II. PROTÉGER LES ÉPARGNANTS EN CONTRÔLANT DAVANTAGE LES ACTEURS DU MARCHÉ DE L'ÉPARGNE

A. MIEUX ENCADRER LA PLURALITÉ ET LES ACTIVITÉS DES INTERMÉDIAIRES DU MARCHÉ DE L'ÉPARGNE

1. Améliorer la qualité du contrôle de l'honorabilité des intermédiaires

Les statuts des différents intermédiaires vers lesquels les épargnants peuvent se tourner sont très nombreux, et sont régis par des règles différentes. Dans le souci d'améliorer la protection des épargnants, les travaux des rapporteurs se sont concentrés sur les intermédiaires de proximité , ceux qui exercent leurs activités dans le cadre de petites ou moyennes entreprises (PME), voire de très petites entreprises (TPE), et dont la régulation est rendue complexe par le nombre important d'acteurs.

L'encadrement des conditions d'exercice de ces intermédiaires, a notamment été initié par le législateur en 1989 163 ( * ) en prévoyant un dispositif de recensement d'abord limité aux courtiers d'assurance. Aujourd'hui, en application de l'article L. 512-1 du code des assurances, cette mission est assurée par l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias ) , structure bénéficiant du statut d'association loi 1901.

Le champ de l'obligation d'immatriculation auprès de l'Orias a été progressivement étendu par le législateur . Il inclut désormais 164 ( * ) :

- les intermédiaires en assurance , c'est-à-dire les courtiers en assurance ou réassurance, les agents généraux d'assurance, les mandataires d'assurance, ainsi que les mandataires d'intermédiaires d'assurances ;

- les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) , qui comprennent les courtiers, mandataires exclusifs, et les mandataires d'intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement ;

- les conseillers en investissements financiers (CIF) ;

- les agents liés de prestataires de services d'investissement (ALPSI) ;

- les conseillers en investissements participatifs (CIP) et les intermédiaires en financement participatif (IFP) .

Au 31 décembre 2020, l'Orias comptabilise 67 572 intermédiaires , représentant 113 069 inscriptions dans les différentes catégories recensées, compte tenu du cumul d'activités, soit une hausse de 5 % par rapport à 2019. Si le secteur d'activité est en croissance continue depuis plusieurs années, il est également marqué par une importante rotation , comme en témoigne la répartition des demandes entre les inscriptions (43 %), les modifications d'inscriptions (32 %) et les suppressions et radiations (20 %).

La commission d'immatriculation de l'Orias

L'Orias est une association loi 1901 à but non lucratif, dont les statuts sont homologués par arrêté ministériel. Les statuts instituent une commission d'immatriculation dotée de la compétence d'inscription, de suppression d'inscription et de radiation. Sa composition est fixée par l'arrêté ministériel du 24 février 2016, modifié par l'arrêté du 1 er mars 2021. Elle est composée de :

- un représentant titulaire et un représentant suppléant nommés par l'Association française des intermédiaires en opérations de banque (AFIB) ;

- deux représentants titulaires et deux représentants suppléants nommés par la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurances (AGEA) ;

- un représentant titulaire et un suppléant nommés par l'Association professionnelle des intermédiaires en crédits (APIC) ;

- deux représentants titulaires et deux suppléants nommés par la Chambre syndicale des courtiers d'assurance (Planète CSCA) ;

- trois représentants titulaires et trois suppléants nommés par l'Association française des établissements de crédits et des entreprises d'investissement AFECEI) ;

- un représentant titulaire et un suppléant nommés par l'Association nationale des conseillers financiers, conseillers en investissements financiers (ANACOFI-CIF) ;

- un représentant titulaire et un suppléant nommés par la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP), un représentant titulaire et un suppléant nommés par la Fédération bancaire française (FBF) ;

- trois représentants titulaires et trois suppléants nommés par la Fédération française de l'assurance (FFA), un représentant titulaire et un suppléant nommé par la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF).

Source : commission des finances du Sénat, à partir du rapport annuel 2020 de l'Orias

Afin de pouvoir s'immatriculer auprès de l'Orias et d'exercer leurs activités professionnelles, ces intermédiaires doivent respecter les conditions suivantes :

- des conditions d'honorabilité ;

- des conditions de capacité professionnelle graduée et spécifique selon leur statut ;

- des conditions d'assurance de responsabilité civile professionnelle ;

- des conditions de garantie financière .

S'agissant du contrôle de l'honorabilité, en application des articles R. 514-1 du code des assurances et R. 546-5 du code monétaire et financier, l'Orias interroge le casier judiciaire national (CJN) en vue de l'obtention du bulletin numéro 2 . Les rapporteurs soulignent que ces requêtes font l'objet d'un traitement de masse , eu égard à leur nombre élevé : en 2020, 173 336 demandes ont été adressées au CJN, dont l'essentiel au moment des demandes d'inscription ou de modification.

Or, le contrôle de l'honorabilité par l'Orias ne concerne pas aujourd'hui les salariés des intermédiaires qui doivent s'immatriculer . Le contrôle du respect des conditions d'honorabilité de ceux-ci incombe à leur employeur, sur la base d'une attestation sur l'honneur ou d'une copie de l'extrait du casier judiciaire, ce qui présente un niveau de garantie bien moindre qu'une interrogation du CJN.

Dans cette perspective, lors de l'examen de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement 165 ( * ) , la commission des finances du Sénat avait adopté un amendement à l'initiative de son rapporteur Albéric de Montgolfier, visant à confier à l'Orias l'intégralité du contrôle de l'honorabilité des dirigeants et des salariés des intermédiaires immatriculés . En effet, le dispositif initial allouait la mission d'assurer le contrôle de l'honorabilité des salariés aux associations professionnelles des intermédiaires en assurances et en opérations de banque et de service de paiement, nouvellement créées par la proposition de loi sur le modèle de co-régulation des CIF 166 ( * ) .

Si cette disposition n'a pas été retenue par la commission mixte paritaire, les rapporteurs restent convaincus qu'elle permettrait d'améliorer significativement l'honorabilité de l'ensemble des intermédiaires - dirigeants comme salariés - grâce à un contrôle plus fiable et régulier. Même si ce processus est déjà relativement automatisé par l'Orias, une telle évolution nécessiterait toutefois de conduire une réflexion sur les moyens alloués à l'Orias pour assurer cet élargissement de sa mission actuelle.

Recommandation n° 14 : confier à l'organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) le contrôle de l'honorabilité des dirigeants et des salariés des intermédiaires ayant l'obligation de s'immatriculer auprès ce registre.

Niveau d'intervention : législatif et réglementaire

2. Renforcer le rôle de l'Autorité des marchés financiers en imposant d'effectuer un contrôle régulier des associations professionnelles agréées de conseillers en investissements financiers

Pour contrôler les conseillers en investissements financiers (CIF) et leur respect des obligations qui s'imposent à eux en matière de protection de la clientèle, une modalité originale de supervision a été mise en place , celle de la co-régulation avec les associations professionnelles .

Les 5617 CIF enregistrés fin 2020 au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS) 167 ( * ) peuvent ainsi être contrôlés non seulement par l'AMF, mais également par leur association professionnelle, à laquelle ils sont obligés d'adhérer pour pouvoir exercer leur profession. Pour rappel, environ 6 % d'entre eux sont « indépendants », c'est-à-dire rémunérés par le biais d'honoraires, tandis que les autres sont principalement rémunérés par des rétrocessions de droits d'entrée et de frais de gestion, et accessoirement par des honoraires. En 2019, l'ensemble des CIF géraient un encours de plus de 46 milliards d'euros 168 ( * ) .

La co-régulation des conseillers
en investissements financiers (CIF)

Les associations professionnelles sont chargées d'enregistrer l'adhésion des CIF, de vérifier à cette occasion qu'ils disposent d'un programme d'activité, de suivre leur activité, de leur dispenser des formations annuelles et de les contrôler u ne fois tous les cinq ans . Elles peuvent également les sanctionner, jusqu'à les exclure de l'association. Chaque début d'année, les associations transmettent à l'AMF la liste des CIF qu'elles prévoient de contrôler, l'AMF pouvant ainsi s'assurer du contrôle effectif de chacun des CIF tous les cinq ans. Selon les chiffres communiqués aux rapporteurs, dans 70 % à 95 % des contrôles, des manquements sont relevés, dont une majorité de faible ou de moyenne gravité.

L'AMF est quant à elle chargée d'agréer les associations de CIF, de valider leur code de bonne conduite et les conditions d'adhésion de leurs membres. Elle les supervise et les contrôle et peut, le cas échéant, proposer à la Commission des sanctions de les sanctionner (avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités, sanction pécuniaire 169 ( * ) ). Elle mène en parallèle des contrôles ponctuels directement auprès des CIF, après une analyse de risque . Chaque CIF est en outre obligé de passer l'examen de « certification professionnelle AMF » afin d'attester d'un socle minimal de connaissances en matière financière, règlementaire et déontologique.

Pour l'AMF, ce système présente deux avantages :

- de la souplesse : les CIF sont nombreux et de taille très diverse, certains ne disposant par exemple pas de direction juridique ;

- de la simplification : les CIF peuvent disposer d'un autre statut, non régulé ou régulé par une autre autorité, telle l'ACPR. Les associations professionnelles sont également plus proches des CIF, y compris géographiquement.

Source : réponses au questionnaire adressé à l'Autorité des marchés financiers par les rapporteurs

Si ce système de co-régulation permet à la fois de conférer un pouvoir de contrôle à ceux qui sont le plus à même de juger des pratiques de CIF et d'éviter d'engorger l'AMF, le risque de conflits d'intérêts n'est là encore pas à exclure . Tout système de co-régulation entraine en effet deux risques :

- celui que le régulateur - l'AMF ici - n'en vienne à se défausser entièrement sur le second échelon de contrôle pour effectuer cette mission de supervision ;

- celui que les associations professionnelles ne se montrent finalement que très peu enclines à sanctionner leurs membres et soient trop complaisantes à leur égard, d'autant plus qu'elles sont également chargées de défendre les intérêts de leurs membres.

Ces réticences trouvent en partie un écho dans les résultats des contrôles menés par l'AMF . Depuis plusieurs années, et selon les informations communiquées aux rapporteurs, l'AMF privilégie le contrôle des CIF commercialisant des produits atypiques et de ce fait beaucoup plus risqués pour les investisseurs, en particulier les moins avertis d'entre eux. Or, elle constate que les CIF, sur ce segment, manquent régulièrement à leurs obligations , qu'elles portent sur la connaissance du client, la procédure d'entrée en relation commerciale ou encore la transparence sur les frais et sur la performance de ces produits risqués. À titre d'exemple, dans le cadre d'un contrôle ciblé sur six CIF et sur la commercialisation d'un fonds britannique en 2017, l'AMF a constaté qu'aucun d'entre eux n'avait pris la peine de vérifier que le fonds était bien autorisé à la commercialisation en France. Tous n'ont pas non plus fait explicitement figurer dans leurs documents les risques encourus par les clients.

Ce sont malheureusement des défauts récurrents : dans le rapport du pôle commun AMF-ACPR en 2020, les régulateurs parlaient de « lacunes importantes dans les diligences réalisées par les CIF » dans la commercialisation de produits atypiques, voire interdits 170 ( * ) .

Ces éléments de bilan laissent donc craindre aux rapporteurs que le seul contrôle exercé par les associations professionnelles soit insuffisant pour évaluer et déceler ces pratiques, d'autant que 79 % des contrôles menés en 2019 par elles ont conduit à relever un ou plusieurs manquements. Si la majorité sont mineurs, d'autres concernent des sujets de premier ordre, telle la bonne information du client, le respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ou encore la prévention des conflits d'intérêts. Toutes associations confondues, 109 sanctions ont été prononcées en 2018 et 157 en 2019 .

Consciente du risque de conflits d'intérêts suscité par le système de co-régulation et ayant relevé la qualité insuffisante des contrôles menés par les associations professionnelles agréées, l'AMF leur a progressivement imposé de nouvelles règles : obligation de suivre un modèle de grille de contrôle, révision et validation des codes de conduite en 2018 (sachant que l'AMF peut sanctionner leur violation), mise à jour de la politique de gestion des conflits d'intérêts, création d'un dispositif de partage d'informations entre l'AMF et les associations, nomination au sein de l'association d'un référent permanent, interlocuteur privilégié de l'AMF n'exerçant par ailleurs aucune fonction privée dans le secteur financier.

Ces renforcements sont bienvenus, mais encore insuffisants . L'AMF n'a procédé à aucun contrôle des associations professionnelles entre 2016 et 2020 , un contrôle sur les quatre associations étant prévu en 2021. Aucun bilan n'a donc encore pu être fait de ce système de co-régulation et aucune sanction n'a de fait été infligée à une association de CIF sur cette même période.

Dans ce contexte, et afin de s'assurer que ces associations respectent bien leurs obligations, les rapporteurs ne peuvent que recommander à l'AMF de jouer un rôle plus proactif en matière de contrôle des associations professionnelles de CIF , par le biais de contrôles réguliers . Les orientations et les formations sont certes importantes, mais elles ne suffisent manifestement pas pour harmoniser les pratiques et protéger au mieux les intérêts des épargnants .

De surcroît, avec l'instauration d'un nouveau dispositif de partage d'informations entre l'AMF et les associations professionnelles, par lequel l'AMF peut désormais demander aux associations de suivre plus particulièrement les activités des CIF présentant des risques modérés, il est primordial que ce système soit évalué afin de s'assurer du traitement adéquat réservé par les associations à ces signalements.

Recommandation n° 15 : contrôler régulièrement les associations professionnelles agréées de conseillers en investissements financiers, par moitié tous les ans. Inclure dans ce bilan une évaluation du suivi des signalements adressés par l'Autorité des marchés financiers à ces associations.

Niveau d'intervention : Autorité des marchés financiers.

Il est d'autant plus important d'évaluer cette modalité de supervision que la co-régulation a vocation à être étendue aux activités de courtage, sous l'égide de l'ACPR 171 ( * ) .

Par ailleurs, ce devoir de vigilance et de contrôle renforcé des CIF et de leurs associations par l'AMF pourrait trouver une traduction au niveau européen. Dans son nouveau plan d'action sur l'union des marchés des capitaux, publié au mois de septembre 2020 172 ( * ) , la Commission européenne a défini, parmi ses 16 actions prioritaires, l'amélioration du niveau des qualifications professionnelles des conseillers et l'évaluation de la faisabilité de la création d'un label paneuropéen pour les conseillers financiers . Si de telles obligations, harmonisées, venaient à s'imposer
aux CIF, le devoir de vigilance de leurs associations professionnelles s'en trouverait accru, de même certainement que le rôle des régulateurs.

3. Étendre le champ d'intervention de l'Autorité des marchés financiers au contrôle préalable des investissements défiscalisés dans le logement locatif, notamment en matière de publicité

S'agissant des dispositifs d'incitation à l'investissement dans le logement locatif , le dispositif « Pinel » 173 ( * ) prend actuellement la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu pour les particuliers qui acquièrent et qui mettent en location un logement neuf dans une zone tendue ou couverte par un contrat de redynamisation de site de défense actif. Depuis
le 1 er janvier 2021, ce bien doit se situer dans un bâtiment d'habitation collectif. Sous réserve de respecter des conditions de location 174 ( * ) , le propriétaire pourra bénéficier d'une réduction d'impôt dont le taux s'applique au prix de revient net du logement neuf et varie selon la durée de l'engagement (12 % pour un engagement de six ans, 18 % pour un engagement de neuf ans et 21 % pour un engagement de 12 ans) 175 ( * ) .

Le coût prévisionnel de cette dépense fiscale était de plus
de 990 millions d'euros en 2020 et de près d'1,2 milliard d'euros en 2021
, pour environ 200 000 ménages bénéficiaires .

Il paraît nécessaire de confier à l'Autorité des marchés financiers un rôle nouveau en matière de protection des épargnants, en étendant son champ d'intervention au domaine de l'investissement locatif , pour trois raisons principalement :

- la première concerne l'existence d'une « zone d'ombre » en matière de contrôle des offres fiscales immobilières, par le biais de l'investissement locatif . Ainsi, lors de son audition, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), compétente pour le secteur immobilier, a expliqué aux rapporteurs que les contrôles a priori ne constituaient pas son coeur de métier, son champ de compétences et ses principales missions relevant de contrôles ex post , par des enquêtes. Elle n'intervient donc, dans la grande majorité des cas, qu'après réclamation et, surtout, elle ne peut constater l'existence d'offres abusives ou frauduleuses . 2 % des signalements adressés à la DGCCRF ont concerné l'immobilier en 2020 176 ( * ) et les réclamations des consommateurs sur le secteur « Immobilier-logement-BTP » ont baissé de 41 % entre 2020 (6 851) et 2019 (11 597). Elles s'élevaient à 12 275 en 2018 177 ( * ) ;

- la deuxième s'appuie sur le fait que l'AMF a déjà développé une expertise sur des produits qui ne s'apparentent pas stricto sensu à des produits financiers . L'AMF avait en effet traditionnellement une compétence sur les sujets relatifs à la distribution de produits d'épargne et d'investissements incarnés dans des instruments financiers. Toutefois, le législateur 178 ( * ) a élargi son périmètre d'intervention pour inclure les biens divers , qui offrent une promesse de rendement récurrent associé à un service de gestion 179 ( * ) . Ils correspondent à des investissements « atypiques » : vins, oeuvres d'art, photovoltaïque, etc. C'est fort de cette expérience dans les biens divers que le mandat de l'AMF serait élargi aux investissements défiscalisés dans l'immobilier locatif. En parallèle, les échanges d'information avec les autres régulateurs, par exemple au sein du groupe de travail AMF-Banque de France-ACPR et DGCCRF, sont à encourager, pour couvrir au mieux les secteurs concernés ;

- la troisième enfin repose sur l'expérience de l'AMF en matière de contrôle des investissements atypiques , l'autorité de régulation ayant développé des outils qui pourraient être utilement mis à profit pour la détection d'offres frauduleuses en matière d'investissement locatif.

Ces outils s'articulent autour d'un double volet préventif et répressif :

Volet préventif

Volet répressif

- communication auprès du grand public pour les informer d'offres frauduleuses ;

- publication de listes blanches et de listes noires régulièrement mises à jour ;

- développement d'outils appuyés sur l'intelligence artificielle pour détecter des sites potentiellement frauduleux ;

- veille publicitaire quotidienne.

- rappel à la règlementation en cas de publicité non autorisée ;

- inscription de produits et de prestataires de services en investissement sur une liste noire ;

- interdiction de la publicité pour les produits très risqués (loi Sapin II).

Ce sont autant d'instruments disponibles et adaptables au contrôle des offres dans l'investissement locatif , et qui permettraient à l'AMF de pouvoir réagir très rapidement en cas de fraude ou de danger pour les épargnants. Les rapporteurs considèrent en effet que les dispositifs existants sont insuffisants, alors même que l'inspection générale des finances a relevé que, dans la moitié des cas, le rendement net global pour l'investisseur au bout de neuf ans hors effet de la hausse du prix de l'immobilier est négatif 180 ( * ) . Les promoteurs et les intermédiaires mettent en effet l'accent sur la réduction fiscale, en obérant les risques liés à l'actif immobilier en lui-même.

Les rapporteurs sont néanmoins conscients qu'une telle mission ne pourrait être assurée à effectifs constants par l'AMF, d'autant qu'elle nécessite le recrutement de compétences et expertises différentes. Le déploiement de cette nouvelle mission pourrait ainsi se faire en deux étapes : à l'instar de ce qui est fait pour les biens divers, l'AMF pourrait tout d'abord mobiliser ses outils de prévention à destination des offres en matière d'investissement locatif , y compris la publication d'une liste blanche et d'une liste noire des intermédiaires , avant d'évoluer dans un second temps vers un contrôle préalable des offres d'investissement . Par exemple, les outils d'intelligence artificielle et de traitement de données mis en oeuvre par la direction des données et de la surveillance de l'AMF lui permettent de détecter dans les mails les spam porteurs d'offres frauduleuses. Cet outil pourrait trouver un déploiement utile en matière de contrôle des offres dans l'immobilier locatif.

Que ce soit dans la première ou dans la seconde phase, l'AMF pourrait également surveiller et référencer les frais pratiqués par les promoteurs et les intermédiaires , pour éviter que l'avantage fiscal attaché à l'investissement locatif, une dépense publique, ne profite de manière disproportionnée aux intermédiaires et aux promoteurs 181 ( * ) , au détriment des épargnants.

L'encadrement des frais dans le dispositif Pinel

Une première étape en matière d'encadrement des frais a pu être franchie à l'initiative du Sénat, qui a adopté un amendement du rapporteur général Albéric de Montgolfier lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2018 182 ( * ) . Cet amendement a modifié
l'article 199 novovicies du code général des impôts afin de plafonner le montant des frais et commissions directs et indirects imputés au titre de l'acquisition d'un bien dans le cadre d'un Pinel. Ce plafond a été fixé par voie règlementaire à 10 % du prix de revient, après près de deux ans de négociations.

L'AMF, par le biais de ces contrôles « SPOT » et de ses visites « mystère », et comme elle le fait pour les intermédiaires financiers, s'assurerait également du respect par les conseillers en investissement ou en gestion du patrimoine de leurs obligations vis-à-vis de la clientèle , avec notamment la transmission d'une information correcte et transparente sur les risques inhérents à l'acquisition d'un bien immobilier en investissement locatif 183 ( * ) . Vérifier le respect de ces diligences et de la bonne information de l'épargnant fait d'ores et déjà partie des compétences de l'AMF, compétences qui seraient donc étendues au conseil portant sur les investissements dans l'immobilier locatif. La même obligation de moyens s'appliquerait à ces conseillers, qui seraient également chargés de vérifier l'adéquation entre le produit proposé et le profil du client.

À l'instar des biens divers, cette nouvelle mission confiée à l'AMF ne serait pas de nature à empêcher toute coopération ou « partage des tâches » avec la DGCCRF. Pour les biens divers, AMF et DGCCRF se coordonnent et échangent régulièrement des informations, notamment lorsque certains aspects semblent relever davantage d'un régulateur.

Recommandation n° 16 : étendre le champ d'intervention de l'Autorité des marchés financiers à la supervision et au contrôle des investissements défiscalisés dans le logement locatif, avec notamment un contrôle de la publicité et des intermédiaires.

Niveau d'intervention : Autorité des marchés financiers.


* 163 Loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l'ouverture du marché européen.

* 164 Rapport annuel 2020 de l'Orias, p.8.

* 165 Loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.

* 166 Pour une information plus détaillée, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article unique de la proposition de loi figurant dans le rapport n° n° 331 (2020-2021) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 février 2021.

* 167 Selon les données inscrites dans le rapport d'activité de l'Autorité des marchés financiers en 2020 .

* 168 Les données sur la structure de rémunération des CIF ainsi que l'encours géré proviennent du rapport d'activité CIF 2019 de l'AMF (novembre 2020).

* 169 Sanctions définies au III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier .

* 170 Autorité des marchés financiers et Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Rapport d'activité 2020 du pôle Assurance Banque Épargne , juin 2021.

* 171 Loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement. Lors de l'examen de cette proposition de loi , et dans son rapport , le rapporteur Albéric de Montgolfier avait déjà constaté les fragilités du système proposé pour les courtiers.

* 172 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions : « Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises - nouveau plan d'action », 24 septembre 2020.

* 173 Prévu à l' article 199 novovicies du code général des impôts . Il existe d'autres
dispositifs : le « Denormandie », semblable au Pinel mais applicable aux logements qui font ou qui ont fait l'objet de travaux de rénovation ou de transformation ; le Censi-Bouvard, applicable jusqu'à la fin de l'année 2021 pour les établissements d'aide à la personne. D'autres sont en extinction, comme le « Duflot » ou le « Scellier ». Un descriptif de ces dispositifs et de leurs modalités est disponible ici :
https://www.impots.gouv.fr/portail/particulier/deductions-liees-au-logement .

* 174 Il s'agit notamment de louer le bien en respectant des plafonds de loyer, de le louer sur une durée de six à neuf ans prolongeable à douze ans et de le louer à des ménages dont les ressources sont inférieures à un plafond.

* 175 Ces taux ont été modifiés en loi de finances et seront, au 1 er janvier 2023, de respectivement
10,5 %, 15 % et 17,5 % et, au 1 er janvier 2024, de 9 %, 12 % et 14 %.

* 176 DGCCRF, Rapport d'activité 2020 (avril 2021).

* 177 Selon les données figurant dans le bilan annuel du baromètre des réclamations de consommateurs en 2020 , publié par la DGCCRF.

* 178 Au gré de l'adoption de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite loi Hamon) et de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin II).

* 179 Aux termes de l' article L. 551-1 du code monétaire et financier .

* 180 Inspection générale des finances, « Évaluation du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif Pinel », novembre 2019.

* 181 En intégrant dans le prix du bien l'apport que peut représenter cette dépense fiscale pour l'investisseur.

* 182 Article 68 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 modifiant l'article 199 novovicies du code général des impôts et décret n° 2019-1426 du 20 décembre 2019 pris pour l'application du X bis de l'article 199 novovicies du code général des impôts et relatif au plafonnement des frais et commissions des intermédiaires intervenant lors d'une acquisition de logement bénéficiant de la réduction d'impôt prévue à cet article .

* 183 Il s'agit par exemple du risque de défaillance financière de l'exploitant ou du promoteur, des risques liés à la revente et à une éventuelle moins-value, du risque lié à l'absence de locataire (avec deux effets : un manque à gagner du fait de l'absence de loyers et un le risque de voir la dépense fiscale être remise en cause) ou encore des risques portant sur la remise en cause de l'application de la dépense fiscale.

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