III. UN ACCÈS AUX SERVICES BANCAIRES DONT LE RATIONNEMENT APPELLE UNE RÉACTION

Le financement de la vie politique, qu'il s'agisse des candidats aux élections ou des formations politiques, repose largement sur le recours à l'emprunt mais passe également par l'accès aux services bancaires.

L'accessibilité des services bancaires (mais d'autres types de services pourraient être envisagés) n'est pas assurée de manière satisfaisante. Les dysfonctionnements constatés sont d'une grande gravité puisqu'aussi bien l'absence de disposition d'un compte bancaire et des services de compte peut tout simplement empêcher le débat démocratique, le rôle de la CNCCFP incluant la vérification du respect des obligations bancaires prescrites aux candidats et aux formations politiques.

Il convient donc de réagir au plus vite.

Quant au recours à l'emprunt, si la question des « défaillances de marché » peut à bon droit être débattue, votre rapporteur spécial incline à considérer qu'à supposer qu'un diagnostic définitif établissant l'absence de défaillance de marché puisse être posé, il resterait difficile de s'en tenir à ce dernier sans plus d'avancées.

A. LA BANCARISATION DES ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE N'EST PAS CONVENABLEMENT ASSURÉE

La loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 a consacré le droit à l'ouverture d'un compte bancaire au profit d'un mandataire financier agissant dans le cadre des activités politiques. Un décret n o 2011-1854 du 9 décembre 2011 est venu préciser les modalités de mise en oeuvre du « droit au compte ».

Un établissement bancaire qui refuse à un mandataire financier l'ouverture d'un compte de dépôt doit remettre à ce dernier une attestation de refus. L'établissement est également tenu de l'informer de la possibilité d'exercer un droit au compte auprès de la Banque de France et des modalités d'exercice de ce droit.

Les dispositions adoptées étaient destinées à apporter une réponse aux observations émises par la CNCCFP, à partir de 2007, sur les difficultés rencontrées par les mandataires financiers pour ouvrir un compte bancaire.

La commission avait souligné que ces difficultés étaient de nature à causer de graves préjudices aux candidats aux élections et in fine au fonctionnement même de la vie démocratique.

L'ouverture d'un compte bancaire particulier est notamment une condition de l'approbation du compte de campagne du candidat, et, par conséquent, de son accès au financement public.

Le dispositif adopté répond ainsi à une difficulté plus que sérieuse du point de vue des principes et qui représente un obstacle pratique vivement ressenti par de nombreux acteurs de la vie politique.

Il n'a pas abouti à une parfaite résolution du problème. Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques dans son premier rapport remis le 30 septembre 2019 et qui portait sur le scrutin européen a pu qualifier son bilan « d'à peine acceptable » .

Sans doute en lien avec le renforcement des règles appliquées aux personnes politiquement exposées afin de prévenir le blanchiment, les banques semblent de plus en plus réticentes à accéder aux demandes de services qui leur sont adressées par les personnes physiques ou morales participant à la vie politique.

Des demandes de renseignement à rallonge paraissent leur être imposées, qui peuvent être incompatibles avec la nécessité de disposer d'un compte bancaire de campagne en bon temps pour participer utilement à la campagne et accéder au financement public.

Le médiateur mentionne des délais d'ouverture de compte considérables et évoque en outre un problème de mise en fonctionnement réel du compte.

Il cite le cas, « concernant un parti pourtant bien installé » , pour lequel « l'ouverture du compte est intervenue au lendemain de l'élection, obligeant le parti à assurer le règlement de tous les fournisseurs » et ajoute que « la régularisation des opérations dans le cadre du compte de campagne pourrait être difficile, avec des risques sur son approbation par la CNCCFP » .

Ces risques ne semblent pas illusoires compte tenu de l'expérience qui a vu la commission rejeter des comptes de campagne pour d'autres scrutins sur la base de ce motif.

La situation est d'autant plus alarmante que le droit au compte (trois droits au compte ont été actionnés pendant les élections européennes, ce qui est pour le moins illustratif des problèmes évoqués plus haut) ne fonctionne pas convenablement. Le recours au médiateur est entouré de conditions de recevabilité et de délais qui ne sont pas adaptés (le demandeur doit avoir fait face à deux refus dans les six derniers mois précédant la saisine ; cette dernière doit être introduite 5 jours ouvrés avant le premier tour du scrutin). Le contenu du droit au compte demeure limité. Il n'ouvre pas nécessairement accès à un carnet de chèques ni à un découvert non plus qu'à une utilisation libre de la carte de crédit.

Des mesures s'imposent donc, de toute urgence.

Le médiateur du crédit en suggère quelques-unes (inviter les banques à mieux gérer les dates d'ouverture des comptes et à délivrer rapidement les moyens de paiement ; mettre à jour les listes et veiller à une utilisation appropriée de la notion de personnes politiquement exposées, permettre dans le cadre du droit au compte l'accès des candidats à une gamme variée de moyens de paiement) mais en écarte d'autres comme l'ouverture automatique d'un compte au profit des candidats adossés à un parti politique disposant d'un compte dans un établissement bancaire donné.

Ces mesures sont bien entendu à considérer et les efforts entrepris par le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques pour informer les responsables politiques sont louables.

Toutefois, elles ne semblent pas de nature à permettre de surmonter les difficultés rencontrées.

Dans ce cadre, la piste la plus utile serait sans doute de définir un droit au compte spécifique aux acteurs de la vie politique avec un contenu élargi au prix d'une définition claire des conditions, qui, une fois satisfaites, permettrait aux établissements bancaires de pouvoir considérer les règles prudentielles qui s'imposent à eux, suffisamment vérifiées pour que leur responsabilité soit dégagée.

Votre rapporteur spécial demande que cette orientation qu'il recommande fasse l'objet de propositions dans les meilleurs délais.

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