiers à ses clients européens dans le cadre du « passeport » 119 ( * ) .

Mais les effets de la perte du « passeport européen » sont également susceptibles de différer sensiblement selon l'issue des négociations sur les services financiers.

B. LES EFFETS DE LA PERTE DU « PASSEPORT » DÉPENDRONT LARGEMENT DE L'ISSUE DES NÉGOCIATIONS MENÉES AVEC LE ROYAUME-UNI ET NOS PARTENAIRES EUROPÉENS

1. Si certains services financiers pourraient continuer d'être fournis depuis le Royaume-Uni après le Brexit, les régimes d'équivalence existants ne constituent pas une réelle alternative au « passeport »

Dans l'hypothèse d'une sortie « sèche » , le Royaume-Uni se retrouverait dans la situation d'un pays tiers vis-à-vis de l'Union européenne . Les relations avec le Royaume-Uni seraient dès lors régies à titre principal par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Certains services financiers pourraient néanmoins continuer d'être assurés dans l'Union européenne depuis le Royaume-Uni.

À cet égard, deux cas de figure doivent être distingués.

Premièrement, le droit européen permet dans tous les cas « l'exercice de certaines activités au sein du marché unique, y compris lorsque les entités sont originaires d'un pays tiers, en application du droit de l'OMC » 120 ( * ) . À titre d'illustration, dans le secteur de l'assurance des entreprises, les activités dites « MAT » (maritime, aviation et transport) devraient continuer de pouvoir être réalisées depuis le Royaume-Uni dans le cadre des accords OMC 121 ( * ) .

Deuxièmement, certains textes européens prévoient des « régimes d'équivalence » permettant aux pays tiers dont le droit applicable est considéré comme équivalent par la Commission européenne de proposer librement leurs services dans l'Union européenne, sous la seule supervision de leur régulateur local .

Pour l'entreprise, une décision d'équivalence confère donc des droits proches du « passeport européen » , dans la mesure où elle lui permet de « proposer ses services dans l'Union sans avoir à appliquer le droit de l'Union ni à solliciter un agrément ou être soumis à la supervision de l'autorité compétente de l'État européen dans lequel elle est établie ou propose d'offrir ses services » 122 ( * ) .

Si chaque régime d'équivalence possède ses spécificités, l'appréciation portée par la Commission européenne est fondée sur le concept général d'une « équivalence de résultats » , qui suppose la réunion de trois conditions 123 ( * ) :

- les exigences fixées par le droit du pays tiers sont comparables et juridiquement contraignantes ;

- leur respect est soumis à une surveillance effective de la part des autorités nationales ;

- elles permettent d'atteindre le même résultat que les exigences fixées par le droit de l'Union européenne.

Les évaluations sont menées par la Commission européenne , parfois sur la base d'un avis technique des autorités européennes de supervision. La décision d'équivalence prend le plus souvent la forme d'un acte d'exécution , qui ne peut être adopté qu'après avoir été confirmé par les représentants des États membres dans le cadre des procédures de « comitologie » Il peut être précisé dans la décision que l'équivalence accordée est limitée dans le temps ou ne vaut que pour certains services, produits et entités . L'équivalence peut également être accordée sous réserve du respect de certaines conditions spécifiques par le pays tiers. Ainsi, l'équivalence accordée aux chambres de compensation américaines est subordonnée au respect par ces dernières, sur une base volontaire, des conditions fixées dans la décision 124 ( * ) .

À ce jour, 212 décisions d'équivalence ont été prises par la Commission européenne. Parmi les 32 États tiers ayant fait l'objet d'une décision d'équivalence favorable, le Japon arrive en tête avec 17 décisions favorables, suivi des États-Unis et du Canada, avec 16 décisions positives 125 ( * ) .

Même en l'absence d'accord, les acteurs britanniques pourraient donc bénéficier de droits proches du « passeport européen » sur les segments de marché pour lesquels il existe un régime d'équivalence - et ce d'autant que la législation britannique sera par définition équivalente à celle de l'Union européenne à la date de la sortie.

Toutefois, le système d'équivalence actuel ne constitue pas une alternative crédible au « passeport » pour les acteurs britanniques.

En effet, de nombreux textes européens relatifs aux services financiers ne prévoient à l'heure actuelle aucun régime d'équivalence .

Tour d'horizon des principaux régimes d'équivalence existants

Principaux acteurs

Législation

Champ couvert

Existence d'un régime d'équivalence comportant des droits proches du passeport

Banques

CRD IV / CRR

Activités de crédit

Non

MiFID / MiFIR

Services d'investissement

Oui, pour servir les clients professionnels

Assureurs et réassureurs

Solvabilité II

Assurance et réassurance

Uniquement pour la réassurance

Gestionnaires d'actifs

Ucits

Fonds pour les particuliers

Non

AIFM

Fonds alternatifs réservés aux professionnels

Oui

Infrastructures de marché

Emir

Chambres de compensation

Oui

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Parlement européen, « Third-country equivalence in EU banking legislation », 7 mars 2017)

En particulier, il n'existe aucun régime d'équivalence pour les activités de crédit et d'assurance.

En outre, le système européen d'équivalence actuel ne semble pas de nature à offrir aux acteurs britanniques une prévisibilité suffisante pour leur permettre de différer les relocalisations, dans la mesure où :

- les modalités de délivrance et de retrait de l'équivalence laissent une grande marge de manoeuvre à la Commission européenne ;

- les délais nécessaires pour obtenir l'équivalence peuvent être particulièrement longs, comme l'illustre la décision relative aux chambres de compensation américaines, rendue par la Commission européenne après une phase d'évaluation de quatre ans 126 ( * ) ;

- des débats nourris sont actuellement en cours sur l'opportunité de durcir les régimes d'équivalence existants, tant au niveau des institutions européennes 127 ( * ) que des États membres 128 ( * ) .

2. La City et les autorités britanniques demandent la mise en place d'un régime « avancé » d'équivalence et d'un accord général de transition

Dans ce contexte, la City et les autorités britanniques évoquent désormais la mise en place d'un régime « avancé » d'équivalence couvrant l'ensemble du secteur financier et d'un accord général permettant d'assurer la transition 129 ( * ) , comme tendent à le confirmer les auditions menées par votre commission des finances 130 ( * ) et les récentes déclarations de Mark Carney, Gouverneur de la Banque d'Angleterre 131 ( * ) .

Les caractéristiques de ce régime sui generis garantiraient aux acteurs une prévisibilité suffisante , par exemple en encadrant strictement les conditions dans lesquelles une décision d'équivalence pourrait être retirée et en prévoyant l'intervention d'une autorité indépendante de résolution des différends 132 ( * ) .

Un accord de transition pour les services financiers ne s'impose pas

Plusieurs acteurs britanniques, dont le Gouverneur de la Bank of England , Mark Carney 133 ( * ) , ont mentionné de potentielles conséquences du Brexit pour les conditions de financement des entreprises européennes .

Toutefois, votre rapporteur général estime que ces risques sont limités . Cette possibilité s'apparente davantage à une tentative d'influencer les négociations, dès lors que certains services financiers pourront continuer d'être assurés depuis le Royaume-Uni et que, pour d'autres, une offre de substitution existe déjà au sein de l'Union européenne.

De fait, il ressort des auditions que la grande majorité des acteurs estime que la conclusion d'un accord de transition couvrant l'ensemble des services financiers ne s'impose pas .

Il peut être noté que le Royaume-Uni disposera de moyens de pression non négligeables dans la négociation , les conditions d'accès des acteurs européens au marché britannique n'étant nullement garanties .

Le secteur de l'assurance apparaît à cet égard le plus vulnérable , dans la mesure où le montant des primes susceptibles d'être relocalisées vers l'Union européenne (4 à 5 milliards d'euros) serait inférieur au montant des primes qui pourraient être relocalisées au Royaume-Uni (7 milliards d'euros) 134 ( * ) . Autrement dit, les acteurs européens de l'assurance ont davantage à perdre avec le Brexit que leurs homologues britanniques.

S'agissant du secteur bancaire, la Banque d'Angleterre a ouvertement évoqué la possibilité de durcir les conditions d'exercice des établissements étrangers, en exigeant la mise en place de filiales 135 ( * ) . Or, la conversion des succursales des banques européennes en filiales pourrait se traduire par une hausse des exigences de fonds propres comprise entre 30 et 40 milliards d'euros, d'après une récente étude du Boston Consulting Group (BCG) 136 ( * ) . Il s'agit néanmoins d'une menace « à double tranchant » qui pourrait avoir pour effet d'accélérer le mouvement de relocalisation vers l'Union européenne 137 ( * ) .

Si les États membres ont affirmé à juste titre qu'il est nécessaire de s'accorder au préalable sur les conditions du « divorce » avant d'ouvrir les discussions sur la future relation avec le Royaume-Uni, il apparaît nécessaire d'examiner dès à présent les réponses susceptibles d'être apportées aux demandes britanniques et de tracer les « lignes rouges » susceptibles de constituer l'armature de la position française lors des négociations.

IV. LA POSITION FRANÇAISE DEVRAIT ÊTRE GUIDÉE PAR LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LA STABILITÉ FINANCIÈRE ET DE GARANTIR UNE CONCURRENCE ÉQUITABLE EN EUROPE

A. IL NE SAURAIT ÊTRE ADMIS QUE DES INFRASTRUCTURES CRUCIALES POUR LE BON FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS EUROPÉENS SOIENT SOUMISES À UN RÉGIME JURIDIQUE ET À UNE SUPERVISION DISTINCTS DE CEUX DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Préserver la stabilité financière européenne impose de localiser les chambres de compensation systémiques dans l'Union européenne ou d'organiser leur supervision extraterritoriale

Parmi les principales activités financières exercées depuis Londres pour le compte de clients européens, le déséquilibre est particulièrement notable pour les infrastructures de marché . Selon les données de l'étude du cabinet Oliver Wyman 138 ( * ) , alors qu'environ un quart des revenus annuels du secteur financier britannique pour les métiers de banque ou de gestion d'actifs proviennent d'une activité en lien avec l'Union européenne, cette proportion atteint presque la moitié pour les infrastructures de marché. Tel est plus particulièrement le cas des activités de compensation , dès lors que « la logique économique de la compensation favorise les économies d'échelle et l'apparition de monopoles locaux » 139 ( * ) . De fait, les trois quarts de la compensation des dérivés de taux d'intérêt en euros sont effectués à la City .

Depuis la crise de 2007-2008 et les mesures internationales obligeant notamment la compensation centrale des dérivés de gré-à-gré standardisés, les chambres de compensation constituent un acteur incontournable du système financier mondial . En s'intercalant entre l'acheteur et le vendeur, elles assurent à la fois une réduction du risque systémique et un usage plus efficace du collatéral. Qualifiant les chambres de compensation d'acteurs « supersystémiques », Benoît Coeuré précise que « l'essor de la compensation centrale s'est inévitablement accompagné d'un accroissement de la concentration des risques au niveau des chambres centrales de compensation » 140 ( * ) .

Au sein de l'Union européenne, dix-sept chambres de compensation sont autorisées, dont quatre au Royaume-Uni, et supervisées par les autorités nationales. Le règlement Emir 141 ( * ) prévoit un régime d'équivalence pour les chambres de compensation : la Commission européenne reconnaît ainsi seize juridictions comme équivalentes, représentant vingt-neuf chambres de compensation 142 ( * ) . La sortie du Royaume-Uni pose à ce titre une difficulté majeure, dans la mesure où la chambre de compensation LCH Clearnet représente à elle seule 80 % de la compensation mondiale des dérivés de taux d'intérêts. Hors de l'Union européenne, le Royaume-Uni ne sera plus contraint de respecter les règles posées par Emir, ce qui signifie notamment que les compensations de dérivés n'auront plus à être transmises à l'autorité européenne des marchés financiers (Esma). Ainsi que le relève l'AMF, « ce régime n'est pas adapté aux infrastructures qui proposent leurs services prioritairement dans l'Union européenne. Au contraire, la présence d'infrastructures d'importance critique compensant des produits libellés en euro en dehors de l'Union européenne fait peser un risque pour la stabilité financière de l'Union européenne » 143 ( * ) .

Ce risque s'explique par une situation d'aléa moral , dans la mesure où :

- d'une part, les chambres de compensation des pays tiers bénéficiant d'une décision d'équivalence demeurent supervisées par les autorités nationales de leur pays d'implantation, dont le mandat n'est pas de garantir la stabilité financière de l'Union européenne ;

- d'autre part, leurs activités libellées en euro engagent de facto la Banque centrale européenne en tant que prêteur en dernier ressort .

Cette difficulté avait d'ailleurs conduit la Banque centrale européenne à publier un cadre de surveillance en 2011 fixant une exigence de localisation en zone euro applicable aux contreparties centrales présentant une exposition journalière de plus de cinq milliards d'euros dans l'une des principales catégories de produits libellés en euro. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait finalement annulé cette décision en mars 2015 144 ( * ) , jugeant que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne conférait pas à l'institution monétaire le pouvoir d'imposer des conditions de localisation pour des acteurs financiers ne faisant pas partie du système monétaire. À la suite de ce jugement, la Banque centrale européenne et la Bank of England ont étendu leur accord de fourniture de liquidité, afin de garantir la fourniture de liquidité par la Banque centrale européenne en cas de contrainte de liquidité en euro sur les activités de compensation effectuées à Londres.

Toutefois, ces accords n'apportent pas réellement de réponse à la situation d'aléa moral née de l'absence de supervision directe par l'Union européenne des activités de compensation libellées en euro.

Dans ces conditions, le 4 mai dernier, la Commission européenne a présenté une communication relative aux infrastructures de marché d'importance systémique 145 ( * ) . Annonçant une proposition législative pour le mois de juin , la Commission relève que « des dispositions précises basées sur des critères objectifs sont nécessaires pour s'assurer que les contreparties centrales, qui jouent un rôle systémique important pour les marchés financiers européens, soient couvertes par les protections prévues par le cadre juridique européen, comprenant en cas de nécessité un renforcement de la supervision au niveau européen et/ou des exigences de localisation » .

Quelle que soit la solution qui emporte l'adhésion des États membres, le débat devra en tout état de cause être tranché à brève échéance . En effet, en l'absence de décision sur ce point, la majorité des acteurs rencontrés s'accordent sur le fait que New York pourrait constituer le principal bénéficiaire des relocalisations dans ce secteur , dans la mesure où la législation américaine relative aux chambres de compensation est déjà considérée comme équivalente par la Commission européenne.

2. Si la solution de la localisation apparaît la plus satisfaisante sur le plan de la stabilité financière, son opportunité doit faire l'objet d'une étude approfondie

Du point de vue de la stabilité financière, votre rapporteur général considère qu' introduire une exigence de localisation serait préférable à la mise en place d'une supervision extraterritoriale . En effet, il existe un risque, en cas de crise exigeant des décisions rapides et lourdes de conséquences, qu'une supervision extraterritoriale des infrastructures systémiques ne puisse garantir que la stabilité financière de l'Union européenne soit pleinement prise en compte.

L'opportunité d'une telle décision ne saurait néanmoins être appréhendée sous le seul angle de la stabilité financière - et mérite en tout état de cause une étude approfondie.

En effet, la décision de l'Union européenne d'imposer la localisation sur son territoire et sous l'autorité de la CJUE des activités de compensation en euro présentant des volumes propres à faire peser un risque de stabilité pourrait entraîner des mesures de rétorsions de la part de nos partenaires - et ce d'autant que les États-Unis ont accepté le modèle de la supervision extraterritoriale pour la compensation des positions libellées en dollar .

En outre, ces activités s'insèrent dans un écosystème financier complexe et reposant sur des économies d'échelle qu'il apparait difficile de dupliquer à très court terme .

Surtout, la fragmentation excessive de cette activité, en fragilisant la compensation interne des positions libellées dans différentes monnaies, pourrait se traduire par une hausse substantielle des appels de marge auprès des entreprises . Selon certaines banques, il pourrait s'ensuivre une augmentation des appels de marge de 25 % à 40 %. Xavier Rolet, président-directeur général du London Stock Exchange , chiffre le surcoût annuel à vingt milliards d'euros 146 ( * ) .

Aussi, quand bien même l'option de la localisation apparaît plus satisfaisante en première analyse, une étude approfondie des bénéfices et des risques associés à cette solution doit être menée.

Recommandation n° 1 : étudier l'opportunité d'introduire une obligation de localiser au sein de l'Union européenne les infrastructures d'importance systémique dont les activités sont libellées en euro, afin de préserver la stabilité financière.

B. LES CONDITIONS D'UNE CONCURRENCE ÉQUITABLE EN EUROPE DOIVENT ÊTRE PRÉSERVÉES

1. Le Brexit révèle la fragilité des régimes d'équivalence existants par le risque de divergence réglementaire qu'il induit

Au-delà des infrastructures d'importance critique pour l'Union européenne, qui ne sauraient faire l'objet d'une décision d'équivalence, la question d'une refonte des régimes d'équivalence existants doit également être posée.

Plusieurs rapports émanant à la fois des institutions européennes 147 ( * ) et des autorités françaises 148 ( * ) ont récemment mis en évidence les faiblesses de la législation actuelle .

La première difficulté tient au manque d'encadrement des conditions dans lesquelles l'équivalence peut être délivrée .

En effet, les textes européens ne désignent généralement pas expressément les dispositions considérées comme substantielles pour l'appréciation de l'équivalence et laissent de ce fait une grande marge d'appréciation à la Commission européenne.

Cette difficulté est renforcée par le fait que la Commission européenne est le plus souvent dispensée de solliciter l'avis technique des autorités de supervision européennes et des autorités nationales.

En outre, les régimes d'équivalences ne sont pas systématiquement assortis d'une condition de réciprocité garantissant aux acteurs européens un niveau d'accès équivalent aux marchés des pays tiers.

La seconde difficulté tient au caractère lacunaire des modalités de suivi de l'équivalence.

Comme le relève l'AMF, les textes européens « ne comportent que peu de dispositions relatives aux modifications intervenant suite à la décision d'équivalence » 149 ( * ) , qu'il s'agisse d'un changement du droit européen, de la législation du pays tiers ou de la qualité de la supervision. Le retrait de l'équivalence apparaît ainsi d'autant moins crédible qu'il n'existe pas de mécanisme de suivi régulier.

Dans la mesure où ils ne permettent pas de répondre efficacement à l'apparition d'une divergence de la réglementation ou de la supervision une fois l'équivalence accordée, les régimes d'équivalence actuels sont donc susceptibles de conduire à des distorsions de concurrence au détriment des acteurs européens et à des atteintes à la stabilité financière de l'Union .

Or, le Brexit est susceptible de démultiplier ces risques , eu égard à l'importance de la place de Londres pour le financement de l'économie européenne et le bon fonctionnement de ses marchés. Aussi, votre rapporteur général partage pleinement l'avis de l'AMF, qui considère que le travail de revue du règlement Emir sur les produits dérivés négociés de gré à gré engagé par la Commission européenne « doit être l'occasion de repenser l'ensemble du dispositif d'équivalence » 150 ( * ) .

Concrètement, cette refonte pourrait reposer sur les trois principes suivants :

- identifier dans les textes européens les dispositions considérées comme substantielles pour l'appréciation de l'équivalence et dont le respect ne pourrait faire l'objet d'une négociation ;

- exiger systématiquement une réciprocité dans les conditions d'accès aux marchés des pays tiers ;

- prévoir un mécanisme de réexamen régulier des décisions d'équivalence par les autorités européennes, dont la périodicité serait proportionnée à l'importance des activités concernées pour la stabilité financière de l'Union.

Recommandation n° 2 : rendre plus exigeants les régimes d'équivalence existants afin de maitriser les risques de divergence réglementaire.

2. Le risque de contournement de la perte du passeport par la mise en place d'entités « boîte aux lettres » demeure insuffisamment pris en compte

Un risque spécifique existe pour le secteur de la gestion d'actifs , relevant de l'agrément des autorités nationales. Les régimes de délégation entre sociétés de gestion pourraient permettre de contourner la perte du « passeport européen » ou l'attente de la décision d'équivalence de la Commission européenne. La situation diffère selon les activités de gestion d'actifs : la directive AIFM 151 ( * ) prévoit un régime d'équivalence avec les pays tiers, ce qui n'est pas le cas de la directive Ucits 152 ( * ) .

Aucune alternative juridique à la relocalisation dans l'Union européenne n'est donc ouverte aux fonds pour les particuliers actuellement établis à Londres. Pour autant, la directive Ucits ne définit pas les conditions de délégation entre sociétés de gestion , de sorte que la substance des sociétés établies au sein de l'Union européenne exerçant pour le compte de sociétés demeurant à Londres n'est pas garantie. L'article 13 de la directive Ucits se contente de préciser que « la société de gestion ne délègue pas ses fonctions dans une mesure telle qu'elle deviendrait une société boîte aux lettres » .

Trois caractéristiques du secteur accentuent la portée de ce risque de contournement :

- premièrement, la prépondérance du Royaume-Uni dans la gestion d'actifs au niveau européen, qui représente 40 % des actifs européens sous gestion ;

- deuxièmement, l'augmentation significative de l'utilisation de la directive Ucits pour la gestion transfrontalière ces dernières années . Ces fonds sont principalement enregistrés au Luxembourg et en Irlande, mais leur gestion est le plus souvent assurée par délégation depuis un autre pays 153 ( * ) . À l'occasion des entretiens en Asie, des professionnels de la gestion d'actifs ont ainsi indiqué à votre rapporteur général pouvoir exercer leur activité au sein de l'Union européenne avec moins de 10 % de leurs effectifs sur place ;

- troisièmement, la faible concentration de la gestion d'actifs britannique 154 ( * ) , dès lors que de petites entités pourraient éprouver des difficultés à opérer un transfert important vers l'Europe continentale.

Les échanges de votre rapporteur général avec les professionnels du secteur financier ainsi que son déplacement à Dublin ont attesté que cette crainte du risque de contournement était partagée. Ce contournement existe d'ailleurs déjà pour des pays tiers et pourrait s'amplifier avec la sortie du Royaume-Uni. Certaines autorités nationales pourraient accepter de délivrer des agréments à des sociétés de gestion dont l'essentiel de l'activité serait en réalité exercé au Royaume-Uni. Compte tenu du poids du Royaume-Uni dans la gestion d'actifs européens, cette course à l'arbitrage réglementaire soulèverait des risques pour la stabilité financière de l'Union européenne .

Or, le cadre juridique actuel ne permet pas de prendre en compte cette utilisation dévoyée . Aussi un renforcement du cadre applicable en matière de délégation est-il indispensable : le Brexit doit conduire à mieux appréhender l'utilisation abusive de la délégation .

Trois mesures permettraient de définir les garde-fous nécessaires :

- à court terme, il conviendrait d'harmoniser l'interprétation de la notion de substance minimale des activités exercées localement devant être exigée par les autorités nationales délivrant les agréments. L'Esma a ainsi publié une « opinion » 155 ( * ) le 31 mai dernier 156 ( * ) pour établir une supervision convergente des autorités nationales dans le contexte des relocalisations futures d'activités du Royaume-Uni vers l'Europe continentale. Soulignant le risque d'entités « boîte aux lettres », l'Esma définit neuf principes visant à assurer la présence d'une substance minimale des entités agréées par l'un des États membres. Le sixième principe affirme ainsi que les autorités nationales doivent vérifier que les conditions de substance sont réunies, précisant notamment que certaines fonctions centrales doivent être effectuées sur le territoire européen 157 ( * ) ;

- à moyen terme, une révision de la directive Ucits pourrait conduire à aligner les dispositions concernant la délégation sur la directive AIFM , dont la section 3 régit les modalités de délégation du gestionnaire. En particulier, l'article 20 prévoit explicitement que la Commission adopte par voie d'actes délégués « les conditions dans lesquelles il est considéré que le gestionnaire a délégué ses fonctions au point de devenir une société boîte aux lettres et de ne plus pouvoir être considéré comme le gestionnaire du [fonds] » ;

- toujours à moyen terme, une modification de la gouvernance de l'Esma, afin de renforcer sa capacité à harmoniser les pratiques de supervision par les autorités nationales, pourrait être engagée . Actuellement, parmi le conseil des autorités de surveillance, seuls les représentants des autorités nationales prennent part au vote de l'ensemble des décisions, recommandations et avis 158 ( * ) . Ce risque est d'ailleurs identifié par la Commission européenne 159 ( * ) , qui a récemment appelé à « renforcer l'effectivité de la prise de décision des agences européennes de supervision afin de permettre des décisions plus rapides et une dimension européenne plus forte de la supervision » 160 ( * ) . Les modalités de prise de décision pourraient être corrigées pour la décorréler en partie des autorités nationales.

Recommandation n° 3 : préciser les critères de substance devant être exigés par les autorités nationales en cas de délégation de gestion au bénéfice d'un pays tiers et renforcer la gouvernance et les pouvoirs de l'autorité européenne des marchés financiers, afin de prévenir l'installation d'entités « boite aux lettres » au sein de l'Union européenne.

3. Les pouvoirs de l'ensemble des autorités de supervision doivent être renforcés et l'autorité bancaire européenne relocalisée à Paris

Plus largement, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne constitue un défi pour l'ensemble du système européen de supervision en matière financière.

Dans cette perspective, la Commission européenne a engagé une réflexion sur l'évolution de la supervision européenne , publiant une consultation 161 ( * ) le 21 mars dernier. Elle s'inscrit dans un double contexte :

- le Brexit d'une part, compte tenu de la nécessité de transférer l'autorité bancaire européenne vers l'Europe continentale et de la forte influence des professionnels britanniques parmi les autorités européennes de supervision ;

- la prise en compte de l'Union bancaire et la volonté d'établir l'Union des marchés de capitaux, d'autre part.

Le renforcement des autorités européennes de supervision pourrait favoriser une meilleure convergence réglementaire au sein de l'Union européenne à vingt-sept.

Après avoir défini les standards techniques communs, les autorités européennes de supervision doivent être confortées pour davantage veiller à leur respect . Valdis Dombrovskis, commissaire chargé des services financiers, indique ainsi : « nous voyons cela comme une raison de donner aux autorités européennes de supervision un rôle plus important pour gérer la concurrence réglementaire et surveiller les pratiques de supervision, de façon à ce que l'on n'ait pas l'impression que les États membres utilisent leur pouvoir comme un instrument de concurrence » 162 ( * ) . De même, Jacques de Larosière, dont le rapport a préfiguré le cadre actuel de supervision 163 ( * ) , a indiqué devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen le 3 mai dernier que le Brexit constituait « l'occasion de revoir le fonctionnement [des autorités de supervision] » dans le sens d'un renforcement de leurs pouvoirs de sanction et de surveillance directe des établissements financiers.

L'effectivité de ce renforcement dépendra néanmoins largement de la capacité des autorités à exercer leurs nouvelles attributions .

Aussi un élargissement de leurs ressources par un recours accru aux contributions des institutions financières doit-il être soutenu. Il serait de surcroît conforme à l'établissement d'une supervision directe de nouveaux acteurs financiers 164 ( * ) .

En outre, dans la mesure où les autorités européennes de supervision s'appuyaient en partie sur l'expertise britannique en matière financière, le Brexit rend nécessaire un soutien renouvelé des États membres par la mise à disposition de professionnels . C'est pourquoi votre rapporteur général estime que la France doit accompagner le nécessaire renouvellement des compétences humaines au sein de la supervision européenne.

S'agissant de l'architecture de la supervision financière européenne, la Commission européenne envisage en revanche une évolution au profit d'un modèle « à deux têtes » regroupant la supervision des banques et des assurances au sein d'une seule autorité. Ce faisant, l'autorité bancaire européenne serait déplacée vers Francfort, rejoignant l'autorité européenne de supervision des assurances et des pensions professionnelles. Quoique le principe d'une réflexion sur l'architecture de la supervision microprudentielle au sein de l'Union européenne ne doive pas être écarté, votre rapporteur général ne partage pas les orientations de la Commission européenne pour deux raisons principales :

- une raison de fond , qui tient aux différences entre les textes prudentiels appliqués aux banques et aux assurances. En outre, les établissements de bancassurance - d'ailleurs peu répandus au travers de l'Union européenne - ne sont pas, en pratique, placés sous une supervision unique. Les grands établissements bancaires relèvent ainsi de l'Union bancaire, tandis que les activités d'assurances demeurent contrôlées au niveau national ;

- une raison d'opportunité , dès lors que seraient concentrées à Francfort deux fonctions distinctes : la régulation et la supervision, l'une relevant plutôt d'une approche politique, l'autre d'une stricte application indépendante des règles.

De surcroît, votre rapporteur général considère qu' il est prématuré d'envisager une reconfiguration des autorités européennes de supervision . À court terme, la priorité doit être accordée à la réduction des risques d'arbitrage réglementaire et à l'accompagnement des relocalisations entraînées par la perte du passeport financier britannique, à cadre constant. Tel est d'ailleurs le point de vue de l'Esma, exprimé par Robert Van Geffen, directeur des affaires publiques de l'autorité : « nous recommandons une approche en deux temps en se concentrant d'abord sur la convergence de la supervision et le financement des agences et en regardant ensuite l'architecture institutionnelle et les pouvoirs des agences, une fois qu'il y aura plus de certitudes sur la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni » 165 ( * ) .

Dans l'immédiat, votre rapporteur général estime que l'autorité bancaire européenne devrait être relocalisée à Paris et non à Francfort, compte tenu de la nécessaire coordination avec l'Esma . En effet, les banques appliquent les textes relatifs aux services d'investissement et aux activités de marché.

Plusieurs professionnels du secteur ont indiqué à votre rapporteur général que, dans l'éventualité où une relocalisation rapide devait intervenir, ce qui semble être le souhait des institutions européennes 166 ( * ) , une activité temporairement exercée auprès de la Commission européenne à Bruxelles pourrait également être décidée. En tout état de cause, cette possibilité ne devrait être envisagée que pour répondre au besoin de visibilité des acteurs financiers et ne constituerait qu'une solution transitoire .

Plus largement, si une refonte de l'architecture des autorités européennes de supervision devait intervenir pour l'adapter aux conséquences du Brexit et à la mise en oeuvre de l'Union des marchés de capitaux, votre rapporteur général estime qu'un rapprochement de l'Esma et de l'ABE serait le plus pertinent.

Recommandation n° 4 : localiser à Paris l'autorité bancaire européenne, à proximité de l'autorité européenne des marchés financiers, afin de faciliter la nécessaire coordination de la réglementation des établissements bancaires, des services d'investissement et des activités de marché.

TROISIÈME PARTIE
TIRER PLEINEMENT PARTI DU BREXIT SUPPOSE DE POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA PLACE DE PARIS

I. LES INITIATIVES ENGAGÉES DEPUIS LE BREXIT POUR PESER SUR LES CHOIX DE RELOCALISATION DES ACTEURS FINANCIERS NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS DE LA PLACE DE PARIS

A. LA STRATÉGIE DE VALORISATION DE LA PLACE DE PARIS AUPRÈS DES ACTEURS BRITANNIQUES APPARAÎT GLOBALEMENT EFFICACE

1. La mobilisation conjointe de l'ensemble des pouvoirs publics et du secteur privé a été perçue positivement à l'international

À la suite des résultats du référendum britannique, les pouvoirs publics ont initié une démarche de promotion de la place de Paris auprès des acteurs financiers, illustrée notamment par la participation du Premier ministre Manuel Valls aux « rencontres financières » organisées par Paris Europlace en juillet 2016.

Les initiatives françaises se caractérisent par un double dynamisme , d'une part en raison de leur précocité , avant même que les signes d'une sortie « dure » du Royaume-Uni n'accréditent la perte du passeport européen, et d'autre part en raison de l'ambitieuse communication qui l'accompagne. Au moins trois démarches distinctes peuvent être recensées :

- une démarche publique : Christian Noyer, ancien Gouverneur de la Banque de France, a ainsi été investi par le Premier ministre dès l'été 2016 d'une mission de valorisation de la place de Paris auprès des acteurs financiers ;

- une démarche du secteur privé : l'association française de la gestion financière (AFG) a mandaté Jean-Louis Laurens, pour devenir « ambassadeur de la gestion d'actifs française à l'international », en vue de convaincre les acteurs internationaux d'accroître leur implantation à Paris ;

- surtout, une démarche conjointe s'est nouée autour de la région Île-de-France, la ville de Paris, la métropole du Grand Paris, Business France et Paris Europlace. Elle s'est notamment concrétisée par un déplacement de promotion à la City le 6 février 2017.

De fait, ainsi que le résume le Financial Times , « la campagne la plus agressive pour la relocalisation d'activités a été menée par Paris » 167 ( * ) . Les autres places financières européennes ont fait un choix différent, soit en raison des relations économiques très proches les liant avec le Royaume-Uni, comme pour Amsterdam et Dublin, soit par stratégie, à l'instar de Francfort. Le Grand-Duché du Luxembourg, via l'agence de développement de la place financière « Luxembourg for finance » , partenariat public-privé entre le gouvernement luxembourgeois et la fédération des professionnels du secteur, a néanmoins accentué ses efforts de valorisation, s'attachant les services d'une agence de communication britannique et multipliant les exercices de communication au plus haut niveau de l'État.

Votre rapporteur général a pu constater que les initiatives françaises de valorisation de la place de Paris ont été positivement reçues, et ce d'autant plus qu'elles ont été accompagnées d'actions concrètes visant à faciliter les relocalisations des acteurs.

2. La création d'un guichet unique et de procédures accélérées sont susceptibles de faciliter les relocalisations
a) Un guichet unique pour une prise en charge globale des démarches de relocalisation

À l'automne 2016, l'action conjointe des pouvoirs publics s'est concrétisée par la mise en place d'un guichet unique 168 ( * ) regroupant les moyens de la région Île-de-France, via son organisme « Paris région entreprises », la ville de Paris, la métropole du Grand Paris, la Chambre de commerce et d'industrie Paris Île-de-France, et Business France .

Grâce à un interlocuteur dédié, ce guichet unique permet une information précise en amont de la décision de déménagement d'activités, par une présentation du cadre juridique et fiscal, puis à une prise en charge globale et rapide de l'ensemble des démarches préalables à une installation en France, y compris concernant les titres de séjour des salariés, la recherche d'emploi des conjoints et la scolarisation dans des écoles internationales. La région parisienne compte à ce titre vingt-quatre écoles internationales, contre trente-neuf pour Londres et seulement neuf pour Francfort 169 ( * ) . L'enseignement gratuit des écoles publiques constitue un atout supplémentaire.

Cependant, si le guichet unique permet de répondre à la complexité de l'offre éducative en langue étrangère, elle doit en parallèle être étoffée et mieux structurée. Une mission de l'inspection générale des finances 170 ( * ) relevait en ce sens la faible lisibilité des dispositifs publics et privés d'écoles internationales en France, ainsi que la distinction entre enseignement en langue étrangère et inscription dans un cursus international, puisque « seuls quatorze établissements privés en France proposent le baccalauréat international qui permet d'accéder aux plus prestigieuses universités anglo-saxonnes » . Pour autant, l'inauguration du lycée international de Noisy-le-Grand en 2016, dont les effectifs progresseront pour atteindre 1 200 élèves d'ici 2019, atteste de la volonté de renforcer les capacités d'accueil d'élèves internationaux.

La création du guichet unique participe d'un renforcement de l'attractivité française auprès des sociétés étrangères. Surtout, il répond aux difficultés administratives soulignées par l'inspection générale des finances en avril 2016 171 ( * ) , s'agissant en particulier de « la lenteur des démarches administratives, notamment d'obtention des titres de séjour » .

b) La mise en oeuvre de procédures accélérées de délivrance d'agréments

Une même logique a prévalu à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), où les établissements bénéficient d'un interlocuteur référent anglophone et de contacts dédiés.

Surtout, les deux régulateurs nationaux ont défini conjointement des procédures accélérées de délivrance d'agrément pour les entreprises d'investissement. Depuis septembre 2016, l'ACPR et l'Autorité des marchés financiers (AMF) proposent une procédure accélérée et simplifiée pour la reprise d'activités déjà exercées en France en libre prestation de services, en se fondant notamment sur les documents en anglais immédiatement disponibles. De même, pour les sociétés de gestion et les fintech , dans le cadre du programme « Agility » de l'AMF, un avis de pré-autorisation, permettant d'initier les démarches de domiciliation, peut être obtenu sous deux semaines 172 ( * ) .

B. LES RÉFORMES VISANT À RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DE LA PLACE APPARAISSENT INSUFFISANTES ET PARTIELLEMENT CONTRADICTOIRES

Si ces actions doivent être saluées, elles ne sauraient néanmoins se substituer à la mise en oeuvre d'un train de réformes plus structurelles visant à répondre aux difficultés rencontrées par la place de Paris pour attirer les entreprises et les capitaux internationaux.

Telle était bien l'ambition de la démarche française, comme en témoigne par exemple la volonté du Gouvernement d'analyser les améliorations possibles du cadre juridique français , avec une mission concernant le droit du travail, confiée à l'inspection générale des finances (IGF), et une mission relative aux chambres commerciales internationales, conduite par Guy Canivet, président du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, visant à créer des formations de jugements aptes à connaître du contentieux de droit des affaires présentant un élément d'extranéité. Il s'agit notamment d'attirer le contentieux financier à Paris en envisageant la création d'une chambre spécialisée au sein de la Cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation permettant de plaider en anglais et de juger en application du droit britannique.

À ce stade, les réformes engagées ne semblent toutefois pas à la hauteur des ambitions affichées.

1. La sécurisation bienvenue du financement du Charles-de-Gaulle-Express

Avec plus de 65 millions de voyageurs annuels, l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle se classe à la deuxième place des aéroports européens, derrière Heathrow à Londres, et constitue un atout indéniable. Toutefois, il n'offre pas encore une connexion multimodale adéquate pour rejoindre le centre-ville. Le classement Cities of opportunity 2016 du cabinet PwC place ainsi Paris en deuxième position derrière Londres parmi les trente villes en termes d'accessibilité et de capacités d'accueil, ce qui intègre également les hôtels et le nombre de touristes. S'agissant uniquement de l'accès au centre d'affaires depuis l'aéroport, Paris ne figure en revanche qu'à la douzième place.

Un signal fort a été donné fin 2016 173 ( * ) avec la sécurisation du financement du projet de liaison ferroviaire rapide et dédiée entre Paris et l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle , aussi appelé CDG Express, indispensable pour l'attractivité de la place de Paris. Il s'agit d'un élan nouveau donné à un projet initié au début des années 2000, qui permettra d'ici 2023, une desserte quotidienne tous les quarts d'heure depuis la gare de l'Est en 20 minutes. La déclaration d'utilité publique modificative ayant été signée fin mars 2017 et le protocole d'accord entre les trois acteurs de la société de projet défini, les travaux devraient être engagés début 2018.

Ce projet majeur s'ajoute au renforcement du réseau de transport public dans le cadre du Grand Paris Express , constitué de 72 gares et de 200 kilomètres de lignes nouvelles, interconnectées au réseau existant, avec une mise en service échelonnée de 2019 à 2023 et après.

2. Une réforme du régime des impatriés qui ne permet pas d'apporter une réponse suffisante au différentiel de coût du travail entre la place de Paris et ses concurrents

Le régime des impatriés 174 ( * ) est ouvert aux personnes détachées temporairement en France par une entreprise étrangère ou recrutées localement en France depuis l'étranger, à condition qu'elles n'aient pas été fiscalement résidentes en France durant les cinq années précédentes et qu'elles choisissent d'établir leur nouvelle résidence fiscale en France. Il entraîne une exonération d'impôt sur le revenu applicable à la fois sur les revenus d'activité et sur certains revenus patrimoniaux étrangers, jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la prise de fonction. Ainsi que le précise le rapport de l'IGF sur l'attractivité internationale de France 175 ( * ) , ces dispositions « sont plus favorables que les régimes applicables dans les principaux pays européens (...). Il est unanimement défendu par les personnes rencontrées » . De fait, le gain moyen s'élève à 18 405 euros par foyer fiscal, pour près de 12 000 bénéficiaires.

Dans le cadre des initiatives de valorisation de la place de Paris, un double renforcement du régime des impatriés a été opéré par la loi de finances pour 2017 176 ( * ) :

- d'une part, sa durée d'application a été allongée de cinq à huit ans 177 ( * ) ;

- d'autre part, son champ d'application a été étendu , en prévoyant que les primes d'impatriation sont également exonérées de taxe sur les salaires. Cette disposition vise tout particulièrement le secteur financier.

Si ce renforcement accentue l'attractivité de la place de Paris, en particulier l'extension à la taxe sur les salaires, qui cible prioritairement le secteur financier, il laisse subsister un écart de coût du travail très important avec nos concurrents , comme cela a été précédemment évoqué.

3. Une baisse bienvenue du taux de l'impôt sur les sociétés, désormais inférieur au taux allemand, mais contrebalancée par le renoncement à supprimer complètement la C3S

Au-delà des mesures modifiant le régime des impatriés, la loi de finances pour 2017 178 ( * ) comportait également une diminution de l'impôt sur les sociétés, dont le taux devrait être abaissé à 28 % en 2020 179 ( * ) . Progressive, cette diminution sera surtout effective à compter de 2019, exercice à partir duquel le taux sera réduit à 28 % sans limites de bénéfices pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à un milliard d'euros, et d'application complète en 2020. Il s'agit sans conteste d'un facteur d'accroissement de l'attractivité française, lui permettant, à taux constants ailleurs, de passer de la deuxième place des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant le taux le plus élevé, à la huitième, derrière l'Allemagne (30,18 %).

Pour autant, cette mesure relève avant tout du signal , dès lors que pour les grandes entreprises, aucune diminution de l'imposition sur les sociétés ne trouve à s'appliquer avant les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2019.

À cet égard, le renoncement du Gouvernement à supprimer complètement la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) , qui s'ajoute à l'impôt sur les sociétés, n'a pas contribué à renforcer la crédibilité des engagements pris en matière fiscale .

4. Le durcissement malvenu de la taxe sur les transactions financières et du régime des actions gratuites

Enfin, l'examen de la loi de finances pour 2017 a conduit à l'adoption par l'Assemblée nationale de dispositions nouvelles entrant en contradiction directe avec les efforts de valorisation de la place de Paris .

Deux sujets sont plus particulièrement en cause :

- d'une part, la taxe sur les transactions financières a été doublement renforcée, son taux ayant été augmenté de 0,2 % à 0,3 %, et son assiette étendue aux opérations intrajournalières 180 ( * ) ;

- d'autre part, comme cela a été précédemment évoqué, les députés ont souhaité revenir sur les dispositions prévues par la loi dite « Macron » du 6 août 2015 181 ( * ) concernant les actions gratuites . Adoptée à l'Assemblée nationale en première lecture contre l'avis du Gouvernement, cette mesure a in fine été en partie vidée de sa substance, sauf lorsque le gain d'acquisition excède 300 000 euros 182 ( * ) .

Ces initiatives, même si elles n'aboutissent qu'en partie, retiennent l'attention des investisseurs étrangers , accentuant le sentiment d'une instabilité fiscale française et sapant les efforts conjoints déployés par ailleurs.

II. DE NOUVELLES RÉFORMES DEVRAIENT ÊTRE ENGAGÉES POUR PERMETTRE À LA PLACE DE PARIS DE TIRER PLEINEMENT PARTI DU BREXIT ET DE S'INTERNATIONALISER

Face à ce constat, les premières initiatives de valorisation de la place de Paris doivent désormais être relayées par un train de réformes de plus grande ampleur visant à remédier aux faiblesses structurelles de la place de Paris .

De l'avis partagé des experts rencontrés, la majorité des décisions de relocalisation s'effectuera au cours du premier trimestre 2018, ouvrant ainsi une fenêtre d'opportunité que votre rapporteur entend saisir en soumettant un ensemble de propositions permettant à la place de Paris de tirer pleinement parti du Brexit .

A. RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DU CADRE FISCAL

1. Réduire l'écart de coût du travail pour les entreprises françaises du secteur financier

Pour la place de Paris, la principale difficulté tient au niveau des prélèvements sur le travail payés par les entreprises du secteur financier pour les salariés qualifiés.

Comme cela a précédemment été rappelé, pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, l'écart de coût avec l'Allemagne, qui s'élève à 46 %, est lié pour un tiers à l'existence de la taxe sur les salaires , dont l'assiette correspond à celle des cotisations affectées au régime général de la sécurité sociale selon un barème progressif allant de 4,25 % à 20 %.

Barème de la taxe sur les salaires

Rémunération annuelle

Taux applicable

Inférieure ou égale à 7 721 euros

4,25 %

Supérieure à 7 721 euros et inférieure ou égale à 15 417 euros

8,50 %

Supérieure à 15 417 euros et inférieure ou égale à 152 279 euros

13,60 %

Supérieure à 152 279 euros

20 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le Bulletin officiel des finances publiques)

En 2015, le rendement de cet impôt méconnu s'élevait à 12,9 milliards d'euros 183 ( * ) .

Hors secteur financier, les principaux contributeurs relèvent de la sphère sociale au sens large : en 2013, les hôpitaux représentaient ainsi 25 % du rendement de la taxe sur les salaires, contre 15 % pour le secteur médico-social et 5 % pour le secteur associatif 184 ( * ) . Comme le relevait déjà notre collègue Alain Lambert en 2001, une fraction importante du produit de cet impôt « est ainsi acquitté au moyen de financements publics : (...) la puissance publique lève en quelque sorte un impôt sur elle-même » 185 ( * ) .

La loi de de financement de la sécurité sociale pour 2013 , qui a intégré à l'assiette de cette taxe des éléments accessoires au salaire tels que l'intéressement et la participation et a créé un nouveau taux marginal de 20 % pour les rémunérations supérieures à 150 000 euros, a augmenté son coût pour le secteur financier, qui atteint désormais 3,7 milliards d'euros 186 ( * ) , contre 2,5 milliards d'euros en 2010 187 ( * ) .

Or, la taxe sur les salaires constitue une spécificité française : elle ne connaît aucun équivalent en Europe, sauf au Danemark 188 ( * ) . À cet égard, même la comparaison avec le Danemark apparaît fragile, dans la mesure où il n'existe dans ce pays « quasiment pas de cotisations sociales employeurs » et qu'il « ne possède pas de grande banque ou compagnie d'assurances internationale » sur son territoire 189 ( * ) .

En outre, sa justification historique n'apparaît plus pertinente. Comme le rappelle le Conseil des prélèvements obligatoires, si le secteur financier est resté assujetti à la taxe sur les salaires en 1968 lorsque la TVA a été généralisée, c'est principalement parce qu'il relevait à l'époque des activités « essentiellement domestiques ou intégrées au secteur public », ce qui n'est manifestement plus le cas aujourd'hui 190 ( * ) .

La genèse de la taxe sur les salaires

La taxe sur les salaires trouve son origine dans l'article 70 du décret du 9 décembre 1948, qui instituait un versement forfaitaire temporaire sur les salaires, mis à la charge des employeurs. La loi du 14 avril 1952 l'a rendu définitif.

À compter du 1 er janvier 1968, le versement forfaitaire a pris la dénomination de taxe sur les salaires. En vue de faciliter les exportations, la taxe sur les salaires a toutefois cessé d'être réclamée aux employeurs soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires. Les conséquences financières de cette mesure ont été compensées par une majoration des taux de la TVA.

Il est vrai qu'à l'exportation, la taxe sur les salaires n'était pas remboursable alors qu'elle le devenait dès lors qu'elle était transformée en TVA. La mesure visait donc clairement à supprimer une contrainte fiscale n'ayant pas son équivalent dans les systèmes fiscaux des partenaires des entreprises françaises et qui pesait sur les prix desdites entreprises, dans la mesure où aucun mécanisme de déduction ne venait neutraliser la taxe sur les salaires à l'exportation.

Source : rapport d'information n° 8 (2001-2002) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 10 octobre 2001

Enfin, la taxe sur les salaires se conjugue à l'impossibilité pour les entreprises du secteur financier de récupérer la TVA qui leur est facturée . Une estimation produite par la direction générale du Trésor en 2015 évaluait ainsi le montant des rémanences de TVA à 7 milliards d'euros pour le secteur financier. La direction générale du Trésor précise néanmoins que « cette estimation moyenne est soumise à de fortes hypothèses (notamment à une exonération de TVA des consommations intermédiaires) ; une hypothèse haute des rémanences, s'appuyant directement sur les matrices de consommation intermédiaires estimées par l'Insee, peut dès lors être estimée à 12 milliards d'euros » 191 ( * ) .

Aussi, il n'est pas étonnant que la taxe sur les salaires ait fait l'objet de nombreuses propositions de réforme de la part du Sénat 192 ( * ) visant à réduire son impact sur la compétitivité du secteur financier.

Si sa suppression ne saurait bien évidemment être envisagée à court terme pour des raisons budgétaires, des ajustements immédiats pourraient être décidés afin de réduire le handicap concurrentiel qu'elle représente pour la place de Paris.

Il apparaît tout d'abord nécessaire de supprimer la tranche marginale à 20 % de la taxe sur les salaires introduite en 2013 .

Le coût de la suppression du taux supérieur du barème est estimé à 137 millions d'euros par la direction de la législation fiscale. Les effets d'aubaine pour les autres secteurs seraient très limités , dans la mesure où le secteur financier bénéficierait de la suppression à hauteur de 79 %.

Recommandation n° 5 : supprimer la tranche supérieure du barème de la taxe sur les salaires, afin de réduire l'écart de coût du travail entre la place de Paris et ses principaux concurrents européens.

En complément, une mesure ciblée sur les impatriés pourrait être décidée, dans le contexte du Brexit .

Si, comme cela a été précédemment indiqué, la loi de finances pour 2017 a déjà exonéré les primes d'impatriation de taxe sur les salaires, une exonération de l'ensemble de la rémunération devrait être envisagée , ce qui permettrait de réduire immédiatement d'un tiers l'écart de coût avec l'Allemagne pour les employeurs.

En supposant que le nombre de bénéficiaires s'élève à 20 000, pour une rémunération brute médiane de 100 000 euros, le coût brut de la mesure peut être estimé à 250 millions d'euros .

Dans une perspective de moyen terme, une réflexion plus générale devrait par ailleurs être engagée sur le coût du travail très qualifié en France , incluant la question du plafonnement des cotisations sociales.

Recommandation n° 6 : renforcer régime des impatriés par la mise en place d'une exonération totale de taxe sur les salaires, afin de réduire l'écart de coût du travail entre la place de Paris et ses principaux concurrents européens.

2. Revenir sur le durcissement de la taxe sur les transactions financières

Dans le contexte du Brexit , la taxe sur les transactions financières constitue un autre désavantage concurrentiel de la place de Paris vis-à-vis de ses principaux concurrents.

La taxe française sur les transactions financières

Alors que l'impôt sur les opérations de bourse avait été supprimé par la loi de finances pour 2008 à l'initiative de votre commission des finances 193 ( * ) , une taxe sur les transactions financières a été mise en place en 2012 194 ( * ) .

Cette dernière comprend trois volets :

- une taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés (article 235 ter ZD du code général des impôts) ;

- une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence (article 235 ter ZD bis du même code) ;

- une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un État européen - aussi appelés credit default swaps (CDS) - qui ne viendraient pas couvrir une exposition corrélée (article 235 ter ZD ter du même code).

Si les deux derniers volets de la taxe n'affichent aucun rendement au cours des derniers exercices, la taxe sur les acquisitions de titres de capital a rapporté 917 millions d'euros en 2015.

Source : rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 24 novembre 2016, p. 181

S'il existe un droit de timbre sur les actions au Royaume-Uni, dont le taux s'élève à 0,5 %, aucune taxe analogue n'a été mise en place en Allemagne (qui est néanmoins associée au projet de taxe européenne sur les transactions financières), en Irlande, aux Pays-Bas ou au Luxembourg .

De ce fait, la taxe française constitue tout d'abord un handicap concurrentiel pour Euronext , dont la rentabilité est notamment liée aux volumes de transactions sur les titres cotés par sa plate-forme.

En effet, les principales études disponibles concluent que la taxe française sur les transactions financières a eu un effet négatif significatif sur les volumes de transactions, évalué à 10 % 195 ( * ) .

D'après les informations transmises par Euronext, une extension de la taxe aux transactions intrajournalières se traduirait par une diminution supplémentaire des volumes de 54 % .

En outre, l'existence de cette taxe est susceptible d'encourager les délocalisations, les grandes entreprises pouvant décider de déplacer leur siège social ou de renoncer à l'établir en France afin que leur titre échappe à la taxe. En effet, l'opération doit porter sur un titre émis par une société dont le siège social est situé en France pour être taxée.

Comme cela a été rappelé, il a pourtant été décidé dans le cadre de la loi de finances pour 2017 de durcir la taxe sur les transactions financières , en augmentant de 0,2 % à 0,3 % son taux et en élargissant son assiette aux opérations intrajournalières.

Si une suppression de la taxe sur les transactions financières ne peut aujourd'hui être envisagée, compte tenu à la fois de son rendement budgétaire et de son affectation partielle à l'aide publique au développement 196 ( * ) , il apparaît nécessaire de revenir sur les dispositions adoptées l'an passé.

Recommandation n° 7 : ramener le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,2 % et supprimer l'extension aux transactions intrajournalières, dans l'attente des résultats de la négociation sur le projet européen de taxe sur les transactions financières.

À l'avenir, il serait particulièrement opportun de s'abstenir de créer unilatéralement des taxes spécifiques à la place de Paris , l'intégration des marchés de capitaux européens justifiant a minima de privilégier le cadre de l'Union européenne pour mener des initiatives de cette nature.

Le long cheminement de la taxe européenne sur les transactions financières

Dans un contexte marqué par la crise financière et la mise en place de mesures divergentes au niveau national, la Commission a présenté en 2011 une proposition de directive établissant un système commun de taxe sur les transactions financières 197 ( * ) .

La proposition prévoyait l'institution d'une taxe de 0,1 % sur les transactions portant sur les actions et obligations et de 0,01 % pour celles portant sur les produits dérivés, lorsqu'au moins une partie présente dans l'Union européenne est impliquée dans la transaction.

L'unanimité au sein du Conseil ne pouvant être atteinte, onze États membres 198 ( * ) ont demandé à la Commission de solliciter la mise en oeuvre d'une coopération renforcée .

Après accord du Parlement européen, une décision autorisant onze États membres à établir un système commun de taxe sur les transactions financières a finalement été adoptée par le Conseil le 22 janvier 2013.

Dans ce cadre, la Commission européenne a adopté en février 2013 une nouvelle proposition de directive, qui reprend les principales caractéristiques de sa proposition initiale, tout en renforçant les clauses anti-abus et anti-délocalisation 199 ( * ) . Le principe de résidence est notamment complété par des éléments du principe du lieu d'émission.

Les négociations sur les caractéristiques de la taxe se poursuivent actuellement entre dix des onze États membres participant à la coopération renforcée (l'Estonie ne souhaitant plus être associée au projet).

Source : Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 178

À cet égard, le durcissement opéré l'an passé anticipait de manière très inopportune l'issue du débat sur la mise en oeuvre d'une taxe européenne sur les transactions financières , comme votre rapporteur général n'avait pas manqué de le souligner lors du débat budgétaire.

3. Restaurer la compétitivité du régime des stock-options

En complément, il apparaît opportun de modifier le cadre fiscal et social des stock-options .

Comme le relevait déjà l'an passé votre rapporteur général, « avec la réforme des actions gratuites, le Gouvernement a choisi de ramener l'imposition de l'un des deux principaux instruments de capital utilisés par les grands groupes dans la « norme » européenne, sans aller jusqu' à modifier le régime des stock-options , qui fait figure de véritable `totem politique' pour la majorité » 200 ( * ) .

Contrairement aux actions gratuites, le régime des stock-options demeure en effet « délibérément pénalisé » 201 ( * ) sur le plan fiscalo-social , en raison notamment de l'imposition de gain de levée d'option, aussi appelé gain d'exercice 202 ( * ) , selon le régime applicable aux traitements et salaires - sans possibilité d'appliquer les abattements pour durée de détention prévus pour le régime des plus-values mobilières 203 ( * ) -, à laquelle s'ajoute le paiement des prélèvements sociaux (8 %) et d'une contribution salariale spécifique de 10 %.

Dès lors, comme le relève l'inspection générale des finances, « en comparaison avec nos voisins immédiats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Belgique), l'arbitrage est systématiquement défavorable à la France », en particulier parce que « la quasi-totalité des plans européens de stock-options est exonérée ou quasi-exonérée de cotisations de sécurité sociale » 204 ( * ) .

L'importance du taux marginal de l'impôt sur le revenu
dans les décisions de localisation des entreprises

Depuis 2014, pas moins de trois rapports 205 ( * ) émanant d'organismes rattachés à l'exécutif ont mis en évidence la perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises.

Sur longue période, l'étude menée en 2016 par le Conseil d'analyse économique confirme le recul de la France au classement des principaux pays d'accueil des centres de décision en Europe : « entre 1980 et 2012, la France recule de la première à la quatrième place, tandis que l'Allemagne passe de la quatrième place à la première place ». Le constat est encore plus préoccupant une fois la taille des centres de décision prise en compte, la France se retrouvant alors à la sixième place.

Or, parmi les facteurs expliquant la perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises, les trois études s'accordent sur l'importance du taux marginal de l'impôt sur le revenu.

À partir d'une analyse empirique sur les déterminants de la localisation des centres de décision, le Conseil d'analyse économique conclut ainsi que le taux supérieur de l'impôt sur le revenu exerce un effet « significativement négatif » sur les décisions d'implantation.

À cet égard, les deux études menées par l'inspection générale des finances mettent en évidence l'importance de son interaction avec les instruments de capital que constituent les stock-options et les actions gratuites, compte tenu du poids de ce mode de rémunération pour les cadres des grands groupes.

Source : Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 24 novembre 2016, p. 77

Ce traitement fiscal pénalisant apparaît d'autant plus incohérent que les stock-options sont moins favorables que les actions gratuites pour les bénéficiaires , dans la mesure où :

- les stock-options impliquent de la part du bénéficiaire une contribution financière à la souscription , contrairement aux actions gratuites ;

- le gain lié aux stock-options est plus aléatoire , car il n'est pas intéressant pour les bénéficiaires d'exercer leur droit d'achat si le cours de l'action est inférieur au prix de souscription offert pendant la période de souscription.

Aussi, votre rapporteur général recommande de mettre en oeuvre les conclusions de la mission de l'inspection générale des finances, qui suggérait de rapprocher le niveau de la fiscalité des stock-options de celui applicable aux Pays-Bas et en Allemagne 206 ( * ) . À titre d'illustration, le coût d'une taxation forfaitaire à 30 % du gain d'exercice est estimé à 60 millions d'euros par la direction de la législation fiscale.

Recommandation n° 8 : modifier le régime des stock-options, afin de rapprocher le niveau de taxation de l'ensemble des plans d'intéressement à long terme de la moyenne européenne.

4. Clarifier le statut fiscal de la société de libre partenariat, pour que l'industrie française de la gestion d'actifs dispose d'un véhicule concurrentiel au niveau européen

Comme cela a été précédemment indiqué, la société de libre partenariat (SLP), créée par l'article 145 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, devait constituer pour l'industrie française de la gestion d'actifs une alternative à certains véhicules européens comme les sociétés en commandite spéciale luxembourgeoises.

Tout comme ces derniers, les sociétés de libre partenariat disposent d'une grande liberté contractuelle et statutaire (politique d'investissement, modalités d'émission et de libération des parts et titres, périodicité minimale et modalités d'établissement de la valeur liquidative, conditions d'allocation du boni de liquidation, durée des exercices comptables, etc.).

Le succès de ce nouveau véhicule apparaît toutefois limité , seules 31 SLP ayant été créées au 29 mars 2017 207 ( * ) .

Cette relative contre-performance apparaît comme étant principalement imputable aux carences du régime fiscal qui lui est applicable.

Initialement, ce dernier devait en effet reposer sur le principe de la transparence : les associés devaient être personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, suivant le cas, pour la part des revenus et gains sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

Largement assurée dans les faits en droit interne pour les principaux véhicules existants 208 ( * ) , la transparence fiscale n'est pas explicitement affirmée dans les dispositions législatives françaises et n'est ainsi pas systématiquement reconnue par certains États , notamment l'Allemagne, faute de convention fiscale le précisant. Cela prive les souscripteurs de fonds français, en particulier de fonds professionnels de capital investissement, du bénéfice d'une fiscalité favorable sur les plus-values, et les expose à un risque de double imposition .

Pour garantir cette neutralité aux investisseurs résidents comme non-résidents, le dispositif initial portant création de la société de libre partenariat tendait à inscrire pleinement et expressément la transparence fiscale des sociétés de libre partenariat dans le code général des impôts , en reprenant les dispositions applicables aux sociétés immobilières de copropriété, « qui constituent aujourd'hui l'unique exemple en droit français d'entités véritablement et explicitement transparentes sur le plan fiscal » 209 ( * ) .

La solution finalement retenue par le législateur n'apparaît toutefois pas satisfaisante. À la suite d'un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement, le régime fiscal de la SLP a finalement été aligné sur celui des FPCI - ce qui continue de faire peser sur les investisseurs étrangers le risque d'une double imposition, alors même que la SLP devait être initialement un moyen d'y obvier.

Pour la doctrine, le régime fiscal finalement retenu se révèle en outre particulièrement imprécis . L'applicabilité aux SLP de certains abattements ou exonérations, pourtant clairement prévus pour les FCPI, apparaît toujours incertaine pour les SLP 210 ( * ) , ce qui nuit à la clarté de leur cadre fiscal.

Aussi, si la SLP constitue une avancée claire sur le plan de la souplesse juridique, sa superposition à un régime fiscal inabouti semble constituer un frein à son attractivité auquel il convient de remédier.

Recommandation n° 9 : adosser la société de libre partenariat à un régime fiscal adapté aux besoins des investisseurs internationaux, afin que le secteur de la gestion d'actifs dispose d'un véhicule concurrentiel au niveau européen.

B. RÉNOVER LE CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AUX SERVICES FINANCIERS

La concurrence entre les places financières ne concernant pas seulement le droit fiscal mais les systèmes juridiques dans leur ensemble , il apparaît également nécessaire de moderniser certains éléments du cadre juridique applicable aux services financiers , afin de renforcer l'attractivité de Paris pour les investisseurs internationaux.

1. Assouplir le droit des titres en introduisant les actions à droit de vote multiple

À cet égard, un assouplissement du droit des titres pourrait être envisagé, afin d'attirer les émetteurs souhaitant déroger au principe « une action - une voix » qui caractérise actuellement la démocratie actionnariale.

Historiquement, le droit des sociétés français autorisait les actions à droit de vote multiple , qui ont été introduites en 1903 211 ( * ) . Après la Première Guerre mondiale, « son emploi dégénéra toutefois en de véritables abus et les actions à vote plural ne devinrent, dans certains cas, qu'un instrument de domination (...) d'une minorité d'actionnaires sur la majorité » 212 ( * ) . Aussi, la création de telles actions a finalement été interdite en 1933 213 ( * ) pour les sociétés anonymes 214 ( * ) , une exception étant toutefois prévue pour permettre dans certaines conditions la mise en place de droits de vote double 215 ( * ) .

Pourtant, la majorité des pays de l'Union européenne (53 %) autorisent les droits de vote multiple , comme cela a été mis en évidence par une étude réalisée à la demande de la Commission européenne en 2007 216 ( * ) .

En outre, les droits de vote multiple sont utilisés par un nombre croissant d'entreprises : à New York, « le pourcentage d'introductions en Bourse utilisant de telles structures est ainsi passé de 1 % en 2015 à 14 % en 2015, ce chiffre culminant à 36 % en 2016 pour les sociétés dites de croissance » 217 ( * ) .

En se privant de cet outil, la place de Paris est ainsi susceptible de perdre des émetteurs potentiels .

Rien ne s'oppose pourtant à l'introduction des droits de vote multiple , sous réserve qu'elle soit assortie d'obligations de transparence et d'information vis-à-vis des investisseurs.

La liberté contractuelle pourrait néanmoins être encadrée par le législateur afin de prévenir les abus , par exemple en plafonnant le nombre de droits par action. À titre d'exemple, le nombre de droits de vote par action est limité à mille au Japon et à dix en Suède et au Danemark 218 ( * ) .

Recommandation n° 10 : assouplir le droit des titres par l'introduction d'actions à droit de vote multiple, afin de répondre aux besoins des émetteurs.

2. Clarifier le cadre réglementaire de l'assurance vie

En outre, il apparaît nécessaire de clarifier le cadre réglementaire de l'assurance vie , dans un contexte marqué par la concurrence croissante des acteurs luxembourgeois.

En effet, pour une partie de la doctrine, l'assurance vie française pâtit par rapport au Luxembourg d'un droit applicable caractérisé par de multiples incohérences et rigidités 219 ( * ) .

Il est vrai que plusieurs évolutions récentes ont fragilisé le cadre applicable à l'assurance vie française.

Allant à l'encontre de la position exprimée par les régulateurs 220 ( * ) , la Cour de cassation a récemment validé la possibilité, pour un assureur luxembourgeois opérant en France sous le régime de la libre prestation de services, de proposer des contrats autorisant le versement de primes par apport de titres.

Aux termes de l'arrêt, « si le droit français n'envisage le versement des primes d'assurance qu'en numéraire, aucune disposition légale d'intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur luxembourgeois de contrats d'assurance sur la vie qui sont régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit luxembourgeois (...) et permettent l'apport de titres sur des fonds dédiés fermés » 221 ( * ) .

Cette évolution juridique offre potentiellement un avantage comparatif important aux acteurs luxembourgeois.

En effet, comme le relevait votre rapporteur général, « l'apport de titres (...) permet de disposer d'une sorte de compte titres bénéficiant du régime avantageux de l'assurance vie, dont ce n'est pourtant pas l'objet » 222 ( * ) .

À cet égard, il peut être observé que de nombreuses stratégies reposant sur l'apport de titres, qui pourraient constituer un abus de droit, sont d'ores et déjà proposées par certains cabinets de conseil en gestion de patrimoine , par exemple pour transformer les revenus fonciers en produits d'assurance vie afin d'échapper au plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune 223 ( * ) .

En outre, le versement par apport de titres peut permettre au souscripteur d'échapper au principe de mutualisation qui caractérise l'assurance vie, s'il ne s'accompagne pas d'un abandon concomitant des droits sur les parts apportées.

Au-delà des modalités de versement de la prime, les acteurs luxembourgeois bénéficient également de l'incertitude plus générale qui existe désormais sur le droit applicable aux contrats distribués en France.

Si l'ACPR considère traditionnellement que « le droit du contrat français s'applique aux contrats vendus en France à des résidents français » 224 ( * ) , l'arrêt de la Cour de cassation a rattaché de façon quelque peu surprenante les modalités de versement de la prime aux « principes prudentiels », qui sont soumis au droit du pays d'origine en application du droit européen 225 ( * ) .

Dès lors, la question du droit applicable se pose dans de nombreux domaines dans lesquels l'assurance-vie luxembourgeoise possède un avantage comparatif pour les souscripteurs - au premier rang desquels figure la liste des supports d'investissement autorisés.

En effet, l'assurance-vie luxembourgeoise permet à certains souscripteurs d'investir sur une palette d'actifs plus larges , la liste des supports éligibles variant selon le niveau du patrimoine et de la prime versée.

Sur ce dernier point, la situation apparaît d'autant plus préoccupante que l'interprétation faite par de nombreux assureurs de la liste limitative des supports d'investissement autorisés en droit français 226 ( * ) pourrait être remise en cause.

En effet, la Cour d'appel de Paris a récemment estimé que les produits structurés n'offrant pas de garantie en capital ne sont pas éligibles aux unités de compte 227 ( * ) . Cette décision, si elle venait à être confirmée, nuirait à la solidité juridique de milliers de contrats au sein desquels ont été logés ces instruments financiers 228 ( * ) .

Dès lors, il apparaît aujourd'hui indispensable d' engager une concertation entre les pouvoirs publics et les assureurs afin de remédier aux faiblesses actuelles du code des assurances.

L'objectif serait triple :

- lever les freins à l'attractivité de l'assurance vie française lorsqu'ils ne sont ni justifiés par la nécessité de protéger les épargnants, ni susceptibles de dénaturer les contrats (à titre d'exemple, la liste des supports d'investissement autorisés pourrait varier selon la capacité patrimoniale de l'assuré) ;

- garantir des conditions de concurrence équitables aux assureurs français , en désignant expressément dans le code des assurances, comme y invite la Cour de cassation, les dispositions légales d'intérêt général qui doivent s'imposer à tous les contrats distribués en France, y compris par des sociétés étrangères 229 ( * ) ;

- lever les doutes juridiques subsistant en droit interne , qui fragilisent les contrats français.

Recommandation n° 11 : moderniser le code des assurances afin de lever les freins à l'attractivité de l'assurance vie française et de garantir des conditions de concurrence équitables au niveau européen.

C. MODERNISER LE SYSTÈME DE RÉGULATION

De nombreux pans du droit bancaire et financier reposent sur le droit de l'Union européenne. Mais, au-delà, la manière dont chaque régulateur national applique les règles joue également un rôle : « l'environnement réglementaire et le mode de fonctionnement du régulateur constituent des éléments de décision dans le choix du pays d'accueil . [...] Chaque régulateur national garde un mode de fonctionnement qui lui est propre. Ainsi, malgré des textes européens harmonisés, la façon dont la réglementation est appliquée dépend pour une large part de chaque régulateur » 230 ( * ) .

1. Favoriser le développement et la connaissance des fintech en mettant en place une régulation spécifique et adaptée à l'innovation

Les professionnels traditionnels du secteur financier entendus par votre rapporteur général ont tous mentionné la qualité de la régulation nationale comme un élément d'attractivité de la place de Paris.

Cependant, Londres étant actuellement la capitale européenne des fintech 231 ( * ) , la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne présente un enjeu spécifique en matière d'innovation financière.

En effet, les fintech opèrent sur différents segments, du financement aux services de paiement ou d'investissement, et contribuent, par leurs innovations, à brouiller les frontières de la réglementation . Certaines activités, notamment de paiement ou de monnaie électronique, bénéficient d'une harmonisation européenne, tandis que d'autres activités, à l'instar des sociétés de financement ou des services d'intermédiation, sont régies par le droit national 232 ( * ) . De façon générale, les fintech posent deux défis principaux en matière de réglementation :

- d'une part pour la protection des consommateurs et de leurs fonds, car elles proposent souvent un service rompant la chaîne de commercialisation traditionnelle ;

- d'autre part, pour la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

L'appréhension par le régulateur des innovations portées par les fintech est déterminante pour favoriser leur création et appuyer leur essor dans des conditions de sécurité assurées. Dans la mesure où ces entreprises développent des services innovants, un dialogue avec le régulateur est souvent nécessaire pour déterminer le statut dont elles relèvent. Ainsi que l'indique Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle « FinTech innovation » à l'ACPR, « les statuts présentent différents niveaux d'intensité réglementaire [...]. Le choix du statut le plus approprié est donc important » 233 ( * ) . De ce point de vue, l'ACPR et l'AMF ont développé une approche conjointe, avec la création d'un guichet unique en juin 2016 afin de permettre un fléchage des entreprises entre les deux régulateurs en fonction de la nature de leur activité. Un « Forum FinTech » a également été inauguré à l'été 2016, réunissant trente-quatre membres nommés pour deux ans. Associant les entreprises innovantes, les pouvoirs publics et les régulateurs, cette instance vise à développer une connaissance mutuelle entre superviseurs et innovateurs.

En revanche, les régulateurs nationaux ont jusqu'à présent préféré proposer aux acteurs de la fintech un accompagnement personnalisé dans les conditions du droit commun plutôt que d'opter pour la solution britannique dite du « bac à sable » . Ce dispositif, mis en place par la Financial conduct authority (FCA) britannique, permet de mettre en pratique une idée innovante dans un périmètre réduit en bénéficiant d'un cadre réglementaire sur-mesure afin d'en tester la viabilité. Soumise à l'autorisation préalable et individuelle de la FCA, cette dérogation n'est ouverte qu'à des projets dont le caractère innovant et l'apport pour le consommateur peuvent être démontrés. Des assouplissements individuels aux réglementations fixées au niveau national et qui ne font pas l'objet d'une harmonisation européenne peuvent ainsi être octroyés pour une durée déterminée, principalement de six mois 234 ( * ) . Un plan de sortie , déterminant les conditions dans lesquelles les intérêts des consommateurs sont protégés, doit être élaboré en amont. À l'issue du test, soit l'entreprise peut s'intégrer dans le cadre réglementaire classique, soit son concept n'est pas viable et elle disparaît. Après la soumission de soixante-neuf projets, une première cohorte de vingt-quatre sociétés a déjà bénéficié de cette approche et est arrivée à son terme en avril dernier 235 ( * ) . La seconde a été sélectionnée en mai dernier.

À la suite du Royaume-Uni, plusieurs pays ont décidé de mettre en place un système analogue , à l'instar de la Suisse et du Luxembourg en Europe ou de Hong-Kong, de la Malaisie, de l'Australie et de Singapour au plan international 236 ( * ) . À l'occasion du déplacement à Amsterdam, la banque centrale des Pays-Bas a également indiqué à votre rapporteur général qu'un « dispositif sur-mesure pour l'innovation financière », inspiré du « bac à sable » britannique, serait institué dans le courant de l'année.

En France, l'ACPR et l'AMF ont fait un choix différent, qualifié d'approche « proportionnée », qui consiste à écarter toute dérogation individuelle tout en proposant un accompagnement personnalisé dans le cadre de droit commun applicable aux sociétés de même nature.

Cette approche repose sur une triple préoccupation :

- la protection du consommateur , qui doit être pleinement garantie quel que soit le degré de maturité d'une société ;

- la nécessité d'éviter toute rupture entre la période de développement et la période adulte ;

- la volonté de préserver l'équité entre les fintechs .

Votre rapporteur général considère toutefois que le « bac à sable » réglementaire, à condition d'être correctement mis en oeuvre, serait susceptible de répondre à l'ensemble de ces préoccupations, tout en créant un contexte plus favorable à l'innovation financière .

En outre, la mise en oeuvre d'un « bac à sable » réglementaire renforcerait l'attractivité de la place de Paris , notamment pour les sociétés de fintech actuellement implantées à Londres.

Enfin, en étudiant chaque projet soumis et en précisant les règles pouvant faire l'objet d'un aménagement, les autorités de régulation renforceraient également leur connaissance du secteur .

Recommandation n° 12 : afin d'encourager l'innovation financière, mettre en place un « bac à sable » réglementaire permettant des dérogations temporaires et encadrées aux règles de droit commun pour les fintech .

À cet égard, votre rapporteur général note la volonté de la Commission européenne de mieux appréhender ce secteur par le biais d'une consultation lancée le 23 mars dernier 237 ( * ) , afin d'étudier l'adaptation de la réglementation financière actuelle à l'émergence de ces nouveaux acteurs.

À l'appui de ces réponses, la Commission européenne entend proposer une stratégie européenne pour les fintech d'ici la fin de l'année. La création d'un « bac à sable » européen destiné aux sociétés fintech proposant un service transfrontalier figure parmi les options envisagées dans la consultation et doit être soutenue .

En effet, le « bac à sable » réglementaire européen répondrait à la difficulté née de l'impossibilité, pour un dispositif national, de proposer des dérogations temporaires aux règles harmonisées au niveau européen . Il s'ensuit un risque pour la compétitivité financière de l'Union européenne, l'innovation risquant d'être testée puis développée dans d'autres pôles. À titre d'illustration, la Monetary Authority of Singapore insiste sur les pouvoirs contraints de la FCA britannique dans les dérogations qu'elle peut accorder, tout en précisant que son « bac à sable » réglementaire garantit réellement une adaptation sur-mesure en fonction des besoins spécifiques du projet 238 ( * ) .

2. Diversifier les recrutements et les parcours à l'ACPR

Spécifique, le secteur des fintech n'en illustre pas moins la nécessité d'une collaboration étroite entre les deux régulateurs nationaux , l'AMF et l'ACPR, pour prendre en compte de nouvelles activités hybrides, brouillant en partie leurs frontières de compétences.

Certes, le système de supervision ne s'intègre pas dans une démarche de valorisation de place, mais assure les conditions de la stabilité financière et de la protection des consommateurs. Pour autant, la relation de dialogue et de compréhension mutuels entre les régulateurs et les professionnels participe de l'attractivité de la place et, in fine , garantit une supervision efficace.

De ce point de vue, les auditions menées par votre rapporteur général ont permis d' identifier une différence entre l'ACPR et l'AMF en matière de ressources humaines . L'AMF recrute principalement des profils « dotés d'expériences reconnues dans le monde de la finance » 239 ( * ) de formation scientifique, juridique ou comptable, quand l'ACPR, adossée à la Banque de France, privilégie le recrutement par concours directement après des études souvent généralistes. De ce fait, les professionnels entendus par votre rapporteur général ont évoqué une prise en compte différente des réalités concrètes de leurs activités par les deux autorités de régulation . Si tout conflit d'intérêt entre régulateur et acteur doit bien évidemment être proscrit, une supervision proportionnée et efficace exige une connaissance théorique mais aussi pratique du secteur régulé . À cet égard, l'AMF semble mieux parvenir à articuler la nécessité d'une régulation efficace avec le besoin d'établir une relation de compréhension avec les professionnels.

Aussi, s'agissant de l'ACPR, votre rapporteur général considère qu'une diversification des profils de recrutement, y compris pour les postes de direction , et une variété dans les parcours professionnels des agents, intégrant une expérience en établissement bancaire soumise au strict contrôle de la commission consultative sur les incompatibilités de la Banque de France, participerait au renforcement de l'attractivité de la place de Paris.

Recommandation n° 13 : diversifier les recrutements et les parcours professionnels au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), afin de se rapprocher des pratiques les plus efficientes en matière de ressources humaines.

D. ADAPTER LE DROIT DU TRAVAIL

Enfin, une rénovation du cadre applicable en matière de droit du travail doit être opérée afin de renforcer l'attractivité française pour les entreprises internationales.

En effet, les professionnels du secteur financier entendus par la commission des finances s'accordent pour voir dans le droit du travail français un obstacle qui demeure dans les arbitrages internationaux de localisation d'activités.

Contrairement aux points soulevés précédemment, ce n'est pas l'instabilité, les dispositions du code du travail critiquées ayant peu évolué depuis le début des années 2000, mais le manque de prévisibilité résultant des règles en vigueur qui est en cause.

Une difficulté majeure, bien identifiée et qui doit être rapidement traitée, concerne l'incertitude sur le coût d'un licenciement économique . Les entreprises du secteur financier y sont particulièrement exposées, compte tenu du caractère cyclique de leurs activités ainsi que des niveaux et de l'architecture des rémunérations servies, intégrant une part fixe et une part variable.

Actuellement, aucun encadrement des indemnités que le juge peut prononcer n'est prévu par le code du travail 240 ( * ) , ce qui tire les indemnités de conciliation à la hausse, et rend difficile toute prévisibilité sur le coût définitif d'un licenciement.

Le travail de recensement, effectué par l'inspection générale des finances, des cent onze décisions prononcées en juridiction d'appel entre 2010 et 2016 sur les licenciements économiques intervenus dans le secteur financier, atteste ainsi d'une grande dispersion des indemnités prononcées par le juge d'appel. Dans moins de 5 % des décisions, des indemnités supérieures à deux millions d'euros ont été prononcées - et même à six millions d'euros dans un cas. Marginales, ces situations n'en forment pas moins la règle du point de vue des entreprises, qui ne peuvent prévoir le coût définitif de la rupture d'un contrat de travail pour motif économique.

Cette incertitude constitue un désavantage par rapport à nos voisins européens. À titre d'exemple, en Allemagne , un double encadrement des indemnités de licenciement pour motif économique s'applique : d'une part, le contrat de travail peut prévoir que le salarié renonce par avance à la possibilité de recours devant le juge, en contrepartie d'une indemnité qu'il détermine à l'avance 241 ( * ) ; d'autre part, en phase contentieuse, un barème enserre les indemnités que le juge prononce. Ce cadre garantit ainsi une forte prévisibilité à l'employeur, sans pour autant priver le salarié d'une juste indemnisation du préjudice subi.

Ces difficultés, bien appréhendées, ont fait l'objet de plusieurs tentatives de résolution . Si la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi 242 ( * ) a introduit un barème indicatif, fixé par voie réglementaire, pour déterminer l'indemnité de conciliation, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 243 ( * ) avait entendu instaurer un barème impératif de l'indemnité contentieuse, variant en fonction de l'ancienneté du salarié et de la taille de l'entreprise. Toutefois, en raison de l'application de ce dernier critère, sans lien avec le préjudice subi par le salarié, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, jugeant qu'elles introduisaient une rupture d'égalité devant la loi entre les salariés licenciés 244 ( * ) . Prenant acte de cette décision, le Gouvernement entendait initialement soumettre au Parlement une nouvelle version de ce barème dans la version préparatoire du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ; il y a finalement renoncé dans le projet in fine soumis au Parlement.

C'est pourquoi votre rapporteur général recommande d'instaurer un barème fixant un montant minimal et maximal des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse , variant en fonction de l'ancienneté du salarié et reprenant les modalités prévues par le Sénat en première lecture du vote du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Quoique s'imposant à l'ensemble des salariés, cet encadrement des indemnités prud'homales vaut tout particulièrement pour le secteur financier et les emplois susceptibles d'être transférés de la City, compte tenu du niveau élevé des rémunérations et du caractère cyclique de l'activité.

Recommandation n° 14 : instaurer un barème encadrant les indemnités prononcées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, afin de garantir davantage de prévisibilité aux employeurs.

S'agissant des licenciements collectifs , les dispositions applicables 245 ( * ) prévoient que, pour les entreprises d'au moins 50 salariés, l'employeur est tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en cas de licenciement de dix salariés ou plus au cours d'une même période de trente jours. Il s'ensuit en particulier des obligations renforcées, notamment pour l'accompagnement des salariés. Le seuil de dix salariés licenciés durant trente jours s'apprécie quelle que soit la taille de l'entreprise, au-delà de cinquante salariés.

Quoique ces dispositions résultent en partie d'un encadrement par le droit de l'Union européenne 246 ( * ) , des règles mieux proportionnées ont été définies dans d'autres États membres .

Tel est notamment le cas en Allemagne, où des seuils progressifs en fonction du nombre d'employés de l'entreprise s'appliquent, soit le licenciement, dans un même délai de trente jours :

- de plus de 5 personnes dans les établissements comprenant entre 20 et 59 salariés ;

- d'au moins 10 % ou de plus de 25 employés dans les établissements comprenant entre 60 et 499 salariés ;

- et d'au moins 30 employés dans les établissements de plus de 500 salariés.

De fait, le seuil à partir duquel s'ouvrent les obligations renforcées d'accompagnement est deux fois plus élevé en Allemagne qu'en France pour une entreprise de 200 salariés, trois fois pour une société de 500 salariés.

Aussi, une meilleure adaptation de ces exigences à la taille de l'entreprise pourrait être recherchée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Auditions du 8 février 2017

Réunie le mercredi 8 février 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu Mme Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), M. Stéphane Boujnah, président du directoire d'Euronext N.V., M. Jean-Louis Laurens, ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international, M. Jean-Frédéric de Leusse, président du directoire d'UBS France, M. René Proglio, directeur général de Morgan Stanley France, et Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, sur la compétitivité de la place de Paris.

Mme Michèle André , présidente . - Le secteur financier est aujourd'hui confronté à un nouvel environnement, dont les contours se dessinent progressivement.

La décision prise par le Royaume-Uni de quitter l'Union européenne a placé au centre du débat la question de l'attractivité de la place de Paris, dans la mesure où de nombreuses entreprises réfléchiraient actuellement à un rééquilibrage de leurs activités au profit du continent européen, afin de sécuriser leur accès au marché unique.

À cet égard, la commission des finances a décidé de consacrer des travaux à la compétitivité des places financières.

Notre audition de ce matin s'inscrit dans le cadre de ces travaux et je tiens à remercier vivement les différents participants d'avoir accepté notre invitation, à savoir Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor ; Mme Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française ; M. Stéphane Boujnah, président du directoire d'Euronext N.V ; M. Jean-Louis Laurens, ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international ; M. Jean-Frédéric de Leusse, président du directoire d'UBS France et M. René Proglio, directeur général de Morgan Stanley France.

Je vous rappelle que cette réunion est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site du Sénat.

Pour entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais commencer par poser deux questions aux quatre acteurs privés que sont la Fédération bancaire française, Euronext, UBS et Morgan Stanley.

Quels sont les principaux facteurs d'attractivité de la place de Paris et, à l'inverse, ses principales faiblesses, par rapport aux autres places financières européennes ?

Quel est l'impact potentiel du Brexit sur votre activité ? Avez-vous un ordre de grandeur des effectifs qui pourraient être redéployés vers l'Europe continentale ?

Mme Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française . - Je tiens tout d'abord à préciser que les banques françaises n'ont pas souhaité le Brexit et qu'elles auraient plutôt préféré qu'il ne se produise pas. Si la situation à laquelle nous faisons face aujourd'hui est subie, elle a toutefois le mérite de replacer au coeur du débat public la question de l'attractivité de la place financière de Paris et nous nous en félicitons. Le caractère stratégique de la localisation d'un certain nombre d'activités et de centres de décision doit être pris en compte.

Nous disposons en la matière d'atouts importants, notamment du fait de la présence de cinq banques françaises parmi les vingt plus grandes banques européennes. Nous comptons également quatre des plus grandes banques de la zone euro. Les autres pans de l'industrie financière ne sont pas en reste : nous avons aussi de grands acteurs dans le domaine de l'assurance et de la gestion d'actifs, qui est un des points forts de la place financière parisienne. Je crois d'ailleurs savoir que vous entendrez prochainement Gérard Mestrallet, qui pourra vous exprimer le point de vue de l'ensemble de la place.

Mme Michèle André , présidente . - Oui, la semaine prochaine.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani . - Il est d'autant plus important de se reposer la question de l'attractivité de la place financière de Paris que celle-ci a plutôt décliné dans les dernières années. Dans le domaine de la banque de financement et d'investissement, crucial pour le financement des grandes entreprises et des infrastructures, nous constatons que les grandes banques européennes ont perdu des parts de marché, comme cela a été souligné par le think tank européen Bruegel. À l'inverse, les banques de financement et d'investissement américaines progressent fortement. Il y a là un vrai enjeu de souveraineté et d'attractivité, sur lequel il est heureux que le Brexit mette un coup de projecteur.

Il faut que se construise un véritable écosystème favorable à l'activité financière : ce dernier a commencé à se constituer, comme en témoigne la création dans la région Île-de-France du pôle de compétitivité « Finance Innovation ».

L'impact du Brexit sur la localisation des activités financières dépendra largement des choix faits dans le cadre des négociations concernant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui devraient s'engager à partir du mois de mars, en particulier s'agissant des conditions juridiques de supervision et de régulation prudentielle. Les acteurs financiers actifs en Europe et présents uniquement à Londres seront-ils, ou non, dans l'obligation de se relocaliser pour pouvoir continuer de servir leurs clients européens ? Nous ne le savons pas encore et sommes, à cet égard, dans une phase d'observation. Nous entendons des propos très fermes de la part des autorités britanniques, annonçant un Brexit « dur » et la fermeté semble également de mise du côté de l'Union européenne. Mais nous ne connaissons pas encore le détail des modalités juridiques de sortie du Royaume-Uni et c'est une incertitude importante.

Concernant les atouts de la place de Paris, je veux d'abord dire qu'ils existent et qu'ils sont nombreux - comme nous l'avons constaté lors de nos échanges avec nos adhérents à ce sujet. Il ne faut pas partir battu et ce n'est pas du tout notre approche.

Le premier atout réside dans la mobilisation forte et unie de l'ensemble des pouvoirs publics concernés, qui s'est manifestée dès avant le Brexit - comme en témoigne par exemple le colloque qui s'est tenu au mois de juin 2016 dans les locaux d'Euronext. Cette approche commune s'est concrétisée lors des rencontres Paris Europlace durant lesquelles le Premier ministre, la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France ont présenté devant un parterre d'investisseurs français et étrangers leur ambition de renforcer l'attractivité de la place de Paris. Les annonces du Premier ministre ont d'ailleurs trouvé leur traduction en loi de finances, avec plusieurs mesures comme la baisse progressive de l'impôt sur les sociétés pour atteindre, à terme, un taux de 28 % - qui reste supérieur à la moyenne européenne mais il s'agit d'un engagement important - ou l'amélioration du régime des impatriés à travers l'allongement de sa durée et l'exonération de plusieurs taxes, en particulier la taxe sur les salaires. Comme vous le savez, le secteur de l'assurance et le secteur bancaire sont parmi les derniers secteurs concurrentiels à être soumis à une taxe qui pèse très directement sur les salaires.

Le deuxième atout est que Paris et la région Île-de-France disposent d'un bassin d'emploi adéquat pour le secteur financier et de nombreux grands clients : beaucoup d'émetteurs sont situés à Paris avec des grandes entreprises qui y ont leur siège. C'est essentiel : les acteurs financiers s'installeront là où ils pourront le mieux servir leurs clients.

Le troisième atout réside dans nos formations, dont la qualité est reconnue. D'ailleurs, aujourd'hui, beaucoup de Français travaillent à Londres.

Les infrastructures sont aussi importantes et Paris est un hub qui permet de rayonner sur les autres capitales et grandes places financières en Europe et dans le monde.

Enfin, la disponibilité de mètres carrés, notamment à la Défense, comme l'a mis en avant le département des Hauts-de-Seine, qui a participé à l'ensemble des évènements que j'ai évoqués, constitue un autre avantage de la place de Paris.

Face à tous ces atouts, il faut signaler un point négatif majeur : il s'agit du droit du travail et de la flexibilité. Les entreprises étrangères qui veulent s'installer n'ont pas le droit à l'erreur, compte tenu par exemple du niveau des indemnités de licenciement. Alors même que leurs métiers sont souvent cycliques, ces sociétés ont peu de possibilités pour adapter facilement le volume de leur activité, compte tenu des délais et des contraintes attachées à la notion de licenciement économique. La jurisprudence prévoit en effet que c'est le périmètre mondial de l'activité qui est pris en compte.

M. Stéphane Boujnah, président du directoire d'Euronext N.V. - Nous ne sommes pas ici réunis pour un colloque technique, mais bien pour échanger avec la représentation nationale. Je commencerai donc, si vous le permettez, par évoquer quelques éléments d'information qu'il me semble important de porter à la connaissance du Parlement et de nos concitoyens - sans revenir sur les atouts qui viennent d'être évoqués et qui sont réels.

Tout d'abord, le Brexit est une situation subie qui marque une rupture assez fondamentale par rapport au monde que nous avons connu ces trente dernières années. Nous devons réagir face à une situation qui nous est imposée. Quelle est l'ambition collective que nous souhaitons porter dans ce contexte nouveau ? Avons-nous la volonté de conduire une action coordonnée, une véritable stratégie pour l'emploi avec le levier que représente l'industrie financière ? Ou souhaitons-nous rentrer dans une logique d'observation, de commentaire et de résignation ? Dans ce dernier cas, il est probable que les activités se relocaliseront ailleurs.

En outre, il faut prendre conscience d'un certain paradoxe. Les entreprises mondialisées européennes se situent presque toutes sur le continent, mais leurs banquiers sont à Londres. L'essentiel de l'épargne privée est localisée sur le continent européen - ce qui est logique puisqu'il compte 450 millions d'habitants avec un niveau de vie plutôt supérieur à celui du reste du monde - et pourtant, la plus grande partie de la gestion d'actifs est effectuée à Londres, même si la France dispose aussi d'une belle industrie. La monnaie unique est celle du continent : les citoyens et les États de la zone euro en assurent le fonctionnement, soit implicitement à travers la discipline budgétaire prévue par les traités, soit explicitement en contribuant à des fonds de solidarité pour aider certains pays en difficulté comme la Grèce. Et pourtant, 40 % à 70 % du trading d'actifs en euros est situé à Londres.

Ce paradoxe est compréhensible dans la perspective d'une Europe fédérale - j'emploie ce mot par commodité de langage, mais j'entends par là un destin commun, avec une convergence réglementaire très coordonnée renforcée par certains outils techniques mais puissants comme l'autorité de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Mais dès lors qu'un pays s'extrait de cette logique, la situation devient anormale. Il n'y a aucune raison que 450 millions de citoyens qui disposent d'un gisement d'épargne considérable et que de grandes entreprises mondialisées décident de se résigner à ce que la finance se passe ailleurs. La première condition de l'attractivité, c'est un sursaut et une prise de conscience : aujourd'hui, il y a une opportunité de fermer la parenthèse de la place disproportionnée qu'a pris Londres dans la finance européenne pendant trente ans. Le marché unique n'a pas été créé pour que se constitue une place financière « offshore ». Il a été conçu pour assurer une convergence des économies et des modes de production dans le cadre d'une concurrence équilibrée. Il ne faut donc pas se demander comment nous allons parvenir à cohabiter avec le secteur financier britannique tel qu'il s'est développé depuis trente ans et je suis convaincu que, demain, le rôle de Londres dans la finance européenne sera très différent. Les Britanniques eux-mêmes sont en train de déterminer, dans le cadre de leur démocratie très vibrante, ce qu'ils veulent en faire.

L'enjeu est de taille : nous sommes dans les mois où se dessine la localisation des entreprises qui vont gérer les actifs de 450 millions d'européens. Concernant le nombre d'emplois, je ne dispose pas d'estimations précises mais il est tout à fait considérable, avec des effets d'entraînement significatifs. Paris a de nombreux atouts objectifs pour profiter de cette dynamique, qui résultent pour partie du fait que la France est un pays très centralisé depuis mille ans : nous avons donc une concentration de grandes universités, d'entreprises importantes, d'infrastructures de qualité... Notre capitale est située à deux heures et demie de Londres, c'est l'une des trois plateformes aéroportuaires d'Europe... Bref, à bien des égards, il s'agit d'un lieu « naturel » d'accueil des activités financières qui partiront de Londres.

Cependant, certains marqueurs éloignent de Paris les décideurs. Quels sont ces marqueurs qui envoient un signal très négatif et dont l'impact sur les décisions de relocalisation est disproportionné ? La taxe à 75 %...

Mme Michèle André , présidente . - Elle n'existe plus !

M. Stéphane Boujnah . - Certes, mais on a communiqué plus fort lorsqu'elle a été introduite qu'au moment de sa suppression. Un autre élément qui a eu des effets dévastateurs ces dernières semaines est la taxe sur les transactions financières. Il s'agit d'une taxe absurde, idéologique, sans rendement, qui n'avait pour seul but que d'animer une délibération crépusculaire. Son effet négatif sur la perception par le secteur financier de la France a été énorme. Une taxe sur les opérations dites intraday est impossible à collecter. L'ajustement des systèmes d'information nécessaire pour la percevoir serait extrêmement long et coûteux - ce qui explique d'ailleurs que le législateur a cru bon de différer l'entrée en vigueur du dispositif d'un an. Ce type de mesures, personne ne comprend. Il faut au contraire réussir à construire une forme de cohérence. Sinon, quelques marqueurs négatifs risquent de gâcher les efforts très considérables qui sont faits, y compris en matière fiscale.

Mme Michèle André , présidente . - Avant de donner la parole à Jean-Frédéric de Leusse et à René Proglio, j'aimerais mieux comprendre un des termes que vous avez employés. Vous avez parlé, au sujet de la taxe sur les transactions financières, d'une discussion « crépusculaire ». Qu'entendez-vous exactement par-là ?

M. Stéphane Boujnah . - Ce mot est très fort, c'est vrai. Nous avons eu l'impression que la discussion sur cette taxe a ignoré la réalité des faits. Comment cette taxe a-t-elle fonctionné dans les années 1990 en Suède ? Elle a conduit à la disparition complète des marchés financiers suédois. Quel sera le rendement effectif de cet impôt, dont l'assiette est très mobile ? Est-on seulement capable de définir ce qu'est une transaction intra-day ? La dimension idéologique a occulté ses effets négatifs. Nous risquons de payer très cher ce genre d'incohérences.

Mme Michèle André , présidente . - Cela me fait regretter d'autant plus que le Sénat n'ait pas examiné le projet de loi de finances... Il aurait pu apporter sa sagesse et le crépuscule auquel vous faites allusion aurait sans doute été moins grand !

M. Jean-Frédéric de Leusse, président du directoire d'UBS France . - Le principal atout de la place de Paris réside dans la grande qualité des hommes. Si les banques françaises ont résisté de manière impressionnante et mieux que d'autres à la crise, c'est parce qu'elles emploient de grands banquiers qui ont bénéficié de bonnes formations.

Nous employons plus de ressortissants français à Londres qu'à Paris. 6 000 personnes sont employées à Londres - la plupart de nos banquiers d'investissement sont français - alors que 300 personnes seulement travaillent pour UBS à Paris.

Les faiblesses de la France sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, les métiers de la banque d'investissement nécessitent de la flexibilité. La fiscalité et le droit du travail français imposent un surcroît d'énergie pour régler les éventuels problèmes qui peuvent émerger.

Il ne se passe pas une année sans plan social dans notre entreprise. Mais pour dix postes supprimés dans un secteur, quinze sont créés dans un autre secteur. Au total, les effectifs globaux sont stables ou augmentent légèrement. Je rappelle cependant qu'une suppression d'emploi prend trois jours à Londres, trois mois en Suisse et trois ans à Paris. Il y a un coût à cette rigidité, même si nous parvenons toujours à faire ce que nous voulons.

Des évolutions ont eu lieu ces derniers temps mais les rigidités demeurent très fortes pour nos métiers.

S'agissant des conséquences du Brexit , nous manquons encore de visibilité pour savoir quelles décisions nous prendrons. Elles dépendront des conditions du Brexit lui-même mais aussi des évolutions en matière de politique intérieure française.

Le Brexit n'aura un impact que sur les métiers de la banque d'investissement, soit 10 % des effectifs. UBS investit déjà en France : nous avons annoncé en fin d'année dernière un projet d'acquisition d'une petite banque française, ce qui montre notre attachement à ce pays et à la qualité des banquiers français.

Les décisions en matière de transferts d'emplois actuellement situés à Londres, qui sont très flexibles, seront prises une fois l'environnement éclairci. Un choix comparatif sera opéré en fonction des réglementations des différents pays et de leur attractivité.

En conclusion, je souhaiterais dire que si l'on veut davantage de financiers à Paris, il ne faut pas les considérer comme des ennemis, mais comme des emplois à forte valeur ajoutée.

M. René Proglio, directeur général de Morgan Stanley France . - Morgan Stanley est une banque née aux États-Unis, mais elle est avant tout une banque mondiale. Après la crise de 1929, il y a eu une séparation aux États-Unis entre les banques de dépôts et les banques d'affaires. Morgan Stanley est le résultat de la déconsolidation de la banque Morgan entre, d'une part, la banque commerciale qui s'appelait JP Morgan et, d'autre part, la banque d'affaires, qui s'appelait Morgan Stanley. Je souhaitais rappeler ce contexte historique car la crise de 2007-2008 a rappelé que les risques pris pouvaient avoir un impact sur les épargnants lorsqu'il faut effacer les pertes enregistrées par les banques d'investissement. On a tendance à oublier les leçons du passé.

Morgan Stanley est présente en France depuis cinquante ans. Il y a un immense respect pour la France de la part des établissements non français dont nous faisons partie.

Si j'avais une exhortation à faire, je dirais qu'il faut être pragmatique. L'autosatisfaction ne sert à rien.

Comme l'a rappelé Stéphane Boujnah, la situation que nous connaissons est inédite et doit inviter à réagir. Des décisions seront prises dans les douze ou vingt-quatre prochains mois selon la nature des négociations, mais nous n'aurons pas le temps de réagir si nous ne nous y sommes pas préparés.

Je souscris au panorama qui a été fait par les précédents intervenants. Je rajouterai simplement un point positif pour la France qu'est la qualité du régulateur. Il s'agit d'un point crucial dans les décisions prises à New-York. En effet, la Federal Reserve Bank (FED), l'autorité de régulation américaine, ne souhaite pas connaître à nouveau les affres de la crise de 2007.

Il faut avoir à l'esprit que le régulateur américain veut absolument éviter une nouvelle catastrophe. Or il me semble que la France n'insiste pas assez sur la qualité de sa régulation, qui a permis aux banques françaises de sortir quasi intactes de la crise qui a secoué le monde de la finance. Il y a là un effort pédagogique à fournir auprès notamment de la FED. Il suffit de regarder l'état des banques de nos concurrents pour comprendre que Paris doit nécessairement compter. Ce point ne suppose pas d'effort particulier si ce n'est insister sur la qualité de la régulation française et des banques françaises parce qu'elles ont été soumises à des contrôles très lourds.

En outre, je souhaiterais rappeler que les décisions seront prises par des « managers », qui répondent à des critères de rentabilité pour les actionnaires. Que les employés soient heureux ou non, « écrasés » d'impôts ou pas, cela ne les fait pas sourciller. Le régime d'impatriation n'a donc aucun effet d'entraînement pour les décideurs. J'ai longtemps travaillé pour des entreprises américaines, les américains considèrent que si nous élisons des gouvernements souhaitant taxer à 70 % ou 80 % certains revenus, cela est notre problème. Il faut se garder de se laisser emporter par une philosophie humaniste consistant à croire que le bien-être des salariés est déterminant dans les décisions prises. Cela n'est pas le cas.

Si l'on considère que la France dispose de toutes les qualités rappelées par les intervenants précédents et que Paris dispose d'une culture financière très forte, il faut se demander quels sont les problèmes et tenter de les régler de manière pragmatique.

S'agissant des règles relatives aux licenciements, il convient de regarder qui sont nos compétiteurs. Ce n'est plus Londres, compte tenu du Brexit et des formes qu'il devrait prendre. La vraie compétition se situe à Francfort, voire Dublin, mais Dublin est une petite place financière, certains activités y seront transférées mais pas l'essentiel de celles-ci. Ces activités seront majoritairement transférées sur le continent où deux places seulement comptent : Francfort et Paris.

Or, les règles de licenciement sont pires en Allemagne qu'en France. Il est plus difficile de licencier en Allemagne et l'on peut forcer l'entreprise à réintégrer les salariés licenciés. Nous avons donc des efforts à fournir sur ce point, cela est évident, mais ce n'est pas là que le bât blesse.

Ce qui nous handicape, ce sont les charges sociales - et ça c'est colossal. Et je parle des charges sociales patronales, parce que les charges salariales ne font pas « frémir » à Wall Street, dans la mesure où elles sont payées par les salariés. Quand vous regardez les écarts entre Francfort et Paris sur ce point, vous comprenez qu'on a un très, très gros problème.

Pour conclure, je dirais que je suis convaincu que Paris dispose d'importants atouts, de véritables talents que l'on a formés et qui sont reconnus dans le monde de la finance. Ces personnes iront à Francfort ou Paris selon les décisions prises. Mais le vrai sujet est de savoir comment la France peut tirer profit des talents qu'elle a formés.

Mme Michèle André , présidente . - Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, ne pouvant pas être présent aujourd'hui, a demandé à Philippe Dominati de poser plusieurs questions en son nom.

M. Philippe Dominati . - Le rapporteur général souhaitait interroger Odile Renaud-Basso et Jean-Louis Laurens sur les initiatives et les mesures concrètes prises par les pouvoirs publics français à la suite du Brexit pour renforcer l'attractivité de la place Paris. Il souhaitait également connaître la position de la France concernant la localisation des chambres de compensation ainsi que l'opportunité d'un durcissement des régimes d'équivalence.

Le rapporteur général s'intéressait également à la situation d'Euronext. En cas de réalisation du projet de rapprochement entre la bourse de Londres et la bourse de Francfort, le groupe fusionné représenterait une capitalisation boursière près de dix fois supérieure à celle d'Euronext et occuperait une position dominante sur de nombreuses activités. Comment Euronext pourra-t-il se positionner face à cette nouvelle entité ? En outre, le pacte d'actionnaires d'Euronext devra prochainement être renégocié. Les banques françaises sont-elles prêtes à soutenir le développement du groupe ?

Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor . - Des initiatives de deux ordres ont été prises pour renforcer l'attractivité de la place de Paris.

Nous nous sommes tout d'abord interrogés sur nos atouts et nos faiblesses. Le panorama dressé par les intervenants précédents est très complet. J'insiste, comme René Proglio, sur la qualité des régulateurs. Il s'agit en effet d'un point qui n'apparaît pas comme un critère de choix évident d'implantation mais qui est pourtant un atout déterminant pour la France.

Par ailleurs, des mesures d'organisation pratique destinées à aider les réflexions des acteurs concernés ont été mises en oeuvre. Il est en effet nécessaire d'avoir des éléments de réponse opérationnels sur les capacités d'accueil en termes de bureaux ou de places dans les écoles internationales, etc. C'est l'objet du guichet unique, qui a été mis en place autour de Business France avec la région Île-de-France, la ville de Paris et les pouvoirs publics, et qui vise à répondre à toute demande d'investisseur étranger intéressé.

Une mission a également été confiée à Christian Noyer, ancien gouverneur de la Banque de France, qui a pris contact avec de nombreux investisseurs potentiels pour présenter les avantages de Paris, écouter et répondre à leurs préoccupations, démentir certaines idées fausses et, le cas échéant, répercuter auprès des pouvoirs publics les questions qu'ils peuvent se poser.

Ce dialogue a été très apprécié par les investisseurs potentiels. Cela montre notre crédibilité ainsi que la mobilisation des pouvoirs publics.

Sur les questions de droit de travail et de charges sociales, une mission spécifique a été mise en place avec un inspecteur des finances spécialisé sur ces questions, pour établir un bilan de la réalité de la situation française. D'une part, on se rend compte que la France n'est pas si mal classée par rapport à ses vrais concurrents et, d'autre part, que certains classements internationaux un peu datés ne prennent pas en compte les évolutions récentes. Il est donc important de donner une image fidèle de la situation existante et d'essayer d'identifier les « points durs », spécifiques à la France, qu'il reviendra à la représentation nationale de lever, si elle le juge opportun.

S'agissant des négociations du Brexit et des conséquences que nous en tirerons en termes de régimes d'équivalence et de chambres de compensation, le discours de Theresa May a clarifié un certain nombre de points. La fin du libre-accès des personnes et de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne, deux éléments centraux du marché intérieur, font que le Royaume-Uni ne sera plus dans le marché intérieur.

Les discussions autour des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni n'ont pas commencé. En matière de services financiers, le Royaume-Uni devrait probablement se situer comme un pays tiers.

Des directives prévoient l'existence de régimes d'équivalence pour les pays tiers. Cela n'existe pas en matière bancaire mais c'est le cas pour certains types d'activités financières. Les régimes actuels ne nous semblent clairement pas adaptés à la situation où le du Royaume-Uni sortirait de l'Union européenne. Si l'équivalence des systèmes juridiques est évidente à l'heure actuelle, nous ne savons pas comment les règles britanniques évolueront et seront mises en oeuvre. Or les régimes d'équivalence existants sont peu contraignants sur les mécanismes de supervision dans la durée, et les mesures qui peuvent être prises en cas de divergence sont radicales, à savoir la suspension de l'équivalence. C'est tout blanc ou tout noir.

À cet égard, il nous semble important, pour qu'un régime d'équivalence puisse fonctionner, de prévoir des clauses de revue régulière permettant de s'assurer que les dispositifs juridiques demeurent équivalents, ainsi que des procédures de sauvegarde pouvant être facilement déclenchées en cas de divergence, sans aller forcément jusqu'à la suspension totale. Je pense par exemple à des exigences prudentielles plus fortes.

C'est un élément qui nous paraît extrêmement important car la situation du Royaume-Uni après le Brexit ne sera pas comparable à celle d'un pays tiers dont l'activité est marginale. Il s'agira d'un pays qui constitue actuellement le coeur de l'activité financière de l'Union européenne. En termes de souveraineté européenne, il n'est pas possible d'accepter que l'essentiel des fonctions financières ou que des fonctions financières centrales soient soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l'Union européenne sans avoir un mécanisme tel que la Cour de justice de l'Union, qui constitue le « noeud » du système européen et permet de garantir que le droit est appliqué de la même façon. Je pense que notre vision sur ce sujet est extrêmement claire et partagée par nos partenaires.

La question des chambres de compensation se pose dans les mêmes termes, mais de façon encore plus marquée. Aujourd'hui, l'activité de compensation a pris une grande importance. La réglementation financière postérieure à la crise de 2008 a en effet considérablement renforcé le rôle des chambres de compensation. Alors que l'essentiel de l'activité de compensation est localisée au Royaume-Uni, la Banque centrale européenne avait imposé en 2011 aux chambres centrales de compensation procédant au règlement de transactions en euros d'être localisées dans la zone euro. La Cour de justice de l'Union Européenne a donné raison au recours formé par le Royaume-Uni, non pas pour des raisons de fond, mais au motif qu'elle ne disposait pas de la compétence nécessaire en vertu des traités. Le Brexit entraînerait de fait la compensation d'activité en euros en dehors de la zone euro, alors même que les chambres de compensation vont représenter un risque systémique important, puisque la défaillance d'une chambre aurait un impact sur l'ensemble des acteurs dont les opérations sont compensées dans cette chambre. Le lien avec la Banque centrale reste ainsi extrêmement important. L'enjeu de la souveraineté est également majeur. Comme en témoigne l'exemple de l'augmentation des exigences de collatéral pour la zone euro décidée en 2011, les autorités de supervision britanniques ont déjà, par le passé, pour des raisons de stabilité propres au Royaume-Uni, pris des mesures sans réelle concertation avec leurs partenaires européens ayant entraîné des conséquences pour l'ensemble de la zone euro. Cet épisode montre l'importance d'avoir une vraie supervision et un lien réel avec ces chambres de compensation.

Deux dispositifs sont envisageables pour répondre à cette problématique. La première option repose sur une logique de supervision extraterritoriale, comme aux États-Unis : il pourrait être envisagé de confier la supervision des chambres de compensation du Royaume-Uni aux autorités de supervision européennes. La seconde option serait celle de la localisation, qui consiste, comme cela avait été envisagé par la Banque centrale européenne en 2011, à localiser les chambres de compensation procédant au règlement de transactions en euros dans la zone euro. Cette dernière option nous paraît être celle qui répond le mieux à la double exigence de supervision et de gestion de crise, par exemple en cas de problème de liquidités. La solution extraterritoriale se heurte en effet à la priorité nationale souvent donnée en situation de crise.

Concernant Euronext, les pouvoirs publics français ont d'ores et déjà signalé leurs préoccupations à la Commission européenne relatives, d'une part, aux enjeux de concurrence et de stabilité financière que cette opération engendrerait et, d'autre part, de souveraineté européenne, dans le contexte du Brexit . Si cette question est prioritairement regardée sous le prisme de la concurrence, il nous semble que les deux autres enjeux doivent également être pris en compte.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous remercie pour ces éléments. Nous allons entendre à présent Jean-Louis Laurens, ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international. À titre d'information, ce poste a été créé par l'association française de gestion financière et l'Autorité des marchés financiers.

M. Jean-Louis Laurens, ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international . - Je tiens à préciser que je suis un faux ambassadeur mais un vrai gestionnaire d'actifs. J'ai, pendant sept ans, géré les activités de gestion du groupe Rothschild, et, auparavant, celles du groupe Axa.

La gestion d'actifs est un enjeu important du Brexit , et partant, pour la place de Paris. Elle constitue un domaine d'excellence française, même s'il reste néanmoins peu connu : 3 800 milliards d'euros d'actifs sont ainsi gérés en France, ce qui représente le deuxième marché de la gestion d'actifs en volume d'actifs gérés en Union Européenne après le Royaume-Uni, et le premier marché de la zone euro.

Ma présentation des atouts de la France pour la gestion d'actifs aux grands groupes anglo-saxons susceptibles de s'installer en France repose sur trois mots et un chiffre.

Le premier mot est la profondeur. Nous avons en effet en France un marché de la gestion d'actifs non seulement important, mais également fort de cinquante années d'histoire, et extrêmement développé pour toutes les classes d'actifs. Des filiales de banques et de compagnies d'assurance, mais également des entités indépendantes, comme Carmignac, se situent au premier rang européen voire mondial dans les techniques de gestion. La présence d'acteurs de très haut niveau confère de la profondeur aux métiers de la gestion d'actifs. En outre, l'écosystème de la gestion français contribue à la rendre très performante. Gérer une société d'investissement à capital variable (Sicav) en France coûte ainsi le tiers du coût de gestion d'une même société située au Luxembourg.

Le deuxième mot est talent. Si beaucoup de gérants d'actifs londoniens sont très fiers de leurs talents français, la majorité des talents français est localisée à Paris. Nous avons également la capacité d'attirer de plus en plus de talents à Paris : de nombreux étudiants du Moyen-Orient et d'Amérique Latine choisissent d'effectuer leurs études en Europe, et en France en particulier, plutôt qu'aux États-Unis.

Le troisième mot est l'innovation. Les métiers de la gestion d'actifs connaissent de grands bouleversements, dus d'abord à l'évolution des conditions de marché. Nous entrons dans une phase de remontée des taux d'intérêt, que nous constatons déjà, et qui va se poursuivre. Il s'agit d'un changement considérable par rapport aux quinze dernières années de baisse continue des taux d'intérêt qui ont permis à tous les gérants d'actifs d'enregistrer des rendements positifs. La notion de rendement sans risque est également amenée à disparaitre. Enfin, la remontée des taux d'intérêt fera baisser la valeur des actifs qui constituent pourtant le coeur des portefeuilles de nos assureurs, de nos gérants de caisses de retraite et d'OCPVM. Les métiers de la gestion d'actifs vont également être bouleversés par l'innovation technologique, qu'il s'agisse de l'arrivée de l'intelligence artificielle, du Big Data , ou de la blockchain .

Je voudrais parler d'un de nos atouts, qui est moins connu dans son application à la finance : le crédit d'impôt recherche. Une piste de réflexion consisterait à en élargir l'application, afin de faire de Paris le « paradis de la recherche ». En effet, la recherche en finance est importante, car elle permet de développer des algorithmes, de traiter des données de plus en plus nombreuses, et d'utiliser des outils pour optimiser la gestion du risque.

Le chiffre auquel je faisais référence est 17. Il correspond au délai de dix-sept jours ouvrables dans lequel l'Autorité des marchés financiers (AMF) s'est engagée à répondre aux demandes d'autorisation de produits ou d'activités. Ce délai est bien plus élevé au Luxembourg et à Dublin, où il atteint près de trois mois. Or, nos concurrents en matière de gestion d'actifs post- Brexit ne sont pas à Francfort, davantage une place bancaire qu'une place de gestion d'actifs, mais Dublin et Luxembourg. Les interlocuteurs américains disent d'ailleurs préférer Paris à Francfort pour l'installation de sociétés de gestion d'actifs.

La clé pour renforcer l'attractivité de Paris en matière de gestion d'actifs, notamment aux yeux des sociétés américaines, est la flexibilité. Le taux d'imposition ne me paraît pas être le coeur du problème, dès lors qu'il est calculé au niveau mondial et que le taux d'imposition effectif des sociétés n'est pas aussi élevé qu'on le prétend. La priorité est aujourd'hui d'inclure, dans le « package d'impatriation », des éléments de flexibilité supplémentaire en droit social. En conclusion, je reste convaincu que notre industrie bénéficiera du Brexit si elle s'y prend de la bonne manière.

Mme Michèle André , présidente . - M. Boujenah, Philippe Dominati vous a interrogé sur les conséquences d'un rapprochement des bourses de Londres et de Francfort, ainsi que sur votre projet de rachat de la chambre de compensation française de la bourse de Londres. Il vous a également demandé de vous exprimer sur le futur pacte d'actionnaires. Les banques françaises vont-elles vous soutenir ?

M. Stéphane Boujenah . - La fusion du London Stock Exchange et de la Deutsche Börse, annoncée en février 2016, consisterait à créer une entreprise dont la capitalisation boursière serait effectivement dix fois supérieure à la celle d'Euronext. Un débat très intense a lieu actuellement, et porte sur trois questions : les effets de la taille de cette entreprise sur la concurrence, la nature des activités en cause et, enfin, les conséquences du Brexit sur ce projet.

Ces questions sont observées de manière détaillée par les autorités compétentes. La direction générale de la concurrence de la Commission européenne procède à une analyse sur l'impact en termes de concentration, suivant un calendrier clairement défini. Une communication est prévue avant le 3 avril prochain au sujet des market tests , qui permettront de déterminer si cette fusion est compatible avec les règles européennes de concurrence. D'ici le début du mois d'avril, la commissaire chargée de la concurrence se prononcera sur ce premier sujet.

Les conséquences en termes de stabilité financière ou de risque systémique sont analysées par les régulateurs prudentiels, notamment en France. Un des actifs du groupe, LCH Clearnet SA, est effectivement soumis à la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ainsi qu'à la surveillance de la Banque centrale européenne.

S'agissant des conséquences du Brexit , il est prévu que le directeur général de l'entreprise fusionnée sera allemand mais que le siège de la holding sera à Londres. Au moment de l'annonce de la transaction, le 16 février 2016, Londres était toutefois dans l'Union européenne et s'engageait d'appliquer toute la réglementation ; il y a aujourd'hui plus d'incertitude.

Je n'ai pas d'opinion à formuler sur cette transaction à ce stade, qui est très avancée et est maintenant étudiée par les autorités compétentes. Je constate toutefois qu'elle fait l'objet d'une analyse précise de plusieurs régulateurs. Le mandat que m'a confié le Conseil de surveillance d'Euronext est de renforcer la situation d'Euronext quelle que soit l'issue de cette transaction. Dans l'hypothèse où le rapprochement serait approuvé, nous avons conclu un accord avec London Stock Exchange et LCH pour acquérir la chambre de compensation, autrefois connue sur le nom de Clearnet, actif qui appartenait au groupe Euronext jusqu'en 2003. C'est donc un actif qui présenterait des synergies importantes avec Euronext : la moitié de son chiffre d'affaires résulte de flux avec Euronext. Il s'agit donc d'une transaction naturelle, qui demeure toutefois soumise à la condition suspensive de la fusion.

S'agissant du pacte d'actionnaire conclu en 2014 quand Euronext est devenue une société indépendante, je tiens à préciser qu'Euronext est la société commune de la croissance. Elle a vocation à permettre une formation des prix fiable et transparente, à garantir l'existence d'une liquidité et à permettre aux marchés de capitaux en Europe de financer l'économie réelle en transformant l'épargne en fonds propres. Il est donc naturel qu'un certain nombre d'acteurs de marché, privés ou institutionnels, dans les différents pays d'Euronext, soient associés ou aient souhaité soutenir ce projet pour s'assurer de son ancrage dans l'économie réelle. C'est le sens du pacte actuel, qui a été conclu en 2014 et arrive à échéance en juin prochain. Des discussions sont en cours pour envisager les conditions de son renouvellement. Je suis directeur général d'Euronext, je suis donc un employé et n'ai pas d'avis personnel sur les conditions dans lesquelles les actionnaires souhaitent organiser leurs relations. J'observe cependant que quand Euronext était filiale du New-York Stock Exchange (NYSE), la performance opérationnelle l'entreprise, sa situation stratégique et sa croissance se sont dégradés. Depuis juin 2014, qu'elle est devenue une entreprise fédérale avec son siège à Amsterdam, un Chairman et un Vice-Chairman néerlandais, deux membres du Conseil de surveillance français, deux membres belges, une allemande, un portugais, et un britannique, l'entreprise a fait croître de presque dix points sa performance opérationnelle, alors même que les prix baissaient et que la concurrence se renforçait. Nous avons donc démontré que l'entreprise, devenue européenne et fédérale, très enracinée au Portugal, aux Pays-Bas, en Belgique et en France, pouvait être plus rentable que ses concurrents. Il faut toutefois reconnaître que les règles relatives au coût des fonds propres et aux investissements en action ont rendu cette participation plus onéreuse pour les banques. Il est donc normal que les investisseurs envisagent de faire évoluer leur participation. L'entreprise souhaite mettre en oeuvre le plan stratégique, avec le soutien des acteurs locaux, car nous pensons que nous avons un projet de croissance qui doit se poursuivre.

Mme Marie-Anne Barbat Layani . - Euronext est une société cotée si bien que je me garderai de toute appréciation sur les décisions individuelles des actionnaires. Mais il est vrai que le coût des interventions en fonds propres a été augmenté par la réglementation bancaire.

Mme Michèle André , présidente . - Merci de votre réponse pleine de franchise. Nous allons passer à une deuxième série de questions.

M. Philippe Dominati . - Je retire de vos premiers propos le sentiment qu'il existe deux discours, l'un, un peu institutionnel, selon lequel tout irait bien, l'autre, plus critique, faisant valoir un certain nombre de difficultés que le prochain Gouvernement devra affronter. Je crois utile de pouvoir mieux appréhender les obstacles qu'il faudra franchir pour assurer une meilleure compétitivité de la place de Paris. Je voudrais rappeler également que lorsqu'Euronext est devenu un actif américain, certains ont pu s'inquiéter d'un certain désintérêt des acteurs financiers de Paris pour l'opérateur de place. Il ne faudrait pas que ce scenario se reproduise. Stéphane Boujnah semble indiquer qu'Euronext est une société européenne, parmi d'autres. Dans ces conditions, sa spécificité au regard des besoins de la place de Paris mérite d'être mieux identifiée.

M. Michel Bouvard . - Je souhaite saluer l'engagement des acteurs en faveur de la place de Paris. Je m'interroge sur le périmètre de ce qui sera obligatoirement transféré en fonction de l'évolution des dossiers en cours. S'agissant des éléments d'attractivité, un certain nombre d'atouts sont connus, les infrastructures, la formation, mais dispose-t-on d'une évaluation précise des différentiels existant en matière de fiscalité et de charges sociales, notamment par rapport à Francfort et Dublin ? Enfin je vais poser une question un peu provocatrice. Compte tenu de nos nombreux atouts pouvez-vous m'expliquer pourquoi la première place financière francophone est celle de Genève ?

M. Claude Raynal . - J'ai beaucoup apprécié l'exposé de Stéphane Boujnah, que j'avais déjà entendu au Cercle des économistes. Je souhaite revenir sur le projet de fusion entre LSE et Deutsche Börse. Alors que le Brexit est intervenu, je m'interroge sur la dimension politique d'un projet qui ne dénote pas une volonté particulière des européens de reprendre la main sur leurs affaires. Sommes-nous incapables en Europe de faire des champions européens ? Du point de vue d'Euronext, en cas d'échec de ce projet, serait-il plus utile de conserver ne dualité des organisations continentales ou une fusion avec l'acteur allemand serait-elle préférable ? Le deuxième sujet a un lien avec les propos de René Proglio, qui a mis l'accent sur la dimension d'attractivité attachée à la rigueur de l'application de nos règles prudentielles. Dans ce contexte, quelle appréciation portez-vous sur les décisions prises aux États-Unis par le nouveau président, qui consistent à balayer les réformes mises en place après la crise ?

M. Richard Yung . - Je souhaite que nous puissions revenir sur le devenir des relations entre la place de Londres et les marchés européens. Je pense que la plupart d'entre nous sont convaincus que Londres restera la première place financière européenne et mondiale. À la louche, 80 % des activités resteront à Londres - et peut-être que 10 % se déplaceront à Paris et à Francfort. En revanche, il est difficile d'avoir une vision claire sur la manière dont les relations entre Londres et le continent vont s'organiser et sur la façon dont les opérateurs, qui n'auront plus accès au « passeport » européen, pourront s'adapter. Je sais bien qu'il existe des systèmes d'équivalence, mais cela ne marche pas car ils sont très sectorisés et peuvent être remis en cause à tout moment. Si ce système n'est pas une alternative robuste, vers quelle solution allons-nous ? Un accord spécifique est-il réellement envisageable dans la mesure où il pourrait constituer un précédent applicable à de nombreux autres secteurs ?

La finance ce sont de nombreux métiers différents. La France dispose sans doute d'atouts particuliers dans certains secteurs, les dérivés par exemple, alors qu'elle est moins armée dans d'autres, la compensation sans doute. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur les points forts de la France ?

À l'évidence, les initiatives prises aux États-Unis posent un grave problème. On voit mal comment l'Europe pourrait poursuivre son engagement international en matière de régulation alors que le principal partenaire quitte la table. Certains évoquent le rapatriement des banques américaines opérant à Londres aux États-Unis afin d'exercer en Europe. Est-ce réellement crédible ?

Un dernier mot sur les chambres de compensation : on a tous un intérêt à avoir un système de compensation qui fonctionne. La liquidité en euros doit être assurée. À cette fin, n'aurait-on pas intérêt à conclure, au moins sur ce point, un accord de cosurveillance avec la place de Londres ?

M. Éric Bocquet . - Je souhaiterais exprimer, en quelques remarques, un certain malaise. Le panel est composé de représentants de grandes banques privées internationales, dont la compétence n'est pas en doute mais dont l'intérêt va forcément dans le sens d'un développement de la finance. Ils sont conviés au même titre que les représentants de la direction générale du Trésor, c'est-à-dire du ministère de l'économie et des finances de la République. Et, au risque de choquer, je souligne la présence d'un représentant de la banque UBS, laquelle est aujourd'hui poursuivie par la justice française et pourrait se voir infliger une amende allant jusqu'à 5 milliards d'euros, pour des pratiques de démarchage illicite qu'elle a reconnues et la gestion de plus de 12 milliards d'euros dissimulés entre 2005 et 2012. Je ne m'étendrai pas sur l'amende infligée par l'ACPR en 2013.

Permettez-moi donc de ressentir un certain malaise face à l'union sacrée affichée ce matin, qui a tout d'un plaidoyer par la finance pour la finance. Ceci appelle plusieurs réserves sérieuses. Les risques bancaires n'ont pas été évoqués en tant que tels - René Proglio a toutefois fait mention de la question de la régulation dans son intervention, ce qui doit être salué. Personne n'a évoqué le niveau de la dette étudiante aux États-Unis, qui atteint 1 160 milliards de dollars et pourrait provoquer une nouvelle crise financière, ni les deux tiers de créances douteuses que détiennent les banques italiennes, au coeur de la zone euro. Il semble parfois que nous soyons repartis comme avant, comme si la crise de 2008 n'avait pas eu lieu.

J'entends bien sûr votre message : pas de taxes, elles sont « dissuasives », et un allègement du droit du travail, pour pouvoir réagir rapidement en cas de crise. C'est un discours que l'on entend depuis longtemps. Mais celui-ci conduit à une compétition vers le bas qui s'est récemment accélérée.

Aux États-Unis, le président Donald Trump s'est déjà attaqué frontalement à l'ébauche de réglementation bancaire qu'avait mise en place le président Barack Obama - qualifiant la loi Dodd-Frank de « désastre ». Rappelons au passage la forte présence au sein de l'administration de Donald Trump d'anciens dirigeants de la banque Goldman Sachs, dont on connaît la responsabilité dans la crise de 2008 - cette même banque qu'a rejointe José Manuel Barroso, quelques années après avoir quitté la présidence de la Commission européenne.

S'agissant du Brexit , chacun ici semble tenir pour évident que ce qui est bon pour la finance est bon pour l'économie réelle, et donc pour nos concitoyens. Pourtant il y a là un vrai débat, qui n'a pas été abordé. Or la compétition s'aggrave là aussi, avec la décision britannique de quitter l'Union européenne. Une décision souveraine, qui doit être respectée, mais qui porte en elle le risque d'un véritable dumping fiscal. La Première ministre Theresa May a annoncé une forte baisse de l'impôt sur les sociétés, confirmée par le chancelier de l'Échiquier Philip Hammond.

Le Luxembourg s'est aussi lancé dans cette course au moins-disant - rappelons que le pays a déjà plus de 600 milliards d'euros d'actifs britanniques sous gestion sur son territoire. Jusqu'où ira-t-on ? Aura-t-on un impôt sur les sociétés à 15 %, à 10 %, à 5 % ? Comment financera-t-on demain la formation, le système de santé, le logement et tous les autres services publics ? Cette concurrence fiscale est porteuse de grands dangers. Et l'on voudrait nous faire croire que rapatrier en France des activités financières se fera au bénéfice de tout le monde ? Permettez-moi d'être sceptique.

Mme Michèle André , présidente . - Je remercie Éric Bocquet pour cette série de remarques ; toutefois, je rappelle que notre ambition aujourd'hui était d'évoquer la compétitivité de la place de Paris, et non d'élargir le débat à l'ensemble des questions liées à la finance.

M. Antoine Lefèvre . - Beaucoup de choses ont été évoquées. Comme mes collègues Claude Raynal et Richard Yung, je souhaiterais souligner que les annonces et les décisions du président Donald Trump pourraient peser sur les prochaines négociations du comité de Bâle, ce qui n'est pas sans soulever quelques inquiétudes.

Mme Michèle André , présidente . - Pour terminer, estimez-vous que les risques pour la stabilité financière liés au Brexit se trouvent accrus dans la mesure où la plupart des contrats relèvent du droit anglo-saxon et comportent des clauses dont l'application est subordonnée à la présence de l'ensemble des parties dans l'Union européenne ? Qu'en est-il de l'ouverture des discussions sur le siège de l'Autorité bancaire européenne, actuellement situé à Londres mais qui ne pourra pas y rester - sachant que Paris accueille déjà le siège de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et Francfort celui de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) ?

Mme Marie-Anne Barbat-Layani . - Trois questions concernent plus particulièrement la FBF.

S'agissant de la question de Philippe Dominati sur les priorités de la place de Paris - sujet sur lequel la mission confiée à Christian Noyer a réalisé un travail important -, les demandes des banques étrangères présentes au sein de notre fédération se résument en deux mots : la cohérence et la stabilité des décisions. Les acteurs bancaires ont besoin de prévisibilité : il vaut mieux changer les choses une fois pour toutes, en matière de fiscalité ou de charges sociales, puis s'y tenir. L'exemple de la suppression de la C3S est éloquent : celle-ci devait s'étaler sur trois ans, mais a finalement été interrompue après la deuxième année. Comment les décideurs peuvent-ils prendre des décisions importantes, par exemple en matière d'implantation, lorsque des annonces sur une période pluriannuelle sont remises en cause chaque année ? À cet égard, il est important que les pouvoirs publics se tiennent à la baisse sur quatre ans du taux de l'impôt sur les sociétés qui a été annoncée.

Sur le plan de la cohérence, rappelons que si la loi de finances pour 2017 a permis la mise en oeuvre des annonces faites par le Premier ministre à Paris Europlace, elle s'est également traduite par une hausse de la taxe sur les transactions financières et l'inclusion des transactions intraday dans son assiette - une disposition qui pose des problèmes de mise en oeuvre considérables alors qu'on l'on sait que son rendement ne sera pas élevé.

Le coût du travail et le droit du travail sont aussi l'une des priorités identifiées. S'agissant du coût du travail, il ressort d'une récente étude de COE Rexecode que le niveau des charges sociales au niveau du SMIC est aujourd'hui quasiment identique en France et en Allemagne, mais qu'il n'en va pas de même pour les salaires plus élevés : pour résumer, le coût de deux ingénieurs en France représente le coût de trois ingénieurs en Allemagne. Cette différence s'applique aux métiers de la finance et aux autres métiers à haute valeur ajoutée.

S'agissant de la flexibilité et l'adaptabilité du droit du travail, en termes de délais et en termes de coûts, les propositions de la FBF doivent encore être approfondies. Je vous citerai toutefois un exemple : la prise en compte de la part variable des rémunérations dans le calcul des indemnités prud'homales, qui est source d'un risque très important.

Il est difficile de répondre à la question de Michel Bouvard sur le périmètre des activités qui devront être obligatoirement transférées et localisées au sein de l'Union européenne, dans la mesure les conditions juridiques du Brexit ne sont pas encore connues avec certitude. Il semble toutefois acquis qu'il ne pourra pas y avoir de maintien du passeport européen, pour les raisons détaillées par Odile Renaud-Basso : sans soumission à la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ni libre circulation, il n'y a pas de marché intérieur.

Il existe aujourd'hui des régimes intermédiaires. Le régime d'association, sur le modèle de l'Espace économique européen (EEE), donnerait au Royaume-Uni un large accès au marché intérieur, mais impliquerait que le pays accepte de contribuer au budget de l'Union européenne et de se soumettre aux règles sans contribuer à leur négociation - il est par conséquent douteux que cette option soit privilégiée. Quant aux régimes d'équivalence, ils n'existent aujourd'hui que dans certains domaines, au cas par cas, et pour des places financières modestes : cette formule ne convient pas à la situation du Royaume-Uni, première place financière européenne. La City évoque la mise en place d'un régime « chapeau » d'équivalence ou de reconnaissance mutuelle.

En bref, le périmètre des activités qui devront être relocalisées au sein de l'Union européenne dépendra de l'issue des négociations, qui est aujourd'hui incertaine.

Cela dépendra aussi du degré d'exigence des superviseurs et des régulateurs quant aux activités sur lesquelles ils entendent exercer un pouvoir précis. Par exemple, il existe en matière de gestion une notion de « délégation » : les régulateurs seront-ils prêts à accepter, comme c'est le cas aujourd'hui, que l'activité elle-même soit localisée hors de l'Union européenne, pourvu que l'entité soit représentée par quelques personnes ? On peut aussi citer l'exemple des chambres de compensation, évoqué par Richard Yung, avec la question des accords de surveillance. Il s'agit là de sujets considérables, et les négociations n'en sont qu'à leur commencement.

Les implications sont importantes. En 2011, par exemple, la décision des superviseurs britanniques sur la hausse des appels de marge, prise de manière non concertée, a eu des conséquences majeures sur la zone euro dans son ensemble. De fait, en période de risque, chaque autorité de régulation tend à se focaliser sur la stabilité financière de son propre pays.

Il importe d'aboutir à une solution dans les deux prochaines années. Je me permets d'insister sur le fait que ces discussions doivent être spécifiques au secteur financier, et ne pas être liées aux autres sujets - par exemple aux discussions commerciales, qui relèvent de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et prendront vraisemblablement plus de temps. Les banques doivent y voir clair le plus vite possible, afin de ne pas créer des distorsions et des règles divergentes.

Enfin, je souhaite répondre aux questions portant sur la stabilité financière et les risques bancaires. Il est faux de dire que les banques françaises se plaignent constamment de la régulation, qu'elles la jugent inadaptée. Nous avons soutenu l'union bancaire, qui vient renforcer la régulation au sein de la zone euro. Nous sommes parfaitement conscients que la que la qualité de la supervision est un atout pour les banques, comme l'a d'ailleurs souligné René Proglio. En témoigne ainsi le niveau des créances douteuses détenues par les banques de chaque pays : 4 % en France, contre 18 % en Italie. C'est une question de bonne gestion de la part des banques elles-mêmes, mais la compétence et l'exigence du régulateur n'y sont pas pour rien. L'enjeu de l'union bancaire, aujourd'hui, est de parvenir à une supervision unique et de qualité au sein de l'ensemble de la zone Euro.

Il est vrai, toutefois, que nous sommes opposés à certaines réglementations au cas par cas. S'agissant des travaux actuels du comité de Bâle, notre opposition tient à ce que les discussions ne portent pas sur le renforcement de la supervision mais sur la comparabilité des modèles d'évaluation des risques. Or depuis quinze ans, l'évaluation des risques repose sur les modèles internes, ce qui a permis aux banques, notamment françaises, de développer des modèles permettant de gérer les risques au plus près - c'est d'ailleurs l'une des explications de la meilleure résistance des banques françaises à la crise de 2008. Notre crainte est qu'une approche standardisée au niveau du comité de Bâle ne débouche sur un retour en arrière, sous l'influence de certaines juridictions - notamment les États-Unis - dont les modèles sont moins exigeants.

M. Stéphane Boujnah. - En réponse aux questions de Philippe Dominati et de Michel Bouvard, ainsi qu'aux remarques formulées par Éric Bocquet, je voudrais souligner qu'il existe trois grandes différences entre Euronext et les autres places de marché en Europe.

La première est le lien très fort d'Euronext avec l'économie réelle. Une certaine approche considère que l'essentiel de la valeur ajoutée ne se fait pas sur la « matière première » que sont les entreprises, leurs fonds propres ou encore leur cotation en bourse, mais au-dessus, avec les produits dérivés, les indices et autres trackers . Une seconde approche, qui est celle d'Euronext et d'autres places financières plus modestes en Europe, considère que les entreprises, leurs fonds propres, leur performance et leur cotation en bourse sont au coeur du métier d'une infrastructure de marché. C'est le sens de notre mandat : permettre aux investisseurs de rencontrer ceux qui ont des liquidités mais pas de projets. Nous permettons aux capitaux d'aller vers l'économie réelle, c'est-à-dire toutes les entreprises mais aussi - nous sommes ici à la commission des finances du Sénat - la dette publique et le déficit public. Cela représente une partie considérable du travail qui est effectué tous les jours.

La deuxième spécificité d'Euronext est qu'il s'agit d'un projet ouvert et fédéral. Alors que la construction européenne fait l'objet de critiques quotidiennes, la société Euronext est l'un des rares succès qui montrent que des Européens peuvent être plus efficaces lorsqu'ils sont ensemble. La marge opérationnelle d'Euronext ( Ebitda ) est aujourd'hui de 56 %, d'après le consensus des investisseurs ; celle du London Stock Exchange (LSE) est de 45 %, et celle de Deutsche Börse de 52 %. Lorsqu'Euronext était une filiale du New York Stock Exchange (NYSE), cette marge était de 39 %. Le fait qu'Euronext soit un projet ouvert et fédéral signifie aussi que nous avons vocation à accueillir d'autres États membres de la zone Euro.

La troisième grande différence, à mon sens absolument déterminante, concerne les choix technologiques. Nous avons rapatrié nos équipes de Belfast et de Porto, et décidé de ré-internaliser et de recentraliser nos développements technologiques. Au moment où certains de nos concurrents estiment qu'il faut aller plus loin dans la vague de l' offshore , nous avons opté pour le nearshore , discipliné et compact. Nous pensons que le monde n'est pas en train de devenir de plus en plus grand, mais au contraire de plus en plus petit : dans ce contexte, la maîtrise de nos technologiques et de nos infrastructures techniques est fondamentale.

À cet égard, le fait que ces activités soient conduites par des Européens, et singulièrement des Français, et ceci à tous les niveaux - actionnaires, conseil de surveillance, management - n'est pas anodin. Quand tout va bien, la question ne se pose pas, mais lorsque survient une crise ou une tension, c'est là que se prennent des décisions extrêmement importantes. Odile Renaud-Basso a cité l'épisode des appels de marge : des personnes à Londres ont un jour décidé qu'il était dans leur intérêt d'augmenter les marges sur les obligations italiennes, et le lendemain ces mêmes obligations sont passées à 7 % ou 8 % à Rome et à Milan, avec un impact considérable sur les conditions de financement de l'Italie. On voit ici que la proximité avec les infrastructures de marché revêt un véritable enjeu de souveraineté.

S'agissant enfin des perspectives de consolidation entre Euronext et Deutsche Börse, je souligne tout d'abord qu'il s'agit d'un choix d'actionnaire - je suis pour ma part un employé, et il est très important de ne pas mélanger les rôles. Ensuite, ma conviction personnelle, très profonde, est que la zone euro constitue l'espace pertinent pour notre développement : à cet égard, il existe une vraie différence entre le projet de consolidation avec Deutsche Börse et celui avec le London Stock Exchange - hors de la zone Euro, et bientôt hors de l'Union européenne. Enfin, il importe en tout état de cause de respecter l'actif le plus précieux d'Euronext : sa dimension fédérale. Rien de durable et d'efficace ne se fera si chaque pays n'a pas l'impression d'être à l'aise et d'avoir une influence sur la manière dont les choix sont faits. Il s'agit là d'une condition absolument essentielle. Le succès d'Euronext aujourd'hui tient précisément à sa gouvernance fédérale équilibrée.

M. René Proglio . - Vous m'avez interrogé concernant la dérégulation du secteur financier annoncée aux États-Unis. Le débat fait rage et la Réserve fédérale n'est pas en accord avec les déclarations de Donald Trump. Qui aura le dernier mot ? Je ne le sais. Je ne suis pas américain et j'observe, tout comme vous, la situation en essayant de me tenir informé. Une chose est sûre : si le retour au laxisme en matière de régulation financière devait se confirmer, ce serait une catastrophe et nous devrions alors nous attendre à une crise financière bien plus grave que celle que nous avons connue en 2007.

M. Jean-Louis Laurens . - Il y a trois points sur lesquels je souhaite revenir : les revendications du secteur financier, comme le demande Philippe Dominati, le périmètre des activités qui devraient être transférées, avec la question de passeport qui est cruciale dans le secteur de la gestion d'actifs, et enfin l'avantage lié à la qualité du régulateur français en matière de gestion d'actifs.

Concernant les demandes du secteur de la gestion d'actifs, notre principal souci est simple : nous avons besoin d'être compétitifs. Or la taxe sur les transactions financières ou la taxe sur les salaires constituent des désavantages comparatifs car les autres pays européens n'ont pas de tels dispositifs fiscaux. Le secteur financier n'a que très peu de contraintes liées à la géographie d'un territoire : la finance est très mobile et, si les conditions ne sont plus réunies pour exercer des activités financières de façon compétitive sur un territoire donné, les entreprises du secteur iront s'installer ailleurs. De façon plus concrète, je pense qu'un élargissement du crédit d'impôt recherche, afin d'en permettre une application accrue à la recherche financière, serait bienvenu. Cette originalité française constitue un atout, comme j'ai pu le constater lors de mes échanges avec des acteurs américains ou anglais. Cette mesure, dont le coût serait limité, pourrait avoir un effet d'entrainement important. Un autre point important est la flexibilité : quand le Royaume-Uni sera sorti du périmètre d'application de la directive Bolkenstein, il pourrait être opportun de prévoir des contrats de détachement d'une durée supérieure à deux ans en les réservant aux plus hautes rémunérations, car il ne s'agit pas d'ouvrir la porte au dumping social. Ces deux modifications permettraient de faire sauter quelques verrous, en partie psychologiques.

S'agissant du périmètre des activités transférées, il faut d'abord noter que la gestion d'actifs est un secteur encadré par une réglementation très stricte. Ainsi, non seulement les entreprises doivent disposer d'un passeport de société de gestion, mais les produits aussi doivent bénéficier d'un passeport. Il y a donc un double passeport : pour les sociétés de gestion d'actifs d'une part, pour les actifs eux-mêmes d'autre part. La directive « Undertakings for Collective Investment in Transferable Securities », dite UCITS, qui régule l'immense majorité des OPCVM en Europe, n'a pas prévu de régime pour les pays tiers : il va donc falloir l'inventer.

Les Britanniques ont tout de suite pensé à contourner ce problème en installant à Dublin ou à Luxembourg des entités « boîte aux lettres » qui bénéficieraient du passeport et le transfèreraient à leur produit. Selon nous, un des éléments-clés de la négociation va être d'éviter qu'on accède au passeport européen à travers une simple boîte aux lettres, et qu'il faille justifier de ressources de gestion et des ressources de contrôle en nombre suffisant pour l'obtenir. Soyons clairs : sur ce point, les intérêts de Paris ne sont pas forcément alignés avec ceux de Dublin ou de Luxembourg. Nous allons donc devoir y travailler.

Dans la mesure où il faudra une entité en Europe suffisamment « musclée », il apparaît pertinent de la situer à Paris, qui dispose d'un écosystème puissant, de ressources qui n'existent pas au Luxembourg ou à Dublin, qui ont des administrateurs mais pas de gérants. Je suis en outre persuadé que le modèle du Luxembourg et de Dublin sera remis en cause par les nouvelles technologies qui vont remplacer les métiers de « processing » : contrôles, formulaires, prospectus à traduire, etc. Attirer les talents de gestion et de recherche en France est toutefois essentiel.

S'agissant du régulateur, l'Autorité des marchés financiers est effectivement un atout concurrentiel de la place de Paris. Cela a été un atout pour le Luxembourg et pour l'Irlande pendant longtemps, cela l'est devenu pour la France. Aujourd'hui, nous disposons d'un régulateur de très bon niveau, extrêmement rigoureux, qui ne tarde pas à mettre en oeuvre les règlementations européennes, mais qui le fait de manière constructive et qui est ouvert au dialogue. Cela n'est pas le cas avec le régulateur irlandais ni avec le régulateur luxembourgeois. Les délais de réponses du régulateur français sont en outre très courts : dix-sept jours ouvrables. Dans mon activité passée, j'ai mis jusqu'à six mois pour avoir un accord sur un nouveau fonds au Luxembourg, ce qui obère l'accès au marché, surtout dans un univers très réactif.

Mme Odile Renaud-Basso . - Il est difficile de connaître les activités qui seront transférées depuis Londres. Tout dépendra des accords obtenus.

Le risque d'avoir des équipes « boîte aux lettres » est identifié. La France et la Commission européenne seront très vigilantes sur ces sujets, car il y a déjà certains régulateurs qui expliquent qu'il suffira d'implanter deux ou trois personnes pour que tout se passe bien. L'enjeu n'est pas de prendre une revanche sur la place de Londres, transférer des activités ne constitue pas un objectif en tant que tel, il s'agit plutôt d'une question de stabilité financière et de protection des consommateurs et des épargnants.

Donner libre accès au marché européen à un pays tiers sans savoir exactement les règles qui y seront appliquées constitue un risque important. Cela serait un élément de contournement extrêmement important de tous les dispositifs européens.

Je ne crois pas que Genève soit la première place financière européenne. Peut-être en banque privée.

M. Michel Bouvard . - La première place financière francophone !

Mme Odile Renaud-Basso . - La Suisse se prévalait en outre d'atouts qui n'étaient pas forcément recommandables.

Pour répondre aux remarques de Richard Yung, il y a une communication assez active du côté britannique tendant à laisser penser que l'économie européenne souffrirait d'un transfert des activités financières vers le continent et qu'il y aurait un savoir-faire qui n'existerait pas ailleurs. Cela prendra peut-être un peu de temps mais il n'y a cependant pas de raison que les activités actuellement réalisées à Londres ne puissent pas l'être ailleurs, notamment à Paris. Il s'agit d'une communication infondée.

S'agissant des questions juridiques, concernant en particulier les contrats de droit anglo-saxon, il me semble que les difficultés peuvent se régler par des mesures de transition. Quant à la localisation du siège de l'Autorité bancaire européenne (ABE) et de l'Agence européenne des médicaments, la France a fait part de son intérêt, même si l'heure n'est pas pour le moment aux candidatures officielles. Cette discussion sera compliquée à mener, mais il paraît logique que le siège de l'ABE se situe dans une place financière importante de l'Union Européenne.

Il est encore trop tôt pour mesurer la réalité des mesures annoncées par la nouvelle administration américaine. Cet enjeu constituera très certainement un point de vigilance pour l'Union Européenne. Alors que les États-Unis ont exprimé leur intention de remettre en cause la mise en oeuvre d'accords internationaux, des arbitrages seront impératifs, afin de répondre aux questions de sécurité, de stabilité, et de compétitivité qui pourront en découler. Dans tous les cas, la négociation de nouvelles normes internationales sera probablement plus difficile. La suspension des discussions relatives aux normes dites « Bâle IV » du fait du durcissement de la position américaine en témoigne.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous remercie. Nous poursuivrons le débat sur la compétitivité de la place de Paris mercredi prochain, puis recevrons mercredi 22 février le secrétaire général du comité de Bâle, ce qui nous permettra d'évoquer les conditions de réglementation et de financement de l'économie réelle.

2. Auditions du 15 février 2017

Réunie le mercredi 15 février 2017, sous la présidence de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, la commission a entendu M. Jean Beunardeau, président de HSBC France, M. Gilles Briatta, secrétaire général de la Société Générale, M. Jean François Cirelli, président de BlackRock France, M. Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, et M. Jean-Jacques Santini, directeur des affaires institutionnelles du groupe BNP Paribas.

Mme Fabienne Keller , présidente . - Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux consacrés à la compétitivité des places financières.

Je tiens à remercier chaleureusement les différents participants à cette deuxième série d'auditions d'avoir accepté notre invitation. Il s'agit de : Jean Beurnardeau, président de HSBC France ; Gilles Briatta, secrétaire général de la Société Générale ; Jean-François Cirelli, président de BlackRock France ; Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace ; Jean-Jacques Santini, directeur des affaires institutionnelles du groupe BNP Paribas.

Je vous rappelle que cette réunion est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site du Sénat.

Pour entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais commencer par poser deux questions aux trois acteurs bancaires représentés aujourd'hui.

Quels sont les principaux facteurs d'attractivité de la place de Paris et, à l'inverse, ses principales faiblesses, par rapport aux autres places financières européennes ?

Il semble aujourd'hui acquis qu'il n'y aura pas de maintien du passeport européen pour les Britanniques. Compte tenu des régimes d'équivalence existants, quelles sont les activités les plus susceptibles d'être relocalisées vers le continent européen ? Nous avons tous compris que Mme May souhaitait une super-équivalence et que la question du droit d'accès aux marchés financiers était centrale.

M. Jean Beunardeau, président de HSBC France . - Quelles sont les forces et les faiblesses de la place de Paris dans la compétition européenne pour attirer les établissements financiers ?

Parmi les points forts, la France est un pays à économie avancée, avec des grands groupes internationaux, mais aussi des start-up et un savoir-faire développé, profond et international. Un deuxième atout, qui concerne davantage la place de Paris que le reste de la France, est la profondeur du marché du travail en matière de compétences économiques, financières et bancaires, ainsi que la profondeur du marché des bureaux. La région parisienne est la première place de bureaux européenne de par sa position géographique centrale en Europe. De plus, le marché du logement à Paris, vu de Londres, est particulièrement facile d'accès.

La France a d'autres forces, qui méritent d'être mieux connues, en particulier dans le milieu britannique. À savoir un système de santé de qualité, qui n'est pas toujours perçu comme tel en Grande-Bretagne. Et un bon système éducatif, qui n'est pas non plus toujours reconnu. Autre avantage, la régulation financière. Les autorités de contrôle et de régulation - Banque de France, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et Autorité des marchés financiers (AMF) - sont considérées comme très professionnelles et capables de traiter des problèmes sophistiqués. Pour finir, la qualité de vie à la française - nourriture, tourisme, qualité des transports - est également perçue comme un avantage.

Parmi les inconvénients, la principale difficulté, toujours mise en avant, est la rigidité du marché du travail, dans des métiers où la flexibilité est importante : on embauche beaucoup quand ça va bien, mais on débauche beaucoup quand ça va mal. Dans le détail, notre code du travail présente une philosophie très différente de celle des autres pays européens : en France, le travail est un droit, et si un employeur décide de supprimer un poste, il doit le justifier au terme d'un long processus. Tout plan de licenciement, même en cas de mobilité interne et de départ volontaire, entraîne des délais et nécessite une autorisation administrative être mis en oeuvre. Ce dernier point choque beaucoup dans le monde anglo-saxon. Sans parler du recours devant le tribunal, qui crée une incertitude extrêmement forte.

Certes, depuis la loi de 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, les délais sont beaucoup mieux encadrés. Il n'en reste pas moins que le processus est long et coûteux, même pour de petits plans. Par exemple, une banque étrangère de petite taille qui souhaite supprimer vingt postes doit engager au minimum 500 000 euros, sans compter les délais. Le coût de ces suppressions d'emplois en France représente deux à trois ans de salaire dans les métiers financiers, contre environ un an sur une place anglo-saxonne.

J'insiste sur le risque juridique, qui est très mal perçu dans les pays anglo-saxons. Non que les tribunaux administratifs fassent mal leur travail, mais ils ont annulé récemment des plans de Barclays ou AIG pour des raisons juridiquement très fondées, mais de pur formalisme. Dans l'un des cas, seule était en cause la validité des signataires parmi les délégués syndicaux.

HSBC a également engagé un plan social et a convoqué par voie d'huissier un certain nombre de représentants au comité d'entreprise en vacances pour éviter tout risque. C'est dire le niveau de formalisme, et donc de risque, que le droit du travail français fait peser sur des réorganisations, même mineures.

Autre point de faiblesse que vous connaissez bien, le niveau des charges sociales, surtout dans leur partie déplafonnée. S'il est logique que les charges sociales soient plus élevées dans un pays où la santé et l'éducation sont gratuites, on comprend mal qu'elles soient déplafonnées. Ce n'est pas tellement un problème de coût du travail, car le niveau des salaires en France est très inférieur à ce qu'il est en Grande-Bretagne. Tout compris pour l'entreprise, le coût total est quasiment le même. Simplement, le salarié gagne moins au bout du compte.

M. Jean-Jacques Santini, directeur des affaires institutionnelles du groupe BNP Paribas . - Jean Beunardeau nous a livré un exposé complet sur les facteurs d'attractivité. J'ajoute que le prix du mètre carré pour les bureaux est également compétitif par rapport à Francfort - surtout en ce qui concerne la banlieue ouest et le quartier de la Défense, car à Paris les tarifs sont plus élevés. Contrairement à ce que l'on pense, la région parisienne est attractive.

Par ailleurs, en termes d'inconvénients, il faut mentionner que la fiscalité n'est pas tout à fait comparable entre les différentes places. En France, la taxe sur les salaires constitue un handicap pour l'emploi. Quoi qu'il en soit, le facteur le plus gênant reste le droit du travail.

Quid du passeport ? BNP Paribas se trouve dans une situation différente de celle d'une banque américaine ou japonaise installée à Londres, puisque nous sommes déjà présents partout en Europe. Le problème du passeport ne se posera qu'en termes d'ajustement de notre dispositif. S'il n'y a plus de passeport, ce qui est très probable, nous continuerons à servir nos clients sans aucune difficulté. La suppression des passeports ne signifie pas qu'il n'y aura aucun régime. Le Royaume-Uni, au travers de la période transitoire et des accords d'équivalence, cherchera à avoir la même chose qu'aujourd'hui ! C'est d'ailleurs une vraie problématique pour les négociations à venir. Il faudra clarifier le statut final.

M. Gilles Briatta, secrétaire général de la Société Générale . - Parmi les faiblesses potentielles de la place de Paris, outre les aspects liés au droit du travail et à la fiscalité, ce qui fait défaut c'est l'existence d'une vraie volonté partagée entre les acteurs économiques et politiques. S'il existait une volonté consensuelle de développer la place de Paris, tous les autres problèmes trouveraient une solution. À l'étranger, chacun se pose la question : sont-ils enfin sérieux cette fois ?

Il faut aussi penser à l'ensemble de l'environnement, pas seulement aux banques. Londres a bâti son succès non pas à coup de réglementation, mais en pensant à tout l'écosystème et en attirant tout le monde : les fonds, les analystes, les avocats, les services informatiques. La recherche, notamment, en matière financière est capitale, en particulier la recherche sur les actions. Elle a quasiment quitté Paris. Comment la faire revenir ? La France doit prouver qu'elle a une vision d'ensemble et une ambition.

En ce qui concerne le passeport, j'ai l'impression que le débat est réglé : Theresa May ne pouvant politiquement accepter les conditions d'un passeport européen, notamment la souveraineté juridique de la Cour de justice de l'Union européenne, elle a reconnu qu'il n'y aura pas de passeport. Ce sera au pire l'OMC, au mieux des accords de libre-échange, sectoriels ou globaux. Tout comme BNP Paribas, la Société Générale ne sera pas impactée. Nos activités à Londres peuvent très bien être transférées à Paris ou dans d'autres pays de l'Union. Mais il est essentiel que les règles soient clarifiées suffisamment en amont pour que nous sachions ce qu'il nous sera possible de faire ou de ne pas faire de chaque côté de la Manche.

Jean-Jacques Santini a parlé de la période de transition. Au Royaume-Uni, le débat fait rage. Autant la City réclame une grande période de transition, autant les politiques, surtout ceux qui sont les plus favorables au Brexit, la refusent !

Il importe in fine de lever l'incertitude le plus rapidement possible et, au-delà des hésitations britanniques, de connaître les positions européennes, en particulier celles de la Banque centrale européenne (BCE). Quels seront les liens entre le Royaume-Uni et les autorités de régulation et de supervision continentales, y compris l'Agence bancaire européenne ? Le jour J+1, il n'y aura pas de problème, le Royaume-Uni aura tout transposé. C'est après que les difficultés surviendront, en cas de divergence entre autorités ou en cas d'évolution législative.

Bref, il faudrait assez rapidement savoir où l'on va. Des solutions existent. Une fois les priorités européennes clairement définies, espérons que l'on cherchera à les atteindre de la manière la plus pragmatique possible.

Mme Fabienne Keller , présidente . - HSBC, dont l'essentiel de l'activité est localisée à Londres, a annoncé dans la presse un déplacement de 1 000 salariés. Comment vous préparez-vous à ce changement ?

M. Jean Beunardeau . - Il s'agit d'une question en lien avec le problème des passeports et des régimes d'équivalence. En effet, les personnes déplacées seront celles qui ne pourront plus travailler depuis Londres, parce qu'elles ne pourront plus conseiller les clients européens ni leur vendre des produits. Il est donc très important de connaître l'étendue du régime des équivalences pour savoir qui devra bouger. Nous partons du principe qu'il existe très peu de régimes d'équivalence permettant de vendre des produits financiers sans être dans l'Union européenne. Ceux qui font de la vente et du conseil devront donc physiquement résider en Europe. Avec eux, seront également déplacées les personnes assurant l'infrastructure, l'organisation, l'administratif ou encore le contrôle des risques. L'effet d'entraînement sera important.

Par ailleurs, nous nous préparons également aux choix de nos clients. Un certain nombre d'entre eux anticipent, mais d'autres préfèrent attendre et ne déplacent pas leurs autorisations financières. C'est le rythme du client qui décidera par rapport au rythme juridique si nous serons ou non en avance de phase.

Mme Fabienne Keller , présidente . - Comment sentez-vous les clients justement ?

M. Jean Beunardeau . - Certains d'entre eux, plus inquiets que d'autres, veulent tout de suite que leurs opérations financières, dont l'échéance est supérieure à la date du Brexit, se dénouent sur un bilan de l'Europe continentale. Nous sommes alors forcés de suivre. D'autres préfèrent attendre. Les deux attitudes existent.

Mme Fabienne Keller , présidente . - Avant de passer la parole au rapporteur général, Albéric de Montgolfier, et en réponse aux interrogations sur la volonté politique de défendre la place de Paris, je rappelle que le groupe « Brexit » du Sénat a eu le plaisir de se rendre à Londres et de croiser Valérie Pécresse et Gérard Mestrallet.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je ne doute pas de la volonté de chacun, quelles que soient les appartenances politiques, de développer la place de Paris. Néanmoins, cette volonté n'est-elle pas contrecarrée par des signaux contradictoires que l'on peut envoyer et qui mettent à mal tous les efforts réalisés par ailleurs ? Je pense à la taxe sur les transactions financières, à laquelle la majorité sénatoriale est opposée. Au-delà de l'affichage, y a-t-il une véritable volonté politique ? Si oui, elle doit s'exprimer de manière cohérente.

Gérard Mestrallet pourrait-il nous apporter des précisions sur ce que font les autres pays, en particulier Francfort ou Luxembourg, pour développer leur place financière ? Nous revenons d'une mission au Luxembourg où il existe un partenariat public-privé entre le gouvernement luxembourgeois et la fédération des professionnels du secteur financier. Ce modèle pourrait-il inspirer Paris Europlace ? Sa stratégie est-elle différente ? Pouvez-vous la comparer avec la stratégie de Francfort ? Pouvez-vous comparer notre stratégie avec celle de nos principaux concurrents européens ?

Je souhaite interroger Jean-François Cirelli sur la gestion d'actifs. Le Luxembourg, qui a pris une part importante dans les activités de domiciliation des fonds et de back-office , n'envisage pas d'accueillir les gestionnaires d'actifs eux-mêmes. Ils habitaient Londres et leurs épouses n'ont pas envie d'aller s'installer au Luxembourg demain. Paris a-t-il une carte à jouer pour les accueillir ?

Dernier point : vous avez tous reconnu que le droit du travail constituait le principal obstacle. Quid de la fiscalité ? La taxe sur les salaires est une spécificité française. Pensez-vous que le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) pourrait jouer contre nous si le Royaume-Uni ou les États-Unis se lançaient dans des politiques de dumping fiscal ou de baisse massive de l'IS ?

M. Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace . - La question de l'image de la France dans son rapport à la finance n'est pas simple et nous a handicapés. La France souffre de son image de pays qui n'aime pas sa finance. Un certain nombre de mesures ont malheureusement marqué les esprits. Je pense à la taxe à 75 % alors que la disposition est aujourd'hui enterrée et derrière nous !

Il me semble que nous avons, entre le Brexit et l'élection présidentielle, une fenêtre pour changer un certain nombre de choses et améliorer de façon significative l'attractivité et la compétitivité de la place financière de Paris, et au-delà de notre pays.

J'en veux pour preuve ce qui s'est passé immédiatement après le référendum au Royaume-Uni. Les messages délivrés par les politiques ont été très homogènes, qu'il s'agisse de Manuel Valls, de Valérie Pécresse ou d'Anne Hidalgo. L'image de l'union sacrée, gauche et droite, a porté. Cette image a été renouvelée lors de l'inauguration du guichet unique.

Les réactions dans la presse britannique ont été très positives. Certes, le vote de la loi de finances a fait courir le risque de troubler complètement le message. Je pense à l'augmentation de 50 % du taux de la taxe sur les transactions financières, à l'introduction d'une composante intraday et à la modification du régime des actions gratuites. Nous avons sensibilisé un certain nombre de sénateurs et de députés sur ce risque. Grâce à vous, les dégâts ont été limités.

De façon plus générale, la France présente le travers d'entretenir une certaine instabilité fiscale. À l'occasion de la prochaine législature, il serait bon que des changements interviennent rapidement en faveur de davantage de stabilité et de visibilité.

Un mot sur le taux d'impôt sur les sociétés. Le fait que le Parlement ait voté la réduction à 28 % du taux de l'IS est une très bonne chose. Cela aura certainement un effet de cliquet, sachant que le taux actuel en Allemagne est de 33 %.

Francfort et Luxembourg s'organisent. Ils ont des atouts à mettre sur la table. Mais il n'y a en Europe que deux villes mondiales : Londres et Paris. Luxembourg ne dispose pas de capacités d'accueil très importantes. Francfort est une grande ville financière, siège de la BCE, mais les clients sont plutôt à Paris. De plus, pour reprendre la formule de Valérie Pécresse : qui a déjà emmené sa partenaire à Francfort pour un week-end en amoureux ? Bref, l'attractivité de Paris compte et nous avons des atouts.

J'ajoute, sur le plan strictement financier, que la taille des activités de la place de Paris est très supérieure à celle de Francfort. Nous sommes certes plus petits que Londres, mais la première photographie post Brexit montre que Paris est la plus grande place financière de l'Union européenne. Parmi les six plus grandes banques continentales, quatre sont françaises, l'une est allemande et l'autre espagnole. Ne soyons donc pas trop pessimistes.

Paris s'organise, mais des décisions restent à prendre en matière d'attractivité, qui ont été signalées par mes collègues.

M. Jean-François Cirelli, président de BlackRock France . - Un mot tout d'abord sur la gestion d'actifs. Nous ne sommes ni des banques ni des fonds d'investissement. Nous gérons de l'épargne qui nous est confiée par des particuliers, des compagnies d'assurance ou des caisses de retraite. Nous investissons l'argent de nos clients, et ce sont eux qui décident au final si nous devons ou non être installés à Paris.

BlackRock gère environ 5 000 milliards de dollars d'actifs, investis principalement dans les obligations d'État, les compagnies cotées et les infrastructures. Trois quarts de l'argent qui nous est confié est investi pour la gestion de la retraite, donc à long terme.

Il importe surtout à un gestionnaire d'actifs que les marchés de capitaux soient puissants, non fragmentés et liquides. Après le Brexit, l'Europe doit avoir ce type de marchés pour permettre la croissance de nos économies et l'investissement dans l'économie réelle, dans les entreprises et les infrastructures. Voilà pourquoi le discours de BlackRock porte surtout sur l'investissement en Europe, dans les infrastructures et sur le long terme, pour la croissance de nos économies. C'est selon nous le seul moyen de payer les retraites des générations futures.

La France possède une très grande industrie de la gestion d'actifs. Mais pour développer la place de Paris, il faut tout d'abord accepter le constat que la situation n'est pas formidable. Les vingt dernières années ne vont pas dans le sens de la croissance !

Aujourd'hui, comment la situation exceptionnelle et inattendue qu'est le Brexit nous permettra-t-elle de rebondir ? La place de Paris donnait le sentiment d'être en déclin. Si elle reste importante, c'est grâce à ses grands acteurs, dont les principaux sont BNP Paribas, Société Générale, Axa et Crédit Agricole.

À mes yeux, cinq éléments peuvent permettre à Paris d'améliorer son attractivité.

Tout d'abord, il faut plus de stabilité et de prévisibilité. De l'extérieur, notre pays n'est pas perçu comme stable dans sa législation ni prévisible. C'est un immense problème pour les acteurs internationaux.

Ensuite, il faudrait développer une approche internationale. Il ne s'agit pas de faire revenir à Paris des Français installés à Londres. Il faut surtout que les acteurs étrangers aient le sentiment qu'ils seront traités comme des Français s'ils viennent s'installer à Paris. Il importe que la place soit internationale et pas seulement française. Une volonté transpartisane de faire venir les acteurs étrangers est nécessaire. Du point de vue d'un banquier japonais, quelle différence sur le plan géographique entre Francfort et Paris ? Cette volonté politique ne doit pas être contredite. J'ai reçu en une matinée un nombre de courriers électroniques incroyable quand on a su que Paris souhaitait de nouveau modifier la taxe sur les transactions financières.

De surcroît, il est nécessaire d'avoir un marché européen unique des capitaux. Nous soutenons l'initiative de Jean-Claude Juncker sur l'union des marchés de capitaux, car il est important que l'Europe ait les moyens de financer nos économies et la croissance.

Enfin, il faut un cadre fiscal clair, sans ambiguïté. Les investisseurs finaux doivent savoir à quelle sauce ils seront mangés, faute de quoi ils ne voudront pas s'installer chez nous.

Pour conclure, je souhaite insister sur l'un de nos atouts, à savoir la qualité de nos outils de régulation, qu'il s'agisse de l'AMF, de la Banque de France ou du Trésor.

Tous nos fonds sont établis dans la zone euro, au Luxembourg et en Irlande. Nous ne sommes pas soumis à l'obligation de prendre des décisions rapides, contrairement aux banques. Y aura-t-il demain un système d'équivalence ? De quelle nature ? Nous souhaitons évidemment qu'un régime soit mis en place pour assurer la continuité de nos opérations et éviter le risque de déstabilisation des marchés financiers. Comment traiterons-nous le Royaume-Uni, qui sera demain un pays tiers ? Si nous pouvons continuer à gérer de Londres, nous le ferons. Si nous devons rapatrier certaines activités, elles seront réparties sur plusieurs pays européens, au plus près des clients. Il ne s'agira pas pour nous de choisir une ville, mais d'être au plus près des Hollandais en Hollande, des Français en France ou des Allemands en Allemagne.

M. Richard Yung . - La question fiscale revient régulièrement sur la table. Les banquiers, en particulier, aiment bien pousser des hauts cris. La fiscalité de la place de Paris n'est pourtant pas si mauvaise.

La semaine dernière, le représentant de Morgan Stanley nous a indiqué que ce n'était pas tant la fiscalité que les charges patronales et le droit du travail qui lui posaient problème.

À titre personnel, je regrette de ne pas avoir pu discuter au Sénat de la taxe sur les transactions financières.

En réalité, il n'y a pas de marchés de capitaux en Europe. Les grandes déclarations de la Commission ont accouché d'un vade-mecum de rédaction des prospectus à destination des épargnants. Chaque marché de capitaux est surveillé comme le lait sur le feu par son autorité de régulation nationale. C'est un sujet central sur lequel nous n'avançons pas.

S'agissant du Brexit, nous disposons d'une fenêtre de tir d'ici aux prochaines élections. Les activités bancaires regroupent en réalité six ou sept métiers : actions, obligations, dérivés, change, etc. Si Paris a des atouts pour attirer les métiers liés aux produits dérivés ou à la gestion d'actifs, c'est moins vrai pour la compensation. Avez-vous une idée des activités qui pourraient migrer de Londres vers Paris ? Et comment envisagez-vous la difficile question du contrôle de la compensation ?

M. Yvon Collin . - Avec Fabienne Keller, nous rapportons pour la commission des finances l'aide au développement de la France, dont le budget dépend assez largement de la taxe sur les transactions financières, évoquée par Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli.

Cette taxe est souvent présentée comme un handicap pour la place de Paris. S'ajoute la difficulté supplémentaire de la nouvelle composante intraday . Y aurait-il, dès lors, un seuil acceptable pour cette taxe ?

M. Philippe Dominati . - Je voudrais évoquer, premièrement, la fusion des bourses de Londres et de Francfort et la faible capitalisation d'Euronext. Y a-t-il aujourd'hui une volonté des acteurs pour renforcer Euronext ?

Deuxièmement, quelle est réellement votre position sur le cadre fiscal français ? Taxe sur les transactions financières, taxe sur les salaires, fiscalité des revenus mobiliers : notre cadre fiscal me semble pénalisant, mais certains acteurs prônent la stabilité, expliquant que la fiscalité française ne constitue pas un handicap. Qu'en pensez-vous ?

Troisièmement, la rivalité entre Francfort et Paris risque d'être forte dès lors que la place de Londres sera pénalisée par les évolutions à venir de l'Union européenne. Gérard Mestrallet avait évoqué une union sacrée en France. Il a été décidé une baisse de 2 % de l'impôt sur les sociétés et une extension de la durée du régime des impatriés, mais nous n'avons pas le sentiment d'une véritable prise en main. Quelles pourraient être les deux ou trois mesures chocs à mettre en place dès la session extraordinaire de juillet ? Quel pourrait être, en d'autres termes, notre « tapis rouge » ?

L'union sacrée risque de ne pas être suffisante. La région capitale est en discussion sur nombre de sujets, notamment des problèmes institutionnels liés au statut de la métropole de Paris. Quelle institution locale pourrait, aujourd'hui, accueillir par exemple le banquier japonais dont parlait Jean-François Cirelli ?

M. Claude Raynal . - Comme Philippe Dominati, je m'interroge sur l'accord entre les bourses allemande et britannique après le Brexit. Faut-il le laisser suivre son cours ou essayer de le contrer ?

J'ai suivi, grâce aux réseaux sociaux, le roadshow de Londres. Mon jugement est plus critique que celui de Gérard Mestrallet. S'exprimer ainsi directement devant la presse et les acteurs regroupés, ce n'est pas forcément très habile ; en revanche, c'est très révélateur de l'approche française, souvent empreinte de suffisance. Vous faisiez allusion à la comparaison entre Francfort et Paris, mais les villes allemandes ne manquent pas de qualités. Les Allemands travaillent plus discrètement, en allant directement interroger les clients potentiels sur leurs besoins. Accomplissons-nous aussi, de notre côté, cet indispensable travail en profondeur ?

Vous avez également indiqué, lors de cette conférence de Londres, que certaines contraintes françaises allaient être levées dans les prochains mois. À quoi faisiez-vous référence ?

Je me félicite que BlackRock demande aux entreprises de ne pas négliger les investissements de long terme.

Enfin, sur le manque de prévisibilité et de stabilité reproché à la France, je fais remarquer que nous n'avons pas encore voté l'équivalent du Brexit !

M. Jean-François Cirelli . - Heureusement !

M. Claude Raynal . - Quand on voit également le président des États-Unis qui prend un décret pour s'attaquer à la régulation, on se dit que le monde anglo-saxon n'a pas grand-chose à nous reprocher !

Enfin, toute modification fiscale est décidée par le Parlement. Suggéreriez-vous par hasard sa disparition ?

Mme Fabienne Keller , présidente . - À propos du Brexit, je vous recommande la lecture du rapport de la commission spéciale du Parlement britannique, paru en janvier, qui rappelle notamment les attentes des forces vives du secteur financier.

M. Éric Bocquet . - Ce matin même, l'ambassadeur du Royaume-Uni nous disait, non sans malice, que la City allait conserver ses atouts après le Brexit...

BlackRock est parfois présentée comme l'institution financière la plus importante du monde, avec 5 000 milliards d'actifs gérés. Pour autant, ce n'est pas une banque. Quelle est donc votre autorité de tutelle ? Êtes-vous soumis aux mêmes règles prudentielles que les banques ? Connaissez-vous l'origine de tous les fonds que vous gérez ? Gérez-vous également des actifs qui pourraient être localisés dans des territoires non coopératifs ?

Plus généralement, à l'heure où l'on évoque une hypertrophie de la finance et une surabondance de liquidités par rapport aux besoins de l'économie réelle, comment évaluez-vous dans vos métiers les risques liés au secteur non régulé ou shadow banking ? Ne faut-il pas renforcer notre vigilance et les garanties en la matière ?

M. Bernard Lalande . - Je constate que les forces de la place de Paris sont nombreuses. Quant à ses faiblesses, n'en sont-elles pas le pendant inévitable ? Qu'il s'agisse de notre capacité à former des professionnels de la finance de haut niveau, du prix raisonnable des bureaux, de la qualité de notre régulation financière ou de celle de notre système santé, tout cela a un coût, et des incidences sur notre fiscalité.

Mon interrogation est la suivante : quel serait, pour nos interlocuteurs, l'intérêt de rester dans un pays qui veut se séparer du marché européen, sauf à vouloir obtenir quelques avantages de négociation liés à des transferts d'activité ? Car le vrai marché sera européen, et il y aura bien, un jour, une réglementation de l'économie financière au niveau de l'Union européenne.

M. Jean Beunardeau . - HSBC est implantée à Londres, car elle est, à l'origine, une banque britannique.

Si nous voulons que Paris devienne une grande place financière, il me semble que nous devons en priorité développer le métier « actions ». Derrière lui se cache en effet la propriété des entreprises, et donc la souveraineté.

Pour répondre à Philippe Dominati, la priorité est aujourd'hui d'améliorer le cadre fiscal, avant de le stabiliser.

Notre point faible le plus important reste la flexibilité du marché du travail. Je pense en particulier aux banques étrangères de petite taille, très nombreuses à Londres, qui pourraient être séduites par des règles plus souples pour les petites réorganisations touchant une trentaine de personnes ou moins de 5 % d'un groupe.

M. Gilles Briatta . - Sur nos 3 000 employés basés à Londres, 1 000 ne peuvent pas être concernés par les conséquences du Brexit, car ils s'occupent exclusivement du marché britannique de banque privée. Les autres travaillent dans la banque d'investissement, dont 20 % à 50 % des clients, selon les métiers, sont exclusivement continentaux. Certains départs seront inévitables et nous sommes en train de les organiser. On estime ainsi que 30 % des personnes travaillant dans les activités de marché reviendront à Paris.

Mais le grand défi pour Paris, c'est surtout d'attirer des banques non françaises.

Londres a réussi à attirer tous les métiers gravitant autour de la finance, à commencer par les fonctions juridiques et informatiques, essentielles pour la finance. Il y a fort à parier que cet extraordinaire écosystème subsistera encore longtemps, avec le maintien de nombre d'opérations internationales à Londres.

Que manque-t-il à Paris ? Si je mets de côté les inconvénients relatifs à la législation du travail, qui sont connus, je souscris à l'avis de Bernard Lalande : les avantages sont nombreux, et il faut les financer. Mais sommes-nous réellement convaincus de l'intérêt profond de développer sur notre territoire une place financière internationale ? C'est un débat important de souveraineté, qu'il n'est pas si facile de trancher.

En Asie, que ce soit en Chine, à Hong-Kong, au Japon ou à Singapour, les autorités mettent tout leur poids politique pour développer leur place financière, estimant qu'il s'agit non seulement d'une question de vitalité économique, mais aussi d'une affaire de souveraineté et d'influence politique. Les Britanniques avaient réussi sur les deux tableaux : ils étaient ainsi devenus la première place financière mondiale, mais aussi le premier centre d'influence politique dans le domaine financier à Bruxelles.

Il me semble que ce lien est réel, et que l'influence politique de la France passe par le renforcement de la place de Paris. Et plus vous êtes influents, plus vous pesez, y compris dans le domaine de la régulation.

Enfin, s'agissant d'Euronext, nous arrivons au terme du pacte d'actionnaires de trois ans, qui fut un succès selon nous. Les discussions sont en cours pour le futur, et vous comprendrez que je ne puisse vous livrer plus de détails à ce stade.

M. Jean-Jacques Santini . - Au Royaume-Uni, où nous employons 7 400 personnes, nous sommes aussi une banque locale, et cette activité va demeurer.

Pour la seule activité Real Estate , nous employons 500 personnes, qui resteront sur place. Nous avons aussi d'autres activités non délocalisables : assurances, location de voitures, leasing , crédit à la consommation, commercial banking . Les activités de marché emploient pour leur part 3 000 personnes, et celles de custody 750 personnes.

La part délocalisable de nos activités britanniques correspond à celle que citait Gilles Briatta. La place de Londres devrait se contracter avec le Brexit, mais elle restera une place importante.

Pour la place de Paris, il est nécessaire d'avoir un cadre fiscal qui évolue favorablement et de la stabilité. Quand on fixe un cadre pour les années à venir, comme dans le pacte de responsabilité, il faut s'y tenir. À cet égard, il n'était pas opportun de renoncer à certaines mesures comprises dans le pacte de responsabilité, comme le dernier volet de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Pour les marchés comme pour les investisseurs, il est très important d'éviter au maximum l'incertitude, dans le système fiscal comme dans le droit du travail.

La question de la future localisation de l'autorité bancaire européenne, aujourd'hui basée à Londres, est importante. Il paraît raisonnable qu'elle quitte le Royaume-Uni, mais où sera-t-elle implantée ?

Il est important également de distinguer les activités financières et les négociations commerciales. La conclusion d'accords commerciaux entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prendra du temps. En revanche, il n'y a aucune raison de ne pas clarifier rapidement les positions en matière financière. C'est très important pour les acteurs financiers, et c'est sans doute pourquoi HSBC a déjà effectué une première annonce. Les autorités européennes doivent rapidement clarifier leurs positions sur différentes questions, en particulier sur la compensation. Celle-ci doit-elle basculer, partiellement ou totalement, en zone euro ?

Le rapprochement de la Deutsche Börse et du London Stock Exchange (LSE) est actuellement examiné par la Commission européenne sous l'angle des règles en matière de concurrence.

S'agissant d'Euronext, comme l'a souligné Gilles Briatta, il nous est difficile de parler des discussions qui ont lieu en ce moment, mais le pacte d'actionnaires a bien fonctionné.

Mme Fabienne Keller , présidente . - Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne a accordé au Royaume-Uni le droit de compenser les transactions en euros au motif qu'il était membre de l'Union européenne. Quelles sont les activités qui ne pourront plus être compensées au Royaume-Uni après le Brexit ? Dans quelle mesure un accord entre les bourses de Londres et de Francfort pourrait-il permettre de contourner cette obligation territoriale en faisant transiter les transactions par le territoire de l'Union européenne ?

M. Jean-Jacques Santini . - Dès lors que le Royaume-Uni ne sera plus dans l'Union européenne, la question de la compensation se posera au regard de cet arrêt.

Le projet de fusion entre Deutsche Börse et LSE doit être examiné par les autorités à la lumière du Brexit. Sur ce point, je partage l'avis de Gilles Briatta : nous allons voir, dans les décisions politiques qui seront prises au cours des prochains mois, si l'Union et ses États membres entendent affirmer leur souveraineté.

M. Gilles Briatta . - L'arrêt de la Cour de justice sur les chambres de compensation portait sur l'existence ou non d'une base juridique. La Banque centrale européenne ne disposait pas du texte voté par le Conseil et le Parlement fondant sa compétence pour rapatrier d'office la compensation en euros dans la zone euro.

Le problème change radicalement avec le Brexit. Quel sera l'objectif de la Banque centrale européenne, et comment sera-t-il porté par les autorités politiques européennes dans les négociations ? Pour l'instant, il semblerait que, pour des raisons de stabilité financière, la Banque centrale européenne souhaite contrôler le plus étroitement possible les opérations de compensation en euros, sans préciser toutefois les modalités de ce contrôle. On peut toutefois imaginer que les activités de compensation les plus directement liées à la politique monétaire de la Banque centrale européenne, en particulier les compensations de titres et la compensation collatérale, soient rapatriées au sein de la zone euro. Si l'on anticipe suffisamment, il me semble que c'est possible, en dépit des nombreuses difficultés qui se poseront, notamment juridiques.

En revanche, le transfert sera sans doute impossible pour les activités de dérivés de taux, qui permettent aux acteurs économiques de se couvrir dans leurs contrats contre les variations quotidiennes de taux d'intérêt. Londres détient en effet un quasi-monopole mondial grâce à la puissance et à l'habilité technique et commerciale de LCH, principal acteur mondial en la matière. En revanche, la Banque centrale européenne souhaite avoir un contrôle sur les activités de LCH à Londres. Les Britanniques accepteront-ils que leur autorité de supervision passe un accord avec l'autorité européenne ?

M. Jean-François Cirelli . - La question de Claude Raynal était tellement redoutable que je ne prendrai pas le risque d'y répondre... Rassurez-vous, toutefois, jamais le citoyen français que je suis n'a imaginé une France sans Parlement !

Bien évidemment, nous sommes régulés. Toutefois, contrairement aux banques, nous ne présentons pas de bilan : nous avons une responsabilité fiduciaire sur l'argent qui nous a été confié, mais nous n'en avons pas la propriété. C'est incontestablement un avantage dans la situation actuelle.

Nos régulateurs connaissent parfaitement l'intégrité de nos fonds, alimentés essentiellement par les ménages européens et américains, les compagnies d'assurance, les fonds de pension et les caisses de retraite du monde entier. Trois quarts des sommes qui nous sont confiées sont placés à un horizon de quinze ou vingt ans, principalement pour financer les retraites. Nous avons donc par définition intérêt à nous soucier du long terme.

Nous ne sommes pas implantés dans les paradis fiscaux. En matière d'éthique, nous sommes surtout connus pour avoir pris des positions publiques que peu d'autres gestionnaires d'actifs ont prises. Premièrement, nous souhaitons que les conseils d'administration des entreprises dans lesquelles nous investissons discutent une fois par an de la stratégie à long terme. Deuxièmement, nous nous soucions du respect des critères de responsabilité sociétale des entreprises. Troisièmement, nous avons récemment pris publiquement position au Royaume-Uni pour que, entre le salaire le plus faible et le plus élevé d'une même entreprise, le coefficient multiplicateur ne soit pas supérieur à un chiffre.

Je partage l'avis de Jean-Jacques Santini sur la nécessité d'avoir assez rapidement une visibilité sur la négociation financière.

Enfin, nous nous désolons tous les jours que plus de la moitié de l'épargne des Européens ne soit pas investie du tout, et qu'elle stagne sur des comptes bancaires. Nous souhaiterions disposer de « branchements » pour que cet argent soit investi dans l'économie de demain.

M. Gérard Mestrallet . - Au-delà du rapatriement potentiel de certaines activités bancaires sur le continent, le Brexit pose plus fondamentalement la question du rôle de la finance continentale. Dans la compétition mondiale pour le rayonnement, l'activité, la croissance et l'emploi, la France a besoin d'une finance forte, de proximité, compétitive, qui offre aux industriels un accès aisé aux marchés financiers.

Même après le Brexit, Londres restera la première place financière mondiale. L'objectif est de faire de Paris la première place financière de l'Union européenne postBrexit, mais surtout de faire en sorte que les différentes places européennes fournissent aux acteurs économiques européens, entreprises, particuliers, collectivités territoriales et États, des moyens de financement.

Après le Brexit, si l'influence anglo-saxonne est moins importante en Europe, il sera peut-être plus facile de parler de finance responsable, engagée dans le développement durable et la responsabilité sociale. Jean-François Cirelli a fort justement rappelé que BlackRock avait été à la pointe des gestionnaires d'actifs pour demander aux entreprises dans lesquelles il investit de ne pas céder aux sirènes du court terme. Il faut bien distinguer les gestionnaires d'actifs qui investissent sur le long terme et certains hedge funds . La prise de conscience par les acteurs financiers des défis du réchauffement climatique et de son coût économique a d'ailleurs grandement contribué au succès de la COP21.

Parmi les activités les plus concernées par le Brexit, on trouve la banque de financement et d'investissement, la gestion d'actifs, les assurances et les infrastructures, notamment la compensation.

Deux sujets importants n'ont pas encore été abordés : les FinTech et la finance verte.

La place de Paris regroupe 1 200 entreprises financières innovantes, ou FinTech. Il faut faire encore mieux, en réfléchissant notamment à la fiscalité.

Paris possède aussi une longue tradition en matière de finance verte, avec la Caisse des dépôts et consignations, la finance climat, la finance carbone et aujourd'hui les green bonds . Paris est la deuxième place du monde pour ces titres, après New-York et devant Londres. La France est aussi le premier État à avoir émis un green bond souverain, et Engie reste à ce jour l'entreprise ayant émis le plus gros green bond corporate .

La taxe sur les transactions financières est un handicap. Vouloir augmenter son taux me semble être une démarche inutile et contre-productive, et je ne crois pas qu'il y ait un taux acceptable. Les transactions financières sont extrêmement volatiles et, si vous les taxez dans un petit nombre de pays, elles se feront ailleurs. Sauf à ce que le monde entier se dote d'une telle taxe, elle a un effet négatif en termes d'image et aucun effet positif pour les recettes publiques.

Comme nous l'avions fait voilà cinq ans, Paris Europlace distribue un Livre blanc à tous les candidats à l'élection présidentielle. Il pose un diagnostic assorti d'un certain nombre de mesures qui nous sembleraient utiles. Sans surprise, nous demandons une nouvelle diminution de l'impôt sur les sociétés, pour atteindre la moyenne européenne. Les impatriés ont vu récemment leur régime prolongé de cinq à huit ans, avec de surcroît une exonération de la taxe sur les salaires pour leurs employeurs. Mais il faudrait réfléchir plus globalement à l'opportunité d'une telle taxe.

La fiscalité française sur l'épargne est incohérente, favorisant l'épargne courte et sans risque. Et les entreprises françaises souffrent d'une valorisation parfois plus faible que leurs concurrents étrangers en raison d'un flux de capital investi en actions insuffisant.

Les charges sociales patronales constituent également un vrai handicap par rapport à l'Allemagne.

Il faudrait aussi améliorer la flexibilité du marché du travail et assouplir les procédures. Je me souviens que, chez Engie, pour engager une réorganisation interne, nous avons dû consulter 84 instances ! Il faudrait simplifier. Le plafonnement des indemnités de licenciement, qui figurait dans la première version de la loi El Khomri, constitue un autre point important. L'activité bancaire est par nature cyclique et si les prud'hommes sont libres de fixer les indemnités de licenciement en cas de conflit, cela équivaut à un risque infini.

Paris Europlace, officiellement consulté par la Commission européenne, a exprimé un avis hostile sur le projet de fusion entre Deutsche Börse et LSE. Mais le dossier est désormais entre les mains des autorités de Bruxelles et du Land de Hesse, qui ne veut pas d'un transfert du siège à Londres.

Enfin, je ne me prononcerai pas sur l'avenir d'Euronext, mais les enjeux sont importants en termes de fonctionnalités, de stabilité financière et d'accès au marché. La capacité d'Euronext à offrir des services de qualité sur la durée est essentielle.

Mme Fabienne Keller , présidente . - Je vous remercie de vos interventions, et aussi de votre action pour défendre la place de Paris.

De retour du Royaume-Uni, Jean-Pierre Raffarin a été très impressionné par cette contradiction entre le choix éminemment politique du Brexit et les milliers de dossiers très techniques qu'il faudra régler pour que le lien entre le Royaume-Uni et l'Union européenne puisse se poursuivre. Espérons que les négociations qui vont s'ouvrir ne contribuent pas à détricoter les politiques européennes et à saper la cohésion des vingt-sept.

3. Examen du rapport

Réunie le mercredi 7 juin 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur la compétitivité des places financières.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Depuis l'annonce des résultats du référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, le thème de la compétitivité des places financières fait l'objet d'une attention croissante, le Brexit étant susceptible de fragiliser la capacité de l'industrie financière britannique à déployer ses activités en Europe.

Dans ces conditions, j'ai souhaité mener un travail approfondi sur ce thème, avec un double objectif : d'une part, examiner l'incidence du Brexit sur le devenir et la stabilité des services financiers dans l'Union européenne, afin de tracer les « lignes rouges » susceptibles de constituer l'armature de la position française lors des négociations ; d'autre part, examiner les forces et les faiblesses de la place de Paris par rapport à ses principaux concurrents, afin de formuler des recommandations permettant de renforcer son attractivité.

Les conclusions de ce rapport ont été nourries par les deux tables rondes organisées par la commission en début d'année, par le déplacement du bureau à Hong Kong et à Singapour mais également par de nombreux déplacements dans l'Union européenne, à Luxembourg, Francfort, Amsterdam et Dublin, et des auditions à Paris, menées, pour leur grande majorité, conjointement avec la Présidente.

Posons-nous une question préalable : pourquoi vouloir développer une place financière domestique ? Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, le développement financier a principalement été appréhendé sous l'angle du risque. En outre, la technologie permet aujourd'hui de fournir la plupart des services financiers à distance. Pourtant, l'objectif de développer une place financière de référence en France me semble avoir conservé toute sa pertinence.

Cela tient d'abord à l'importance intrinsèque du secteur financier pour notre économie. En termes d'activité, la contribution du secteur financier au produit intérieur brut (PIB) est dix fois plus importante que celle de l'industrie automobile. En termes d'emplois, les effectifs de la banque et de l'assurance sont estimés à 750 000 équivalents temps plein (ETP). En termes budgétaires, les prélèvements acquittés chaque année par les entreprises du secteur financier représentent 40 milliards d'euros, soit 11 % du total des prélèvements sur les entreprises.

Au-delà de sa contribution directe à l'activité et à l'emploi, l'importance que revêt le développement d'un centre financier de référence tient également à ses effets d'entraînement sur l'attractivité et le dynamisme du territoire. Comme l'ont mis en évidence différentes études, l'existence d'une place financière active et innovante représente un argument important pour attirer les centres de décision des grands groupes, qui sont les principaux consommateurs de services financiers élaborés. Le développement d'un centre financier favorise également l'allocation efficace de l'épargne et de l'investissement au sein des zones économiques auxquels elle est adossée.

L'existence d'une place financière de premier plan présente donc un intérêt majeur pour l'économie française.

D'après les travaux économiques les plus récents, quatre principaux facteurs jouent un rôle déterminant pour expliquer le succès des places financières : le capital humain, les infrastructures, le niveau d'activité potentiel et l'environnement des entreprises. Au regard de ces critères, la place de Paris présente d'indéniables atouts pour jouer les premiers rôles.

S'agissant du capital humain, les écoles et les universités françaises ont la capacité de pourvoir aux besoins de l'industrie financière, puisqu'elles forment chaque année environ 8 000 étudiants aux métiers de front office et 18 000 étudiants aux métiers de middle et back office . L'excellence des formations offertes en France est reconnue à l'international. En 2016, cinq écoles françaises figurent ainsi aux dix premières places du classement des masters en finance publié par le Financial Times .

Un constat identique peut être dressé concernant la qualité de vie et les infrastructures - même s'il reste des choses à améliorer, les sénateurs franciliens le savent bien. Un grand cabinet d'audit a récemment classé Paris à la quatrième place des métropoles les plus attractives et dynamiques à l'échelle mondiale. Paris arrive même en tête du classement pour les critères de la qualité de vie et de la couverture des transports. Il peut être noté que Francfort, Dublin et Luxembourg ne figurent pas parmi les trente premières métropoles mondiales identifiées par le cabinet. Pour les entreprises, s'installer à Paris permet en outre d'éviter les problèmes de congestion liés aux prix de l'immobilier, comme à Londres, et au manque d'espace disponible, comme à Dublin, Luxembourg et, dans une moindre mesure, Francfort.

Si une place financière est susceptible de croître de façon autonome par rapport à son « arrière-pays », le dynamisme de la zone économique à laquelle elle est adossée constitue un atout pour son bon développement. À cet égard, la situation de la place de Paris est doublement favorable. Son développement peut tout d'abord s'appuyer sur l'abondante épargne des Français, dont le taux d'épargne reste significativement plus élevé que la moyenne de la zone euro. Surtout, la place de Paris est susceptible de bénéficier de la présence de nombreuses grandes entreprises en Île-de-France, qui constituent autant de clients potentiels. À titre d'illustration, 29 des 500 plus grandes entreprises mondiales ont leur siège dans la région, ce qui place Paris au premier rang européen et au troisième rang mondial, loin devant Francfort, qui pâtit de la dispersion des activités géographiques sur le territoire allemand.

Enfin, Paris peut s'appuyer sur des régulateurs efficaces et reconnus au plan international. Là encore, la situation de Francfort est plus contrastée, les Länder ayant conservé leur compétence de contrôle des bourses.

L'ensemble de ces atouts expliquent qu'à l'exception de Londres, Paris apparaît comme la seule place européenne « globale » capable de jouer les premiers rôles dans l'ensemble des secteurs d'activité du système financier. À l'inverse, les principaux concurrents de la place de Paris demeurent des centres financiers spécialisés sur certains métiers et activités.

S'agissant du secteur bancaire, cinq établissements français figurent ainsi parmi les quinze premières banques européennes. Les activités de marché de gré à gré qu'ils développent permettent à la place de Paris de figurer à la deuxième place des classements européens sur les marchés des changes et des taux.

S'agissant des infrastructures de marché, la place de Paris peut s'appuyer, contrairement à Dublin, Luxembourg ou Amsterdam, sur la présence d'entreprises de référence de la phase de négociation au post marché - au premier rang desquelles figure Euronext.

Dans le secteur de la gestion d'actifs, la place de Paris figure à la deuxième place en Europe pour le montant des actifs sous gestion et à la troisième place pour la domiciliation des fonds.

Un constat analogue peut être dressé s'agissant du secteur de l'assurance. En effet, la place de Paris compte quatre représentants parmi les vingt premiers assureurs européens - dont le premier assureur mondial, Axa. Si l'Allemagne compte trois représentants parmi les vingt premiers assureurs européens, ces derniers ont fait le choix d'installer leur siège à Munich et à Hanovre plutôt qu'à Francfort, illustrant ainsi la dispersion géographique des activités financières sur le territoire allemand.

Enfin, la place de Paris s'est progressivement dotée d'un écosystème favorable au développement du secteur des fintech . Trois entreprises françaises figurent désormais au classement mondial des cent premières fintech , contre quatre pour l'Allemagne et les Pays-Bas mais aucune pour l'Irlande et le Luxembourg.

Si la place de Paris apparaît ainsi comme le centre financier de référence en Europe après Londres, elle n'est toutefois pas parvenue à tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.

Comme nous avons eu l'occasion de le constater lors de nos différents déplacements, dans un monde ouvert, la localisation des activités à forte valeur ajoutée telles que les services financiers fait l'objet d'une vive concurrence entre les États, qui n'hésitent pas à prendre des mesures fiscales ad hoc ou à adapter leur cadre réglementaire pour attirer les marchés et les acteurs. Pour ne prendre qu'un exemple, les autorités de Hong Kong nous ont annoncé vouloir modifier la fiscalité applicable au financement et à la location d'avions afin de concurrencer l'Irlande, qui est parvenue en quelques années à attirer 55 % du marché mondial du leasing .

Dans cet environnement international concurrentiel, la place de Paris n'apparaît pas la mieux armée. Dans le classement international de référence sur la compétitivité des places financières, Paris a en effet perdu dix-huit places en moins de dix ans. Le développement de la place de Paris apparaît désormais davantage lié à l'importance de son marché domestique et à la présence historique de grands groupes français qu'à sa capacité à attirer, dans un monde ouvert, les entreprises et les capitaux étrangers.

La France n'attire pas suffisamment les entreprises étrangères, ce que l'on constate pour l'implantation des principales banques d'investissement américaines qui, pour la plupart, choisissent Londres, pour des raisons qui ne sont pas seulement linguistiques.

Cette difficulté à tirer parti de l'ouverture financière se manifeste également par une moindre capacité à capter l'épargne internationale. Si l'industrie française de la gestion d'actifs est la deuxième en Europe, elle repose essentiellement sur une base domestique. Les épargnants internationaux font davantage confiance à des gestionnaires situés à Londres pour investir leurs capitaux, tandis que les gérants choisissent Dublin et Luxembourg pour domicilier leurs fonds.

Ces tendances font naturellement craindre une érosion progressive des parts de marché de la place de Paris au profit de ses concurrents pour les activités les plus mobiles. Ce phénomène peut déjà être observé sur certains marchés. De façon plus préoccupante, certains acteurs français semblent avoir fait le choix de localiser différentes activités à forte valeur ajoutée hors du territoire national. C'est notamment le cas dans le secteur de l'assurance-vie : quatre des six premiers assureurs luxembourgeois sont des filiales de groupes français, tandis que la France est devenue depuis 2010 le premier marché pour l'assurance-vie luxembourgeoise.

Ces signaux d'alerte imposent de s'interroger sur les freins rencontrés par la place de Paris pour tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.

De l'avis de l'ensemble des acteurs rencontrés, le principal handicap concurrentiel de la place de Paris tient au niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés. Ainsi, le montant des prélèvements payés par un employeur pour un salarié rémunéré à hauteur de 250 000 euros - soit environ 18 000 euros net par mois - est neuf fois supérieur en France à ce qu'il est en Allemagne. Pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, le coût total pour l'employeur, c'est-à-dire la somme du salaire brut et des prélèvements sur le travail, s'élève ainsi à 265 000 euros en Allemagne, contre 387 000 euros en France, soit un écart de 46 %. Autrement dit, pour le coût de recrutement de deux banquiers français, un employeur allemand peut en embaucher un troisième à Francfort.

La décomposition de l'écart de coût total avec l'Allemagne conduit à mettre en évidence trois principaux facteurs explicatifs. La taxe sur les salaires, qui n'a aucun équivalent chez nos concurrents, explique près d'un tiers de l'écart entre la France et l'Allemagne. L'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires constitue le deuxième facteur déterminant : elle explique environ un quart de l'écart de coût total pour l'employeur. L'importance de ce facteur peut toutefois être relativisée, dans la mesure où les employeurs allemands abondent généralement à titre volontaire les plans de retraite de leurs salariés. Enfin, le déplafonnement des cotisations sociales versées par les employeurs opéré à partir des années 1980 en France constitue le dernier facteur pénalisant, à hauteur d'un tiers de l'écart de coût. En Allemagne, les cotisations sociales demeurent plafonnées.

Comme le résume l'économiste Gilles Saint-Paul, « les politiques de l'emploi des dernières décennies », qui ont « reposé largement sur la baisse du coût du travail peu qualifié au moyen de baisses de charges », ont conduit à ce que les travailleurs qualifiés français figurent « parmi les plus chers du monde », au risque de provoquer une « accélération de l'exode des cerveaux et, à terme, une délocalisation des centres décisionnels et intellectuels des entreprises »

Contrairement à ce que l'on aurait pu penser - j'ai systématiquement posé la question à nos interlocuteurs - la fiscalité pesant sur les bénéfices des entreprises et sur les personnes n'apparaît en revanche pas particulièrement pénalisante. Elle est également élevée en Allemagne. Dans ces domaines, le problème tient moins au niveau de taxation qu'à l'instabilité qui caractérise la fiscalité française, comme l'ont illustré plusieurs épisodes récents que nos concurrents ont su exploiter - je pense au cas des actions gratuites. S'agissant du secteur financier, cette instabilité apparaît d'autant plus problématique qu'elle s'accompagne d'une véritable « inventivité » fiscale : le secteur a ainsi été soumis à quatre nouvelles taxes spécifiques depuis 2010, pour un rendement de près de 900 millions d'euros. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que certaines places financières aient fait de la stabilité fiscale un véritable argument de promotion : voyez le Luxembourg ou l'Irlande.

S'agissant du droit du travail, la situation française apparaît intermédiaire. Grâce aux réformes entreprises ces dernières années, le droit français est désormais plus flexible qu'en Allemagne, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministre des finances du Land de Hesse. Il reste en revanche significativement plus rigide que dans les pays anglo-saxons : cela tient à une différence de culture. Des marges de progrès importantes me semblent exister sur deux points. Tout d'abord, la faible prévisibilité du coût d'un licenciement, liée à l'absence de barème encadrant les indemnités prononcées par le juge. J'anticipe sans doute sur un débat prochain...

M. Philippe Dallier . - En effet !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Dans le secteur financier, il est arrivé que la cour d'appel octroie au salarié licencié une indemnité de deux millions d'euros, voire, dans un cas, de six millions... En outre, la durée des procédures demeure significativement plus élevée en France que chez nos principaux voisins.

Mais la concurrence entre les places ne concerne pas seulement le cadre fiscal et social : elle touche l'ensemble du système juridique. Or la France n'a pas toujours fait preuve d'une réactivité suffisante pour remédier aux faiblesses du droit français, obligeant parfois les acteurs à développer hors de France certaines opérations. Pour ne donner qu'un exemple, le Sénat recommandait dès 2007 d'introduire les actions à droit de vote multiple en droit français. Cela ne coûte rien ! Faute de l'avoir fait, nous avons vu des sièges sociaux transférés aux Pays-Bas.

Dans ce contexte, l'enjeu ne se limite pas à essayer d'attirer les emplois et capitaux qui seraient transférés de Londres vers le continent en raison du Brexit , mais bien de développer le potentiel de croissance de la place financière de Paris dans une perspective de moyen terme, à l'image de ce qui a été réalisé dans les années quatre-vingt pour moderniser notre place financière.

Le Brexit constitue toutefois un levier unique pour renforcer la dimension internationale de la place de Paris, par le rééquilibrage du paysage financier européen qu'il est susceptible d'entraîner. En effet, la place financière de Londres est actuellement la première place financière européenne, sinon mondiale. Fort logiquement, la plupart des acteurs financiers internationaux ont donc fait le choix de s'y installer pour servir leurs clients européens. Au total, un quart des revenus du secteur financier britannique serait ainsi lié à l'Union européenne.

Cette concentration des services financiers à Londres a été facilitée par la mise en place d'un système d'agrément unique, aussi appelé « passeport européen », qui permet aux établissements d'exercer leurs activités dans l'ensemble des États membres dès lors qu'ils ont obtenu un agrément dans leur pays d'origine. Alors que la perte d'accès au « passeport européen » semble désormais actée suite au choix du gouvernement britannique de sortir du marché intérieur, le Brexit pourrait ainsi entraîner d'importants transferts d'activités et d'emplois vers le reste de l'Union européenne. Si les estimations produites sont à considérer avec une grande précaution, le volume d'emplois susceptibles d'être relocalisés à court terme serait compris entre 30 000 et 100 000 dans le scénario d'un Brexit « dur ».

Les effets de la perte du « passeport européen » sont toutefois susceptibles de différer sensiblement selon l'issue des négociations sur les services financiers. En effet, certains services financiers pourraient continuer d'être fournis depuis le Royaume-Uni après le Brexit dans le cadre des « régimes d'équivalence », qui permettent aux pays tiers dont le droit applicable est considéré comme équivalent par la Commission européenne de proposer librement leurs services dans l'Union européenne, sous la seule supervision de leur régulateur local.

En l'état, le système d'équivalence ne constitue toutefois pas une alternative crédible au « passeport » pour les acteurs britanniques. En effet, de nombreux textes européens relatifs aux services financiers ne prévoient aucun régime d'équivalence. En outre, lorsqu'il existe, le système d'équivalence n'offre pas une prévisibilité suffisante aux entreprises, notamment parce que la Commission peut revenir à tout moment sur ses décisions. La City et les autorités britanniques évoquent désormais la mise en place d'un régime « avancé » d'équivalence couvrant l'ensemble du secteur financier et dont les caractéristiques garantiraient aux acteurs une prévisibilité suffisante - par exemple en prévoyant l'intervention d'une autorité indépendante de résolution des différends.

Il peut être noté que le Royaume-Uni disposera de moyens de pression non négligeables dans la négociation. En effet, les conditions d'accès des acteurs européens au marché britannique ne sont pas garanties. Or, dans certains secteurs tels que l'assurance, les acteurs européens ont davantage à perdre avec le Brexit que leurs homologues britanniques.

Dans ce contexte, il me semble nécessaire de formuler quatre recommandations susceptibles de constituer l'armature de la position française lors des négociations de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Pour des raisons de stabilité financière, il me semble tout d'abord que les infrastructures cruciales au bon fonctionnement des marchés européens ne sauraient être soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l'Union européenne. En effet, ces activités engagent de facto la Banque centrale européenne en tant que prêteur en dernier ressort. Cela concerne au premier chef les activités de compensation libellées en euro, qui devront être relocalisées dans l'Union européenne ou faire l'objet d'une supervision extraterritoriale par les régulateurs européens.

Du point de vue de la stabilité financière, une relocalisation serait préférable à la mise en place d'une supervision extraterritoriale et c'est l'option qui me semble donc devoir être privilégiée. En effet, il existe un risque, en cas de crise exigeant des décisions rapides et lourdes de conséquences, qu'une supervision extraterritoriale des infrastructures systémiques ne puisse garantir que la stabilité financière de l'Union européenne soit pleinement prise en compte. Toutefois, ces activités s'insèrent dans un écosystème financier complexe et reposant sur des économies d'échelle qu'il apparaît difficile de dupliquer à très court terme. En outre, la fragmentation excessive de cette activité pourrait se traduire par une hausse substantielle des appels de marge auprès des entreprises. Aussi, quand bien même l'option de la relocalisation apparaît la plus satisfaisante, une étude approfondie des bénéfices et des risques associés à cette solution doit être menée.

S'agissant des activités ne présentant pas de caractère systémique pour l'Union européenne, le Brexit doit conduire à une révision des régimes d'équivalence existants, qui présentent d'importantes faiblesses. La principale tient au risque de divergence réglementaire une fois l'équivalence accordée, en l'absence de tout mécanisme de réexamen régulier. En outre, les régimes d'équivalence ne sont pas systématiquement assortis d'une condition de réciprocité garantissant aux acteurs européens un niveau d'accès équivalent aux marchés des pays tiers. La révision engagée par la Commission européenne du règlement relatif aux infrastructures de marché des produits dérivés de gré à gré (dit règlement « EMIR ») doit être l'occasion de repenser l'ensemble du dispositif d'équivalence.

Enfin, il existe un risque de contournement de la perte du « passeport européen » par la mise en place d'entités « boîtes aux lettres » dans certains pays peu regardants. C'est particulièrement le cas dans le domaine de la gestion d'actifs, où des « délégations de gestion » sont possibles au profit de pays tiers, sans réel encadrement. Nous l'avons constaté à Hong Kong, où opèrent des gestionnaires de fond dont l'activité est théoriquement localisée à Luxembourg - en réalité, ils n'y ont qu'une plaque en cuivre et un bureau où se tiennent deux réunions par an... On observe un phénomène analogue dans le secteur des jeux en ligne, où des sociétés enregistrées à Chypre vendent leurs produits dans toute l'Union européenne.

C'est pourquoi il me semble indispensable, d'une part, d'harmoniser l'interprétation de la notion de substance minimale devant être exigée par les autorités nationales délivrant les agréments ; d'autre part, de renforcer les pouvoirs et la gouvernance de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA), afin de lui permettre de contrôler plus efficacement le respect de ces exigences par les autorités nationales.

Dans ce cadre, l'Autorité bancaire européenne actuellement située à Londres pourrait être relocalisée à Paris, ce qui faciliterait la nécessaire coordination de la réglementation des établissements bancaires et des marchés financiers.

La dernière partie du rapport rassemble des propositions susceptibles de permettre à la place de Paris de tirer pleinement parti du Brexit et de se développer à l'international.

Au préalable, je souhaite revenir brièvement sur les initiatives bienvenues prises depuis le référendum de l'an dernier. Certaines relèvent d'une stratégie de valorisation de la place de Paris auprès des entreprises britanniques. J'y rattache les actions concrètes visant à faciliter les relocalisations - par exemple la mise en place d'un guichet unique et de procédures accélérées de délivrance d'agréments. Les initiatives prises en ce sens me semblent tout à fait satisfaisantes. Comme le reconnaît d'ailleurs le Financial Times , « la campagne la plus agressive pour la relocalisation d'activités a été menée par Paris ». Le Gouvernement, la maire de Paris, la présidente de la région Île-de-France ont su travailler de concert, toutes tendances politiques confondues.

Si ces actions doivent être saluées, elles ne sauraient néanmoins se substituer à des réformes plus structurelles pour attirer les entreprises et les capitaux internationaux. Or, en la matière, les réformes adoptées ne me semblent pas à la hauteur des ambitions affichées.

Trois mesures, bien que tardives, sont allées dans le bon sens. Tout d'abord, la sécurisation du financement du Charles-de-Gaulle-Express, dix-huit ans après les premières études de faisabilité. Les acteurs du secteur financier voyagent beaucoup, et la desserte actuelle du principal aéroport francilien, par le RER ou l'autoroute, est catastrophique.

Autre mesure opportune : la réforme du régime des impatriés dans la dernière loi de finances, avec un allongement de cinq à huit ans de sa durée d'application et une exonération des primes d'impatriation de taxe sur les salaires. Enfin, l'engagement d'une diminution progressive de l'impôt sur les sociétés, qui ne sera toutefois effective qu'à compter de 2019 pour les grandes entreprises.

Cependant, ces mesures sont insuffisantes pour remédier aux faiblesses françaises, notamment en matière de prélèvements sur les employeurs et de droit du travail. Elles ne traitent pas non plus la question de la concurrence entre les systèmes juridiques. Enfin, elles ont été en partie contrebalancées par des signaux contradictoires : le renoncement du Gouvernement à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui n'a pas contribué à renforcer la crédibilité des engagements français en matière fiscale, et le renforcement de la taxe sur les transactions financières et le durcissement du régime des actions gratuites, à l'initiative de nos collègues députés.

Les premières mesures doivent donc être relayées par des réformes de plus grande ampleur. Mes propositions s'articulent autour de quatre grands objectifs : renforcer la compétitivité du cadre fiscal ; rénover le cadre juridique applicable au secteur financier ; moderniser le système de régulation ; adapter le droit du travail. Je me contenterai d'évoquer les principales recommandations.

En matière de fiscalité, il me paraît indispensable de réduire le différentiel de coût du travail avec nos principaux concurrents. Pour cela, je propose de concentrer les efforts sur la taxe sur les salaires, qui n'a aucun équivalent en Europe. Si sa suppression ne saurait bien évidemment être envisagée à court terme pour des raisons budgétaires, il serait tout à fait possible de supprimer la tranche marginale à 20 % introduite en 2013. Le coût est estimé à 137 millions d'euros, mais les emplois ainsi créées produiraient des rentrées fiscales. Les effets d'aubaine pour les autres secteurs seraient très limités, dans la mesure où le secteur financier bénéficierait de cette suppression à hauteur de 79 %.

En complément, une mesure ciblée sur les impatriés pourrait être décidée, dans le contexte du Brexit , avec une exonération de l'ensemble de leur rémunération de taxe sur les salaires, ce qui réduirait d'un tiers l'écart de coût avec l'Allemagne pour les employeurs. Dans une perspective de moyen terme, une réflexion plus générale devrait être engagée sur le coût du travail très qualifié en France, incluant la question du déplafonnement des cotisations sociales.

Je propose en outre de ramener le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,2 % et de supprimer son extension aux transactions intrajournalières. En effet, les mesures prises l'an passé anticipaient de manière très inopportune l'issue du débat, d'ailleurs légitime, sur la mise en oeuvre d'une taxe européenne. Dans un tel domaine, on ne peut agir seul. Abstenons-nous à l'avenir de créer unilatéralement des taxes spécifiques à la place de Paris, l'intégration des marchés de capitaux européens justifiant de privilégier le cadre de l'Union européenne. Car rien n'est plus liquide que les capitaux, rien ne traverse plus facilement les frontières...

Enfin, il me semble souhaitable de modifier la fiscalité des stock-options , délibérément pénalisés par rapport aux actions gratuites, alors même qu'ils sont plus contraignants que ces dernières pour leurs bénéficiaires. L'objectif serait ainsi de rapprocher le niveau de la fiscalité des stock-options de celui observé aux Pays-Bas et en Allemagne, comme l'a récemment recommandé l'inspection générale des finances.

La concurrence entre les places financières ne concernant pas seulement le droit fiscal, il est également nécessaire de moderniser certains éléments du cadre juridique applicable aux services financiers. Je recommande notamment d'assouplir le droit des titres en introduisant les actions à droit de vote multiple, qui existent déjà dans la moitié des pays de l'Union européenne.

En matière d'assurance-vie, le rapport comprend plusieurs propositions pour garantir des conditions de concurrence équitables aux assureurs français et lever les rigidités du code des assurances. Il est ridicule de laisser une si grande part du marché français de l'assurance-vie nous échapper.

S'agissant du système de régulation, qui constitue un de nos points forts, deux pistes d'amélioration peuvent être formulées. Tout d'abord, mettre en place un « bac à sable » réglementaire pour les fintech , aussi appelé sandbox . Concrètement, il s'agit de permettre aux régulateurs d'octroyer à certaines fintech des assouplissements individuels aux réglementations nationales, afin de tester une idée innovante dans un périmètre réduit, comme cela se pratique au Royaume-Uni, mais aussi en Suisse, au Luxembourg, en Australie, à Singapour ou encore à Hong Kong.

En complément, il me semble nécessaire de diversifier les recrutements et les parcours au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) afin de recruter davantage de profils dotés d'expériences reconnues dans le monde de la finance, et de formation scientifique, juridique ou comptable.

Enfin, s'agissant du droit du travail, je propose d'instaurer un barème encadrant les indemnités prononcées par les juges en cas de licenciement. Ce barème comprendrait un maximum mais aussi un minimum, ce qui garantira davantage de prévisibilité tant aux employeurs qu'aux salariés.

Mme Michèle André , présidente . - Le rapporteur général vous a présenté ses principales conclusions et recommandations. Ce sujet a structuré nos travaux, avec les deux tables rondes organisées en février, ainsi que des déplacements dans différentes places financières européennes et asiatiques.

Le vote des Britanniques, il y a bientôt un an, nous a plongés dans l'inconnu. Redoutée mais peu anticipée, cette issue est regrettée par l'ensemble des Européens que nous sommes. Elle alimente depuis l'actualité, et n'est pas étrangère à l'organisation d'élections anticipées cette semaine outre-Manche. Je veux d'ailleurs, en cet instant, exprimer notre sympathie à l'égard de nos amis Britanniques dans le malheur qui les frappe.

Certains appréhendent aujourd'hui les conséquences du Brexit de manière plus concrète que d'autres. Je pense en particulier aux continentaux installés au Royaume-Uni, aux Britanniques vivant sur le continent, ou encore à l'Irlande, qui a une frontière commune avec le Royaume-Uni. Michel Barnier, négociateur au nom de la Commission européenne, a reconnu cette priorité due aux personnes.

Le Sénat a déjà analysé en profondeur les enjeux de la sortie du Royaume-Uni et je veux saluer les rapports du groupe de suivi mis en place par les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes. Dans le prolongement de leurs travaux, nous avons souhaité, avec le rapporteur général, nous intéresser aux effets du Brexit pour le secteur financier. L'histoire récente nous a en effet enseigné que la stabilité financière peut influer sur la marche normale de nos économies et de nos sociétés.

Première place financière européenne, Londres joue un rôle central dans le financement de l'économie européenne. Depuis que la perspective d'une sortie « dure » du Royaume-Uni est actée, il semble acquis que le « passeport européen » ne sera pas maintenu. Devenu pays tiers, le Royaume-Uni relèvera donc des règles du commerce international, ainsi que des divers « régimes d'équivalence » prévus par les textes européens en matière financière. Plus qu'un régime unique, il s'agit d'une mosaïque qui n'offre pas une alternative crédible au passeport. Certaines activités devront donc être transférées en Europe continentale.

Il nous revient d'éclairer les termes de ce débat afin que chacun soit pleinement informé, en particulier les acteurs économiques. Ce travail est indispensable, car nous avons pu constater en Asie la manière dont les Britanniques diffusent l'idée selon laquelle le statu quo va perdurer. Tel ne sera pourtant pas le cas. La mission confiée à Christian Noyer par le Premier ministre Manuel Valls répondait précisément à cet objectif d'explication.

Le changement doit être correctement négocié pour prévenir toute rupture préjudiciable à notre économie. C'est ainsi que je comprends le rapport du rapporteur général.

Dans ce changement, la place de Paris doit se conforter comme pôle majeur au sein de l'Union des marchés de capitaux qui se dessine. Au milieu des années quatre-vingt, les gouvernements successifs, en particulier sous l'impulsion de Pierre Bérégovoy, avaient réussi à solidement installer la place de Paris dans un monde financier en plein bouleversement. Le défi que nous devons relever aujourd'hui est du même ordre, voire encore plus ambitieux car les places européennes sont désormais en concurrence directe avec les places du monde entier.

Pour cela, une démarche a été engagée dès le vote britannique, sous l'impulsion du Premier ministre Manuel Valls lors des journées de Paris Europlace en juillet 2016. Des mesures ont été prises par le Gouvernement précédent pour accroître l'attractivité de la France, comme le renforcement du régime des impatriés. Les propositions du rapporteur général participent de ce même objectif.

En conclusion, ce rapport nous éclaire à trois égards. D'abord, sur l'importance d'une place financière puissante et dynamique pour l'ensemble de notre économie. Ensuite, sur les grandes lignes des positions que la France doit faire valoir afin de négocier au mieux la sortie du Royaume-Uni. Enfin, sur les débats qui doivent se tenir pour conforter Paris comme pôle financier de l'Europe continentale.

M. Jean Bizet , président de la commission des affaires européennes . - Le Brexit est, à mes yeux, une faute géopolitique majeure, qui incombe à nos amis britanniques et à eux seuls. Nous devons le considérer comme une opportunité, non comme une fatalité. La place de Paris a des atouts, parmi lesquels les nombreux jeunes Français qui s'inscrivent en master de finance. Elle a cependant des points faibles, dont le principal est l'ambiance faite d'instabilité législative.

La commission des affaires européennes ne manquera pas, dans le cadre du dialogue politique avec les institutions de l'Union européenne, de relayer vos préoccupations, en particulier sur la localisation des chambres de compensation dans la zone euro. Je reste amer de la décision rendue à ce sujet par la Cour de justice de l'Union européenne. Ne tombons pas dans le piège qu'essaient de nous tendre nos amis britanniques. On sait ce qu'il adviendrait d'une supervision extraterritoriale.

Je veux insister sur le développement de l'intelligence artificielle, domaine dans lequel la France n'est pas en retard. J'ai eu des discussions à ce sujet avec Charles-Édouard Bouée, du cabinet Roland Berger. Il nous faut un encadrement soft , si nous ne voulons pas laisser ce secteur entre les mains des Américains, comme c'est le cas pour les GAFA.

Je retiens la notion de « bac à sable » réglementaire, qui me rappelle les écosystèmes transversaux chers à Benoît Potier : nous devons être capables de créer un environnement souple pour certaines filières, qui puisse faire l'objet de déclinaisons dans les États membres.

Je le répète, nous nous inspirerons largement de votre travail dans le cadre du dialogue politique avec la Commission européenne.

M. Claude Raynal . - J'ai noté la prudence du rapporteur général sur la question de la localisation des chambres de compensation. Pourtant, il y va selon moi de la souveraineté de l'Union européenne sur sa monnaie. Rien ne dit que, si ces chambres demeurent en dehors de la zone euro, les monnaies seront traitées équitablement, en cas de crise notamment : la livre sterling pourrait bien être protégée plus que d'autres. Nous devons nous garder du piège du discours technicien, et être fermes sur ce sujet. La voie d'un régime d'équivalence me paraît devoir être exclue. Ce point est crucial : n'oublions pas que les chambres de compensation représentent 200 000 emplois, qui certes ne seront pas tous relocalisés.

Un mot sur la taxe sur les transactions financières. Il est vrai qu'un pays ne peut pas seul mettre en oeuvre une telle politique. La France, comme souvent, a donné l'impulsion, et cette impulsion doit se traduire dans les faits. Un groupe d'une dizaine de pays décidés à avancer avait été mis en place, mais les discussions semblent s'être encalminées. Notre pays doit continuer à jouer un rôle moteur dans ce domaine, ce n'est pas parce que des difficultés existent qu'aucune solution ne peut être trouvée.

Mme Fabienne Keller . - Je félicite à mon tour la présidente et le rapporteur général pour ce rapport très documenté.

Il est entendu, dites-vous, que les Britanniques ne conserveront pas le « passeport européen ». Pourtant, lors d'un déplacement à la City du groupe de suivi sénatorial sur le Brexit , en février, nos interlocuteurs nous ont assuré que huit ou neuf États membres avaient tellement besoin des produits financiers britanniques qu'ils plaideraient pour le maintien du « passeport ». Voilà une brèche bien ennuyeuse dans l'unité des Vingt-Sept... Le lobbying de la City est extraordinairement efficace. Le représentant de la City que nous avons rencontré est d'ailleurs français !

Je m'inquiète aussi du rapprochement entre les bourses de Londres et Francfort. Je crains que des transactions ne puissent être considérées comme ayant lieu dans la zone euro, alors même que le personnel resterait à Londres. Il nous faut travailler sur le contenu de l'obligation de localisation.

Enfin, quelles actions de lobbying imaginez-vous pour attirer les acteurs financiers à Paris ? La présidente de la région Île-de-France sait user d'arguments qui font mouche sur l'attractivité de Paris comparée à Francfort. Elle insiste aussi, bien entendu, sur la concentration d'activités stratégiques en région parisienne.

M. Roger Karoutchi . - Les rapports sont utiles, encore faut-il avoir la capacité d'agir. La City se défend ? Nous ferions la même chose ! Les bourses de Londres et de Francfort se rapprochent ? Que pouvons-nous y faire ? Ne perdons pas de temps à nous plaindre de ce que nous ne pouvons empêcher, agissons plutôt dans la mesure de nos moyens.

Je ne crois pas aux miracles. Baisser la fiscalité et les charges sociales serait évidemment bienvenu, mais il faut aussi renforcer l'attractivité de l'Île-de-France et, pour cela, ne pas entraver les initiatives de la région. Celle-ci demande depuis longtemps de pouvoir expérimenter un régime fiscal et social spécifique dans certains secteurs. De même, nous souhaitons que le réseau de transport soit développé plus rapidement en direction des centres financiers.

Le vrai problème que rencontrent les investisseurs, lorsqu'ils veulent s'installer en France, c'est l'illisibilité de notre administration. Nous sommes incapables de leur offrir un guichet unique. À cela s'ajoute l'insuffisance des transports publics, l'insécurité qui y sévit, le manque de logements... Pourtant, si les gens se convainquent qu'il est plus agréable de vivre à Paris qu'ailleurs, ils viendront s'installer chez nous ! À supposer, bien sûr, que nous nous soyons dotés de règles fiscales et sociales plus stables.

M. Serge Dassault . - Comment baisser les charges qui pèsent sur les employeurs ? Pas avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), que nous finançons par l'emprunt... Comment les Allemands font-ils donc pour financer leur système de protection sociale, et pourquoi faisons-nous différemment ? Voilà les questions qu'il faudrait poser.

M. Éric Bocquet . - Un an après le référendum sur le Brexit , le cataclysme annoncé ne s'est pas produit. Les indicateurs de conjoncture sont au beau fixe, et plusieurs grands groupes étrangers comme MacDonald's, Apple et Google viennent même de renforcer leur implantation outre-Manche. Il est vrai que Google, un peu inquiété par la Commission européenne, aura désormais encore moins de comptes à rendre au Royaume-Uni...

La crise financière que l'on nous promettait à la City a duré vingt-quatre heures. D'ailleurs, dans le secteur financier, les frontières ont-elles encore un sens ? Le rapporteur général a mentionné les pratiques observées à Hong Kong. Je suis convaincu, pour ma part, que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'aura aucune incidence sur l'activité financière.

Jean Bizet a parlé, à propos de cette décision souveraine du peuple britannique, de « faute géopolitique majeure ». Cela me rappelle ce passage de Brecht : « Le peuple a par sa faute perdu la confiance du gouvernement, et ce n'est qu'en redoublant d'efforts qu'il peut la regagner. Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? ».

Quant à la taxe sur les transactions financières, elle n'est pas pour demain : la France a demandé le report de la réunion prévue le 22 mai à ce sujet...

Faut-il encourager l'innovation financière, comme je l'ai entendu dire ? Le secteur n'a pas attendu les sénateurs français pour innover... Je vous mets en garde : dans un bac à sable, on construit des châteaux de sable !

M. François Marc . - Le déplacement à Singapour a été particulièrement instructif sur le regard porté dans le monde sur la place de Paris. Outre les pouvoirs publics, les acteurs privés ont aussi leur rôle à jouer pour soutenir sa compétitivité : il n'est que de rappeler la part qu'ont prise les compagnies luxembourgeoises dans les investissements français dans le secteur de l'assurance vie...

Je m'étonne des chiffres cités par le rapporteur général s'agissant des prélèvements sur le travail payés par l'employeur. Diffuser de tels chiffres est-il, d'ailleurs, de nature à valoriser la place de Paris ? Je reconnais en revanche qu'il faut faire évoluer le régime des impatriés.

Le rapporteur général peut-il nous en dire davantage sur les problèmes de recrutement à l'ACPR ?

Quel est le sens, enfin, des recommandations du rapport au sujet de la gestion d'actifs ? J'avais cru comprendre, lors de nos travaux sur le shadow banking , qu'il importait de préserver l'outil français de régulation du secteur.

M. Bernard Lalande . - Le meilleur allié de la place financière de Londres n'est-il pas... elle-même ? Personne n'aime déménager ni changer d'habitudes. En outre, l'Union européenne ne représente qu'un quart du marché londonien. Paris et Francfort ne sont en compétition que pour récupérer ce qui peut l'être - c'est-à-dire le moins possible, souhaitent les Britanniques. La France n'aurait-elle pas intérêt à s'allier à l'Allemagne pour imposer des règles strictes et protéger le marché européen contre les tentatives destinées à contourner sa réglementation ?

Ensuite, les acteurs financiers s'implanteront dans la ville qui aura, à leurs yeux, la meilleure image. La France, sous l'effet de pressions internes, a pris des mesures plus idéologiques qu'économiques.

Notre intérêt premier est aujourd'hui de jouer dans la même équipe que l'Allemagne.

M. Gérard Longuet . - Outre la dimension législative du sujet, il y a les questions d'aménagement du territoire, que vous n'abordez pas. Paris et l'Île-de-France sont en première ligne : tant mieux, car nous avons besoin, en province, d'une métropole de niveau mondial.

Mais il faudrait que sa réussite s'intègre à une politique d'aménagement du territoire concernant tout le grand bassin parisien. Par exemple, une meilleure articulation entre le réseau TGV et celui des transports régionaux élargirait le rayonnement des activités financières de la capitale. Et il faut mettre un terme à l'incohérence entre les politiques de circulation automobile à l'intérieur et à l'extérieur de Paris. L'on n'est pas impunément une capitale ! Paris doit organiser la circulation automobile non en se repliant sur elle-même en facilitant les allées et venues. Il est insupportable qu'il devienne de plus en plus difficile d'accéder à Paris pour les provinciaux qui ont l'obligation d'y aller pour rencontrer leurs interlocuteurs administratifs. Au-delà d'une courbe isochrone de deux heures, ils prennent le TGV - si les horaires s'y prêtent. Mais en-deçà, la souplesse que permet le véhicule individuel est une condition essentielle de la qualité de nos services.

Vous n'avez pas évoqué la domination inchangée de l'anglais dans les activités financières. Et il est regrettable que nos grandes écoles, dont les mastères de finance figurent aux premières places des classements mondiaux, n'irriguent pas davantage l'administration française.

Mme Michèle André , présidente . - Nous reconnaissons là le rapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire »...

M. Gérard Longuet . - En effet ! Nous formons les meilleurs, mais ceux-ci partent se mettre au service de banques étrangères.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La question des chambres de compensation est des plus complexes. L'impact sur l'emploi est limité : un millier de personnes travaillent chez LCH Clearnet à Londres. Mais il y a un enjeu de souveraineté. Ainsi, en 2014, BNP Paribas s'est vu infliger aux États-Unis une amende de 8,974 milliards d'euros pour ses transactions en dollars avec le Soudan et Cuba, la justice américaine s'étant déclarée compétente parce que la banque avait utilisé une chambre de compensation à New York.

La dernière réunion sur le projet de taxe sur les transactions financières européenne a été reportée à la demande de la France. Nous aurons donc à revenir sur le sujet. Oui, le Brexit ne représente pas le même enjeu pour tous les pays, et le volume des transactions avec le Royaume-Uni compte beaucoup. L'intérêt de la France et de l'Allemagne est de s'unir sur la question car leur point de vue diffère de celui de petits pays vivant de ce que leur laisse Londres.

Un guichet unique, pourquoi pas ? Mais face à des financiers, qui connaissent leurs chiffres, les discours ne suffiront pas, il faut des preuves d'amour : adaptation du droit, réduction des charges, etc.

Paris a la chance d'être l'une des deux ou trois grandes capitales mondiales, avec Londres et New York. Francfort a beau disposer d'un très grand aéroport, l'on n'y trouve que les autorités de niveau régional. L'Île-de-France doit faire valoir ses atouts, sans oublier le reste du territoire.

M. Gérard Longuet . - Quand on sait que le Luxembourg est le premier employeur en Lorraine, avec 90 000 travailleurs frontaliers français, cela pose directement la question de l'aménagement du territoire.

Pour le Grand Est, si l'Île-de-France ne fait rien en sa faveur, mieux vaut que le Luxembourg l'emporte. Et vous ne parlez pas de la Suisse. Vu le nombre de travailleurs frontaliers qui exercent à Genève, le rôle de cette ville importe aussi.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Genève concentre essentiellement des activités de gestion d'actifs, peu concernées par le Brexit .

Sur les charges, le problème est que tous les mécanismes de soutien à l'emploi ont consisté à réduire les charges sociales sur les bas salaires. Le plafonnement des charges en Allemagne bénéficie aussi bien à l'industrie qu'à la finance.

M. Gérard Longuet . - On peut aussi diminuer les dépenses...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La localisation compte, bien sûr : Hong Kong se développe car c'est la porte de la Chine, et Singapour ouvre sur l'Asie du Sud. Et la vente de produits financiers nécessitant une autorisation, elle ne se délocalise pas aussi facilement qu'un siège social.

Les acteurs privés doivent réagir. Quant à l'écart entre la France et l'Allemagne pour le coût total d'un salarié à salaire net égal, les chiffres proviennent de la direction de la législation fiscale : il est bien de 46 %.

Quant à l'articulation entre les réseaux d'Île-de-France et ceux du reste de la France, le contraste est saisissant lorsqu'on entre en Île-de-France, sur des routes mal connectées, des autoroutes sales, mal entretenues...

La langue est un sujet : l'Irlande a une grande facilité à travailler avec les États-Unis. Nous devons donc favoriser l'enseignement bilingue et les lycées internationaux, comme celui de Noisy-le-Grand. De plus, l'enseignement est gratuit en France. Il est paradoxal que nous formions les meilleurs diplômés pour les voir partir travailler à l'étranger.

Mme Michèle André , présidente . - Nous connaissons la qualité de notre réseau d'établissements français à l'étranger, aussi. Merci pour cette présentation. Au cours de nos déplacements en Europe, nous avons mieux compris les intérêts de chacun. Les pays de petite taille connaissent bien leurs atouts.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On peut dire que rien ne s'est passé depuis le référendum - mais c'est que rien n'a commencé ! Tout reste à écrire.

Mme Michèle André , présidente . - En Irlande, la question de la frontière inquiète, et les Irlandais sont sensibles au fait que Michel Barnier en a fait l'un des trois sujets principaux. On pourrait aussi parler de Chypre. La méthode consistant à commencer par ces priorités, en tous cas, empêche que l'unité des vingt-sept ne se fissure d'emblée.

La commission a donné acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. AUDITIONS DEVANT LA COMMISSION DES FINANCES

DU SÉNAT

1. Table ronde du mercredi 8 février 2017

Direction générale du Trésor

- Mme Odile RENAUD-BASSO, directrice générale.

Fédération bancaire française (FBF)

- Mme Marie-Anne BARBAT-LAYANI, directrice générale.

Association française de la gestion financière (AFG)

- M. Jean-Louis LAURENS, ambassadeur de la gestion d'actifs français à l'international.

Euronext

- M. Stéphane BOUJNAH, président du directoire.

UBS France

- M. Jean-Frédéric de LEUSSE, président du directoire.

Morgan Stanley France

- M. René PROGLIO, directeur général.

2. Table ronde du mercredi 15 février 2017

HSBC France

- M. Jean BEUNARDEAU, président.

Société Générale

- M. Gilles BRIATTA, secrétaire général.

BlackRock France

- M. Jean François CIRELLI, président.

Paris Europlace

- M. Gérard MESTRALLET, président.

BNP Paribas

- M. Jean-Jacques SANTINI, directeur des affaires institutionnelles.

II. ENTRETIENS À PARIS

Banque de France

- François VILLEROY DE GALHAU, gouverneur de la Banque de France ;

- M. Christian NOYER, gouverneur honoraire de la Banque de France.

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

- M. Frédéric VISNOVSKY, secrétaire général adjoint.

Autorité des marchés financiers (AMF)

- M. Benoît de JUVIGNY, secrétaire général.

Commission européenne

- M. Michel BARNIER, négociateur en chef de la Commission européenne chargé de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni.

Fintech

- M. Alain CLOT, président de France Fintech ;

- M. Joan BURKOVIC, CEO et fondateur de Bankin.

London Stock Exchange

- M. Xavier ROLET, président-directeur général.

BNP Paribas

- M. Jean LEMIERRE, président.

Société Générale

- M. Frédéric OUDÉA, directeur général.

Inspection générale des finances (IGF)

- M. Pierre-André IMBERT, inspecteur général ;

- M. Alexandre POINTIER, inspecteur.

European Securities and Market Authority (Esma)

- Mme Sophie VUARLOT-DIGNAC, Head of Unit Legal, Cooperation and Convergence.

III. ENTRETIENS EN EUROPE

1. Luxembourg

Jeudi 19 janvier 2017

Ministère des finances

- M. Pierre GRAMEGNA, ministre des finances.

Chambre des députés

- M. Eugène BERGER, président de la commission des finances et du budget, et des membres de la Chambre des députés.

Commissariat aux assurances

- M. Claude WIRION, président.

BNP Paribas

- M. Carlo THILL, président.

2. Francfort

Jeudi 23 février 2017

Frankfurt Main Finance

- M. Lutz RAETTIG, président ;

- M. Andreas GLÄNZEL, membre de la direction ;

- M. Oliver WAGNER, directeur de l'association des banques étrangères en Allemagne.

Fédération bancaire française

- M. Benoit de la CHAPELLE BIZOT, directeur général.

BNP Paribas Allemagne

- M. Camille FOHL, responsable.

Deutsche Bank

- M. Nicolas MOREAU, directeur et membre du directoire de la Deutsche Asset Management.

Crédit Agricole Allemagne

- M. Frank SCHOENHERR, responsable.

BHF Bank

- M. Christophe TADIÉ, membre du directoire.

Banque centrale européenne (BCE)

- M. Frank MOSS, directeur général des relations internationales et européennes ;

- Mme Linette FIELD, directrice générale adjointe de la supervision microprudentielle III ;

- M. Pierre PETIT, directeur général adjoint des infrastructures de marchés et paiements ;

- M. Jean-François JAMET, économiste principal à la direction générale des relations internationales et européennes ;

- M. Lieven HERMANS, expert principal à la direction générale de la stabilité financière ;

- Mme Stephanie BERGBAUER, experte à la direction générale des relations internationales et européennes ;

- Mme Despoina BAKOPOULOU, analyste à la direction générale de la supervision microprudentielle IV ;

- M. Pierre MARMARA, expert en infrastructure de marchés.

Deutsche Börse

- M. Gregor POTTMEYER, directeur financier ;

- M. Niels TOMM, responsable des relations institutionnelles.

Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin)

- Mme Felicitas LINDEN, responsable du département Grundsatzfragen Prospekte / Bereich Wertpapieraufsicht.

3. Amsterdam

Jeudi 30 mars 2017

Association des banques des Pays-Bas

- M. Chris BUJINK, président.

Fédération néerlandaise des fonds de pension

- Mme Sibylle REICHERT, chef du bureau de Bruxelles.

BNP Paribas

- MM. Daniel THIELEMANS, président-directeur général de BNP-Paribas Nederland.

Banque Centrale des Pays-Bas

- Jan SIJBRAND, membre du directoire en charge de la supervision, membre du conseil de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne.

Euronext

- M. Maurice VAN TILBURG, président-directeur général.

Deloitte

- M. Stephen BRUNNER.

4. Dublin

Du mardi 25 au mercredi 26 avril 2017

Pensions Authority

- M. Brendan KENNEDY, régulateur.

Parlement irlandais

- M. Gerry HORKAN, sénateur et vice-président de la commission des finances du Parlement irlandais.

Central Bank of Ireland (CBI)

- M. Gerry CROSS, directeur « politique de gestion du risque ».

Commission du revenu

- M. Niall CODY, président.

Crédit agricole

- M. Philippe DUMONT, directeur.

Tobam

- M. David BELLAICHE, directeur général.

Mazars Irlande

- M. Noël CUNNINGHAM, associé, expert fiscal.

IV. ENTRETIENS EN ASIE

1. Hong Kong

Du lundi 6 au mercredi 8 mars 2017

HKSAR Government

- M. Paul CHAN, secrétaire aux finances.

Legislative Council Panel

- M. Kenneth LEUNG, vice-président.

Hong Kong Monetary Authority (HKMA)

- M. Clement LAU, directeur ;

- M. Enoch FUNG, directeur développement des marchés.

Securities and Futures commission

- M. Ashley ALDER, président-directeur général.

Commission de la concurrence

- Mme Anna WU, présidente.

Bourse de Hong Kong (HKEx)

- M. James FOK, directeur de la stratégie du groupe.

Inland Revenue Department

- M. Richard WONG, commissaire ;

- M. Brian CHIU, commissaire adjoint ;

- Mme Rosina LAU, contrôleur supérieur.

East Capital

- Mme Karine HIRN, directeur général.

Minter Ellison

- Mme Rebecca SILLI, associée.

Société Générale

- M. Pascal SEFRIN, responsable garantie grand comptes.

Amundi Hong Kong Ltd

- M. Thierry MEQUILLET, directeur général.

FinTech, Invest HK

- M. Charles NG, directeur ;

- M. Charles d'HAUSSY, directeur.

Crédit Agricole

- M. Michel ROY, responsable régional senior.

Natixis

- M. Alain GALLOIS, président-directeur général.

BNP Paribas Hong Kong

- M. Paul YANG, président-directeur général.

2. Singapour

Du mercredi 8 au vendredi 10 mars 2017

Gouvernement

- Mme Josephine TEO, ministre déléguée aux affaires étrangères et aux transports.

Parlementaires singapouriens du comité chargé des finances, du commerce et de l'industrie.

Monetary Authority of Singapore

- Mme Jacquelin LOH, directrice générale adjointe ;

- M. Leong SING CHIONG, sous-directeur général, chargé du développement et de l'international.

Essec

- M. Patrick LECOMTE, universitaire, directeur adjoint des centres d'excellence de l'Essec Asie-Pacifique.

Amundi Singapore Ltd

- Mme Jenny SOFIAN, président-directeur général ;

- M. Philip CHOW, directeur des investissements.

Finquest

- M. Antoine DENAIFFE, co-fondateur et directeur d'exploitation.

Hera Capital

- Sébastien GUILLAUD, associé, directeur général et fondateur.

Association bancaire singapourienne

- Mme ONG-ANG AI BOON, directrice.

Centennial Asia

- M. Manu BHASKARAN, président-directeur général.

Axa Insurance Singapore

- M. Léo COSTES, directeur général ;

- M. Sean YANG, directeur financier.

Singapore Exchange (SGX)

- M. Loh BOON CHYE, président-directeur général.

Représentants des banques françaises implantées à Singapour

BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale.


* 1 Pour une description détaillée de l'évolution historique de la City , voir notamment : David Kynaston, City of London: The History , Vintage, 2012 ; Iain Martin, Crash Bang Wallop , Sceptre, 2017.

* 2 Voir sur ce point : Alexandre Duvivier, « L'attractivité des places financières », Bulletin de la Banque de France , n° 123, mars 2004.

* 3 Hervé Hannoun, « Places financières et banques centrales », Revue d'économie financière , n° 57, 2000, p. 4.

* 4 Inspection générale des finances (IGF), « L'entreprise et l'hexagone », septembre 2000, p. 183.

* 5 Ibid .

* 6 Pierre-Cyrille Hautcoeur, « Financial centres », article pour le Palgrave Dictionary of Transnational History , à paraître, p. 1.

* 7 Inspection générale des finances (IGF), « L'entreprise et l'hexagone », précité, p. 183.

* 8 Les travaux de Fernand Braudel décrivent ainsi l'évolution de la hiérarchie internationale des places financières depuis la Renaissance. Voir sur ce point : Fernand Braudel, Civilisation, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, tome 3 : Le temps du monde, Références , 1993.

* 9 Inspection générale des finances (IGF), « L'entreprise et l'hexagone », précité, p. 183.

* 10 Voir sur ce point : Rapport d'information n° 656 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier fait au nom de la commission des finances, 1 er juin 2016.

* 11 Laure Quennouëlle-Corre, La place financière de Paris au XXe siècle : des ambitions contrariées , Institut de la gestion publique et du développement économique, 2015, p. 2.

* 12 Voir notamment : Discours du Premier ministre aux rencontres financières Paris Europlace, 6 juillet 2016.

* 13 Commission européenne, « Recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord avec le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord fixant les modalités du retrait de celui-ci de l'Union européenne », 3 mai 2017.

* 14 Propos tenus le 8 février 2017 par Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, lors de l'audition relative à la compétitivité des places financières organisée par la commission des finances du Sénat.

* 15 Rapport d'information n° 434 (2016-2017) de Jean-Pierre Raffarin et Jean Bizet fait au nom du Groupe de suivi Retrait du Royaume-Uni et refondation de l'UE, 22 février 2017.

* 16 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », janvier 2013, p. 13.

* 17 Il doit toutefois être souligné que même des secteurs financiers de taille modeste peuvent mener à des crises de grande importance. Voir sur ce point : Díaz-Alejandro, « Good-bye Financial Repression, Hello Financial Crash », Journal of Development Economics, 1985, pp. 1-24.

* 18 Pour une synthèse des travaux les plus récents en la matière, voir : Ugo Panizza, « La finance et le développement économique », Revue internationale de politique de développement, 2012.

* 19 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, pp. 24-25.

* 20 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, pp. 81.

* 21 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), « Les métiers en 2022. Prospective par domaine professionnel », Synthèse.Stat' , n° 11, avril 2015, p. 124.

* 22 Il peut être noté que la part du secteur dans la valeur ajoutée, qui avait atteint 9,1 % en 2009, a significativement diminué depuis la crise.

* 23 Chambre des communes, « Financial services : contribution to the UK economy », Briefing paper, n° 6193, 31 mars 2017.

* 24 Chambre des Lords, « Brexit : financial services », 9th Report of Session 2016-2017, 15 décembre 2016, pp. 5-6.

* 25 City of London Corporation/PwC, « Total Tax Contribution of UK Financial Services », décembre 2016.

* 26 Insee, « Les activités financières, un secteur particulièrement concentré en Île-de-France », Île-de-France faits et chiffres, n° 193, décembre 2008.

* 27 Alexandre Duvivier, « L'attractivité des places financières », Bulletin de la Banque de France , précité, n° 123, mars 2004.

* 28 Ibid ., p. 46.

* 29 Ibid .

* 30 Hervé Hannoun, « Places financières et banques centrales », Revue d'économie financière , précité, p. 5.

* 31 Marianne Bertrand, Antoinette Schoar et David Thesmar, « Banking deregulation and industry structure : evidence from the 1985 banking act », Journal of Finance, 2007.

* 32 Voir notamment : Imad Moosa, Larry Li et Riley Jiang, « Determinants of the Status of an International Financial Centre », The World Economy , Volume 39, n° 12, décembre 2016 ; Lillian Cheung et Vincent Yeung, « Hong Kong as an International Financial Centre : Measuring its Position and Determinants », Hong Kong Monetary Authority, 2007 ; Michael Mainelli, « What Makes A Successful Global Financial Centre ? », Gresham College, 2009.

* 33 Paris Europlace, « La Place de Paris en pole position en Europe pour attirer les entreprises », 29 novembre 2016, p. 37.

* 34 Thierry Pascault, « Les ingénieurs au service des banques, une spécificité bien française » in École française de la finance - Mythe ou réalité ?, L'année des professions financières , 2016, p. 43.

* 35 Financial Times Rankings, « Masters in Finance Pre-experience », 2016.

* 36 Les Échos, « Finance : à la City, les ingénieurs français sont les mieux payés », 12 août 2015.

* 37 Pwc, « Cities of Opportunity 2016 », septembre 2016.

* 38 Paris Europlace, « La Place de Paris en pole position en Europe pour attirer les entreprises », précité, 2016.

* 39 Taux d'épargne brute des ménages (en % du revenu disponible), données Eurostat et Insee.

* 40 Observatoire de l'épargne réglementée, « Rapport annuel 2015 », juillet 2016, p. 17.

* 41 Business France, « 20 chiffres (et faits) qui témoignent de l'attractivité de la région Paris-Île-de-France », décembre 2016.

* 42 Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.

* 43 Avant la réforme de 2002, il existait toutefois trois autorités de surveillance distinctes : l'Office fédéral de contrôle de la profession, l'Office fédéral de supervision des professionnels de l'assurance et l'Office fédéral pour la supervision des marchés financiers.

* 44 Laure Quennouëlle-Corre, La place financière de Paris au XXe siècle : des ambitions contrariées , précité, p. 1.

* 45 Ibid. , pp. 25-64.

* 46 Ibid. , p. 38.

* 47 Ibid. , pp. 18-19.

* 48 Pour un bilan des transformations récentes, voir notamment : Arnaud de Bresson, « Europe et mondialisation : la place financière de Paris relève le défi », Revue d'économie financière , vol. 8, n° 1, 2009, pp. 51-65.

* 49 Laure Quennouëlle-Corre, La place financière de Paris au XXe siècle : des ambitions contrariées , précité, pp. 380-381.

* 50 Loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 relative à l'orientation de l'épargne vers le financement des entreprises.

* 51 Loi n° 79-12 du 3 janvier 1979 relative aux sociétés d'investissement à capital variable.

* 52 Loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 relative aux fonds commun de placement.

* 53 Les Échos, « L'évolution du cadre réglementaire de la gestion collective », 17 décembre 1992.

* 54 Jean-Charles Naouri, « Le marché financier : bilan et perspectives », Revue française d'économie, vol. 2, n° 1, 1987, p. 186.

* 55 Ibid ., 185.

* 56 Ibid ., p. 191.

* 57 « L'évolution du système bancaire français depuis la fin des années 1960 », rapport annuel de la Commission bancaire pour l'année 2002, pp. 201-230.

* 58 Il s'agit de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE.

* 59 Données Bloomberg, 29 mai 2017.

* 60 Uuriintuya Batsaikhan, Robert Kalcik et Dirk Schoenmaker, « Brexit and the European financial system : mapping markets, players and jobs », Bruegel Policy Contribution, n° 4, 2017, p. 10.

* 61 The Clearing House, « The Custody Services of Banks », juillet 2016, p. 16.

* 62 Voir notamment « Rapport sur l'évolution d'Euronext et l'avenir des activités de marché et de post-marché en Europe », Thierry Francq, chargé de mission auprès du directeur général de la direction générale du Trésor, novembre 2013.

* 63 Le pacte réunit ABN AMRO Bank (1,64 %), ASR Insurance (0,83 %), Banco Espirito Santo via Avistar (1,25 %), Banco BPI Pension Fund (1,14 %), BNP Paribas (5,5 %), BNP Paribas Fortis (1,5 %), Caisse des dépôts et consignations (3,0 %), BPI France Participations (3,0 %), Euroclear (8,0 %), SFPI (4,5 %) et la Société générale (3,0 %). Données issues de Monnaie et financement de l'économie , Marie Delaplace, Dunod, 5 e édition, 2017, page 262.

* 64 « Malgré l'échec de la fusion LSE/DB, la consolidation boursière est inéluctable ? », Le Cercle des économistes, 13 mars 2017.

* 65 Voir décision IP/17/789 du 28 mars 2017.

* 66 Il s'agit d'Axa, CNP Assurances, Covéa et Groupama.

* 67 Fédération française de l'assurance, « Marché de l'assurance : la France se place au 2 e rang européen », 29 septembre 2016.

* 68 Accenture, « Fintech and the Evolving Landscape », avril 2016. Pour le Royaume-Uni, les données proviennent d' Innovate Finance .

* 69 University of Cambridge, « European alternative finance industry report », 2ème edition, septembre 2016.

* 70 Conseil d'analyse économique, « L'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises », Les notes du conseil d'analyse économique , n° 30, avril 2016, p. 1.

* 71 King & Wood Mallesons, « HK's proposed dedicated tax regime for offshore aircraft leasing », 6 mars 2017.

* 72 Conseil d'analyse économique, « L'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises », Les notes du conseil d'analyse économique , n° 30, avril 2016.

* 73 Commissariat aux assurances, annexe au rapport annuel 2015/2016.

* 74 Association des compagnies d'assurances et de réassurances du Grand-Duché de Luxembourg, « Assurance Vie - détail national et international - Total du marché », Statistiques pour l'année 2015.

* 75 Inspection générale des finances, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », avril 2016, Annexe VIII, p. 31.

* 76 Ibid ., p. 35. L'étude comparative porte sur la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

* 77 Données fournies par la direction de la législation fiscale.

* 78 Henri Lagarde et Clément Kopp, « Les charges en France et en Allemagne : les vérités qui dérangent », Le journal de l'école de Paris du management , n° 92, juin 2011, pp. 9-17.

* 79 Cour des comptes, « Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale », septembre 2015, p. 550.

* 80 Adrien de Tricomot, « Trois sociétés allemandes taillent dans les retraites de leurs salariés », Le Monde, 10 janvier 2004.

* 81 Cour des comptes, « Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale », précité, p. 150.

* 82 Gilles Saint-Paul, « Plafonner les charges sociales des entreprises », Slate, 19 mars 2017.

* 83 Propos tenus le 8 février 2017 lors de l'audition relative à la compétitivité des places financières organisée par la commission des finances du Sénat.

* 84 Olivier Fouquet, « Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche », Rapport au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, juin 2008, p. 7.

* 85 Article 135 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 86 La réforme intervenue en 2015 n'est applicable qu'aux seules actions gratuites dont l'attribution a été autorisée postérieurement à la publication de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, parue le 7 août 2015. Les assemblées générales extraordinaires se réunissant le plus souvent au premier semestre, les dispositions votées n'ont donc été véritablement mises en oeuvre qu'au premier semestre 2016.

* 87 Article 61 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 88 Inspection générale des finances, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », avril 2016, Annexe VIII, p. 197.

* 89 Juridiquement, les contributions pour frais de contrôle ne sont toutefois pas considérées par l'Insee comme des prélèvements obligatoires.

* 90 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 91 D'après l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances rectificative.

* 92 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 93 Frédéric Lejoint, « Le Luxembourg continue d'attirer les capitaux », Juliette & Victor, n° 53, p. 159.

* 94 Gilbert Cette, introduction du séminaire « Politiques de l'emploi » organisé par la direction générale du Trésor le 11 mars 2016, p. 7.

* 95 Article 5 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

* 96 Données DARES, avril 2017.

* 97 Seuls les personnels dirigeants ou les membres du directoire sont exclus du cadre de protection contre le licenciement.

* 98 Voir notamment le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 21 décembre 2016.

* 99 Corinne Prost, intervention au séminaire « Politiques de l'emploi » organisé par la direction générale du Trésor le 11 mars 2016, p. 31.

* 100 Données fournies par la direction générale du Trésor.

* 101 Rapport d'information n° 347 (2006-2007) de M. Christian Gaudin fait au nom de la mission commune d'information « centre de décision économique » et déposé le 22 juin 2007, p. 258.

* 102 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs.

* 103 Ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs.

* 104 Rapport sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques n° 370 (2014-2015) de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale du Sénat et déposé le 25 mars 2015, p. 387.

* 105 Ibid .

* 106 Article 45 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 107 Rapport d'information n° 347 (2006-2007) de M. Christian Gaudin, précité, p. 258.

* 108 Les Échos, « La place de Paris réfléchit à des actions à droits de vote multiple », 21 avril 2017.

* 109 Pour une description détaillée du « Big Bang » réglementaire de 1986, voir notamment : Iain Martin, Crash Bang Wallop , précité, 2017.

* 110 Charles Goodhart et Dirk Schoenmaker, « The United States dominate global investment banking : does it matter for Europe ? », Bruegel Policy Contribution , mars 2016.

* 111 Oliver Wyman, « Brexit Impact on the UK-based Financial Services Sector », octobre 2016.

* 112 En matière bancaire, la reconnaissance mutuelle des agréments a été introduite dès 1989 dans la deuxième directive bancaire. Actuellement, l'article 17 de la directive dite « CRD IV » dispose ainsi que « les États membres d'accueil n'exigent pas d'agrément ou de capital de dotation pour les succursales d'établissements de crédit agréés dans d'autres États membres ».

* 113 Chambre des Lords, « Brexit : financial services », 9th Report of Session 2016-2017, 15 décembre 2016, p. 11.

* 114 RTBF, « Brexit: le Royaume-Uni envisagerait de payer pour conserver un accès au marché unique », 1 er décembre 2016.

* 115 Voir notamment les propos tenus le 8 février 2017 par Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, et Mme Marie-Anne Barbat Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française, lors de l'audition relative à la compétitivité des places financières organisée par la commission des finances du Sénat.

* 116 Conseil d'analyse économique, « L'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises », Les notes du conseil d'analyse économique , n° 30, avril 2016, p. 2.

* 117 Oliver Wyman, « Brexit Impact on the UK-based Financial Services Sector », précité, 2016.

* 118 D'après les données du reporting public et les informations publiées par les établissements.

* 119 Bloomberg, « BNY Mellon Sees Tens Not Hundreds of Jobs Affected by Brexit », 5 mai 2017.

* 120 Réponse au questionnaire adressé à la direction générale du Trésor

* 121 Paris Europlace, « Brexit : Synthèse des travaux pour la filière Assurance et Réassurance », février 2017, p. 5.

* 122 Autorité des marchés financiers (AMF), « Quelle équivalence pour les infrastructures de post-marché », 2 mai 2017, p. 2.

* 123 Commission européenne, « EU equivalence decisions in financial services policy : an assessment », document de travail, 22 février 2017, p. 7.

* 124 Ibid ., p. 8.

* 125 Ibid ., p. 10.

* 126 Parlement européen, « Third -country equivalence in EU banking legislation », 7 mars 2017, p. 4.

* 127 Voir par exemple : L'Agefi Quotidien, « Bruxelles brandit l'arme de l'équivalence », 1 er mars 2017 ; L'Agefi Quotidien, « Le Parlement souligne les failles du régime d'équivalence », 17 janvier 2017.

* 128 Voir par exemple les propos tenus le 8 février 2017 par Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, lors de l'audition relative à la compétitivité des places financières organisée par la commission des finances du Sénat.

* 129 Voir par exemple : Jean-Christophe Catalon, « Brexit : la City demande cinq ans pour se retourner », La Tribune, 9 décembre 2016.

* 130 Voir notamment les propos tenus le 8 février 2017 par Mme Marie-Anne Barbat Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française, lors de l'audition relative à la compétitivité des places financières organisée par la commission des finances du Sénat.

* 131 Ben Wright, « Super equivalence needs new international regulator, says City », The Telegraph, 4 mars 2017.

* 132 Chambre des communes , Treasury Committee, « Oral evidence : Bank of England Financial Stability Reports, HC 549 » , 11 janvier 2017, pp. 8-9.

* 133 « Brexit no longer the biggest risk to UK's financial stability, says Carney » , Financial Times, 11 janvier 2017.

* 134 Paris Europlace, « Brexit : Synthèse des travaux pour la filière Assurance et Réassurance », février 2017, p. 3. Le potentiel de relocalisation porte essentiellement sur le segment de l'assurance des entreprises, hors activités dites « MAT » (maritime, aviation et transport).

* 135 Reuters, « Banquiers : Plutôt quitter Londres que de se convertir en filiale », 9 mai 2017.

* 136 Les Échos, « Des banques européennes menacent de quitter la City face à la pression du régulateur britannique », 10 mai 2017.

* 137 Financial Times, « European banks face €30bn-€40bn capital bill after Brexit », 15 juillet 2016.

* 138 Oliver Wyman, « Brexit Impact on the UK-based Financial Services Sector » , octobre 2016.

* 139 Benoît Coeuré, « Compensation centrale : en exploiter les avantages, en maîtriser les risques, Banque de France », Revue de la stabilité financière n° 21, avril 2017.

* 140 Ibid .

* 141 Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.

* 142 Voir « List of third-country central counterparties recognised to offer services and activities in the Union », Esma, 29 mai 2017.

* 143 « Revue d'Emir, quelles priorités pour l'AMF ? », AMF, 23 novembre 2016.

* 144 Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Banque centrale européenne (BCE), Tribunal (4 e chambre), 4 mars 2015.

* 145 « Responding to challenges for critical financial market infrastructures and further developing the Capital Markets Union », COM (2017) 225 final, Commission européenne, 4 mai 2017.

* 146 « Dissensions en Europe sur les chambres de compensation », Les Échos, 23 mai 2017.

* 147 Commission européenne, « EU equivalence decisions in financial services policy : an assessment », document de travail, 22 février 2017.

* 148 S'agissant du dispositif d'équivalence applicable aux infrastructures de post-marché, voir la position de l'AMF la revue du règlement Emir : AMF, « Quelle équivalence pour les infrastructures de post-marché », précité.

* 149 AMF, « Quelle équivalence pour les infrastructures de post-marché », précité, p. 10.

* 150 AMF, « Quelle équivalence pour les infrastructures de post-marché », précité, p. 15.

* 151 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 152 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

* 153 « Brexit and the asset management industry » , Karel Lannoo, ECMI Policy Brief n° 23, février 2017.

* 154 Les dix sociétés de gestion les plus importantes représentent 55 % du total d'actifs sous gestion au Royaume-Uni. En 2016, quelque 1 840 sociétés de gestion d'actifs étaient agréées par la FCA.

* 155 En vertu de l'article 29, paragraphe 1, du règlement du 24 novembre 2010 sur l'Esma, l'Autorité peut adopter des orientations visant à établir des pratiques de surveillance cohérentes et d'assurer une application commune, uniforme et cohérente de la législation européenne. Ces textes sont sans portée contraignante en droit, mais les autorités nationales doivent mettre « tout en oeuvre pour [les] respecter » et indiquer si elles entendent ou non les respecter.

* 156 « General principles to support supervisory convergence in the context of the UK withdrawing from the European Union », Esma, 31 mai 2017.

* 157 Le considérant 36 énumère les « activités et fonctions devant faire l'objet d'une surveillance spécifique » et ne pouvant être déléguées sans remettre en cause la supervision effective : fonctions de contrôle interne, évaluation du risque, conformité, fonctions clefs de responsabilité.

* 158 Article 44 du règlement n° 1093 du 24 novembre 2010.

* 159 Voir la consultation publique de la Commission européenne sur les opérations des autorités européennes de supervision, 21 mars 2017.

* 160 Consultation publique de la Commission européenne sur les opérations des autorités européennes de supervision, page 19, 21 mars 2017.

* 161 Consultation publique de la Commission européenne sur les opérations des autorités européennes de supervision, 21 mars 2017.

* 162 « Supervision, se remettre à l'ouvrage », L'Agefi Hebdo du 13 au 19 avril 2017, page 9.

* 163 Rapport du groupe de haut niveau sur la supervision financière dans l'Union européenne, 25 février 2009.

* 164 L'Esma reçoit ainsi une contribution des agences de notation soumises à la supervision directe de l'autorité.

* 165 « Supervision, se remettre à l'ouvrage », L'Agefi Hebdo du 13 au 19 avril 2017, page 10.

* 166 « Brussels sets rules for Brexit regulatory agencies fight » , Financial Times, 22 mai 2017.

* 167 Financial Times, 21 mars 2017.

* 168 « Choose Paris Region » - choisir la région parisienne.

* 169 « Brexit, an opportunity for the Paris financial centre » , Paris Europlace, novembre 2016.

* 170 « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », Inspection générale des finances, avril 2016.

* 171 « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », Inspection générale des finances, avril 2016.

* 172 Le 2WeekTicket de l'AMF ouvre ainsi, sur présentation d'un agrément octroyé par la Financial Conduct Authority (FCA), le droit à un « avis de pré-autorisation » dans un délai de deux semaines, permettant d'engager rapidement les démarches de domiciliation, dans l'attente de l'obtention définitive de l'agrément dans les deux mois.

* 173 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 174 Art. 155 B du code général des impôts (CGI).

* 175 Rapport précité, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », Inspection générale des finances, avril 2016.

* 176 Article 71 de la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 177 Pour les personnes dont la prise de fonction en France intervient à compter du 6 juillet 2016.

* 178 Article 11 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 179 Contre 33,1/3 % actuellement.

* 180 Articles 25 et 62 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

* 181 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 182 Article 61 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 183 D'après les données transmises par la direction de la législation fiscale.

* 184 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, p. 105.

* 185 Rapport d'information n° 8 (2001-2002) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 10 octobre 2001, p. 7.

* 186 Données fournies par la direction de la législation fiscale pour l'année 2015.

* 187 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, p. 117.

* 188 Copenhagen Economics, « Wage tax on a rapidly changing Swedish financial sector », 31 août 2016, p. 20.

* 189 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier », précité, p. 117.

* 190 Ibid ., p. 115.

* 191 Réponses au questionnaire adressé par votre rapporteur général.

* 192 Voir par exemple : « Banques : votre santé nous intéresse », rapport de la commission des finances du Sénat, n° 52 (1996-1997) ; « Assurons l'avenir de l'assurance », rapport du groupe de travail sur la situation et les perspectives du secteur des assurances en France, commission des finances du Sénat, n° 45 (1998-1999) ; « Mondialisation : réagir ou subir ? La France face à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises », rapport du Sénat n° 386 (2000-2001) ; « La taxe sur les salaires », rapport de la commission des finances du Sénat, n° 8 (2001-2002).

* 193 Ce droit de timbre ne concernait en pratique que les intermédiaires financiers établis en France, favorisant ainsi les délocalisations. Cf. rapport général n° 91 (2007-2008) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances et déposé le 22 novembre 2007, p. 61

* 194 Article 5 de la loi n° 2012-354 de finances rectificative pour 2012.

* 195 Gunther Capelle-Blancard et Olena Havrylchyk, « Taxer les transactions financières n'a aucun effet sur la volatilité des marché », La Lettre du CEPII, n° 331, 26 mars 2013 ; Leonardo Becchetti, Massimo Ferrari et Ugo Trenta, « The impact of the French Tobin tax », CEIS Tor Vergata, Research paper series, volume 11, issue 4, n° 266, march 2013 ; Commission européenne, « Did the new French tax on financial transactions influence trading volumes, price levels and / or volatility on the taxed market segment? - A trend analysis ». Jean-Édouard Colliard et Peter Hoffmann, « Taxe sur les transactions financières : Théories, expériences et implémentation », Institut Louis Bachelier, Opinions & Débats, n° 9, février 2015.

* 196 Le plafond de l'affectation à l'Agence française de développement est désormais fixé à 270 millions d'euros, l'affectation au Fonds de solidarité pour le développement étant quant à elle limitée à 528 millions d'euros.

* 197 Proposition de directive du Conseil du 28 septembre 2011 établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE.

* 198 La Belgique, l'Allemagne, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Autriche, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie.

* 199 Proposition de directive du Conseil du 14 février 2013 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières.

* 200 Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 24 novembre 2016, p. 78.

* 201 Inspection générale des finances, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », précité, page 23.

* 202 Ce gain correspond à la différence, au moment de la levée de l'option, entre la valeur réelle et le prix d'exercice des titres.

* 203 À titre de rappel, le gain d'acquisition était entièrement exonéré d'impôt sur le revenu avant 1990.

* 204 Inspection générale des finances, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », précité, page 23.

* 205 Inspection générale des finances, « Les quartiers généraux des grandes entreprises en France », octobre 2014 ; Conseil d'analyse économique, « L'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises », Les notes du Conseil d'analyse économique, n° 30, avril 2016 ; Inspection générale des finances, « Attractivité du territoire français pour les talents internationaux », avril 2016.

* 206 Ibid ., p. 29.

* 207 D'après les données transmises par l'Autorité des marchés financiers.

* 208 À ce titre, les bénéfices réalisés par un organisme de placement collectifs ne sont imposés qu'entre les mains des porteurs de parts ou d'actions, au moment de leur distribution. Les fonds commun de placement, qui ne possèdent pas la personnalité morale, échappent par nature à l'impôt sur les sociétés. Les SICAV sont quant à elles explicitement exonérées d'impôt sur les sociétés par le 1° bis A de l'article 208 du CGI s'agissant « des bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal ».

* 209 Rapport n° 370 (2014-2015) de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale et déposé le 25 mars 2015, p. 390.

* 210 « La société de libre partenariat : analyse d'un traitement paradoxal » in Revue de droit fiscal n° 47, octobre 2016.

* 211 Loi du 13 novembre 1933.

* 212 Assemblée nationale, compte rendu de la deuxième séance du 8 juin 1965, p. 1885.

* 213 Loi du 13 novembre 1933.

* 214 En application de l'article L. 227-1 du code du commerce, les actions à droit de vote multiple restent néanmoins admises pour les sociétés par actions simplifiées mais ces dernières ne peuvent procéder à une offre au public de titres financiers ou à l'admission aux négociations sur un marché réglementé de leurs actions.

* 215 Par la suite, les droits de vote double ont été « généralisés » par l'article 7 de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle.

* 216 Institut européen de la gouvernance d'entreprise, Institutional Shareholder Service Europe et Sherman & Sterling LLP, « Report on the Proportionality Principle in the European Union », 2007, p. 15.

* 217 Les Échos, « La place de Paris réfléchit à des actions à droits de vote multiple », 21 avril 2017.

* 218 Institut européen de la gouvernance d'entreprise, Institutional Shareholder Service Europe et Sherman & Sterling LLP, « Report on the Proportionality Principle in the European Union », précité, p. 19.

* 219 Voir par exemple : Eva Gyori-Toursel, « Assurance-vie en unités de compte : les incohérences du droit français » in Revue générale du droit des assurances, 1 er septembre 2016, n° 08-09, page 388.

* 220 Mme Sandrine Lemery, secrétaire générale adjointe de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, avait tenu les propos suivants le 6 mai 2015 devant la commission des finances du Sénat : « Notre interprétation, qui doit être confirmée par la Cour de cassation, est que l'apport de titres n'est pas possible en droit français. Nous en tirons donc, dans les contrôles qui relèvent de notre juridiction, les conséquences prudentielles en matière fiscale ou en termes de sommes dues aux entreprises. »

* 221 Cour de cassation, deuxième chambre civile, arrêt n° 780 du 19 mai 2016.

* 222 « Les enjeux de l'assurance vie sont considérables » in L'Agefi actifs, n° 662, p. 11.

* 223 L'Agefi actifs, « La combinaison Soparfi / Assurance vie luxembourgeoise en pratique » (encadré), numéro 684, 23 septembre 2016, p. 14.

* 224 Propos tenus le 6 mai 2015 par Mme Sandrine Lemery, secrétaire générale adjointe de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, devant la commission des finances du Sénat.

* 225 Conformément à l'article 10-2 de la directive 2002/83/CE du 8 novembre 2002.

* 226 Sur le fondement de l'article L.131-1 du code des assurances.

* 227 Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 juin 2016 n° 15/00317, M. X c/ SA G. Vie et a.

* 228 Nicolas Ducros, « L'avenir des produits structurés dans les contrats d'assurance vie en suspens ? », L'Agefi actifs, 13 octobre 2016.

* 229 À titre d'illustration, les dispositions présentant un caractère d'ordre public sont expressément désignées dans le code de la consommation (voir l'article L. 212-3 pour un exemple).

* 230 « Quelle réglementation pour les fintech ? », in Revue banque , n° 799, dossier spécial Fintech, septembre 2016.

* 231 Selon une étude réalisée par le cabinet KPMG sur le financement des FinTech dans le monde en 2016, sur les trente levées de fonds les plus importantes du secteur en 2016, seulement trois ont eu lieu eu Europe, toutes effectuées à Londres.

* 232 Par exemple, le financement participatif est régi par les dispositions de l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

* 233 « Nous nous sommes aperçus que les FinTech avaient des besoins spécifiques », in Revue-Banque.fr n° 799, dossier spécial FinTech, septembre 2016.

* 234 Cf. section 148 du Financial Services and Markets Act , 14 juin 2000.

* 235 À ce stade, aucun résultat n'a été publié par la FCA.

* 236 Mentionnons la conclusion en mai 2016 d'un guichet unique entre le Royaume-Uni et Singapour, appelé « FinTech bridge », visant à faciliter l'accès au marché asiatique pour les fintech de Londres et à attirer à Londres les innovations et investissements asiatiques.

* 237 « FinTech : a more competitive and innovative European financial sector ». Cf. https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2017-fintech-consultation-document_en_0.pdf

* 238 « Response to feedback received » , Monetary Authority of Singapore, page 42, novembre 2016.

* 239 http://www.amf-france.org/L-AMF-recrute/Nos-offres/Le-processus-de-recrutement?

* 240 Articles L. 1233-1 et suivants du code du travail.

* 241 Dans la mesure où l'indemnité conciliatrice et l'indemnité contentieuse ne visent pas la réparation du même préjudice, un tel renoncement ne peut constitutionnellement pas trouver à s'appliquer en France.

* 242 Article 21 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 243 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 244 Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, cons. 148 à 153.

* 245 Art. L. 1233-61 du code du travail.

* 246 Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs.

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