III. TRAITER PLUS EFFICACEMENT LES SITUATIONS IRRÉMÉDIABLEMENT COMPROMISES ET FAVORISER LE REBOND

La situation de certaines entreprises est trop compromise pour qu'un plan de continuation ou un plan de cession soient envisageables ou opportuns. Dans ce cas, la liquidation s'impose en principe, c'est-à-dire la réalisation des actifs et le paiement partiel des créanciers grâce aux sommes ainsi rendues disponibles.

Notons d'emblée que la liquidation n'est pas synonyme de cessation d'activité économique : l'entreprise ou ses unités d'exploitation peuvent être cédées en bloc (« plan de cession »), et même lorsque les actifs sont cédés isolément, ils ont vocation à être réintégrés dans de nouveaux ensembles d'exploitation, au sein d'autres entreprises. La disparition d'entreprises non viables et la réallocation de leurs actifs font partie du fonctionnement normal de l'économie.

En outre, la liquidation n'implique pas la fin de toute activité pour les dirigeants et associés . Tout au contraire, il importe de favoriser le rebond des entrepreneurs après une défaillance, ce que notre droit ne fait pas suffisamment . Cela suppose de ne pas exclure par principe qu'ils conservent l'appareil productif de l'entreprise, malgré le placement de celle-ci en liquidation, de mieux protéger leur patrimoine personnel, et de ne pas les exposer indûment à une sanction d'interdiction professionnelle.

Il convient également de faciliter et d'accélérer les opérations de liquidation elles-mêmes.

1. Favoriser la poursuite de l'aventure entrepreneuriale
a) Élargir les possibilités de reprise d'une entreprise par ses dirigeants, notamment dans les TPE-PME

La loi française interdit en principe aux dirigeants de droit ou de fait d'une entreprise, ainsi qu'à leurs parents et alliés jusqu'au deuxième degré et aux contrôleurs désignés dans le cadre de la procédure, de se porter acquéreurs des actifs d'une entreprise placée en procédure collective , qu'il s'agisse de la cession d'ensembles d'éléments d'exploitation ou d'actifs isolés 103 ( * ) . La liste des personnes frappées par l'incapacité d'acquérir diffère légèrement selon que le débiteur est une personne physique ou morale, étant entendu que la notion de « dirigeant de fait » s'étend, selon la jurisprudence, à l'associé majoritaire.

Personnes frappées par l'incapacité d'acquérir
les actifs d'une entreprise placée en procédure collective

Débiteur personne physique

Débiteur personne morale

Le débiteur lui-même


Dans le cas où il s'agit d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL, qui n'est soumis à la procédure de liquidation que dans les limites du patrimoine affecté à l'activité en difficulté), il n'est pas habilité à présenter une offre de reprise au titre de son patrimoine non affecté ou d'un autre patrimoine affecté.

Le débiteur lui-même

Directement ou par personne interposée

-

Les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale (y compris l'associé majoritaire)

Les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré du débiteur

Les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré des dirigeants de droit ou de fait

Les contrôleurs 104 ( * )

Les contrôleurs

Source : commission des lois du Sénat

Ces incapacités ont été motivées par un souci de « moralisation » de la vie des affaires . Il s'agirait principalement de faire obstacle à la fraude aux intérêts des créanciers , en évitant que le débiteur ou ses dirigeants ne reprennent, moyennant un prix modique, tout ou partie des actifs de l'entreprise après s'être délestés de tout ou partie du passif 105 ( * ) .

Toutefois, ces incapacités ne se justifient qu'en raison du faible encadrement légal des cessions d'actifs et de l'insuffisance du marché de la reprise dans notre pays . Si les actifs étaient cédés au plus offrant, sur un marché suffisamment concurrentiel, il n'y aurait aucune raison valable d'écarter les dirigeants et leurs proches de la liste des repreneurs potentiels . En cas de reprise, ils feraient certes une « bonne affaire » (puisque, par hypothèse, l'endettement d'une entreprise en procédure collective est supérieur à sa valeur économique), mais leur offre serait celle qui satisferait le mieux les créanciers et qui présagerait de l'exploitation la plus efficace économiquement 106 ( * ) .

Dans le cas des petites et moyennes entreprises , il existe une raison supplémentaire pour faciliter leur reprise par leurs dirigeants : c'est que la réussite, voire la survie de l'exploitation sont souvent étroitement liées à la personne même de l'exploitant personne physique ou du dirigeant-associé .

Ces considérations ont conduit le législateur à tempérer la rigueur de l'interdiction de principe - qui n'existe d'ailleurs pas dans beaucoup d'autres pays. Toutefois, en dehors du secteur agricole, les dérogations prévues par la loi restent très peu utilisées .

Les dérogations à l'incapacité d'acquérir
frappant les dirigeants et leurs proches

Une première dérogation concerne les exploitations agricoles en redressement ou en liquidation judiciaire : le tribunal peut autoriser leur cession totale ou partielle à leurs dirigeants (lorsque l'exploitant est une personne morale) ainsi qu'aux parents ou alliés de ces dirigeants ou de l'exploitant personne physique. Cette dérogation a été introduite par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises au bénéfice des parents ou alliés de l'exploitant, afin de tenir compte de situations fréquentes dans lesquelles les parcelles voisines sont détenues par un frère ou une soeur, qui souhaite reconstituer l'exploitation familiale. Elle a été étendue aux dirigeants de l'exploitant personne morale par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises .

Par ailleurs, sous certaines conditions procédurales strictes, le tribunal ou, le cas échéant, le juge-commissaire peut ordonner ou autoriser la cession totale ou partielle de l'entreprise, ou encore la vente de biens isolés, à toute personne frappée en principe par l'incapacité d'acquérir, à l'exception du débiteur lui-même (au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, s'il s'agit d'un EIRL) et des contrôleurs . S'agissant de la cession totale ou partielle en redressement ou en liquidation judiciaire, le tribunal ne peut ordonner une telle cession que sur requête du ministère public, par un jugement spécialement motivé et après avis des contrôleurs .

Cette disposition résulte d'un compromis trouvé en commission mixte paritaire lors de l'examen de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 précitée : alors que le Gouvernement comme le Sénat souhaitaient que le tribunal puisse déroger à l'ensemble des interdictions prévues au premier alinéa de l'article L. 642-3 du code de commerce, à l'exception de celle (nouvelle) frappant les contrôleurs, par un jugement spécialement motivé et sur simple avis du ministère public et des contrôleurs, l'Assemblée nationale avait voulu réserver le bénéfice d'une telle dérogation aux parents et alliés du débiteur ou des dirigeants, à l'exception des dirigeants eux-mêmes. L'introduction d'un verrou procédural supplémentaire, lié à l'exigence d'une requête du ministère public, avait permis de conserver, quant au fond, un champ suffisamment large à la dérogation.

Source : commission des lois du Sénat

La crise de la covid-19 a permis de faire progresser la réflexion . En effet, dans ce contexte, il est apparu nécessaire d' éviter la disparition d'entreprises viables en facilitant leur reprise, au besoin par leurs dirigeants eux-mêmes, nullement responsables des difficultés provoquées par la pandémie et les mesures de police administrative prises pour l'enrayer.

En d'autres termes, il est devenu manifeste que l'incapacité d'acquérir frappant les dirigeants et leurs proches a le caractère d'une sanction, à la fois injustifiée en espèce et économiquement inopportune .

Ces considérations ont conduit le Gouvernement, par voie d'ordonnance, à assouplir temporairement la procédure permettant de déroger au principe d'interdiction.

L'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020

L'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 précitée a prévu que, jusqu'au 31 décembre 2020, une requête du ministère public ne serait plus nécessaire pour que le tribunal puisse ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise à ses dirigeants, à leurs proches ou à ceux du débiteur personne physique, en redressement ou en liquidation judiciaire. Une requête en ce sens pourrait, en effet, être présentée par le débiteur lui-même ou par l'administrateur.

Des garde-fous procéduraux étaient néanmoins conservés :

- conformément au droit commun, le jugement ordonnant la cession à une personne normalement frappée d'incapacité d'acquérir devait être spécialement motivé et rendu après avis des contrôleurs ; il pouvait être frappé d'appel, l'appel du ministère public étant suspensif ;

- en outre, le ministère public devait obligatoirement être présent à l'audience , ce qui le mettait à même de présenter ses observations et, le cas échéant, d'interjeter appel en temps utile.

Cette disposition a fait couler beaucoup d'encre et en a scandalisé certains. Pourtant, comme l'a démontré la sénatrice Claudine Thomas, elle a le plus souvent été appliquée avec discernement : les tribunaux n'ont accepté de céder tout ou partie de l'entreprise à l'un de ses dirigeants ou de leurs proches qu'au vu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, en comparant les prix proposés par les différentes offres, le périmètre des activités et le nombre d'emplois repris, les capacités financières des repreneurs et la viabilité de leur projet pour l'entreprise, le contexte social au sein de celle-ci, ainsi que le comportement passé des dirigeants 107 ( * ) .

Il est donc regrettable que cette disposition n'ait pas vu sa durée d'application prolongée au-delà du 31 décembre 2020 , contrairement à la plupart des autres dispositions de la même ordonnance, et alors même que la crise sanitaire est loin d'avoir épuisé ses effets : c'est demain, quand la « mise sous perfusion » de l'économie par l'État aura cessé, que ses conséquences se feront sentir.

La mission préconise même d'aller plus loin, en remplaçant le verrou procédural lié à la requête préalable du parquet 108 ( * ) par de nouvelles règles de fond, plus équilibrées . La cession de tout ou partie de l'entreprise à ses dirigeants, à ses proches, mais aussi à l'exploitant personne physique, serait permise s'il s'agit de l'offre correspondant au meilleur intérêt des créanciers . Outre le prix de cession, pourraient être pris en compte :

- l'intéressement des créanciers aux résultats futurs de l'entreprise (clause de « retour à meilleure fortune ») ;

- et, dans le cas des PME, la contribution non monétaire du repreneur à la viabilité de l'entreprise (expérience professionnelle, réputation, contacts, etc .).

Recommandation n° 29 :  Autoriser la reprise d'une entreprise en difficulté par l'exploitant personne physique, les dirigeants de la personne morale ou leurs proches, si leur offre correspond au meilleur intérêt des créanciers, et en prenant en compte la contribution personnelle des dirigeants de PME à la viabilité de leur entreprise.

b) Élargir les conditions d'accès à la procédure de rétablissement professionnel

Les débiteurs dont la valeur totale des actifs est très faible (5 000 euros, seuil rehaussé temporairement à 15 000 euros) disposent d'un moyen plus radical pour conserver leur maigre outil de production tout en se délestant de leur passif, à savoir la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation créée par l'ordonnance du 12 mars 2014.

Cette procédure, simple et peu coûteuse, a été instituée au bénéfice d' entreprises de taille très modeste , dont l'actif est si limité que sa réalisation, dans le cadre d'une procédure de liquidation, n'aurait presque aucun intérêt pour les créanciers. Elle est aujourd'hui réservée aux débiteurs personnes physiques, qui n'ont employé aucun salarié au cours des six mois et dont l'actif déclaré ne dépasse pas 5 000 euros - seuil rehaussé temporairement à 15 000 euros dans le contexte de la crise sanitaire 109 ( * ) .

Le choix d'écarter les personnes morales du dispositif a sans doute été motivé par le souci d'éviter tout détournement de la procédure, c'est-à-dire de ne pas permettre aux associés d'échapper à leur obligation de procéder, à leurs frais, à la liquidation amiable de leur société lorsqu'ils souhaitent la dissoudre. Pourtant, comme le relève le professeur François-Xavier Lucas, « nombre de débiteurs sans actifs et sans salariés sont des personnes morales et il n'y a pas plus de raison d'ouvrir à leur encontre une liquidation judiciaire, étant observé que les associés qui n'entendent pas assumer le coût et la responsabilité de la liquidation amiable d'une société sans actifs peuvent parfaitement provoquer sa cessation des paiements de façon à bénéficier d'une liquidation judiciaire 110 ( * ) ».

Il paraîtrait donc raisonnable d'étendre la procédure de rétablissement professionnel aux personnes morales, sous la même condition liée à la valeur de l'actif, ce qui bénéficierait aux très petites sociétés, notamment unipersonnelles . L'on mettrait ainsi fin à une différence de traitement entre petits entrepreneurs, selon qu'ils ont choisi d'exploiter personnellement ou sous forme sociétaire.

Recommandation n° 30 :  Étendre le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation aux personnes morales, afin de mettre fin à une différence de traitement entre petits entrepreneurs exploitant personnellement ou sous forme sociétaire.

Par ailleurs, comme le soulignait la sénatrice Nathalie Goulet 111 ( * ) , il ne serait pas inenvisageable d'ouvrir le bénéfice de cette même procédure aux débiteurs (personnes physiques ou morales) qui emploient des salariés . En effet :

- l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel est conditionnée à l'absence de toute instance prudhommale en cours impliquant le débiteur 112 ( * ) ;

- elle ne peut en aucun cas aboutir à l'effacement de dettes salariales 113 ( * ) ;

- l'ouverture de la procédure n'autorise en elle-même aucun licenciement. Tout licenciement en cours de procédure serait donc soumis aux conditions de droit commun, notamment celles qui ont trait aux licenciements pour motif économique.

La réflexion doit se poursuivre à ce sujet.

2. Protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs

Favoriser le rebond des entrepreneurs suppose aussi d'alléger le poids des dettes dont ils ont pu grever leur patrimoine personnel, à l'occasion de leur activité professionnelle .

La création et la diversification, depuis le XIX e siècle, des formes sociales à responsabilité limitée , ont eu précisément pour objet de protéger les entrepreneurs et autres apporteurs de fonds en dissociant leur patrimoine personnel de celui de l'entreprise, et en leur évitant ainsi de supporter personnellement les pertes subies par celles-ci.

Pour les besoins du crédit, ces protections ont néanmoins été contournées . Il est, en effet, devenu extrêmement fréquent, notamment dans les petites et moyennes entreprises, que les dirigeants soient amenés à garantir personnellement le paiement des dettes contractées par la société, soit en se portant caution, soit en consentant une autre forme de sûreté personnelle ou une sûreté réelle pour autrui.

Par ailleurs, les entrepreneurs individuels , exploitant personnellement leur fonds sans l'intermédiaire d'une personne morale, restaient exposés aux dettes de l'entreprise sur l'ensemble de leur patrimoine .

C'est ce qui a conduit le législateur à imaginer de nouvelles protections visant à éviter que les entrepreneurs ne se trouvent placés dans une situation personnelle trop grave en raison des risques encourus dans leur activité professionnelle. Cette législation, qui peut à certains égards être améliorée, poursuit deux objectifs complémentaires : instituer une forme d'étanchéité entre le patrimoine personnel de l'entrepreneur et celui de l'entreprise ; à défaut, permettre la restructuration des dettes contractées personnellement par l'entrepreneur pour les besoins de son activité professionnelle.

a) Renforcer encore l'étanchéité entre le patrimoine de l'entrepreneur et celui de l'entreprise ?

Sur le premier front, beaucoup a déjà été fait.

(1) La protection de l'exploitant individuel : la soustraction d'une partie du patrimoine au gage commun des créanciers

Suivant une évolution entamée avec la loi « Dutreil » du 1 er août 2003 114 ( * ) , la loi « Macron » du 6 août 2015 a déclaré la résidence principale de l'entrepreneur individuel insaisissable en principe par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle. L'entrepreneur reste néanmoins libre de renoncer à cette insaisissabilité, mais cela exige le respect d'un formalisme strict et protecteur, puisque cette renonciation doit faire l'objet d'une déclaration reçue par notaire sous peine de nullité.

En outre, la création par la loi du 15 juin 2010 115 ( * ) du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) , rompant avec le principe d'unicité du patrimoine, a permis aux exploitants personnes physiques de constituer, à côté de leur patrimoine personnel, un (ou plusieurs) patrimoine(s) affecté(s) à leur(s) activité(s) professionnelle(s) et servant seul(s) de gage(s) à leurs créanciers professionnels. Toute personne physique souhaitant exercer une activité professionnelle en nom propre doit désormais déclarer, lors de la création de l'entreprise, si elle souhaite exercer ou non sous ce régime, et elle peut opter à tout moment pour le statut d'EIRL. Il demeure loisible à un EIRL de se porter caution sur son patrimoine personnel d'une ou plusieurs dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle (ou de consentir toute autre forme de sûreté personnelle ou une sûreté réelle pour autrui), ce qui élimine les effets de la séparation des patrimoines à l'égard des créanciers concernés.

Quoique certaines personnes entendues par la mission aient formulé des suggestions en ce sens, il ne saurait être question, ni d'interdire à un entrepreneur individuel n'exerçant pas sous le statut d'EIRL de renoncer à l'insaisissabilité de sa résidence principale, ni de prohiber l'inclusion de certains biens dans le patrimoine affecté d'un EIRL ou d'empêcher celui-ci de garantir à titre personnel une dette professionnelle . Outre qu'elles seraient marquées par un très fort paternalisme, de telles évolutions seraient contraires au droit de propriété (qui inclut le droit d'affecter ses biens en garantie) ou à la liberté contractuelle, et elles seraient immanquablement contournées 116 ( * ) . Par conséquent, il n'y aurait pas non plus d'intérêt à imposer le statut d'EIRL à tous les entrepreneurs individuels.

En revanche, des avancées restent possibles pour mieux protéger les EIRL ayant consenti une sûreté personnelle pour garantir des dettes professionnelles, problématique qui se pose dans les mêmes termes à propos des dirigeants-associés ayant consenti une sûreté personnelle pour garantir les dettes de la société.

(2) La protection des entrepreneurs ayant consenti une sûreté personnelle pour garantir les dettes de l'entreprise

La protection des entrepreneurs qui, pour garantir le paiement des dettes de l'entreprise, ont consenti un cautionnement ou une autre sûreté personnelle (garantie autonome, lettre d'intention, délégation-sûreté...) résulte notamment, dans notre droit, de règles de forme exigées, soit pour la preuve de la sûreté (formalisme ad probationem ), soit même pour sa validité ( formalisme ad validitatem ).

S'agissant des exigences de forme ad probationem , elles sont communes à tous les engagements à payer une somme d'argent, y compris celui qui résulte d'une sûreté personnelle : si la somme excède 1 500 euros, l'engagement doit être prouvé par écrit 117 ( * ) ; l'acte écrit, s'il n'a pas été conclu devant notaire, ne vaut preuve que s'il est signé par celui qui s'engage et comporte la mention manuscrite de la somme en toutes lettres et en chiffres 118 ( * ) . Le juge admet néanmoins que l'acte écrit ne comportant pas de mention manuscrite constitue un commencement de preuve par écrit.

Des exigences plus fortes ( ad validitatem ) ont été imposées par le législateur pour protéger les cautions personnes physiques qui s'engagent envers un créancier professionnel . À peine de nullité du cautionnement, l'acte doit comporter la mention suivante : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même 119 ( * ) . » Une mention spéciale est exigée, toujours à peine de nullité, dans le cas où le cautionnement est solidaire. À cela s'ajoutent d'autres types de protection : un principe de proportionnalité (le créancier ne peut se prévaloir du cautionnement si l'engagement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution) et un devoir d'information en cours d'exécution de l'obligation principale.

Conformément à l'intention du législateur, la jurisprudence a fermement établi que ces dispositions sont applicables au cautionnement consenti par le dirigeant d'une société pour garantir les dettes de celle-ci , de même qu'au cautionnement consenti par un EIRL pour garantir des dettes professionnelles. Elles devraient être prochainement étendues à tous les cautionnements consentis par les personnes physiques, quels qu'en soient les bénéficiaires 120 ( * ) .

En revanche, les dispositions spéciales du code de la consommation relatives au cautionnement ne sont pas applicables aux autres sûretés personnelles, ce qui est paradoxal , puisque certaines d'entre elles (comme la garantie autonome) sont potentiellement plus dangereuses pour celui qui y souscrit 121 ( * ) . Dès lors, on peut craindre qu'elles ne soient contournées par certains prêteurs, d'autant que la garantie autonome a rencontré un vif succès dans la vie des affaires au cours des dernières années.

Recommandation n° 31 :  À l'occasion de la prochaine réforme du droit des sûretés, étendre aux autres sûretés personnelles le formalisme exigé pour la validité du cautionnement consenti par une personne physique, ainsi que les autres protections aujourd'hui prévues par le code de la consommation.

b) Faciliter l'étalement ou l'effacement des dettes personnelles de l'entrepreneur

Comme il a été dit, on ne saurait interdire à un chef d'entreprise d'engager en pleine connaissance de cause son patrimoine personnel pour les besoins de son activité professionnelle, soit en demeurant sous le statut d'entrepreneur individuel « classique », soit (dans le cas d'un EIRL ou d'un dirigeant de société) en garantissant personnellement les dettes de son entreprise. Que faire, dès lors, pour empêcher qu'il ne se retrouve, de ce fait, dans des difficultés trop graves ?

Malgré certaines demandes en ce sens, les rapporteurs ne croient pas que la solution soit de confondre en une même procédure le traitement de l'insolvabilité de l'entreprise et celui des difficultés de l'entrepreneur . Les procédures collectives prévues par le code de commerce et les procédures de surendettement des particuliers prévues par le code de la consommation n'ont pas le même objet : les premières doivent assurer une sélection entre les entreprises viables et non viables, tandis que les secondes visent à protéger les personnes physiques menacées de sombrer dans l'impécuniosité chronique. Elles n'appellent donc pas le même raisonnement de la part de l'autorité compétente (juridiction ou commission de surendettement). Dès lors que le patrimoine de l'entrepreneur est séparé de celui de l'entreprise, ces deux types de procédures ne portent pas non plus sur les mêmes éléments d'actif et de passif et n'impliquent pas les mêmes parties : si le tribunal de la procédure collective était appelé à traiter des dettes personnelles du dirigeant, il lui faudrait appeler à la procédure tous les créanciers personnels de ce dernier 122 ( * ) .

Néanmoins, il paraît effectivement envisageable, comme le prévoit le ministère de la justice, d'étendre à la procédure de redressement judiciaire la protection dont bénéficient les garants personnes physiques en cas d'adoption d'un plan de sauvegarde 123 ( * ) . Seule la volonté de rendre attractive la procédure de sauvegarde justifiait cette différence de traitement. L'alignement des deux règles sur la plus protectrice pourra certes avoir un impact négatif sur l'accès au crédit, mais elle conduira les prêteurs à ne pas abuser du cautionnement ou d'autres formes de sûretés consenties par les dirigeants.

Recommandation n° 32 :  Étendre à la procédure de redressement judiciaire la protection dont bénéficient les garants personnes physiques en cas d'adoption d'un plan de sauvegarde.

Surtout, il importe que les dettes contractées personnellement par l'entrepreneur pour les besoins de son entreprise soient intégralement appréhendées par les procédures de surendettement des particuliers, pour être étalées ou effacées en tant que de besoin .

Déjà, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie avait inclus les dettes résultant de l'engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société parmi les dettes prises en compte pour l'ouverture d'une procédure de surendettement des particuliers et susceptibles d'être effacées à l'issue d'une procédure de rétablissement personnel, avec ou sans liquidation.

Un progrès théorique et pratique a été accompli avec l'article 39 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, à l'initiative de l'un des rapporteurs de la mission 124 ( * ) , par l' inclusion de l'ensemble des dettes professionnelles parmi les dettes effacées au terme d'une procédure de rétablissement personnel . Cette rédaction a le mérite d'inclure les dettes résultant d'autres sûretés personnelles qu'un cautionnement ou une obligation solidaire, mais aussi d'autres dettes contractées personnellement par l'entrepreneur à l'occasion de son activité professionnelle, notamment les dettes de cotisations sociales dues par les dirigeants affiliés à la sécurité sociale des indépendants.

Il convient de parachever ce mouvement en incluant l'ensemble des dettes professionnelles parmi celles devant être prises en compte pour l'ouverture d'une procédure de surendettement .

Recommandation n° 33 :  Prendre en compte l'ensemble des dettes contractées par une personne physique, y compris pour les besoins de son activité professionnelle, pour l'appréciation du droit à l'ouverture d'une procédure de surendettement.

Enfin, il importe de mieux articuler les procédures de traitement de l'insolvabilité prévues par le code de commerce et le code de la consommation , ce à quoi s'emploie le Gouvernement dans son avant-projet de transposition de la directive du 20 juin 2019, en prévoyant d'imposer au mandataire judiciaire, dans le cadre d'une procédure collective, d'informer les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou une sûreté réelle pour autrui de leur faculté de solliciter le bénéfice d'une procédure de surendettement.

Recommandation n° 34 :  En cas de besoin, mieux orienter les dirigeants d'entreprise en difficulté vers les procédures de surendettement.

3. Revoir le régime de la faillite et des interdictions professionnelles

Les dirigeants dont les fautes de gestion ont contribué à aggraver les difficultés de l'entreprise s'exposent personnellement, en fonction de la gravité des faits, à des sanctions de divers ordres , d'ailleurs cumulables entre elles :

- ils peuvent être condamnés par le tribunal saisi d'une procédure de liquidation judiciaire à combler en tout ou partie l'insuffisance d'actif de l'entreprise, afin de réparer le dommage subi par les créanciers 125 ( * ) ;

- en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le tribunal de la procédure peut également prononcer leur faillite personnelle , qui emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou toute personne morale, ou encore prononcer des interdictions plus limitées ;

- les comportements les plus graves ayant conduit à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de sauvegarde sont constitutifs du délit de banqueroute , passible de cinq ans d'emprisonnement, de 75 000 euros d'amende et de diverses peines complémentaires. Seul le juge pénal est compétent pour en connaître.

Les jugements prononçant la faillite personnelle d'un dirigeant ou une interdiction professionnelle sont heureusement rares, et plus encore les condamnations pour banqueroute. Il ne saurait être question de supprimer ces sanctions d'actes de gestion répréhensibles, ayant nui aux intérêts des tiers, voire porté atteinte aux valeurs protégées par la société.

Toutefois, les rapporteurs s'interrogent sur l'adéquation du régime de la faillite et des interdictions professionnelles . Qualifiées de « sanctions civiles » parce qu'elles sont prononcées par les juridictions civiles ou commerciales, ces sanctions constituent pourtant des mesures de police ou de sûreté 126 ( * ) , qui n'ont pas pour objet de réparer un préjudice mais de prévenir de nouvelles atteintes à l'ordre public économique .

Dès lors, on comprend mal pourquoi le mandataire judiciaire ou le liquidateur, voire la majorité des créanciers désignés contrôleurs, dépositaires d'intérêts privés, sont habilités à saisir le tribunal aux fins qu'il prononce de telles sanctions. En l'espèce (contrairement à l'engagement de la responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif), l'initiative devrait revenir au seul ministère public.

Recommandation n° 35 :  Réserver au ministère public, gardien de l'ordre public économique, la faculté de saisir le tribunal aux fins de prononcer la faillite personnelle d'un dirigeant ou une interdiction professionnelle.

4. Accélérer et faciliter les opérations de liquidation
a) Ne plus faire supporter aux entrepreneurs les longueurs de la liquidation judiciaire

En l'état actuel du droit, la procédure de liquidation judiciaire n'est pas bornée dans le temps : le tribunal doit seulement fixer à l'ouverture de la procédure le délai au-delà duquel sa clôture devra être examinée, mais il peut toujours en proroger le terme, la procédure n'étant close que lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou encore lorsque la poursuite des opérations de liquidation est rendue impossible en raison de l'insuffisance d'actif.

Tout au long de la procédure de liquidation, et même après sa clôture, les dettes ne sont pas éteintes, même si l'exercice individuel par les créanciers de leur droit d'action est suspendu . La procédure peut être rouverte à tout moment s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant son cours initial (la reprise de la procédure ne produisant d'effets qu'à l'égard des actifs que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture).

Par ailleurs, au cours de la procédure, le débiteur est dessaisi de l'administration de ses biens . Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, il ne peut exercer aucune activité commerciale, artisanale, agricole ni aucune activité professionnelle indépendante.

Or la directive Restructuration et insolvabilité du 20 juin 2019 impose, en principe, aux États membres de veiller à ce que le délai à l'issue duquel les entrepreneurs (personnes physiques) insolvables peuvent être totalement libérés de leurs dettes n'excède pas une durée de trois ans à compter de l'ouverture de la procédure ou de l'établissement de l'actif et du passif 127 ( * ) . Elle prévoit également que toute déchéance du droit d'accéder à une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou de l'exercer au seul motif que l'entrepreneur est insolvable prend fin au plus tard au terme du délai de remise de dettes . Toutefois, les États membres peuvent prévoir qu'une remise de dettes totale ne fait pas obstacle « à la poursuite d'une procédure d'insolvabilité qui comprend la réalisation et la distribution des actifs d'un entrepreneur qui font partie de l'actif et du passif dudit entrepreneur à la date d'expiration du délai de remise de dettes ».

En l'état, l'avant-projet de transposition publié par le Gouvernement reste silencieux sur les moyens de mettre notre droit en conformité avec la directive sur ce point.

Il conviendrait à tout le moins :

- de rétablir le débiteur personne physique dans ses droits d'exercer toute activité économique indépendante à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'ouverture de la procédure de liquidation ;

- de « geler » l'actif du débiteur à cette même date, afin que les éléments qui viendraient à s'y ajouter avant la clôture de la procédure de liquidation n'aient pas à être réalisés mais soient soustraits au gage des créanciers antérieurs (et des éventuelles cautions).

Recommandation n° 36 :  Rétablir le débiteur personne physique dans ses droits professionnels dans un délai maximal de trois ans suivant l'ouverture d'une procédure de liquidation, et geler à cette date l'actif liquidable.

b) Faciliter la cession du fonds

Il arrive qu'une entreprise soit placée en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, faute de trésorerie disponible, ce qui rend l'adoption d'un plan de cession impossible, alors même que le ou les fonds exploités conservent de la valeur (en raison, par exemple, d'un bail commercial favorable, de l'outillage subsistant, de procédés de fabrication brevetés ou d'une marque qui demeure attractive). En effet, le fonds, dont la clientèle constitue l'élément essentiel, ne disparaît pas du seul fait de la cessation d'activité, car une clientèle potentielle peut continuer à exister pendant un certain temps 128 ( * ) .

Dans une telle situation, la loi permet au liquidateur de céder le fonds de commerce en tant qu'actif isolé , comme tout autre bien immatériel, dans les conditions prévues à l'article L. 642-19 du code de commerce, c'est-à-dire sous le contrôle du juge-commissaire qui, soit ordonne la vente du bien aux enchères, soit autorise sa vente de gré à gré 129 ( * ) .

L'article L. 1224-1 du code du travail impose en principe le maintien des contrats de travail en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment en cas de vente du fonds . Ce principe est écarté en cas d'adoption d'un plan de cession : il revient alors au tribunal d'indiquer, dans le jugement arrêtant le plan et en accord avec le repreneur, le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées 130 ( * ) . Il s'agit alors de licenciements pour motif économique, encadrés par les articles L. 1233-58 et suivants du code du travail.

En revanche, lorsqu'un fonds est cédé en tant qu'actif isolé dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, les licenciements déjà intervenus 131 ( * ) sont nuls , et si un ou plusieurs salariés demandent leur réintégration, le repreneur est tenu d'y faire droit 132 ( * ) .

Cet état du droit n'est guère incitatif pour de potentiels repreneurs . Le plus souvent, le rachat du fonds d'une entreprise placée en liquidation judiciaire n'offre de perspectives économiques que si les modalités d'exploitation de ce fonds sont révisées, ce qui peut impliquer de revoir à la baisse le nombre de salariés. Comme dans le cadre d'un plan de cession, on peut donc envisager que le repreneur d'un fonds souhaite présenter une offre fixant le nombre de salariés repris, au lieu de s'exposer à devoir reprendre tous les anciens salariés au gré des contentieux ou assumer la charge de licenciements.

Comme l'a souvent relevé la doctrine 133 ( * ) , cette situation est préjudiciable aussi bien aux créanciers de l'entreprise , qui auraient intérêt à ce que le fonds soit vendu, qu'aux salariés eux-mêmes , dont un certain nombre pourraient conserver leur emploi auprès d'un éventuel repreneur.

C'est ce qui a conduit le Parlement, dans le cadre de la loi du 17 juin 2020, à écarter provisoirement l'application du principe de transfert des contrats de travail en cas de cession du fonds de commerce par le liquidateur en tant qu'actif isolé. Cette disposition, issue d'un amendement d'Élisabeth Lamure, alors sénatrice et présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, avait été adoptée par le Sénat contre l'avis du Gouvernement et maintenue en commission mixte paritaire, dans l'espoir de sauver quelques activités et quelques emplois dans une période particulièrement difficile. Elle courait jusqu'au 31 décembre 2020.

En pratique, la très courte durée d'application de cette disposition n'a pas permis de la mettre en oeuvre. Parmi les praticiens entendus par les rapporteurs, plusieurs ont appelé à la remettre en vigueur.

Il convient néanmoins d'entendre les craintes qui ont été exprimées. La procédure pourrait être détournée par des repreneurs qui ne voudraient reprendre aucun des anciens salariés de l'entreprise, ou qui voudraient revoir à la baisse leurs droits contractuels, en se soustrayant à la procédure du plan de cession, arrêté par le tribunal lui-même.

Afin de concilier ces points de vue, la mission d'information propose que, dans le cas où la cession d'un ou plusieurs fonds paraît envisageable quoique l'activité de l'entreprise ait cessé, le juge-commissaire puisse renvoyer l'affaire devant le tribunal afin que soit arrêté un plan de cession du ou des fonds concernés, déterminant le nombre et l'identité des salariés repris et, le cas échéant, déclarant nul leur licenciement . Les créances salariales qui auraient dû être payées entre le licenciement frappé de nullité et l'arrêt du plan de cession pourraient être prises en charge par l'AGS, à laquelle cette proposition a été soumise et qui, au nom de la préservation de l'emploi et vu le faible nombre de cas vraisemblablement concernés, ne s'y est pas opposée.

Recommandation n° 37 :  Dans le cas où la cession d'un ou plusieurs fonds paraît envisageable quoique l'activité de l'entreprise ait cessé, permettre au juge-commissaire de renvoyer l'affaire devant le tribunal aux fins d'adoption d'un plan de cession.


* 103 Cette interdiction de principe, issue de la loi « Badinter » du 25 janvier 1985, est aujourd'hui énoncée au premier alinéa de l'article L. 642-3 du code de commerce, relatif au plan de cession en liquidation judiciaire. Elle s'applique également, par renvoi, à la cession partielle de l'entreprise dans le cadre d'un plan de sauvegarde, à la cession totale ou partielle de l'entreprise en redressement judiciaire, ainsi qu'à la cession d'actifs isolés en liquidation.

* 104 Pour mémoire, les contrôleurs sont des créanciers désignés par le juge-commissaire pour assister le mandataire judiciaire (ou, en liquidation, le liquidateur) ainsi que le juge-commissaire lui-même dans sa mission de surveillance de l'administration de l'entreprise (ou des opérations de liquidation). Les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions de protection sociale complémentaire et supplémentaire sont désignés contrôleurs de plein droit s'ils en font la demande (ou un seul d'entre eux en cas de pluralité de demandes), ainsi que l'Association pour la gestion du régime de garantie des salaires ou AGS (article L. 621-10 du code de commerce).

* 105 Plus accessoirement, il s'agirait d'éviter la fraude à l'assurance contre le risque de non-paiement des créances salariales. Un dirigeant indélicat pourrait être tenté de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le but de faire assumer par l'AGS la charge financière liée à des licenciements économiques, voire à des salaires ou autres créances salariales impayés, sans que l'AGS, subrogée dans les droits des salariés, puisse rentrer dans ses fonds en raison de la modicité du prix d'acquisition.

* 106 Naturellement, la condamnation à une sanction civile de faillite personnelle ou d'interdiction ferait obstacle à la reprise, de même que la peine complémentaire d'interdiction susceptible d'être prononcée par le juge répressif en cas de banqueroute.

* 107 Rapport n° 170 (2020-2021) de Claudine Thomas, fait au nom de la commission des lois du Sénat, sur la proposition de loi visant à supprimer la possibilité ouverte au dirigeant d'une entreprise de déposer une offre de rachat de l'entreprise après avoir organisé son dépôt de bilan , consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l20-170/l20-170.html .

* 108 Un simple avis du ministère public serait requis, sans préjudice de son droit d'appel suspensif.

* 109 Article 6 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 précitée, dont la durée d'application a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par l'article 124 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 précitée.

* 110 Fr.-X. Lucas, Manuel de droit de la faillite , op. cit. , p. 74.

* 111 Voir l'amendement n° 1 rectifié quinquies présenté par Nathalie Goulet lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi visant à supprimer la possibilité de rachat par le dirigeant après le dépôt de bilan , précitée.

* 112 Article L. 645-1 du code de commerce.

* 113 Article L. 645-11 du même code.

* 114 Loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique .

* 115 Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée .

* 116 Il suffirait, par exemple, de vendre la résidence principale ou le bien non incorporable au patrimoine affecté, et d'affecter le produit en garantie.

* 117 Article 1359 du code civil. Il est acquis que le cautionnement consenti par le dirigeant d'une société au bénéfice de celle-ci a un caractère civil et non commercial. Le problème pourrait se poser à propos du cautionnement consenti par un EIRL pour garantir des dettes professionnelles ; il est cependant réglé par le formalisme ad validitatem exigé en la matière.

* 118 Article 1376 du code civil.

* 119 Article L. 331-1 du code de la consommation.

* 120 Voir l'avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des sûretés, publié en décembre 2020 par le ministère de la justice.

* 121 Bien plus, une garantie autonome consentie par un EIRL pour les besoins de son activité professionnelle pourrait être considérée comme un acte de commerce, soustrait même au formalisme probatoire du droit civil.

* 122 Une exception doit être faite pour les entrepreneurs individuels non soumis au régime de l'EIRL. Seules les procédures prévues au livre VI du code de commerce leur sont ouvertes, pour traiter l'ensemble de leurs dettes. Ils bénéficient alors de l'insaisissabilité de leur résidence principale (s'ils n'y ont pas renoncé), d'autres biens fonciers (s'ils ont fait une déclaration en ce sens) et des autres biens déclarés insaisissables par la loi dans un objectif de protection des personnes, notamment les créances alimentaires et les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail (article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, insaisissabilités auxquelles il n'est pas possible de renoncer).

* 123 Aux termes de l'article L. 626-11 du code de commerce, à l'exception des personnes morales, les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan - autrement dit, ils bénéficient aussi des remises de dettes et délais de paiement prévus par le plan. Cette disposition n'est pas applicable au plan de redressement (article L. 631-20 du même code).

* 124 Amendement n° 96 rectifié de Thani Mohamed Soilihi adopté par le Sénat lors de l'examen en séance publique, en première lecture, du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne .

* 125 Article L. 651-1 du code de commerce. Cette sanction est également applicable à l'EIRL, qui peut être condamné à payer sur son patrimoine personnel l'insuffisance d'actif de son patrimoine affecté.

* 126 La Cour de cassation a qualifié de mesures de sûreté les incapacités professionnelles qui résultent de plein droit de certaines condamnations pénales (Cass., crim., 26 novembre 1997, n° 96-83.792). Même lorsque l'incapacité constitue une peine complémentaire facultative, elle a une visée préventive en même temps que punitive. Dans d'autres contextes, les interdictions professionnelles résultent de décisions de l'administration, qui constituent tantôt de pures mesures de police, tantôt des sanctions administratives à visée à la fois punitive et préventive (voir notamment les mesures d'interdiction susceptibles d'être prononcées par les autorités publiques ou administratives indépendantes).

* 127 Article 21 (qui prévoit également le cas où la procédure de remise de dette repose, non pas ou pas exclusivement sur la réalisation des actifs, mais sur l'adoption d'un plan de remboursement, ce qui n'est pas pertinent en droit français.) L'article 23 de la directive prévoit des dérogations, notamment dans le cas où l'entrepreneur insolvable a agi de manière malhonnête ou de mauvaise foi.

* 128 Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-28.690.

* 129 En pratique, et bien que les commissaires-priseurs judiciaires se soient récemment vu reconnaître compétence en la matière, il semble que la vente aux enchères de biens immatériels reste très peu développée en France.

* 130 Articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce.

* 131 Lorsque le jugement d'ouverture ne prévoit pas le maintien provisoire d'activité, le liquidateur est autorisé à procéder sans délai aux licenciements, sous réserve des consultations obligatoires. En pratique, les licenciements ont le plus souvent lieu très rapidement, car l'AGS ne garantit le paiement des créances salariales impayées que pendant une durée de quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré.

* 132 Cass. soc. 20 janvier 1998, n° 95-40.812 ; Cass., ch. mixte, 7 juillet 2006, n° 04-14.788 ; Cass. com. 26 juin 2012, n° 11-10.408. Les licenciements sont nuls, même dans le cas où ils ont été prononcés avant la date de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession : Cass. soc. 8 juillet 1992, n° 90-42590.

* 133 Voir notamment L. Fin-Langer, note sous Cass. com., 26 juin 2012, Act. proc. coll. n° 13, juillet 2012 ; M. H. Monsérié-Bon et B. Amizet, « Cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire », Rev. proc. coll. n° 2, mars 2015; P.-M. Le Corre, JCl Commercial , fasc. 2709, « Liquidation judiciaire. - Réalisation de l'actif. - Vente des biens meubles isolés », § 71.

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