B. L'ADMINISTRATION FISCALE DISPOSE AUSSI D'UNE MARGE D'APPRÉCIATION CONCERNANT LA SUSPENSION DU RÉGIME DU MÉCÉNAT POUR LES ASSOCIATIONS AYANT COMMIS DES INFRACTIONS...

1. Depuis le 1er janvier 2022 une nouvelle procédure permettant à l'administration fiscale de contrôler la régularité de l'émission des reçus fiscaux ouvrant droit à la réduction d'impôt

Depuis le 1 er janvier 2018, l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale de contrôler, sur place et sur une période couvrant les quatre années précédentes, les montants portés sur les reçus fiscaux. Ce contrôle est toutefois limité à la comptabilité, et permet uniquement de contrôler la concordance entre les reçus délivrés et les dons qui ont été effectivement versés.

L'article 18 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié l'article L. 14 A pour étendre le champ de ce contrôle. Depuis le 1 er janvier 2022, l'administration peut désormais contrôler sur place que l'organisme sans but lucratif qui émet des reçus fiscaux ouvrant droit à avantage fiscal pour ses donateurs respecte les conditions prévues par la loi .

Cette procédure est engagée par un avis de contrôle et se déroule dans les locaux de l'organisme sur une période ne pouvant excéder six mois à compter de la présentation par l'organisme de l'ensemble des documents visés à l'article L. 102 E du livre des procédures fiscales. Elle se conclut par l'envoi par le service vérificateur de la lettre informant l'organisme des résultats du contrôle.

Les garanties du mécanisme de contrôle de la régularité
de l'émission des reçus fiscaux prévu par la loi du 24 août 2021

Les garanties procédurales qui entourent ce contrôle sont fixées à
l'article L. 14 B du livre des procédures fiscales. Elles consistent en :

- l'envoi d'un avis de contrôle sur place précisant les années soumises au contrôle et mentionnant expressément, sous peine de nullité de la procédure, que l'organisme a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;

- la limitation à six mois de la durée du contrôle, à peine de nullité de la procédure, à compter de la présentation de l'ensemble des documents et pièces de toute nature mentionnés à l'article L. 102 E du livre des procédures fiscales ;

- l'information sur les résultats de ce contrôle, ouvrant à l'organisme un délai de 30 jours pour formuler ses observations si l'application de l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts est envisagée et le droit à un débat contradictoire avec le vérificateur ;

- la possibilité de présenter un recours hiérarchique dans un délai de trente jours ;

- l'interdiction de renouveler un même contrôle au titre d'une même période.

Ces garanties sont proches de celles qui figurent de manière générale dans la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié », qui est entrée en vigueur au 1 er juillet 2020.

Source : direction générale des finances publiques

Avant la réforme opérée par la loi du 24 août 2021, l'administration fiscale ne disposait pas d'un moyen dédié pour vérifier que les bénéficiaires du régime des dons pour les associations respectent les conditions légales . Dans la pratique, elle exerçait souvent cette vérification de manière incidente, lors d'un autre contrôle. En conséquence, l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts n'était que faiblement appliquée : l'administration fiscale ne recensait que six à dix applications par an, pour un montant de 786 000 euros en 2017 et de 253 000 euros en 2018.

Dans la mesure où cette nouvelle procédure est entrée en vigueur il y a moins d'un an, il n'est pas encore possible d'avoir un retour d'expérience sur le dispositif, et certaines des conditions de sa mise en oeuvre doivent encore être précisées .

La direction générale des finances publiques a néanmoins signalé au rapporteur général et au rapporteur spécial qu' « il a été demandé aux services de contrôle, par circulaire du directeur général des finances publiques diffusée fin 2021, de mettre en oeuvre cette procédure prioritairement pour des organismes présentant des enjeux financiers significatifs, d'une part et, d'autre part, lorsque l'administration dispose déjà d'indices qu'un organisme émet irrégulièrement des reçus fiscaux au regard de la loi fiscale . »

Le suivi quantitatif du nombre de vérifications menées sur la base de cet article reste encore à être mis en place.

2. L'administration fiscale a alors la faculté de suspendre l'application de la réduction d'impôt en cas de constat d'infraction

Lors de l'examen du projet de loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Sénat avait adopté, à l'initiative de la commission des finances, un amendement, conservé dans le texte final, qui a repoussé au 1 er janvier 2022 l'entrée en vigueur de l'article 18. L'objectif était de laisser du temps à la direction générale des finances publiques d'affiner sa doctrine.

En effet, une ambiguïté subsistait sur la portée du contrôle opéré dans le cadre de l'article 18 de la loi du 24 août 2021 : est-ce que l'administration fiscale se borne à effectuer un contrôle formel de l'objet de l'association avec l'une des catégories mentionnées à l'article 200 du code général des impôts, ou est-ce qu'elle mène un contrôle approfondi des moyens utilisés pour que l'association accomplisse ses objectifs ? Dit autrement, est-ce qu'une association qui utilise des moyens illégaux pour accomplir un objectif qui rentre dans le cadre du régime de l'article 200 du code général des impôts peut se voir retirer le bénéfice de l'avantage fiscal pour les dons ?

Par exemple, une association de défense de l'environnement, qui est l'une des catégories éligibles à l'avantage fiscal au titre de l'article 200 du code général des impôts, qui participerait à des actions de dégradation envers des locaux appartenant à des agriculteurs, pourrait-elle encore bénéficier du régime du mécénat ?

La direction générale des finances publiques a retenu une interprétation large du dispositif de l'article 18 de la loi du 24 août 2021, en considérant qu'une association qui utiliserait des moyens illégaux pour des objectifs relevant du régime du mécénat ne serait pas autorisée à émettre des reçus fiscaux : « Sur le plan fiscal, le respect de la loi par l'organisme entre en ligne de compte pour apprécier si le régime de faveur du mécénat s'applique : par exemple, une association qui aurait pour objet d'occuper des immeubles sans droit ni titre ne pourrait pas bénéficier de ce régime quand bien même elle mettrait les immeubles occupés illégalement à disposition de personnes en difficulté sociale et se réclamerait ainsi de la finalité sociale contenue dans le champ du bénévolat . »

La direction générale des finances publiques rattache cette interprétation à l'article 3 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, qui dispose que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet ». L'article 3 de la loi de 1901 est ici interprété de manière souple, pour autoriser l'administration à retirer les avantages fiscaux pour les associations qui mènent des actions contraires à la loi, sans nécessairement que ces associations soient dissoutes.

Il apparaît ainsi que l'administration dispose déjà des moyens pour suspendre la réduction fiscale des dons aux associations qui commettent des infractions.

Cette suspension ne s'applique toutefois pas mécaniquement dès que l'administration fiscale a eu connaissance d'une action illégale commise par une association. En effet, dans le cas général, les services de la direction générale des finances publiques disposent d'une marge d'appréciation quant à savoir quels actes illégaux seraient passibles d'une suspension de l'avantage fiscal pour les dons .

Dans leurs réponses aux questions des rapporteurs, les services de la direction générale des finances publiques n'ont pas cité d'infractions en particulier, à l'exception de l'occupation d'immeubles sans droit ni titre, mais ils ont mis en avant que, dès lors qu'une association commet des « infractions de manière structurelle et récurrente comme moyens pour atteindre ses objectifs », il est fait obstacle à « l'application de l'aide fiscale, laquelle n'a pas pour objet de financer des actions illégales ».

Il apparaît à travers les réponses données par la direction générale des finances publiques que l'administration fiscale cherche à faire la distinction entre une infraction isolée, commise par un membre d'une association sans que cette dernière ne soit impliquée, et des actions illégales qui seraient réellement commises et soutenues par l'association.

Page mise à jour le

Partager cette page