C. UN QUOTIDIEN ET UNE VIE FAMILIALE DIFFICILES

La vie de policier et de gendarme concentre un ensemble de difficultés liées à la nature même du métier. L'amélioration de cette situation passe par des réformes, comme celle des cycles de travail, qui sont toutefois potentiellement coûteuses. Par ailleurs, l'arrivée des policiers en Île-de-France à la sortie de l'école concentre de nombreux problèmes qui appellent une réponse urgente.

1. Des rythmes de travail pénibles et déstructurants pour les familles
a) Des rythmes contraignants pour les policiers

Les rythmes de travail des agents des forces nationales de sécurité intérieure sont particulièrement contraignants. Ils exigent notamment une disponibilité des effectifs la nuit et le week-end. En ce qui concerne la police, comme l'a relevé un membre de l'UNSA-FASMI « aujourd'hui, au service général, le rythme de travail ne permet pas à un policier de voir souvent sa famille. [...] A un moment donné, un chef de service est confronté à une difficulté opérationnelle : il doit disposer d'effectifs présents le samedi et dimanche, à Noël, pendant les vacances scolaires. Avec les cycles de travail actuels, un policier passe un week-end sur quatre ou sur cinq en famille ». La chef du SSPO a également rappelé que le rythme de travail décalé constitue un important facteur de risques psychosociaux venant s'ajouter aux autres spécificités du métier de policier et de gendarme.

En 2014, la police nationale a engagé une réforme des cycles de travail . L'objectif était de répondre aux attentes des personnels afin de concilier la vie personnelle et la vie professionnelle des agents et assurer la prévention des risques psychosociaux, tout en garantissant la capacité opérationnelle des services.

La rénovation des régimes et le suivi des nouveaux cycles de travail ont fait l'objet, pendant 12 mois, d'une expérimentation auprès de différents services et directions de la police nationale avant d'être intégrés dans les instructions générales de l'organisation du travail (IGOT) modifiées des 19 septembre 2016 et 4 mai 2017.

En pratique, deux principaux cycles de travail 11 ( * ) , élaborés sur une base de 1 607 heures par an , peuvent désormais être adoptés :

- le « 4/2 compressé » ;

- la « vacation forte ».

Comparaison des cycles de travail

Cycle « 4/2 »

Cycle
« 4/2 compressé »

Cycle
« vacation forte »

Architecture
du cycle

2 après-midi

2 matins

2 repos

3 matins - 2 repos

3 après-midi -
2 repos

4 matins - 1 repos

4 après-midi -
2 repos

2 après-midi -
2 repos

3 matins - 2 repos

3 après-midi -
2 repos

2 matins - 2 repos

3 après-midi -
2 repos

3 matins - 2 repos

Durée de chaque vacation

8 h 10

8 h 21

9 h 31

Congés annuels

23

23

20

Jours attribués
au titre de la réduction du temps de travail

5

6,5

0

Confort de vie

1 week-end sur 6

1 week-end sur 3

1 week-end sur 2

Source : commission des finances du Sénat

La majorité des nouveaux cycles de travail n'ont pas vraiment de conséquences sur la capacité opérationnelle des services où ils ont été mis en application.

La vacation forte a toutefois la préférence de la majorité des gradés et gardiens , dans la mesure où elle offre la possibilité de ne travailler qu'un week-end sur deux. S a mise en oeuvre est en revanche très coûteuse en effectifs puisqu'il nécessite la création d'une quatrième brigade de jour ; soit un renfort en effectifs compris entre 16 et 33 % pour être mis en oeuvre.

La DGPN n'a pas été en mesure de fournir à la commission d'enquête de données sur la répartition des effectifs de la police nationale par cycle de travail, les dernières informations disponibles concernant la situation au 31 décembre 2015. Il ressort que le 4/2 restait alors très majoritairement privilégié par les directions recourant aux régimes cycliques, puisque 3 agents sur 4, en moyenne, travaillaient selon cette organisation. Par ailleurs, la réforme ne concerne pas, pour l'heure, l'ensemble de la police nationale, puisque certaines directions, notamment celles de la préfecture de police, ont conservé les cycles existants ; d'autres se sont mises en conformité sans que cette réforme n'aie d'effet sur leur capacité opérationnelle. En revanche, les services concernés par la mise en place du cycle de travail dit « vacation forte », notamment la DCSP et la DCPAF, ont nécessité une augmentation d'effectifs .

Pour des raisons techniques, il paraît prématuré d'analyser objectivement les besoins en effectifs nécessaires pour la mise en application de cette réforme. Le DGPN a confié à l'inspection générale de la police nationale (IGPN) une mission d'évaluation de la réforme des cycles horaires de travail dont les résultats sont attendus pour le 15 mars 2019. En attendant, un moratoire a été décidé sur la mise en place de la vacation forte.

Lors de son audition, le DGPN a toutefois indiqué que quelques 15 % des effectifs fonctionnaient aujourd'hui selon ce cycle de la vacation forte, ce qui a nécessité l'ajout de 500 ETP. Il faudrait donc un total de 3 000 ou 4 000 ETP - soit plus de la moitié des 7 500 postes attendus sur le quinquennat -, pour compenser les effets d'une telle réforme sur les capacités opérationnelles.

L'avenir des cycles de travail au sein de la police nationale apparaît donc, à l'heure actuelle, particulièrement incertain . Leur réforme, pourtant nécessaire pour permettre une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, pourrait être coûteuse et entraîner une perte opérationnelle à moyens constants .

b) Des forces armées sur lesquelles repose une partie du fardeau de l'alourdissement des missions lié au terrorisme

L'opération Sentinelle a été déclenchée en 2015 après l'attentat de Charlie hebdo, les effectifs variant ensuite entre 7 000 et 10 000 hommes. Il ne s'agit pas de la seule opération des armées sur le territoire national : dans les milieux maritime et aérien, les armées sont investies de missions permanentes de protection du territoire, pour lesquelles elles agissent en « primo-intervenantes » ; dans le milieu terrestre, elles ont pour mission d'intervenir en renfort des forces de sécurité intérieure en situation de crise. En outre, depuis la création du plan Vigipirate en 1991, la contribution des armées à ce plan s'établissait en moyenne à 1 000 hommes environ.

L'opération Sentinelle a rapidement été marquée par une certaine lassitude liée à une réduction du nombre des permissions . En outre, les créneaux de permissions ont été souvent imposés aux militaires et ne coïncidaient pas nécessairement avec les périodes pendant lesquelles les conjoints et les enfants étaient en congés. Comme l'a souligné le 10 ème rapport annuel du Haut comité pour l'évaluation de la condition militaire (HCECM), cette augmentation du nombre de jours passés hors des quartiers, et par conséquent loin des familles, a eu pour conséquence une certaine accumulation de fatigue, tant physique que morale. Le rapport indique également que « sans pouvoir aussi fréquemment que dans le cas des opérations extérieures s'organiser longtemps à l'avance, le conjoint du militaire déployé dans l'opération Sentinelle doit, en plus de ses propres obligations professionnelles, assurer seul plus longtemps l'éducation des enfants et faire face aux difficultés matérielles et administratives de la vie quotidienne » . Il relève que « certains conjoints ont, selon les témoignages de militaires, atteint les limites de ce qu'ils pouvaient supporter et plusieurs cas de burn-out ont été rapportés ». Par ailleurs, les infrastructures d'accueil des militaires étaient parfois dans un état assez dégradé. En outre, les militaires exerçant leurs missions à Paris résidaient la plupart du temps en banlieue, avec des temps de transport allongés.

Toutefois, Selon le général Bosser, chef d'État-major de l'armée de terre, entendu en octobre 2017 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, la condition des militaires de l'opération Sentinelle a connu une amélioration progressive au fil du temps , en même temps que les missions évoluaient vers une posture moins statique.

Interrogé à ce sujet par votre commission d'enquête, le général Buckhardt, chef du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), a estimé pour sa part qu'il n'y avait ni plus ni moins de risques psychosociaux pour les soldats engagés sur le territoire national que pour ceux engagés en OPEX. Il a également souligné le caractère protecteur du groupe. Selon le général, une situation satisfaisante aurait été atteinte sur le plan des infrastructures et du matériel : 30 millions d'euros ont en effet été dégagés pour créer ou transformer des zones d'hébergement. Aujourd'hui, 90 % des structures sont des structures du ministère des armées et 10 % des hôtels. 700 véhicules de patrouille ont été achetés par le ministère des armées.

Les soldats de l'opération Sentinelle sont également éligibles à certaines primes, qui peuvent paraître importantes mais qui doivent être relativisées, comme le souligne un rapport d'information de l'Assemblée nationale (cf. l'encadré ci-après).

Les rapporteurs ont également pu faire le point, avec les militaires, sur les autres aspects de leur condition lorsqu'ils sont engagés à Paris. La condition du personnel a fait l'objet de grandes attentions du ministère, que le chef de groupement juge « remarquables ». Ainsi, les hommes perçoivent des tickets de cinéma, un « pass navigo », et des entrées à l'Aquaboulevard. Beaucoup s'intéressant au salon de l'agriculture, le chef de groupement leur a trouvé des entrées gratuites. En outre, si le lavage de linge coûtait d'abord cinq euros aux soldats, et le wifi 20 euros, ces services sont désormais gratuits. Enfin, une « carte sentinelle » ouvre droit à des réductions dans divers magasins.

En matière de condition du personnel, la question soulevée avec le plus d'énergie devant les rapporteurs est celle des primes. En effet, celles-ci sont soumises à l'impôt sur le revenu, que ce soit l'AOPER, dont le montant n'est pas très élevé (cinq euros par jour), ou pour l'ISC, dont le montant varie suivant le grade et la situation familiale : « pour un caporal marié, cela représente 50 euros par jour au moins ». Pour une année, 160 jours d'ISC représentent 8 000 ou 9 000 euros, soit une augmentation de 50 ou 60 % de la rémunération d'un soldat.

Selon les explications des officiers, « les jeunes soldats perçoivent des sommes considérables au regard de leur train de vie habituel, et n'ont pas tous l'habitude d'épargner en vue des impôts supplémentaires à payer l'année suivante, ou d'anticiper un saut de tranche fiscale ». Le commandement a mis en avant des « effets de second tour » pour montrer que l'avantage financier procuré par ces primes est en réalité très limité au regard des sujétions qu'elles sont censées compenser : la disponibilité du mari étant plus faible, les conjoints ont recours davantage aux gardes d'enfants. Parallèlement, ils sont touchés par les effets de seuil : tarifs de crèche, allocations diverses dont les aides au logement, etc . Aussi, deux populations sont « très fragiles » : les caporaux chefs avec enfants, et les sergents-chefs avec enfants. Selon les officiers, « dans un scénario négatif, pour ces cadres de contact, on peut évaluer le gain financier réel final à 500 euros sur les 8 000 ou 9 000 euros apparents, ce qui est peu pour justifier 160 jours d'absence par an ».

Extrait du rapport d'information fait au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale sur la présence et l'emploi des forces armées sur le territoire national de MM. Olivier Audibert Troin et Christophe Léonard 12 ( * )

Enfin, la coordination avec les autres forces de sécurité intérieure a nettement progressé depuis le début de la mission , avec une meilleure réactivité sur les incidents.

L'engagement des forces sur le territoire national dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est appelé à durer. Ainsi que l'indique le rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025 : « Ainsi, la posture de protection terrestre est pérennisée dans sa nouvelle forme (jusqu'à 10 000 militaires en trois échelons et pendant un mois), organisant ainsi les conditions d'une contribution durable des armées à la défense et à la sécurité de notre territoire, face à la menace terroriste d'inspiration djihadiste . » Dès lors, il convient de continuer, d'une part, à adapter continuellement la mission aux nouvelles modalités de la menace, afin de préserver le sens de cette mission, d'autre part, à assurer un confort de vie suffisant pour les militaires afin de maintenir leur motivation .

2. Un début de carrière des policiers sur la « plaque parisienne » particulièrement problématique
a) Des difficultés administratives et de logement persistantes

Le cas des policiers affectés en Île-de-France à la sortie des différentes écoles de police est symptomatique des difficultés rencontrées par les policiers au début de leur carrière. Ces derniers subissent la conjonction de difficultés matérielles et d'une affectation géographique en grande partie subie.

Tout d'abord, lors de la prise de poste en région parisienne, le montant des traitements n'est pas actualisé en temps et en heure, mais est régularisé 2 à 3 mois plus tard 13 ( * ) . Les gardiens de la paix stagiaires ne bénéficient alors que de leur salaire d'élève, ce qui engendre des difficultés de trésorerie au moment même où ils en ont le plus besoin pour assurer leur installation. Les bulletins de paye, nécessaires à l'établissement d'un dossier de demande de logement en agence immobilière, sont quant à eux envoyés avec un retard de 2 à 3 mois, ce qui les empêche de constituer des dossiers crédibles pour les agences immobilières. Notons que des retards similaires ont par ailleurs été signalés en matière de remboursement des soins médicaux aux policiers. De nombreuses pharmacies parisiennes leur refusent, de ce fait, la vente de médicaments en recourant au tiers-payant.

Afin d'aider les agents en poste en Île-de-France, le bureau du logement de la préfecture de police de Paris a pour mission d'attribuer des logements conventionnés appartenant à des bailleurs privés.

Le ministère de l'intérieur a en effet développé une offre de logements locatifs sociaux principalement en Île-de-France 14 ( * ) . Ainsi que l'a indiqué le secrétaire général de la préfecture de police de Paris lors de son audition, ce dispositif comprend aujourd'hui 13 300 logements, et se matérialise par l'existence d'un droit de présentation prioritaire au bénéfice des fonctionnaires, le bail étant ensuite conclu entre le fonctionnaire et le bailleur privé. Ce dispositif comprenait, au début 2018, 1 700 demandes en stock, dont seules 600 avaient plus de 6 mois. L'intégralité de ces 600 demandeurs a, en outre, reçu une proposition de visite. Si ces chiffres semblent satisfaisants, le fait que seuls 400 policiers aient fait appel à ce service en 2017, sur 3 200 arrivées, traduit une certaine désaffection de la part des bénéficiaires potentiels .

La commission a en réalité pu constater que ce service, pourtant fondamental car conditionnant la bonne installation des jeunes policiers, ne parvient pas à remplir sa mission de manière satisfaisante. À titre d'exemple, des policiers entendus par la commission d'enquête ont indiqué que le bureau du logement exigeait que les conjointes de policiers disposent d'une fiche de salaire parisienne avant de pouvoir examiner une demande de logement pour deux personnes, contraignant parfois les femmes de policiers établies en province à louer en leur nom un logement à Paris au moment de l'installation. Les logements proposés, parfois insalubres ou particulièrement exigus (par exemple moins de 10m 2 ), sont dans de nombreux cas en inadéquation avec les demandes des policiers. Les logements sont parfois proposés dans les secteurs d'intervention des policiers, ce que certains refusent en raison des risques que cela implique.

Noémie Angel a par ailleurs indiqué en audition que la DRCPN s'interrogeait « sur le turn-over de ces logements sociaux. Le bailleur est censé informer [la préfecture de Police] si un changement de situation familiale est de nature à modifier l'affectation du logement. Nous réfléchissons aux moyens de durcir le dispositif . » De tels ajustements pourraient constituer des pistes permettant d'augmenter l'offre de logements aux jeunes policiers en Île-de-France.

L'existence d'un service d'aide au logement est mise en avant lors des formations afin d'attirer les recrues à Paris et constitue parfois un élément déterminant dans la prise de décision des jeunes policiers. Son dysfonctionnement en apparaît donc d'autant plus dommageable.

Faute d'une aide suffisante apportée par la préfecture de police, les policiers sont contraints de recourir à des stratégies personnelles alternatives, reposant sur la « débrouille » et le « système D ». Le recours à l'aide de membres de la famille ou de proches habitant à Paris, parfois à de longues distances des secteurs d'affectation, constitue alors souvent une solution transitoire. Sans pouvoir s'appuyer sur des études statistiques, la commission d'enquête a pu constater que les cas de policiers récemment affectés à Paris contraints de se mettre en colocation à plus de 5 dans 20 m 2 , en alternant les présences entre ceux travaillant de nuit et de jour, voire à dormir dans leurs voitures, n'étaient pas exceptionnels. Nombre d'entre eux restent éloignés de leurs conjoints, et sont contraints de multiplier les déplacements coûteux entre Paris et la province pour voir leurs familles.

À cet égard, le préfet de police de Paris a lui-même déploré l'existence de ce « rythme de vie particulier », lié à l'absence de souhait de la part des policiers de s'implanter durablement à Paris .

b) En Île-de-France, des dispositifs de fidélisation insuffisants

De fait, la part des lauréats des concours de police originaires d'Île-de-France est inférieure au nombre de postes existant dans cette région en sortie d'écoles. La plupart ne voient donc l'étape parisienne que comme une transition vers un retour en province, en général dans leur département d'origine.

Pour le directeur général de la police nationale, « il y a là un vrai problème ; les demandes de mutation pour le Sud-Ouest ou la Bretagne affluent, personne ne demande sa mutation pour l'Île-de-France. Du coup, pour répondre aux besoins, nous y envoyons les policiers en sortie d'école. Nous avons [donc] instauré des mécanismes de fidélisation ».

Pour pallier cette difficulté structurelle, la police nationale a mis en place un concours national de gardien de la paix à affectation régionale en Île-de-France 15 ( * ) , qui comporte une obligation statutaire, pour le lauréat, d'effectuer ses huit premières années de service dans cette région. Les policiers du concours sans affectation régionale prédéterminée affectés à Paris, ce qui est le cas de 70 % d'entre eux, sont quant à eux soumis à une obligation de rester cinq ans dans la région. Ces délais constituent toutefois des minimums statutaires. Un policier, membre de l'UNSA-FASMI a ainsi indiqué qu'en pratique, « la mutation ne se [faisait] souvent que deux à trois ans après. Finalement, c'est ainsi une contrainte d'une douzaine d'années qui pèse à la sortie d'école sur la plaque parisienne ».

Divers dispositifs financiers et d'avancement spécifiques sont en outre prévus, visant à fidéliser les agents sur la plaque parisienne.

Les dispositifs de fidélisation des policiers en Île-de-France

L'indemnité de fidélisation est attribuée aux agents affectés dans un secteur classé difficile (ressort territorial des circonscriptions d'Île-de-France et de 15 circonscriptions de province). Pour les membres du corps d'encadrement et d'application, cette indemnité s'élève progressivement jusqu'à 1 805 euros au terme de 10 années d'affectation en secteur difficile . Ce montant est majoré annuellement depuis le 1 er janvier 2017. En 2016, cette prime a été étendue aux circonscriptions de sécurité publique (CSP) de Calais et Dunkerque, et a été majorée pour les bénéficiaires de l'indemnité de fidélisation affectés en Île-de-France ne percevant pas l'ASA ( cf. infra ).

Créée en 2001, l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques est versée aux fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application notamment affectés en Île-de-France. Son montant annuel est fixé à 1 740 €. L'indemnité pour exercice sur poste difficile bénéficie aux fonctionnaires (hors corps d'encadrement et d'application) affectés à Paris et en Petite Couronne, dans les départements de la région Corse (hors CRS) et aux fonctionnaires de la DCPAF (aéroports d'Orly et de Roissy). En fonction des grades et des échelons des bénéficiaires, son montant annuel est fixé à 364,15 euros ou 169,37 euros.

L'indemnité pour sujétions exceptionnelles (décret 2005-1645 du 26 décembre 2005 et arrêté du 26 décembre 2005) est versée aux officiers et commissaires d'Île-de-France. Son montant annuel est fixé à 1 029 euros.

L'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) est une bonification d'ancienneté accordée à certains agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, permettant d'obtenir 3 mois de réduction d'ancienneté à l'issue des 3 premières années d'affectation continue dans un tel quartier, puis 2 mois de réduction d'ancienneté pour chaque année supplémentaire. Elle constitue également une priorité légale lors des demandes de mutation. D'abord réservé aux seuls fonctionnaires de police affectés dans les ressorts territoriaux des SGAP de Paris et de Versailles, ce dispositif est en vigueur depuis 2015 dans 161 circonscriptions de police réparties sur tout le territoire national.

Source : DGPN

Ces dispositifs ne sont toutefois pas tous spécifiques à la région Île-de-France (cf. encadré), tandis que d'autres ne sont pas applicables à tous les services, à l'instar de l'ASA 16 ( * ) . Le montant de ces indemnités apparaît par ailleurs particulièrement faible au regard du coût de la vie et des difficultés particulières qu'implique la vie en Île-de-France. Le montant maximal de l'indemnité de fidélisation, qui représentait une dépense annuelle de 65 millions d'euros en 2017, ne s'élève ainsi qu'à 1 805 euros annuels au terme de dix années passées dans la région. Une fois la période de cinq ou huit ans écoulée, les demandes de départs sont donc généralement immédiates, témoignant de l'insuffisance de ces dispositifs.

La commission d'enquête considère que les difficultés des policiers sur la « plaque parisienne » sont regrettables, car elles concernent des jeunes recrues vulnérables. Elle suggère, en conséquence :

- d'apporter une réponse rapide aux diverses défaillances administratives constatées (délais trop longs dans l'actualisation des traitements, dans l'envoi des bulletins de paie ou dans le remboursement des actes médicaux et des médicaments) et d'assurer une meilleure conformité de l'offre de logements aux demandes, principalement des policiers sortis d'école ;

- de revaloriser les mécanismes financiers de fidélisation des agents en Île-de-France, en prévoyant notamment des dispositifs attractifs pour attirer les policiers ayant déjà accompli plusieurs années en province. Une meilleure différenciation des circonscriptions de sécurité publique au sein de l'Île-de-France pourrait en outre être effectuée pour valoriser les affectations au sein des CSP les plus difficiles 17 ( * ) .

Sur un plan plus structurel, il apparaît inévitable d'assurer une meilleure adéquation des aspirations des lauréats avec les postes disponibles en sortie d'école. À cet égard, le DGPN a indiqué à la commission d'enquête regretter l'absence « de vrai concours interne, ouvert aux trois fonctions publiques. Si nous en ouvrions un, ouvert à tous les fonctionnaires de catégorie C ayant une ancienneté suffisante, nous attirerions, pour servir en Île-de-France, davantage de franciliens . » Une telle évolution apparaîtrait particulièrement bienvenue.

Proposition n° 7 : Apporter une réponse rapide aux diverses défaillances administratives constatées lors de l'arrivée des jeunes agents de la police nationale à Paris et assurer une meilleure conformité de l'offre de logements aux demandes, principalement des policiers sortis d'école, notamment en assurant un meilleur turn-over du parc de logements ou en appliquant les nouvelles règles relatives à la relocalisation des logements de ce parc.

Proposition n° 8 : Revaloriser les mécanismes financiers de fidélisation des agents en Île-de-France, en prévoyant notamment des dispositifs attractifs pour les policiers ayant déjà accompli plusieurs années en province.

Proposition n° 9 : À plus long terme, assurer une meilleure adéquation des aspirations des lauréats avec les postes disponibles en sortie d'école.

3. Une vie en caserne contraignante, rendue particulièrement pénible par la vétusté du parc immobilier domanial de la gendarmerie nationale

À l'inverse du personnel de la police nationale, les gendarmes sont généralement logés au sein même des casernes 18 ( * ) . Il est important de rappeler que, loin de représenter un simple avantage en nature 19 ( * ) , la concession de logement par nécessité absolue de service, qui se traduit par l'obligation faite aux gendarmes de vivre en caserne avec leur famille sur leur lieu de travail, constitue un élément essentiel du fonctionnement de la gendarmerie.

Avec le régime spécifique de disponibilité qui découle du statut militaire, elle permet, en effet, à la gendarmerie d'assurer, avec des unités à faibles effectifs disséminées sur l'ensemble du territoire, un service de proximité, en mesure de monter très rapidement en puissance lorsque les circonstances l'exigent. Comme l'a indiqué un membre du CFMG à la commission d'enquête, « le logement est l'essence même de la vie du gendarme, qui y réside avec sa famille ». Toutefois, « la vie en caserne peut engendrer du stress si les logements ne sont pas en bon état ». La commission d'enquête a pu, lors de ses différents déplacements, et notamment sur le site de Satory, constater la vétusté inacceptable de certains logements (présence d'amiante, absence d'isolation) et les éventuels problèmes de sécurité posés par le casernement (absence de contrôle des accès, faisant de ces lieux des cibles potentielles privilégiées). Ainsi que l'a reconnu le général de corps d'armée Hervé Renaud, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, « si la caserne est un taudis, le statut nous permet certes d'y envoyer nos hommes, mais ces derniers en partent dès qu'ils le peuvent ; c'est donc du perdant-perdant ».

À cet effet, le plan d'urgence immobilier voit le montant de son annuité porté à 100 millions d'euros d'AE en 2018 20 ( * ) , ce qui devrait permettre d'enrayer partiellement la dégradation du parc et répondre aux normes réglementaires et de confort. Le nombre de logements rénovés constitue toutefois, pour l'heure, une minorité du parc.

Nombre de logements de gendarmerie rénovés

Année

Logements traités

2015

3 400

2016

5 000

2017

4 000

2018 (prévision)

5 900

Source : commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure (d'après l'audition de M. Richard Lizurey et les réponses aux questionnaires)

Plus largement, un membre d'une association professionnelle nationale de militaires (APNM) auditionné a indiqué à la commission que « les mentalités à ce sujet change[aient]. Il y a évidemment de plus en plus de militaires qui commencent à se poser la question de la pertinence de ce logement. Je suis même étonné du fait que cette question se pose de plus en plus vite dans la carrière. Il est clair que le logement de fonction peut être un avantage, même si cela dépend de l'endroit et des casernes, car il y a encore de gros problèmes, comme à Satory. » Ce changement de mentalité ne doit toutefois pas masquer le consensus existant au sujet de la pertinence du logement en caserne, approuvé tant par les gendarmes que par leur hiérarchie. Les pistes d'amélioration dépassent pourtant les seules questions de rénovation, bien qu'elles soient cruciales. Des réflexions sur le lien entre l'habitat et le lieu de travail pourraient à ce titre être menées à terme . « On peut très bien imaginer des casernes comportant des lieux de vie et de travail distincts. Il y a donc plusieurs pistes qui pourraient être envisagées » a ainsi estimé un représentant des APNM devant la commission d'enquête.


* 11 Le régime hebdomadaire avec des horaires variables, le régime cyclique binaire en vacations de 12 h 08, le cycle « 4/2 panaché » en vacations de 8h21 constituent les trois autres organisations possibles.

* 12 http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3864.asp

* 13 Le traitement perçu pendant ces deux à trois mois est donc le même qu'en école, soit 1 340 euros nets par mois.

* 14 En 2017, l'enveloppe dédiée à la réservation de logements au niveau national était de 15,36 millions d'euros en AE et 11,26 millions d'euros en CP. D'autres dispositifs, comme le cautionnement du paiement des loyers, assuré par les fondations Jean Moulin ou Louis Lépine, ou encore le prêt à « taux zéro » du ministère de l'intérieur existent également.

* 15 Article 1 er de l'arrêté du 13 janvier 2014 fixant les règles d'organisation générale, la nature et le programme des concours d'accès au grade de gardiens de la paix de la police nationale.

* 16 Les compagnies d'intervention, les compagnies de sécurisation, les brigades anticriminalité, les CRS, la sûreté départementale, et les agents de la DCPJ ne sont ainsi pas éligibles à ce dispositif.

* 17 À titre d'exemple, l'indemnité de fidélisation concerne l'ensemble de l'Île-de-France, où elle est versée sans distinction entre les circonscriptions. Il n'y a ainsi pas de différence entre les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis, par exemple.

* 18 Lorsqu'il n'existe pas de logement en caserne vacant et/ou correspondant aux charges de famille du militaire, la gendarmerie recourt à des prises à bail dans le secteur privé.

* 19 Compte tenu des servitudes que comporte pour les gendarmes le logement en caserne et du fait qu'une retenue sur solde a été opérée (ICM au taux logé) le logement ne peut être regardé comme constituant un avantage en nature (décision du Conseil d'État n° 74786 du 11 décembre 1968).

* 20 À ce montant s'ajoutent 5 millions d'euros dédiés à la sécurisation des casernes.

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