Rapport d'information n° 289 (2022-2023) de Mme Françoise GATEL et M. Rémy POINTEREAU , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 26 janvier 2023

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Synthèse du rapport (314 Koctets)


N° 289

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 janvier 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à la simplification des normes imposées aux collectivités territoriales ,

Par Mme Françoise GATEL et M. Rémy POINTEREAU,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; MM. Rémy Pointereau, Guy Benarroche, Mme Agnès Canayer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Franck Montaugé, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Laurent Burgoa, Thierry Cozic, Mmes Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Laurent Somon, Lucien Stanzione.

SYNTHÈSE

Le président et le bureau du Sénat ont confié à la délégation aux collectivités territoriales la mission de simplification des normes applicables à celles-ci . Cette mission est confiée notamment à Rémy Pointereau, son premier vice-président.

De nombreux travaux sur le sujet ont déjà été menés par la délégation : rapport puis proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme, proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction, rapport puis résolution relative à la consolidation du pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets...

Évidemment, le chantier est immense et beaucoup reste à faire. Ainsi, un sondage réalisé en novembre 2020 par l'institut CSA, à l'initiative de notre délégation, révèle que la simplification des normes applicables aux collectivités demeure nettement en tête des priorités des élus. Ces derniers regrettent que les tentatives opérées jusqu'à présent de maîtrise du flux des textes n'aient pas produit des résultats à la hauteur des enjeux. Plus grave : de nombreux élus déplorent que chaque vague de simplification soit l'occasion de la production de nouveaux textes et donc d'une nouvelle couche de complexité . C'est pourquoi le présent rapport privilégie des solutions « structurelles » ou « systémiques » portant sur la fabrique même de la norme, pour que cette dernière soit élaborée dans un triple souci d'utilité, de qualité et d'efficacité .

1. LA COMPLEXIFICATION DES NORMES, UN ÉTAT DES LIEUX PRÉOCCUPANT

1- UNE TENDANCE LOURDE

La prolifération et la complexification des normes s'inscrivent dans une tendance lourde dont les causes sont nombreuses. Deux d'entre elles peuvent être citées :

- en premier lieu, l'ordre juridique doit bâtir des équilibres toujours plus subtils et plus complexes , jamais pleinement satisfaisants, entre des demandes toutes légitimes mais souvent contradictoires , par exemple lorsqu'il s'agit de respecter des objectifs environnementaux sans nuire au développement des territoires. L'objectif du zéro artificialisation nette est de ce point de vue emblématique. On peut également citer la nécessité de développer l'innovation dans les territoires mais dans le respect des libertés individuelles et de la protection des données personnelles. La poursuite de politiques publiques aussi diverses dans leur finalité est, par nature, créatrice de normes ;

- en second lieu, l'emballement normatif tient également à une croyance quasi-mystique dans la norme miraculeuse qui protégerait voire guérirait. Il s'agit là d'un mal très français : quand ils ne savent pas répondre à une question, qu'ils veulent répondre à une « émotion » ou qu'ils manquent de moyens financiers, les pouvoirs publics cèdent volontiers à la création de la norme « magique » , afin de donner l'impression, voire l'illusion, qu'ils ont réglé la question dans l'intérêt général.

2- UN COÛT POUR LES COLLECTIVITÉS ET UN FREIN AU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES

Non seulement l'inflation normative complexifie les projets locaux, en retarde la réalisation, mais, en outre, elle en augmente significativement le coût , notamment pour les petites communes aux ressources techniques et financières limitées. La multiplication des normes constitue donc indéniablement un frein au développement des territoires , dans le contexte budgétaire contraint que chacun connait. Or, la loi doit avant tout permettre et non entraver .

La direction générale des collectivités territoriales a indiqué qu'on pouvait évaluer à près de deux milliards d'euros le coût total pour les collectivités locales de cette inflation normative, au cours de la période 2017-2021. Ce montant est, en tout état de cause, à rapprocher du montant d'un milliard d'euros que coûterait en 2023 l'indexation de la DGF sur l'inflation, indexation pour l'instant rejetée par le Gouvernement.

Pour compléter ce tableau, il serait utile de disposer d'une donnée nationale essentielle : le nombre de prescriptions auxquelles sont soumises les collectivités locales et leur évolution dans le temps . Or, il n'existe actuellement aucun thermomètre permettant de mesurer la fièvre normative . Le chiffre de 400 000 normes, parfois avancé, ne repose sur aucun recensement rigoureux. À défaut, l'évolution du code général des collectivités territoriales (CGCT) et celle du code de l'urbanisme fournissent des indications pertinentes sur l'inflation normative.

S'agissant du CGCT, il a triplé de volume entre 2002 et 2022 . Certes, cette évolution résulte en partie de l'adaptation des règles à la diversité des territoires. Toutefois, la différenciation territoriale ne peut expliquer à elle seule cette situation, étant précisé que le CGCT pourrait, au 1 er janvier 2023, dépasser le million de mots , compte tenu de l'adoption en 2022 de la loi dite « 3DS ». Quant au code de l'urbanisme , son évolution est également préoccupante même si sa croissance est plus « raisonnable » : le code est ainsi passé de près de 185 000 mots au 1 er janvier 2012 à environ 265 000 mots au 1 er janvier 2022, soit une augmentation de quelque 44 % . Dans ce contexte, certains élus n'hésitent pas à parler de « harcèlement textuel » et d' « addiction aux normes ».

Les lois de simplification ne font parfois que rajouter une couche de complexité et les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de transformer le mode d'élaboration de la norme pour la rendre plus frugale. Tel est le sens des recommandations et observations qu'ils formulent.

2. L'IMPORTANCE DE MIEUX ÉVALUER EX ANTE LES PROJETS DE NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La loi organique du 15 avril 2009 a instauré l'obligation de joindre une étude d'impact à certains projets de loi. L'article 8 dispose ainsi que les documents rendant compte de l'étude d'impact « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation ». Toutefois, cette réforme n'ayant pas produit les effets escomptés, le rapport propose certaines évolutions qu'il est possible de mettre en oeuvre à droit constant, par simples engagements du Gouvernement. Certes, une révision constitutionnelle permettrait de renforcer le contenu des études d'impact. En effet, le Conseil constitutionnel par son contrôle très limité , se bornant à constater que le Gouvernement a rempli l'obligation formelle d'établir une étude d'impact, sans prendre en compte son contenu, a de fait, largement neutralisé l'apport des études d'impact . Toutefois, le rapport fait le choix de privilégier des solutions simples atteignables grâce à de simples engagements politiques du Gouvernement.

A) Les deux principales recommandations (à droit constant)

1- Donner au Parlement plus de visibilité sur les textes envisagés par le Gouvernement dans le domaine des collectivités territoriales (recommandation n°1)

Le rapport invite le Gouvernement à présenter, à chaque début de session, à l'occasion d'un débat parlementaire en séance ou en commission/délégation, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales, envisagées par le gouvernement pour l'année à venir. Ce débat d'orientation permettrait aux parlementaires d'inviter le Gouvernement, le cas échéant, à réfléchir à des propositions alternatives à droit constant, sans création de normes nouvelles.

2- Pour une étude d'impact plus sincère, plus objective et mieux contrôlée (recommandation n°2)

Les études d'impact sont, trop souvent, un outil d'autojustification ou de « plaidoyer pro domo » au lieu d'être une aide objective à la décision .

C'est pourquoi le rapport formule deux recommandations à l'égard du Gouvernement :

- en premier lieu, il recommande au Gouvernement, s'agissant des projets de loi « collectivités » de réaliser l'étude d'impact en deux temps : pour les normes les plus importantes, un premier rapport, dénommé « étude d'options » ou « étude d'opportunité », permettrait d'évaluer l'intérêt même d'une nouvelle norme, c'est-à-dire de comparer les mérites de l'intervention d'un texte avec les autres solutions possibles, y compris l'option « zéro norme ». Cette démarche, possible sans modification de la loi organique de 2009, nécessite :

o d' évaluer précisément les dispositions législatives en vigueur que le projet de loi envisage de modifier ou compléter ; ce point rejoint la nécessité de développer notre culture de l'évaluation, notoirement insuffisante en France ;

o de soumettre, dans des délais satisfaisants, cette étude d'options au CNEN, afin qu'il en assure une certification indépendante ;

o d'organiser en séance publique ou en réunion restreinte (commission/délégation) un débat d'orientation, avant l'examen du texte lui-même.

- en second lieu, le rapport recommande au Gouvernement, si ce dernier estime nécessaire de créer de nouvelles normes, de soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme ; le CNEN devra également être chargé de certifier la sincérité, l'objectivité et la complétude de l'étude d'impact. En effet, c omme pour toute démarche qualité et à l'instar des pratiques dans certains pays voisins de la France, un regard extérieur indépendant et impartial doit être porté sur l'étude d'impact , en particulier lorsqu'elle accompagne un projet de loi portant sur les collectivités territoriales.

B) Les autres propositions du rapport (à droit constant)

Le rapport formule trois autres propositions.

1- Le contenu des études d'impacts

Vos rapporteurs constatent que les projets de loi concernant les collectivités territoriales souffrent d'un défaut majeur : ils ne justifient pas suffisamment du respect des principes de simplification, de libre administration, de subsidiarité et d' autonomie financière .

Les trois premiers principes n'apparaissent pas dans la liste des éléments que doit comporter l'étude d'impact . Quant au principe d'autonomie financière , il ne ressort pas clairement des exigences prévues par la loi organique précitée de 2009. Le rapport note que le Gouvernement pourrait utilement enrichir le contenu des études d'impact, étant précisé qu'il peut procéder ainsi par simple volonté , sans modification de la loi organique précitée.

2- l'évaluation non-financière ex ante des textes réglementaires applicables aux collectivités territoriales

Le rapport juge pertinent d'étendre l'obligation d'évaluation ex ante aux impacts non financiers des textes réglementaires .

Cette obligation fait largement défaut à l'heure actuelle. Certes, en vertu de la circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015, une fiche d'impact doit être remplie afin d'évaluer l'impact financier du projet de norme pour les collectivités territoriales. Toutefois, cette analyse est incomplète puisqu'elle ne porte pas sur les aspects non-financiers de la norme, notamment sur le respect des principes de libre administration et de subsidiarité. En particulier, il serait pertinent que le producteur de la norme réglementaire justifie, dans l'étude d'impact, qu'il n'empiète pas sur le pouvoir réglementaire local. Ce changement peut se faire sans modifier les textes, tout au plus par une actualisation de la circulaire précitée.

3- Le risque de surtransposition des directives

La fabrique de la norme doit intégrer une exigence forte : les mesures assurant la transposition d'une directive communautaire ne doivent pas excéder pas les objectifs qu'elle poursuit. Le rapport invite le Gouvernement à mieux prendre en compte cet impératif dans sa pratique afin de prévenir le risque de surtransposition, et donc d'inflation potentielle des prescriptions imposées aux collectivités territoriales.

3. L'ÉVALUATION EX POST : UNE DÉMARCHE COMPLÉMENTAIRE INDISPENSABLE

Bien légiférer nécessite de bien évaluer. En effet, l'évaluation d'une norme ne doit pas seulement intervenir avant son adoption (étude d'impact ex ante ) mais aussi après son entrée en vigueur (évaluation ex post ). Les démarches évaluatives ex ante et ex post sont pleinement complémentaires . Le rapport souligne l'intérêt de deux mécanismes susceptibles de contribuer à une meilleure évaluation des normes :

1- Expérimenter, dans les lois à fort impact sur les collectivités territoriales, des clauses de réexamen et, le cas échéant, en dernier recours, des clauses « guillotine » (recommandation n°3)

La mission d'évaluation des politiques publiques est placée au coeur de l'action du Parlement (article 24 de la Constitution). Pourtant, l es démarches évaluatives demeurent encore trop rares en France. C'est pourquoi le rapport recommande que chaque loi territoriale prévoie, pour ses dispositions les plus importantes, des clauses de réexamen , à l'instar de qui se pratique au Royaume-Uni (« review clauses »). Ces clauses comporteraient un échéancier prévoyant, par exemple une première évaluation à deux ou trois ans, pour mesurer les premiers effets de la réforme, et une seconde à cinq ou six ans pour dresser un bilan complet avec le recul nécessaire. L'objectif est de vérifier si la réforme a renforcé la performance de l'action publique locale jusqu'au dernier kilomètre et au dernier habitant .

Ces clauses de réexamen pourraient elles-mêmes être assorties, dans certains cas, de clauses de caducité (ou « guillotine »). Ce système, appelé « sunset clause » outre-manche, entraîne la disparition pure et simple du texte en l'absence d'une évaluation effective ou en présence d'une évaluation négative. Vos rapporteurs sont toutefois conscients des réserves que suscitent de telles clauses. D'une part, la différenciation territoriale permet l'adaptation pragmatique des normes aux réalités territoriales et évite donc le recours à des mécanismes radicaux, tels que les clauses de caducité. D'autre part, ces dernières, créant des « normes législatives à durée déterminée », génèrent une forme d' insécurité juridique et découragent ainsi parfois les acteurs à s'engager dans des projets de long terme.

Pour ces raisons, vos rapporteurs estiment que les clauses guillotine doivent être utilisées en dernier recours et qu'il convient de privilégier, dans un premier temps, le mécanisme pragmatique de l'expérimentation, dont le régime a été amélioré par la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations engagées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. En effet, d'une part, cette loi a instauré une évaluation intermédiaire pour chacune des expérimentations engagées, d'autre part, elle a assoupli le régime de l'expérimentation locale : ainsi, cette dernière peut désormais aboutir au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et leur extension à d'autres collectivités territoriales, dans le respect du principe d'égalité

Cette recommandation n°3 ne nécessite pas de modification constitutionnelle ou organique : elle peut en effet être mise en oeuvre par simple volonté du législateur lors de l'examen des textes territoriaux . Elle suppose, en complément, une profonde évolution de la culture des fonctionnaires. Le rapport suggère ainsi d'enseigner l'évaluation - sa méthodologie et ses procédures - dans les écoles de la fonction publique (INSP, INET, IRA, ENSP...) et de l'intégrer aux cours de formation continue des agents des trois fonctions publiques.

Cette recommandation suppose également d'évaluer, au vu des récentes lois territoriales, si le domaine de la loi a toujours été respecté. En effet, en application de l'article 34 de la Constitution, la loi doit simplement « déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». En d'autres termes, le législateur a compétence pour définir des objectifs généraux et il appartient ensuite aux collectivités d'en déterminer les modalités d'application, dans le cadre du pouvoir réglementaire local.

2- Une autre proposition du rapport (à droit constant) : l'importance du dialogue État / collectivités

Le rapport rappelle une autre proposition destinée à mieux évaluer a posteriori les normes applicables aux collectivités territoriales. Elle porte sur l'importance du dialogue entre les services déconcentrés de l'État et les élus : en effet, d epuis plusieurs années, le Sénat propose d'instaurer auprès du préfet une instance de concertation, composée de représentants des services de l'État et des collectivités locales . Cette instance aurait notamment vocation à être saisie de tout différend sur l'interprétation d'une norme, et d'exprimer une position unique de l'État sur des projets complexes pour éviter aux élus d'être confrontés à une multitude de services différents aux positions parfois incompatibles. Le rapport regrette le rejet de la proposition du Sénat d'instaurer une telle instance, qui permettrait à tous les acteurs locaux, élus ou fonctionnaires, d'oeuvrer ensemble à améliorer les normes applicables aux collectivités territoriales. Le rapport observe toutefois que l'instance de concertation pourrait être mise en place sans vecteur législatif , par une simple circulaire du ministre de l'intérieur auprès des préfets, ce qui permettrait à ces derniers d'en éprouver l'efficacité et le cas échéant de l'abandonner si cette instance ne produit pas localement les effets escomptés.

4. LE CONSEIL NATIONAL D'ÉVALUATION DES NORMES, UN ACTEUR MAJEUR DE LA QUALITÉ DES NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Créé à l'initiative du Sénat par la loi du 17 octobre 2013, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) est chargé d'évaluer l'impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics . Le rapport recommande de renforcer le CNEN afin d'en faire un organe charnière inspiré du Nationaler Normenkontrollrat (NKR) allemand, comme l'a opportunément proposé M. Rémy Pointereau dans sa proposition de résolution déposée en juin 2022 1 ( * ) . Ce renforcement , qui fait l'objet de la recommandation globale n°4 , passe par plusieurs propositions :

1- Reconnaître son importance par des mesures à portée symbolique

Deux mesures symboliques sont proposées et nécessitent respectivement de modifier la loi et le règlement : réaffirmer l'indépendance du CNEN et le rattacher au Premier ministre, ce qui marquerait à la fois son importance et la transversalité de son action, par nature interministérielle.

2- Rendre plus visibles les travaux du CNEN vis-à-vis du Sénat

Au-delà des mesures symboliques, le rapport estime nécessaire de donner plus de visibilité aux travaux du CNEN . Aussi conviendrait-il que ce Conseil assure une transmission directe au Sénat de ses avis négatifs , motivés de manière précise et dès leur adoption. En outre, il conviendrait d' annexer ses avis aux études d'impact des projets de loi afin de faire bénéficier celles-ci de l'expertise développée par le Conseil dans l'évaluation de l'impact des normes sur les collectivités territoriales. Cette disposition est portée par le Sénat depuis plusieurs années.

3- Étendre et conforter ses missions

• Confier au CNEN la certification des études d'options et des études d'impact des textes imposés aux collectivités territoriales ;

• Permettre au CNEN de travailler dans des conditions sereines : en effet, environ 20 à 25 % des textes examinés par le Conseil s'inscrivent dans le cadre d'une procédure d'urgence voire d'extrême urgence, alors même que certains d'entre eux sont publiés plusieurs mois après cette saisine « urgente » ;

• Donner explicitement au CNEN mission pour se prononcer sur le respect des principes de simplification, d'autonomie financière, de libre administration et de subsidiarité ;

• Étendre le champ de compétence du CNEN aux impacts des réformes de l'État territorial sur les collectivités territoriales ;

• Contraindre le gouvernement à une seconde délibération en cas d'avis négatif rendu par le CNEN sur un projet de loi ;

• Renforcer les moyens humains et financiers du CNEN.

5. LA NÉCESSITÉ POUR LE SÉNAT D'ÊTRE ALERTÉ LE PLUS TÔT POSSIBLE DE POTENTIELLES DIFFICULTÉS, POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, RÉSULTANT DES NORMES EN COURS D'ÉLABORATION

Le rapport estime nécessaire de créer, au sein du Sénat , une fonction de veille et d'alerte, au service des commissions permanentes compétentes, le plus en amont possible de la production des normes applicables aux collectivités territoriales (recommandation n°5).

Cette fonction, comparable pour les textes nationaux à celle qu'exercent les commissions parlementaires des affaires européennes à l'égard des normes communautaires, aurait un double objectif :

- concernant les avant-projets de loi , permettre aux commissions permanentes compétentes d'être alertées très tôt lorsqu'apparaissent certaines difficultés au regard des principes directeurs de la décentralisation (libre administration, subsidiarité, autonomie financière...) ou lorsque l'étude d'impact est manifestement défaillante ou lacunaire ;

- concernant les projets de décrets d'application , permettre à ces mêmes commissions d'être alertées avant toute publication, notamment lorsque les textes envisagées semblent méconnaître la volonté du législateur. En effet, une telle situation se présente trop souvent , notamment dans le domaine des collectivités territoriales. Les décrets ZAN 2 ( * ) en constituent malheureusement une « bonne » illustration .

Le Sénat conforterait ainsi son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes impactant les collectivités territoriales. Cette nouvelle fonction parlementaire, qui s'inscrit dans une logique de dialogue constructif Parlement/Gouvernement, suppose un renforcement des liens du Sénat avec le CNEN . Ce dernier pourrait en effet jouer un rôle de filtre , de sorte que le Sénat exercerait cette fonction de veille et d'alerte uniquement en cas d'avis négatif du CNEN (soit environ 20 à 30 avis par an, dispositions législatives et réglementaires confondues).

La délégation pourrait par ailleurs désigner, en son sein, des « référents simplification » pour chaque commission. Ces référents seraient les porte-voix de la délégation au moment de l'examen des textes « collectivités » par lesdites commissions au sein desquelles ils pourraient développer les résultats des analyses de la fonction d'alerte et de veille sur un texte donné.

Cette proposition pourrait être mise en oeuvre à droit constant mais nécessiterait, pour être pleinement efficace, que le Gouvernement accepte de donner au Parlement accès aux projets de normes et d'études d'impact , dès examen par le CNEN, à l'instar de la décision du Président de la République en 2015 concernant la publicité des avis du Conseil d'État, qui n'a nécessité aucun texte juridique. Cet engagement du Gouvernement démontrerait sa volonté de protéger les collectivités et de respecter pleinement le rôle du Parlement, et singulièrement du Sénat, dans ce domaine.

6. L'IMPÉRATIF DE RELANCER LA SIMPLIFICATION DES NORMES PAR UNE CONCERTATION AU PLUS HAUT NIVEAU

Le rapport recommande enfin d'organiser au Sénat des États généraux portant sur la qualité, la nécessité et l'efficacité des normes imposées aux élus locaux. Cette manifestation, ouverte au public, permettrait une prise de conscience de la nécessité d'agir concrètement. (recommandation n°6). Le rapport démontre en effet que de nombreux engagements pourraient être pris rapidement et simplement, sans qu'il soit nécessaire de modifier les textes en vigueur, qu'ils soient constitutionnels, organiques ou législatifs.

LES 6 RECOMMANDATIONS DU RAPPORT

N° de recommandation

Recommandations

Destinataires responsables

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Donner au Parlement plus de visibilité sur les textes envisagés par le Gouvernement dans le domaine des collectivités territoriales

Premier ministre et ministre en charge des collectivités territoriales

Chaque année, à partir d'octobre 2023

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant, sous réserve de l'accord du Gouvernement

2

Pour une étude d'impact plus sincère, plus objective et mieux contrôlée :

- faire précéder l'étude d'impact d'une étude d'options soumise à la certification du CNEN

- soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de la norme

Premier ministre et ministre en charge des collectivités territoriales

6 mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant, sous réserve de l'accord du Gouvernement

N° de recommandation

Recommandations

Destinataires responsables

Calendrier prévisionnel

Support/action

3

Insérer des clauses de réexamen et, le cas échéant, des clauses « guillotine » dans les lois à fort impact sur les collectivités territoriales

Législateur

6 mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant

4

Renforcer le rôle et les moyens du CNEN

4a

Reconnaître symboliquement son importance (indépendance et rattachement au Premier ministre)

Premier ministre et ministre en charge des collectivités territoriales

un an

Loi et règlement

4b

Rendre plus visibles les travaux du CNEN vis-à-vis du Sénat

Premier ministre et ministre en charge des collectivités territoriales

six mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant, sous réserve de l'accord du Gouvernement

4c

Étendre ses moyens et ses missions

Premier ministre et ministre en charge des collectivités territoriales

six mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant, sous réserve de l'accord du Gouvernement

N° de recommandation

Recommandations

Destinataires responsables

Calendrier prévisionnel

Support/action

5

Créer une fonction de veille et d'alerte, au service des commissions permanentes compétentes , le plus en amont possible de la production des normes applicables aux collectivités territoriales

Sénat

6 mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant

6

Organiser au Sénat des États généraux sur la simplification des normes imposées aux élus.

Sénat

2 mois

La recommandation peut être mise en oeuvre à droit constant

AVANT-PROPOS

Le président et le bureau du Sénat ont confié à notre délégation la mission de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales . Cette mission qui relève notamment de Rémy Pointereau, son premier vice-président, consiste à oeuvrer pour rendre les normes toujours plus intelligibles, pertinentes et efficaces.

De nombreux travaux sur le sujet ont déjà été menés par notre délégation : rapport puis proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme 3 ( * ) , proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction, rapport puis résolution relative à la consolidation du pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets...

Évidemment, le chantier est immense et beaucoup reste à faire. Ainsi, un sondage réalisé en novembre 2020 par l'institut CSA, à l'initiative de notre délégation, révèle que la simplification des normes applicables aux collectivités demeure nettement en tête des priorités des élus.

Les priorités pour les élus

Source : Sondage CSA auprès des élus locaux pour la délégation aux collectivités territoriales, novembre 2020

Les priorités selon les catégories d'élus

Source : Sondage CSA auprès des élus locaux pour la délégation aux collectivités territoriales, novembre 2020

Au sein de votre délégation, le diagnostic est largement partagé sur les dégâts causés par notre addiction aux normes. À cet égard, il faut se féliciter que, sur proposition de Vincent Delahaye, Vice-Président du Sénat, le Bureau du Sénat ait mis en place, en janvier 2018, une mission dite « B.A.L.A.I. » (Bureau d'Abrogation des Lois Anciennes et Inutiles) « visant à recenser les lois inappliquées ou inapplicables ». Ce travail a abouti à l'abrogation de nombreuses lois adoptées entre 1800 et 1940 4 ( * ) .

Les mesures ponctuelles de simplification, aussi indispensables soient-elles, apparaissent toutefois insuffisantes au regard de l'ampleur du mal, d'autant qu'elles ne traitent pas le flux mais une partie généralement infime du stock de normes.

De même, des mécanismes comme le rescrit préfectoral ou le pouvoir de dérogation aux normes semblent avoir produit des effets limités 5 ( * ) .

D'une manière générale, les tentatives opérées jusqu'à présent de maîtrise du flux des textes n'ont pas produit des résultats à la hauteur des enjeux. Plus grave : de nombreux élus regrettent que chaque vague de simplification soit l'occasion de la production de nouveaux textes et donc d'une nouvelle couche de complexité . C'est pourquoi il nous appartient de privilégier des solutions « structurelles » ou « systémiques » .

Le présent rapport propose ainsi des améliorations portant sur la fabrique de la norme, pour que cette dernière soit élaborée dans un souci d'utilité, alors que trop souvent la norme crée des contraintes inutiles qui compromettent l'objectif de performance de l'action publique locale.

I. LA COMPLEXIFICATION DES NORMES : UNE TENDANCE LOURDE AUX CAUSES MULTIPLES, UN IMPACT TRÈS NÉGATIF SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. UNE TENDANCE LOURDE AUX CAUSES MULTIPLES

La prolifération et la complexification des normes s'inscrivent dans une tendance lourde dont les causes sont nombreuses .

En premier lieu, comme l'a indiqué à vos rapporteurs Emeric Nicolas, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne, « le phénomène des flux normatifs n'est pas une pathologie de la normativité juridique contemporaine, mais bien l'état normal de la nouvelle fabrique de la norme dans nos sociétés ». En effet, l'innovation économique, sociale et technique vient sans cesse bouleverser l'ordre juridique en lui demandant de bâtir des équilibres toujours plus subtils et plus complexes , jamais pleinement satisfaisants, entre des demandes souvent antinomiques. Ainsi que l'avait relevé Jean-Luc Warsmann en 2008 6 ( * ) , « la complexité est inhérente au fonctionnement de notre société, le droit semble contraint d'en rendre compte [...] la norme cherchant toujours à mieux appréhender la réalité qui se présente à elle ». Ainsi, notre corpus juridique intègre un nombre croissant de politiques publiques, dont chacune poursuit des objectifs aussi légitimes que potentiellement divergents, souvent fondés sur une demande sociale aussi diversifiée que mal encadrée :

- objectifs environnementaux, figurant dans la charte de l'environnement 7 ( * ) inscrite dans notre Constitution depuis 2005 ;

- objectifs de développement économique ;

- objectifs de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel ;

- objectifs démocratiques, en particulier le développement de la démocratie implicative 8 ( * ) ou le renforcement de la place des femmes dans la vie publique ;

- objectifs d'inclusion des personnes en situation de handicap ;

- objectifs de protection des données personnelles (RGPD) ;

- objectifs de décentralisation, qui, par nature, augmentent le nombre d'acteurs institutionnels concernés et accroissent ainsi les besoins de coordination entre eux ;

- objectif d'égalité de traitement entre les différents destinataires de la norme ;

- objectif de précision normative pour répondre à la judiciarisation de notre société. Ce point mérite que l'on s'y arrête : en effet, les destinataires de la norme, en particulier les élus et fonctionnaires locaux, réclament des normes toujours plus détaillées pour se prémunir d'une mise en jeu de leur responsabilité, notamment au plan pénal. Le besoin de protection agit ainsi comme un « facteur inflationniste ». Ainsi, Olivier Wolf, Directeur général des services dans la commune de Clichy-sous-Bois (Ile-de-France) a indiqué à vos rapporteurs que les normes constituent une « feuille de route » nécessaire pour les services municipaux, citant notamment le cas des normes sécuritaires (incendie, amiante, ordre public...).

En second lieu, le droit communautaire est également responsable de cette logorrhée normative et c'est pourquoi vos rapporteurs préconisent, a minima , de veiller à lutter contre les surtranspositions des directives (cf. infra) , ce qui, du reste, doit être complété par une vigilance accrue en amont sur les projets de règlements , la commission européenne faisant un usage croissant de cet instrument juridique directement applicable sur le territoire national.

Enfin, l'emballement normatif tient sans doute à une croyance quasi-mystique dans la capacité de la norme à améliorer l'intérêt général . Il s'agit là d'un mal très français : quand ils ne savent pas répondre à une question ou qu'ils manquent de moyens financiers, les pouvoirs publics cèdent volontiers à la création de la norme « magique » , afin de donner l'impression, voire l'illusion, qu'ils ont réglé la question. Nous avons parfois, sous l'effet de l'émotion par exemple, tendance à légiférer à partir de ce qui est bien souvent un épiphénomène. Notre société développe une culture de la norme « miraculeuse », qui prévient, qui empêche et qui guérit. Toutes ces lois d'émotion ont été prises comme si les citoyens pensaient que la norme pouvait être un « médicament » . Force est d'admettre que les parlementaires portent une part de responsabilité dans ce culte voué à la norme.

B. UN COÛT POUR LES COLLECTIVITÉS ET UN FREIN AU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES

La norme a vocation à donner un cadre d'action aux politiques publiques locales, certainement pas à étouffer les initiatives locales. La norme doit permettre et non entraver.

Or, votre délégation se fait régulièrement l'écho des doléances des élus qui se plaignent de la complexité des normes applicables dans leurs différents domaines de compétences. Cette inflation normative non seulement complexifie les projets locaux, en retarde la réalisation, mais en augmente significativement le coût , notamment pour les petites communes aux ressources techniques et financières limitées. La multiplication des normes constitue donc indéniablement un frein au développement des territoires.

Interrogé par vos rapporteurs, la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) estimé à près de deux milliards d'euros le coût total pour les collectivités locales de cette inflation normative, au cours de la période 2017-2021. Ce montant est par ailleurs à rapprocher du montant d'un milliard d'euros que coûterait en 2023 l'indexation de la DGF sur l'inflation, indexation pour l'instant rejetée par le Gouvernement.

Année

Nombre de textes examinés en séance par le CNEN

Coûts en N+1 pour les collectivités

Gains en N+1 pour les collectivités

Impact net en N+1 pour les collectivités

2017

355

1 034 826 351 €

850 966 090 €

183 860 261 €

2018

264

369 131 041 €

206 474 987 €

162 656 054 €

2019

287

1 502 393 544 €

711 444 576 €

790 948 968 €

2020

258

1 323 261 493 €

1 242 777 173 €

80 484 320 €

2021

287

1 170 542 758 €

447 854 709 €

722 688 049 €

Total

1451

5 400 155 187

3 459 517 535

1 940 637 652

Source : DGCL 9 ( * )

Pour compléter ce tableau, il serait utile de disposer d'une donnée nationale essentielle : le nombre de normes applicables aux collectivités locales et leur évolution dans le temps . Or, vos rapporteurs ont constaté lors de leurs auditions qu'il n'existe actuellement aucun thermomètre permettant de mesurer la fièvre normative . Le chiffre de 400 000 normes, parfois avancé, ne repose sur aucun recensement rigoureux. En effet, ni le Secrétariat général du Gouvernement ni la direction générale des collectivités locales ne disposent d'outils permettant de fournir le nombre de normes applicables, entendues comme des prescriptions que les collectivités doivent respecter.

À défaut, l'évolution de certains codes, au premier rang desquels le code général des collectivités territoriales (C GCT) et le code de l'urbanisme , fournit des indications pertinentes sur l'inflation normative.

S'agissant du CGCT , il a triplé de volume entre 2002 et 2022. Certes, cette évolution résulte en partie de l'adaptation des règles à la diversité des territoires. Toutefois, la différenciation territoriale ne peut expliquer à elle seule cette situation, étant précisé que le CGCT pourrait, au 1 er janvier 2023, dépasser le million de mots , compte tenu de l'adoption en 2022 de la loi dite « 3DS ».

Évolution du nombre de mots dans le CGCT

Dates

1 er janvier 2002

1 er janvier 2012

1 er janvier 2022

Nombre de mots

348 070 mots

648 641 mots

937 603 mots

Source : SGG

Quant au code de l'urbanisme , son évolution est également préoccupante, même si sa croissance est plus « raisonnable » : le code est ainsi passé de près de 185 000 mots au 1 er janvier 2012 à environ 265 000 mots au 1 er janvier 2022, soit une augmentation de quelque 44 % .

Évolution du nombre de mots dans le code de l'urbanisme

Dates

1 er janvier 2002

1 er janvier 2012

1 er janvier 2022

Nombre de mots

184 962 mots

220 900 mots

265 457 mots

Source : SGG (indicateurs de suivi de l'activité normative, édition 2022)

II. QUELQUES AVANCÉES, MAIS DES RÉSULTATS LIMITÉS JUSQU'À PRÉSENT

Face à cet état des lieux préoccupant, les gouvernements successifs ne sont pas restés inactifs et certaines avancées méritent d'être saluées , bien que les résultats soient demeurés relativement modestes.

A. LES EFFORTS D'ENCADREMENT DE L'USAGE DES CIRCULAIRES

La pratique des circulaires et leur publication sur Légifrance font désormais l'objet d'un contrôle plus strict exercé par le Secrétariat général du Gouvernement (SGG). La circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019 soulignait que « le nombre de nouvelles circulaires diffusées en 2018 a ainsi été supérieur à 1300. Ce flux est beaucoup trop important ».

Le SGG a fourni les chiffres des circulaires publiées depuis 2018 :

• en 2018, 1 306 circulaires ;

• en 2019, 569 circulaires (- 56,4% par rapport à 2018);

• en 2020, 151 circulaires (- 88,4% par rapport à 2018);

• en 2021, 123 circulaires (- 90,6% par rapport à 2018);

• en 2022, 125 circulaires (- 90,4% par rapport à 2018).

En d'autres termes, le nombre de circulaire a été divisé par 10 entre 2018 et 2022.

Vos rapporteurs se félicitent de ces démarches de rationalisation et souhaitent qu'elles se poursuivent.

B. DANS LE DOMAINE RÉGLEMENTAIRE AUTONOME : LA RÈGLE DU « DEUX POUR UN »

En application de la circulaire 26 juillet 2017 , tout nouveau décret doit être compensé par la suppression ou, en cas d'impossibilité avérée, la simplification d'au moins deux normes existantes . La circulaire précise ainsi que « l'entrée en vigueur d'un décret réglementaire comportant des mesures constitutives de normes nouvelles contraignantes (obligations de mise en conformité, nouvelles formalités administratives, etc.) opposables aux acteurs de la société civile (entreprises, associations, particuliers), aux services déconcentrés et aux collectivités territoriales est désormais conditionnée par l'adoption simultanée d'au moins deux mesures d'abrogation ou, de manière subsidiaire, de deux mesures de simplification de normes existantes ».

Lors du colloque organisé au Conseil d'État le 14 octobre 2022, Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement a souligné l'efficacité de cette mesure , mieux connue sous l'expression « deux pour un » .

Elle est toutefois très limitée dans son champ d'application puisqu'elle ne concerne que les décrets qui relèvent du pouvoir réglementaire autonome 10 ( * ) . Ainsi, la mesure « deux pour un » ne concerne, en réalité, qu'une dizaine de décrets par an (sur quelque 1 500 décrets publiés chaque année).

C'est pourquoi il est permis de s'interroger sur l'extension de cette règle aux arrêtés relevant du pouvoir réglementaire autonome . Une telle extension suscite toutefois certaines réserves. Ainsi, Charles Touboul a indiqué, lors de son audition : « le volume des arrêtés est très conséquent : le « deux pour un » nécessiterait une logistique très lourde et des recrutements massifs dans les ministères et au Secrétariat général du Gouvernement ». Quant au SGG, il a fait valoir qu'une telle extension « supposerait un changement de culture au sein des administrations qui devront nécessairement identifier des « gages ». Il faudra également qu'un superviseur impartial s'attache à vérifier que l'esprit du dispositif est correctement respecté, la dérogation à ce principe pouvant être plus facilement accordée au niveau de chaque ministère qu'au niveau de la Première ministre. »

C. UNE MEILLEURE FORMATION INITIALE ET CONTINUE DES HAUTS FONCTIONNAIRES

En juin 2016, notre délégation, dans son rapport précité « Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier », recommandait d'enseigner la simplification - sa méthodologie et ses procédures - dans les écoles de la fonction publique (ENA, INET, IRA, ENSP...) et de l'intégrer aux cours de formation continue des agents des trois fonctions publiques, idée reprise par la proposition n° 6 du Conseil d'État dans son étude de juillet 2016 sur la simplification 11 ( * ) , ainsi libellée : « Former spécifiquement les producteurs de normes à la simplification et à la qualité du droit. Enseigner le principe suivant lequel la prise en charge de la complexité revient à l'administration et non à l'usager ».

Dans le cadre de notre consultation nationale réalisée, début 2021, auprès des élus locaux, ces deniers ont été interrogés sur la proposition d'intégrer aux programmes de formation des élèves fonctionnaires des modules en matière de simplification législative, réglementaire et administrative. Cette idée a recueilli 93 % de réponses positives .

Intégrer aux programmes de formation des élèves fonctionnaires
des modules en matière de simplification

Tout à fait d'accord

2181

67%

Plutôt d'accord

833

26%

Sans opinion

157

5%

Pas vraiment d'accord

34

1%

Pas du tout d'accord

27

1%

Total

3232

Source : Consultation nationale des élus via

la plateforme internet du Sénat, mars 2021

Cette question de la formation est essentielle, car il serait vain de vouloir toujours courir après la norme pour la simplifier. Il faut, au contraire, l'empêcher d'être produite lorsque son utilité n'est pas avérée, ce qui exige une profonde évolution de la culture administrative des fonctionnaires. Comme indiqué plus haut, la meilleure norme est bien souvent celle que l'on ne produit pas... En d'autres termes, une norme ne devrait être produite que lorsqu'il est démontré par son auteur que le droit en vigueur ne répond pas déjà aux enjeux soulevés par la norme nouvelle envisagée. Cette logique, qui repose sur un renversement de la charge de la preuve, doit pleinement intégrer la formation de tous les producteurs de normes.

Pleinement conscient de cet enjeu, le CNEN a plaidé en 2021 pour « une évolution structurelle de de la culture normative » 12 ( * ) . Le 26 novembre 2020, il avait organisé un colloque intitulé « Changer la culture normative » et dont le premier volet était précisément : « Former et informer ». Pour reprendre les propos du président Alain Lambert à cette occasion : « Le CNEN plaide pour un renforcement massif de formation pour les rédacteurs de normes afin qu'ils maîtrisent mieux les préceptes et outils inclus dans les guides, qu'ils proposent d'eux-mêmes des alternatives à la norme. ». Lors de ce colloque, Patrick Gérard, alors directeur de l'ENA, relevait par ailleurs : « Simplifier et améliorer la qualité du droit comporte une dimension culturelle manifeste qu'on ne peut permettre d'ignorer. « Changer de culture normative », pour reprendre le titre du colloque, implique donc d'agir sur la culture administrative elle-même, et c'est bien là que réside l'importance de la formation en tant que transmission de savoirs, et apprentissage de techniques, savoir-faire et savoir agir dans une logique de professionnalisation. Simplifier, c'est enclencher un processus de changement, de transformation, remettre en cause des modes de fonctionnement acquis, auxquels « on » s'est habitué, et qui renvoient à des principes ou valeurs auxquels « on » est partiellement ou complétement attaché pour différentes raisons. Cela revient à bouleverser des jeux d'acteurs et des relations de pouvoir. » 13 ( * ) .

Ajoutons que la formation des fonctionnaires est essentielle pour garantir l' effectivité de la mesure « deux pour un » précédemment évoquée. Ainsi, Patrick Gérard a souligné devant notre délégation que « depuis que j'ai pris la direction de l'ENA en août 2017, j'ai demandé qu'il soit enseigné aux élèves, non seulement comment écrire les textes, mais aussi comment les supprimer. Ils doivent acquérir le réflexe de faire correspondre à l'écriture d'une norme la suppression d'une, voire de deux autres normes. » 14 ( * ) .

Interrogé par vos rapporteurs, l'Institut national du service public, créé le 1?? janvier 2022 pour remplacer l'ENA , a indiqué être pleinement engagé dans cette démarche : « La simplification de la norme est un enjeu d'amélioration de l'action publique auquel les élèves de l'INSP sont fortement sensibilisés. Ce sujet fait partie intégrante de la scolarité au titre de l'apprentissage des compétences juridiques et légistiques. Ces séquences pédagogiques donnent lieu à des travaux dirigés et à des mises en situation à l'occasion desquels les élèves sont amenés à pratiquer. (...) Les enjeux relatifs à l'action des collectivités et à la dimension territoriale des politiques publiques sont notamment travaillés dans un module mis en oeuvre conjointement avec l'INET. Les élèves travaillent à cette occasion sur des projets pouvant renforcer l'action publique dans « le dernier kilomètre ». Ces enjeux et ces compétences continueront à être travaillées dans le cadre de la nouvelle scolarité de l'INSP, en cours de construction, qui sera mise en oeuvre à partir de janvier 2024. ». Vos rapporteurs se félicitent de cet engagement et souhaitent qu'il se traduise par des effets tangibles.

III. L'IMPORTANCE DE MIEUX ÉVALUER EX ANTE LES PROJETS DE NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La révision constitutionnelle de 2008 visait notamment à renforcer les pouvoirs du Parlement et son contrôle de l'exécutif. A cette fin, l'article 39 de la Constitution a été complété par un alinéa ainsi rédigé : « la présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique ». Comme l'a alors souligné la commission des lois de notre assemblée, cet ajout portait en pratique, à la suite d'une recommandation du rapport du Comité présidé par Edouard Balladur, sur la réalisation d' études d'impact de ses projets de lois par le Gouvernement.

En principe, et à la condition qu'elle soit bien réalisée, une étude d'impact présente de nombreux avantages : elle permet d'analyser les effets prévisibles d'une mesure et donc, en amont de sa publication, d'ajuster le contenu d'un projet. Elle devrait conduire l'administration compétente à s'interroger sur les suites réglementaires mais aussi non normatives à prévoir pour un projet de loi et, donc, à appréhender un sujet de l'action publique dans sa globalité. Elle devrait aussi conduire l'initiateur de la mesure à préciser, voire simplement à identifier clairement, ses objectifs en termes de politique publique, ce qui n'est pas toujours le cas.

Sur le fondement de cette nouvelle disposition constitutionnelle, la loi organique du 15 avril 2009 a instauré l'obligation de joindre une étude d'impact à certains projets de loi 15 ( * ) . L'article 8 dispose ainsi que les documents rendant compte de l'étude d'impact « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation ».

Toutefois, force est de constater que cette réforme n'a pas produit les effets escomptés. C'est pourquoi vos rapporteurs proposent certaines évolutions pour donner toute sa portée à l'obligation d'étude d'impact. Ils privilégient des solutions simples qui peuvent être mises en oeuvre, pour l'essentiel, à droit constant , c'est-à-dire par simple engagement des acteurs de la norme. Le rapport entend ainsi faire preuve de sobriété normative dans ses recommandations.

A. LES DEUX PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT

1. Donner au Parlement plus de visibilité sur les textes envisagés par le Gouvernement dans le domaine des collectivités territoriales

Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à présenter, à chaque début de session, à l'occasion d'un débat parlementaire en séance, en commission permanente ou en délégation aux collectivités, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales, envisagées par le Gouvernement pour l'année à venir. Ce débat d'orientation permettrait aux parlementaires d'inviter le Gouvernement, le cas échéant, à réfléchir à des propositions alternatives à droit constant, sans création de normes nouvelles.

Recommandation n° 1 : Donner au Parlement plus de visibilité sur les textes envisagés par le Gouvernement dans le domaine des collectivités territoriales .

2. Garantir une étude d'impact plus sincère, plus objective et mieux contrôlée

La multiplication et la complexité des normes peuvent s'expliquer notamment par un défaut affectant les mécanismes de fabrique de la norme : la défaillance des études d'impact.

Le constat est malheureusement connu : les études d'impact sont, trop souvent, détournées de leur but premier. Au lieu d'être une aide objective à la décision, elles sont un outil d'autojustification ou de « plaidoyer pro domo ». C'est la raison pour laquelle, l ors de son audition devant votre délégation, Charles Touboul a déclaré : « les études d'impact n'ont pas rempli leurs objectifs. Elles n'ont pas provoqué l'effet dissuasif ou le ralentissement escomptés dans la production de la norme ».

Comment peut-il en être autrement puisque le gouvernement est juge et partie ? Pourtant, dans ses rapports publics, le Conseil d'État rappelle régulièrement que les études d'impact ne sont « pas un simple exercice formel », mais qu'elles concourent au contraire « à justifier la portée et le bien-fondé juridique de la mesure envisagée » 16 ( * ) .

C'est pour remédier à cette situation que vos rapporteurs formulent la recommandation suivante à l'attention du Gouvernement, recommandation composée de deux branches :

- en premier lieu, ils recommandent la réalisation préalable d'une « étude d'options » ou « étude d'opportunité » ;

- en second lieu, ils recommandent de soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme.

a) Une étude d'options préalable

En 2008, la volonté du pouvoir constituant était claire : conduire le Gouvernement à « s'interroger davantage sur les conséquences des dispositions qu'il propose et leur « valeur ajoutée » par rapport au droit existant » 17 ( * ) . Lors des débats, notre collègue député Jean-Luc Warsmann avait également indiqué l'objectif recherché, à savoir « fermer d'un cran le robinet de la création législative en obligeant à l'avenir les gouvernements successifs à s'arrêter après l'écriture d'un projet de loi pour réaliser une étude visant à connaître le coût de son application comparé à celui des autres solutions non législatives permettant d'atteindre les mêmes objectifs. Le « rapport qualité-prix » de chacune des solutions, législatives et non législatives, sera ainsi connu. ».

La loi organique de 2009 telle qu'adoptée par le Parlement a ainsi précisé que l'étude d'impact « recense les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et expose les motifs du recours à une nouvelle législation ». Le législateur organique avait même souhaité aller plus loin en précisant que cette étude d'impact devait être engagée « dès le début de l'élaboration » d'un projet de loi. Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré cette mention en estimant notamment qu'elle ne trouvait pas de fondement constitutionnel à l'article 39 de la Constitution, cet article n'habilitant la loi organique qu'à préciser les conditions de « présentation » des projets de loi 18 ( * ) .

Conséquence ou non de cette censure, les gouvernements successifs n'ont jamais vraiment « joué le jeu » de cette étude d'impact qui impliquait, on l'a dit, de se poser la question suivante avant de préparer une réforme : le droit en vigueur ne permet-il pas déjà de répondre aux préoccupations soulevées ? En pratique, cette question préalable, pourtant fondamentale, semble toujours tranchée positivement par les ministères . Ces derniers, répondant à une commande politique, confirment nécessairement au ministère donneur d'ordre que, « après mûre réflexion », la loi paraît très opportune... En termes de fonctionnement des organisations et de sociologie des administrations, il y a là un véritable conflit d'intérêts : imagine-t-on un ministère estimer, après un travail intense, qu'il n'y a finalement pas lieu de légiférer et qu'à droit constant les solutions existent ? L'étude d'impact intervient généralement trop tard , au moment où elle est formellement nécessaire et lorsque le texte évalué est largement figé. En d'autres termes, lorsque le Gouvernement prépare l'étude d'impact, il se place déjà dans la situation où la norme devra être modifiée.

Cette pratique gouvernementale ne correspond pas à l'intention du pouvoir constituant. C'est pourquoi plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs, en particulier le vice-président du Conseil d'État, ont proposé d'instaurer une étape préalable à l'étude d'impact, au moins en ce qui concerne les textes applicables aux collectivités territoriales. Il s'agirait de faire précéder l'étude d'impact d'une « étude d'options » ou « étude d'opportunité » afin d'évaluer l'intérêt même d'une nouvelle norme, c'est-à-dire de comparer les mérites de l'intervention d'un texte avec les autres solutions possibles, y compris l'option « zéro norme ». Pour être efficace, cette démarche nécessite :

- d' évaluer précisément les dispositions législatives en vigueur que le projet de loi envisage de modifier ou compléter ; ce point rejoint la nécessité de développer notre culture de l'évaluation, notoirement insuffisante en France (cf infra) ;

- de soumettre cette étude d'opportunité à la même exigence de certification indépendante que l'étude d'impact elle-même (cf supra) ;

- d'organiser au Parlement, pour les textes les plus importants, en particulier pour les projets de lois territoriales, un débat d'orientation, avant l'examen du texte lui-même , à l'image de l'étape dite du « second reading » au sein du Parlement britannique qui permet aux parlementaires, en amont du travail en commission et, a fortiori , de l'examen des amendements, de débattre des grands principes du projet. Ce débat permettrait, d'une part, d'évaluer l'efficacité des dispositions législatives que le Gouvernement entend modifier, d'autre part, d'apprécier l'opportunité de l'option consistant à légiférer par rapport à l'option « zéro norme ». Le Parlement effectuerait ainsi un contrôle de la nécessité de la norme. Ça n'est qu'à la fin de ce processus que le projet serait soumis à l'arbitrage du Premier ministre qui déciderait alors de poursuivre ou non la réforme. Lors son audition, le professeur Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l'Université de Picardie-Jules Verne, a pleinement souscrit à ce processus, rappelant, à titre d'exemple que, le 14 janvier 2015, un « débat d'orientation préalable » a été organisé en séance publique à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'élaboration de l'avant-projet de loi relatif au numérique. Celui-ci s'est fondé, a-t-il précisé, sur un canevas d'étude d'impact et sur les grandes orientations du Gouvernement. Il a souligné que cette expérience pourrait être rééditée pour les textes importants.

Comme pour toute démarche qualité, un regard extérieur indépendant et impartial doit être porté sur l'étude d'impact , en particulier lorsqu'elle accompagne un projet de loi portant sur les collectivités territoriales .

Cette certification indépendante est d'autant plus nécessaire si on étend le champ des études d'impact à la question du respect des grands principes protecteurs des collectivités locales (cf supra). Elle permettrait d'évaluer objectivement les effets concrets des projets de loi sur l'efficacité de l'action publique locale .

Comme le soulignait l'étude du Conseil d'État de 2016, « l'institution d'une certification indépendante devrait être envisagée en France ». Vos rapporteurs relèvent que la France pourrait utilement s'inspirer des pratiques d'autres États européens, tels que le Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui, tous trois, se dont dotés d'organismes indépendants spécifiquement chargés d'évaluer l'objectivité, la sincérité et la complétude des évaluations préalables. Le NKR allemand ( Nationaler Normenkontrollrat) est l'organe le plus couramment cité. De même, la France pourrait s'inspirer du contrôle qualitatif effectué à l'échelle européenne par le Regulatory Scrutiny Board (RSB), organe indépendant rattaché à la Commission européenne, qui opère un contrôle sur les analyses d'impact.

b) Soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact

En second lieu, vos rapporteurs recommandent au Gouvernement, si ce dernier estime nécessaire de créer de nouvelles normes, de soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme ; le CNEN devrait également être chargé de certifier la sincérité, l'objectivité et la complétude de l'étude d'impact. En effet, comme pour toute démarche qualité et à l'instar des pratiques dans certains pays voisins de la France, un regard extérieur indépendant et impartial doit être porté sur l'étude d'impact, en particulier lorsqu'elle accompagne un projet de loi portant sur les collectivités territoriales.

Recommandation n° 2 : garantir une étude d'impact plus sincère, plus objective et mieux contrôlée :

- faire précéder l'étude d'impact d'une « étude d'options » ou « étude d'opportunité » ;

- soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme.

B. LES AUTRES PROPOSITIONS DU RAPPORT

Vos rapporteurs formulent trois autres propositions portant sur les évaluations ex ante des normes applicables aux collectivités territoriales. Ces propositions ne nécessitent pas de modification des textes juridiques.

1. L'enrichissement du contenu des études d'impact au regard des principes de simplification, de libre administration, de subsidiarité et d'autonomie financière

Vos rapporteurs constatent que les projets de loi concernant les collectivités territoriales souffrent d'un défaut majeur : ils ne justifient pas suffisamment du respect des principes de simplification mais aussi des principes constitutionnels de libre administration, de subsidiarité et d' autonomie financière .

Les trois premiers principes n'apparaissent pas dans la liste des éléments que doit comporter l'étude d'impact . Quant au principe d'autonomie financière , il paraît « noyé » dans la rédaction de l'article 8 précité de la loi organique de 2009. En effet, cet article prévoit, d'une manière très générale, « l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».

Il convient de remédier à ces insuffisances en faisant peser sur le Gouvernement, dans le cadre de l'étude d'impact, la charge de démontrer que les mesures proposées respectent pleinement ces quatre principes majeurs.

S'agissant du principe de subsidiarité , rappelons que la Constitution prévoit, en son article 72, que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. ». Toutefois, comme l'a souligné, en juillet 2020, le groupe de travail sur la décentralisation, ce principe de subsidiarité reste essentiellement théorique : à l'heure actuelle, son respect n'est assuré par aucun mécanisme juridique. A cet égard, vos rapporteurs rappellent l'énoncé de la proposition n°32 du groupe de travail précité : renforcer les études d'impact pour l'examen des projets de loi au regard du principe de subsidiarité.

Concernant le principe d'autonomie financière , garanti par l'article 72-2 de la Constitution, il est impératif que le Gouvernement soit contraint de fournir à l'avenir tous les éléments nécessaires à un débat parlementaire sincère et éviter ainsi tout risque de compensation insuffisante de charges nouvelles incombant aux collectivités territoriales.

Enfin, il est essentiel que l'étude d'impact précise si le texte proposé contribue à l' objectif de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Plus précisément, le Gouvernement devrait s'attacher à dénombrer, dans son évaluation préalable, les normes créées ainsi que celles qu'il supprime, avec pour objectif politique d'arriver au résultat : « 1 norme créée / 2 normes supprimées » .

2. L'évaluation non-financière ex ante des textes réglementaires applicables aux collectivités territoriales

Il ne suffit pas de renforcer et compléter les études d'impact accompagnant les projets de loi. Vos rapporteurs estiment nécessaire d'aller plus loin en étendant le champ de l'obligation d'évaluation ex ante aux textes réglementaires .

Pour ces textes, cette obligation est très parcellaire à l'heure actuelle. Certes, en vertu de la circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015, une fiche d'impact doit être remplie afin d'évaluer l'impact financier du projet de norme pour les collectivités territoriales. Toutefois, cette analyse est incomplète puisqu'elle ne porte pas sur les aspects non-financiers de la norme, notamment sur le respect des principes de libre administration et de subsidiarité. En particulier, il apparait nécessaire que le producteur de la norme réglementaire justifie, dans l'étude d'impact, qu'il n'empiète pas sur le pouvoir réglementaire local.

3. Le risque de surtransposition des directives

La fabrique de la norme doit intégrer une exigence forte : les mesures assurant la transposition d'une directive communautaire ne doivent pas excéder les objectifs qu'elle poursuit. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que les lois et règlements n'aillent au-delà des exigences européennes en introduisant, de manière quasi subreptice, des contraintes et charges nouvelles, notamment pour les collectivités territoriales .

Consciente de cet impératif, notre assemblée a adopté, le 12 janvier 2016, à l'initiative de Rémy Pointereau, une proposition de loi constitutionnelle qui fixe un principe d'interdiction des surtranspositions de textes européens . Vos rapporteurs regrettent que l'Assemblée nationale n'ait jamais examiné ce texte 19 ( * ) .

Certes, le Gouvernement affiche des objectifs louables pour prévenir le risque de toute surtransposition. Citons ainsi la circulaire du 26 juillet 2017 : « Une vigilance particulière sera portée à la transposition des directives européennes. Toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive est en principe proscrite. Les dérogations à ce principe, qui peuvent résulter de choix politiques, supposent la présentation d'un dossier explicitant et justifiant la mesure qui sera soumise à l'arbitrage de mon cabinet. Ce travail ne doit pas porter sur le seul flux de transpositions mais également sur le stock. Une mission d'inspection aura prochainement en charge un travail inédit d'inventaire. Toutes les surtranspositions identifiées dans vos champs ministériels et qui n'auront pu être justifiées feront l'objet d'un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l'Union européenne ».

Toutefois, force est de constater que ces engagements n'ont pas produit les effets escomptés. Ainsi, le Conseil national d'évaluation des normes a très récemment réitéré ses inquiétudes sur le sujet : « Le collège des élus appelle, de nouveau, le Gouvernement à la vigilance sur les risques de sur-transposition des directives européennes. Il constate que ce phénomène, de plus en plus fréquent, est à l'origine d'une inflation normative qui prospère face à l'ineffectivité des actions prises par les pouvoirs publics pour en limiter les effets . (...) Il invite le Gouvernement à mener une réflexion sur la méthode de transposition des directives européennes afin de clarifier les mesures relevant du droit de l'Union européenne et celles relevant strictement du droit national dans un objectif de responsabilisation des pouvoirs publics et de meilleure information des citoyens sur l'origine de la norme applicable. Il estime ainsi que la séparation de ces types de mesures dans deux actes distincts, l'un permettant la transposition a minima de la directive européenne, l'autre contenant les mesures nationales complémentaires, pourrait permettre de remplir ces objectifs et, ainsi, d'éviter l'écueil des sur-transpositions » (Délibération n° 22-09-08-02928 du 15 septembre 2022 du CNEN).

Il faut ajouter à cela un autre risque évoqué lors de l'audition des membres du Conseil d'État, à savoir l'utilisation croissante des règlements européens par la Commission européenne, textes d'application directe sur le territoire national, au contraire des directives qui nécessite des actes de transposition. Cela exige des autorités françaises et du Parlement une vigilance très en amont du processus de production des normes européennes. Cela suppose aussi que le Gouvernement justifie dans l'étude d'impact n'avoir procédé à aucune surtransposition. En effet, en application de l'article 8 de la loi organique de 2009 précitée, l'étude d'impact, jointe au projet de loi, expose avec précision « l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ».

Vos rapporteurs s'interrogent sur cette rédaction : l'étude d'impact ne devrait-elle pas justifier que les mesures assurant la transposition de la directive n'excèdent pas les objectifs qu'elle poursuit ? En d'autres termes, que le texte proposé ne procède à aucune surtransposition ? Naturellement, les textes réglementaires devraient eux-aussi être soumis à une telle exigence de justification.

C. FAUT-IL, EN DERNIER RECOURS, RÉVISER LA CONSTITUTION ?

Les évolutions proposées par vos rapporteurs peuvent être mise en oeuvre à droit constant, par simples engagements du Gouvernement.

Dans l'hypothèse où le Gouvernement décidait de ne pas s'engager dans la voie que vos rapporteurs appellent de leurs voeux, vos rapporteurs ont souhaité étudier l'option d'une révision constitutionnelle , tout en étant conscient de ses aléas. Une telle révision présenterait l'intérêt de renforcer le contrôle du Conseil constitutionnel sur le contenu des études d'impact . En effet, le Conseil constitutionnel a, jusqu'à présent, non seulement exercé un contrôle très limité en ce domaine mais a pratiquement vidé de leur substance les études d'impact.

En effet, le texte organique adopté par les assemblées prévoyait : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact dès le début de leur élaboration ». Or, lors de son examen (décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009), le Conseil constitutionnel a rejeté le principe d'une étude d'impact « dès le début de l'élaboration » d'un projet de loi, estimant notamment que cette précision ne trouvait pas de fondement constitutionnel à l'article 39 de la Constitution. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a aussi rejeté l'exigence que l'étude d'impact contienne les orientations principales et le délai prévisionnel de publication des textes d'application des lois.

Enfin, troisième élément de la neutralisation des études d'impact, lorsque que la Conférence des présidents du Sénat, en juin 2014, a rejeté, conformément à la nouvelle possibilité ouverte par l'article 39 alinéa 4 de la Constitution, l'inscription à son ordre du jour d'un projet de loi (relatif à la délimitation des régions) au motif que son étude d'impact était insuffisante, le Conseil constitutionnel a débouté notre assemblée ( décision n° 2014-12 FNR du 1 er juillet 2014 ). Dans cette décision, le Conseil s'est refusé à examiner la qualité de fond de l'étude d'impact contestée , en se bornant à vérifier la présence formelle des données qui devaient y figurer en application de la loi organique. En d'autres termes, le Conseil constitutionnel a simplement constaté que le Gouvernement avait rempli l'obligation formelle d'établir une étude d'impact, sans prendre en compte son contenu .

Cette frilosité a sans conteste neutralisé l'avancée de 2008, en décourageant les assemblées d'user de cette nouvelle possibilité. N'ayant pas à redouter de sanction, le Gouvernement peut aisément s'en tenir à des considérations générales approximatives teintées d'optimisme, lesquelles ne contribuent guère à la qualité et à la sincérité de l'examen parlementaire.

Ainsi pourrait-il être proposé d'élever au niveau constitutionnel l'obligation, aujourd'hui de niveau organique, d'une étude d'impact. En complément, il conviendrait de prévoir dans notre loi fondamentale que le Conseil constitutionnel doit exercer, en cas de différend entre le Parlement et le Gouvernement, un contrôle a minima de l' erreur manifeste d'appréciation. En d'autres termes, le Conseil pourrait confirmer le refus d'inscription à l'ordre du jour d'un texte dont l'étude d'impact présente, selon la première assemblée saisie, un caractère manifestement lacunaire ou indigent .

D'autres solutions, certes très complexes à mettre en oeuvre, pourraient être envisagées :

- hypothèse radicale : supprimer la deuxième phrase du 4 ème alinéa de l'article 39 de la Constitution prévoyant l'intervention du Conseil constitutionnel en cas de différend Parlement-Gouvernement. En d'autres termes, le droit de veto du Parlement ne pourrait pas être surmonté ;

- hypothèse intermédiaire : substituer au pouvoir de décision du Conseil un simple pouvoir d' avis non contraignant .

Ces évolutions constitutionnelles pourraient également conduire le Conseil d'État à renforcer son niveau d'exigence lorsque l'étude d'impact est très insuffisante . Sur ce point, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d'État, a indiqué, lors de son audition, que la haute assemblée était de plus en plus attentive à la qualité des études d'impact et n'hésitait pas, dans le cadre de sa fonction consultative, à signaler au Gouvernement d'éventuels manquements. Afin de renforcer la prise en compte de ces observations , la loi organique pourrait être complétée en prévoyant que l'étude d'impact comporte les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil d'État sur la qualité et la complétude de cette étude.

Par ailleurs, l'avis du Conseil d'État est avant tout juridique , ce qui ne saurait étonner au vu de sa composition et de sa vocation. Pourtant, la qualité d'une étude d'impact ne peut être mesurée à cette seule aune juridique. Dès lors, on peut s'interroger sur la pertinence d'adjoindre des compétences complémentaires au Conseil ou de confier la partie non juridique de l'examen des études à un autre organisme, qui pourrait éventuellement être le CNEN, ce qui pose à nouveau la question cruciale de ses moyens.

IV. L'ÉVALUATION EX POST : UNE DÉMARCHE COMPLÉMENTAIRE INDISPENSABLE

Bien légiférer suppose de bien évaluer. En effet, l'évaluation d'une norme ne doit pas seulement intervenir avant son adoption (étude d'impact ex ante ) mais aussi après son entrée en vigueur (évaluation ex post ). Les démarches évaluatives ex ante et ex post sont pleinement complémentaires . Une évaluation approfondie menée a posteriori permet bien souvent d'éviter la tentation de créer de nouvelles normes. Elle permet par ailleurs de tirer les leçons de choix erronés.

Au-delà, sa généralisation est un puissant outil, d'une part, pour pousser les auteurs de projets de textes à se poser davantage la question des impacts de leur production normative, d'autre part, pour créer une culture partagée de l'évaluation qui doit progressivement imprégner, à tous les niveaux, la décision publique. Vos rapporteurs insistent donc sur la nécessité pour le Parlement de mener régulièrement des travaux d'évaluation des politiques publiques. Ils souhaitent à cet effet mettre en lumière deux mécanismes susceptibles de contribuer à une meilleure évaluation des normes : insérer des clauses de réexamen et, le cas échéant, des clauses « guillotine » dans les lois à fort impact sur les collectivités territoriales ; créer des conférences de dialogue Etat/collectivités.

A. EXPÉRIMENTER, DANS LES LOIS À FORT IMPACT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, DES CLAUSES DE RÉEXAMEN ET, EN DERNIER RECOURS, DES CLAUSES « GUILLOTINE »

Si la maîtrise de l'inflation normative au stade de l'examen parlementaire se révèlera toujours complexe, eu égard aux délais dont dispose le Parlement français pour accomplir sa mission, il est une méthode qui permet de remédier à cette difficulté sans mettre à mal le droit d'amendement des parlementaires. Il s'agit de l'évaluation ex post des textes législatifs. Vos rapporteurs considèrent que le Sénat, par sa mission constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales, par la durée du mandat de ses membres, son recul par rapport aux agitations de la vie médiatique, sa liberté par rapport au fait majoritaire, a vocation à jouer un rôle central en la matière .

Rappelons, à cet égard, que la mission d'évaluation des politiques publiques est placée au coeur de l'action du Parlement et que l'article 24 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision de 2008, définit comme suit les missions confiées aux assemblées : « le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du gouvernement. Il évalue les politiques publiques . ». L'évaluation des politiques publiques permet d'établir si les axes d'une politique publique correspondent au sujet identifié (évaluation de la pertinence ) et si ses résultats sont conformes aux objectifs attendus. Cette démarche correspond ainsi à l'appréciation de l'efficacité de l'action publique. Un niveau plus exigeant consiste à évaluer l'efficience de la politique publique, c'est-à-dire son ratio résultats/moyens mis en oeuvre. En d'autres termes, l'efficience consiste à analyser s'il n'aurait pas été possible d'atteindre les mêmes résultats mais avec des ressources moindres (coût, personnel...).

Ces démarches évaluatives demeurent encore trop rares en France en comparaison des pratiques de certains de nos voisins tels que les Pays-Bas ou l'Allemagne. En conséquence, il nous appartient de contribuer à développer la culture de l'évaluation dans notre pays . C'est dans ce cadre, par exemple, que votre délégation a mené, conjointement avec la délégation aux entreprises, une mission d'évaluation du volet « revitalisation » de la loi ELAN ainsi que des programmes « action coeur de ville » et « petites villes de demain » 20 ( * ) .

La qualité de l'évaluation a posteriori dépend de celle de l'étude d'impact préalable. En effet, l'évaluation permet de mesurer l'écart entre les objectifs attendus dans l'étude ex ante et ceux in fine atteints. Il s'agit en particulier d'évaluer le respect du principe de subsidiarité et de libre administration car, parfois, les difficultés ne se révèlent que dans le cadre de la mise en oeuvre concrète d'une réforme territoriale. Plus l'étude d'impact préalable est précise, plus l'évaluation a posteriori sera efficace.

Le législateur doit intégrer la démarche évaluative dans le cadre même de l'élaboration du texte . Ainsi, chaque loi territoriale devrait prévoir, pour ses dispositions les plus importantes, des clauses de réexamen , à l'instar de qui se pratique au Royaume-Uni (« review clauses »). Ces clauses comporteraient un échéancier prévoyant, par exemple, une première évaluation à deux ou trois ans, pour mesurer les premiers effets de la réforme, et une seconde à cinq ou six ans pour dresser un bilan complet avec le recul nécessaire. L'objectif est de vérifier si la réforme a renforcé la performance de l'action publique locale jusqu'au dernier kilomètre et au dernier habitant .

Ces clauses de réexamen pourraient elles-mêmes être assorties, dans certains cas, de clauses de caducité (ou « guillotine »). Ce système, appelé « sunset clause » outre-manche, entraîne la disparition pure et simple du texte en l'absence d'une évaluation effective ou en présence d'une évaluation négative . Vos rapporteurs sont toutefois conscients des réserves que suscitent de telles clauses.

En premier lieu, la différenciation territoriale permet l'adaptation pragmatique des normes aux réalités territoriales et évite donc le recours à des mécanismes radicaux, tels que les clauses de caducité.

En deuxième lieu, ces clauses sont, outre-manche, rarement utilisées et souvent critiquées. Ainsi, à l'issue d'une clause de caducité de cinq ans, la loi de 2011 sur les mesures de prévention du terrorisme et d'enquête a vu ses dispositions renouvelées pour une période de cinq ans après uniquement 32 minutes de débat en commission à la chambre des Communes. Cette situation tient principalement au peu de temps disponible dans l'ordre du jour pour ce type de débat, le manque d'informations des parlementaires et leurs craintes de voir s'éteindre des dispositions législatives effectivement nécessaires.

Clauses de réexamen et clauses de caducité au Royaume-Uni

Le gouvernement britannique a publié, en 2011 , un document d'orientation sur les clauses de réexamen et de caducité ( sunsetting provisions ) 21 ( * ) . Ce document, rédigé par le bureau « mieux légiférer » ( Better Regulation Executive ) de la direction des entreprises, fournit les définitions suivantes :

- une clause de réexamen « impose une obligation légale de procéder à un examen de la réglementation dans un délai donné mais ne prévoit pas d'expiration automatique (ce qui signifie que d'autres mesures législatives sont nécessaires pour supprimer ou amender les dispositions concernées) » ;

- une clause de caducité « prévoit une expiration automatique après une période donnée (ce qui signifie que d'autres mesures législatives sont nécessaires pour que la ou les dispositions concernées restent en vigueur, avec ou sans modification) » 22 ( * ) . Le glossaire du site internet du Parlement britannique indique, quant à lui, qu'une sunset clause est « une disposition d'un projet de loi qui donne à celui-ci une date d'expiration une fois qu'il est adopté. Des clauses de caducité sont incluses dans la loi lorsqu'on estime que le Parlement devrait avoir la possibilité de se prononcer à nouveau sur ses mérites après une période déterminée » 23 ( * ) . Chaque sunset clause est généralement associée à une clause de réexamen, permettant une évaluation préalable des dispositions censées s'éteindre.

Source : division de la législation comparée du Sénat

Enfin, ces clauses de caducité, créant des « normes législatives à durée déterminée », génèrent une forme d' insécurité juridique et découragent ainsi parfois les acteurs à s'engager dans des projets de long terme.

Pour l'ensemble de ces raisons, vos rapporteurs estiment que les clauses guillotine doivent être utilisées en dernier recours et qu'il convient de privilégier, dans un premier temps, le mécanisme pragmatique de l'expérimentation , dont le régime a été amélioré par la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations engagées sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. En effet, d'une part, cette loi a instauré une évaluation intermédiaire pour chacune des expérimentations engagées, d'autre part, elle a assoupli le régime de l'expérimentation locale : ainsi, cette dernière peut désormais aboutir au maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et leur extension à d'autres collectivités territoriales, dans le respect du principe d'égalité

Cette recommandation relative aux clauses de réexamen ou de caducité ne nécessite pas de modification constitutionnelle ou organique : elle peut en effet être mise en oeuvre par simple volonté du législateur lors de l'examen des textes territoriaux .

Recommandation n°3 : Expérimenter, dans les lois à fort impact sur les collectivités territoriales, des clauses de réexamen et, le cas échéant, en dernier recours, des clauses « guillotine »

B. L'IMPORTANCE DU DIALOGUE ÉTAT / COLLECTIVITÉS

Dans le cadre d'une consultation en lignée lancée par votre délégation début 2021, les élus locaux ont été interrogés sur la proposition d'instaurer auprès du préfet une instance de concertation, composée de représentants des services de l'État et des collectivités locales . Cette idée avait recueilli 91 % de réponses positives . Cette instance aurait notamment vocation à être saisie de tout différend sur l'interprétation d'une norme, et d'exprimer une position unique de l'État sur des projets complexes, pour éviter aux élus d'être confrontés à une multitude de services différents aux positions parfois incompatibles.

Dès 2013, dans leur rapport sur la lutte contre l'inflation normative 24 ( * ) , Alain Lambert et Jean-Claude Boulard avaient recommandé l'instauration auprès du préfet d'une instance composée de représentants de collectivités locales pouvant être saisie de tout différend sur l'interprétation d'une norme . Cette proposition avait été étoffée et précisée dans le cadre du rapport précité de la délégation de juin 2016, Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier. Au travers de la consultation des élus qu'ils avaient organisée, les rapporteurs avaient en effet constaté la très forte défiance des élus locaux à l'égard de services de l'État, jugés peu disponibles et plus répressifs que facilitateurs .

La création de cette instance de dialogue a été intégrée en 2019 dans le cadre de l'examen du projet de loi dit « engagement et proximité », puis à l'article 4 quater de la loi 3DS à l'initiative de Rémy Pointereau : « Il est institué auprès du représentant de l'État, dans chaque département, une conférence de dialogue compétente, en particulier, pour donner un avis sur des cas complexes d'interprétation des normes, de mise en oeuvre de dispositions législatives ou règlementaires, pour identifier les difficultés locales en la matière, pour porter ses difficultés à la connaissance de l'administration centrale et pour faire des propositions de simplification. Elle est saisie par le représentant de l'État dans le département, l'un de ses membres, tout maire ou tout président d'établissement public de coopération intercommunale ».

Sans véritablement étayer sa position 25 ( * ) , l'Assemblée nationale a toutefois supprimé cette disposition. Et la commission mixte paritaire a confirmé cette suppression.

Vos rapporteurs le regrettent et réaffirment qu'une telle instance permettrait à tous les acteurs locaux, élus ou fonctionnaires, d'oeuvrer ensemble à améliorer les normes applicables aux collectivités territoriales, fournissant au préfet l'occasion de faire systématiquement remonter à l'administration centrale les difficultés identifiées localement. Un autre intérêt de ce dispositif serait d'améliorer sur le terrain l'application des normes et politiques publiques en permettant l'émergence et en formalisant une parole unique de l'État . En effet, très nombreux sont les élus qui déplorent le ralentissement, la complexification, voire le blocage de leurs projets en raison de normes ou d'injonctions contradictoires de la part de différentes administrations de l'État.

Vos rapporteurs observent toutefois que cette instance de concertation pourrait être mise en place sans vecteur législatif , par une simple circulaire du ministre de l'Intérieur auprès des préfets, ce qui permettrait à ces derniers d'en éprouver l'efficacité, et le cas échéant, de l'abandonner si cette instance ne produit pas localement les effets escomptés.

V. LE CONSEIL NATIONAL D'ÉVALUATION DES NORMES, UN ACTEUR MAJEUR DE LA QUALITÉ DES NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Créé par la loi du 17 octobre 2013, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) 26 ( * ) est chargé d'évaluer l'impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics .

Cet organe est issu de la proposition de loi sénatoriale sur la régulation des normes applicables aux collectivités locales, portée par Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. La composition du CNEN traduit le souhait d'associer pleinement les élus locaux qui constituent le collège le plus important 27 ( * ) . Cette composition répond ainsi à la nécessité de « confronter les projets de normes à leurs destinataires » selon l'expression du Conseil d'État dans son étude précitée de 2016. Le législateur a ainsi souhaité que le CNEN s'attache à l'impératif de concertation et de co-élaboration des normes applicables aux collectivités.

Vos rapporteurs ont pu constater, au fil du temps, la montée en puissance de cette instance et souhaitent saluer l'énergie et la détermination de son Président, notre ancien collègue Alain Lambert. Indéniablement, le CNEN est une instance qui améliore la fabrique de la norme applicable aux collectivités territoriales.


Le CNEN en chiffres (2019-2021)

2019

2020

2021

• 23 séances

• 287 projets de texte

• 13 avis défavorables rendus

• 791 millions d'euros de charges nettes supplémentaires

• 15 séances

• 258 projets de texte

• 14 avis défavorables rendus

• 80 millions d'euros de charges nettes supplémentaires

• 16 séances

• 287 projets de texte

• 27 avis défavorables rendus

• 723 millions d'euros de charges nettes supplémentaires

Source : CNEN

Vos rapporteurs estiment qu'il faut aller plus loin . Ils plaident ainsi pour que le CNEN « soit renforcé afin d'en faire un organe charnière inspiré du Nationaler Normenkontrollrat (NKR) allemand », comme l'a proposé M. Rémy Pointereau dans sa proposition de résolution déposée en juin 2022 28 ( * ) .

A. RECONNAÎTRE SON IMPORTANCE PAR DES MESURES À PORTÉE SYMBOLIQUE

1. Réaffirmer son indépendance dans la loi

Comme tous les organes consultatifs, le CNEN est une instance indépendante qui ne reçoit instruction d'aucune autorité .

Toutefois, il serait opportun, ne serait-ce que d'un point de vue symbolique, de consacrer cette indépendance dans la loi, sans pour autant transformer le Conseil en autorité administrative indépendante (AAI) dont la prolifération illustre une forme de délitement de l'État 29 ( * ) .

2. Le rattacher au Premier ministre

Autre mesure à portée essentiellement symbolique : le CNEN devrait être rattaché aux services du Premier ministre , ce qui marquerait à la fois son importance et la transversalité de son action, par nature interministérielle.

Actuellement, en application de l'article R1213-23 du CGCT, le secrétariat du CNEN est assuré « par le ministère chargé des collectivités territoriales ». Le rattachement à Matignon pourrait être complété par la désignation, dans chaque ministère, d'un interlocuteur de haut niveau en charge de la politique de simplification et qui serait l'interlocuteur privilégié du Conseil national d'évaluation des normes. Ce correspondant pourrait être placé auprès du Secrétaire général du ministère, voire auprès du Ministre directement, afin de lui donner l'autorité nécessaire à la conduite de sa mission. Une solution plus efficace encore serait de charger expressément le secrétaire général de chaque ministère lui-même de cette mission de simplification, en particulier dans la lettre de mission qu'il reçoit du Premier ministre , contresignée par le ministre sous l'autorité duquel il est placé, et qui précise les objectifs qui lui sont assignés en ce qui concerne la contribution du ministère au travail interministériel (article 3-3 du décret n°87-389 du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services d'administration centrale). Ce correspondant pourrait notamment avoir pour mission de faire appliquer la règle du « deux pour un » en ce qui concerne les arrêtés relevant du pouvoir réglementaire autonome. Il jouerait ainsi le rôle de « superviseur impartial » évoqué par le secrétariat général du Gouvernement lors de son audition.

B. RENDRE PLUS VISIBLES LES TRAVAUX DU CNEN VIS-À-VIS DU SÉNAT

Au-delà des mesures symboliques, le rapport estime nécessaire de donner plus de visibilité aux travaux du CNEN . Aussi conviendrait-il que ce Conseil assure une transmission directe au Sénat de ses avis négatifs , motivés de manière précise et dès leur adoption. Cette transmission directe ne nécessite aucune modification des textes, les avis du CNEN étant déjà rendus publics sur son site.

En outre, il conviendrait d' annexer ses avis aux études d'impact des projets de loi . Cette disposition, portée par le Sénat depuis plusieurs années 30 ( * ) , a été reprise par le CNEN dans son rapport du 17 février 2021. Elle permettrait de respecter le principe du contradictoire et d'éclairer les travaux du Parlement. A vrai dire, cette mesure serait simple à mettre en oeuvre à droit constant par un simple accord du Gouvernement acceptait d'insérer cet avis dans son étude d'impact.

C. ÉTENDRE SES MOYENS ET SES MISSIONS

1. Confier au CNEN la certification des études d'impact des textes applicables aux collectivités territoriales

Comme indiqué plus haut, le CNEN est chargé d'évaluer l'impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales. Cette instance n'a donc pas reçu , stricto sensu , la compétence de certifier le sérieux, la rigueur et la méthodologie des études d'impact/fiches d'impact qui accompagnent respectivement les projets de loi et les projets de décrets qui lui sont soumis.

Cette mission de certification, d'autant plus importante que le contenu de l'étude d'impact a vocation à être renforcée (cf supra), devrait s'accompagner d'un renforcement des liens avec des organismes tels que l'INSEE ou France Stratégie. Comme le souligne la proposition de résolution précitée de M. Rémy Pointereau, « la mise en place d'une collaboration étroite et permanente avec l'INSEE assurera le pilotage statistique et économique de la politique d'évaluation. En effet, (...) les missions de collecte de production, d'analyse et de diffusion des informations économiques et sociétales, seraient utiles à l'évaluation des coûts de la règlementation, tant à l'échelle du flux qu'à celle du stock ».

Il conviendrait donc de créer, au sein de l'INSEE, une cellule dédiée au CNEN, sur le modèle de ce qui pratique en Allemagne. Un tel partenariat apparait indispensable dès lors que le CNEN ne dispose pas de profils d'économistes ou de statisticiens dans son équipe (cf. infra).

D'une manière générale, il faut redire que le CNEN ne pourra certifier les études d'impact que s'il est doté de moyens renforcés , comme l'avait relevé, dès 2014, M. Rémy Bouchez, ancien commissaire à la simplification, lors d'une audition à l'Assemblée nationale : « Si cet organisme prend l'importance que le législateur souhaitait lui donner, et s'il se dote de quelques moyens , je pense qu'il procédera à la contre-expertise des textes et des évaluations qui lui seront soumis » 31 ( * ) .

2. Limiter le recours à la procédure d'urgence devant le CNEN

Comme indiqué précédemment, l'avis du CNEN a vocation à éclairer le Gouvernement et le Parlement sur les impacts des projets de normes pour les collectivités territoriales sans pour autant ralentir le processus normatif. C'est pourquoi sa consultation est strictement encadrée par des délais différenciés en fonction de l'urgence du texte dont le Conseil est saisi.

Le CNEN dispose ainsi d'un délai de six semaines à compter de la transmission du projet de texte, reconductible une fois par son président. Ce délai peut, à titre exceptionnel, être réduit :

- à deux semaines sur la demande de la Première ministre (« procédure d'urgence ») ;

- à 72 heures en cas de décision motivée de la Première ministre (« procédure d'extrême urgence »).

A défaut de délibération dans les délais indiqués, l'avis du Conseil est réputé favorable .

Si l'existence de procédures d'urgence est compréhensible, force est de constater que ces saisines accélérées se sont banalisées au cours des dernières années : en effet, environ 20 à 25 % des textes examinés par le CNEN s'inscrivent dans le cadre d'une procédure d'urgence, voire d'extrême urgence, alors même que certains d'entre eux ne sont que publiés plusieurs mois à la suite d'une saisine en urgence. Or, l'utilisation de ces procédures restreint fortement la capacité du CNEN à expertiser les projets de norme de façon rigoureuse et sérieuse . Par ailleurs, la saisine pouvant être effectuée en jours calendaires, une saisine le samedi dégrade d'autant plus les conditions d'instruction. Ces pratiques nuisent indéniablement au bon fonctionnement du Conseil et donc, in fine , à la qualité de la norme produite au terme de ce processus.

C'est pourquoi vos rapporteurs insistent pour que, à l'avenir, le SGG limite le recours à ces procédures d'urgence , qui doivent demeurer exceptionnelles . Comme pour l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un texte limité quantitivement depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Gouvernement pourrait par exemple se fixer comme objectif de ne pas dépasser 10% de textes soumis en procédure d'urgence et 5% en extrême urgence.

3. Donner explicitement au CNEN mission pour se prononcer sur le respect des principes de simplification, d'autonomie financière, de libre administration et de subsidiarité

La loi pourrait être précisée pour donner explicitement au CNEN compétence pour se prononcer sur les principes directeurs de la décentralisation , à savoir la simplification, l'autonomie financière, la libre administration et la subsidiarité. À cet effet, le conseil devrait notamment examiner d'éventuelles atteintes au pouvoir réglementaire local.

Il s'agirait ainsi de consacrer la pratique actuelle : en effet, vos rapporteurs notent toutefois avec satisfaction que de nombreux avis négatifs sont d'ores et déjà fondés sur le non-respect des principes précités, comme le souligne le graphique ci-dessous :

Source : CNEN

4. Étendre le champ de compétence du CNEN aux impacts des réformes de l'État territorial sur les collectivités territoriales

Comme l'a récemment souligné notre délégation 32 ( * ) , les élus locaux ont été confrontés à une succession de réformes depuis une quinzaine d'années (révision générale des politiques publiques [RGPP], modernisation de l'action publique [MAP], « Action publique 2022 ») et à une accélération de leur enchaînement. Or, les collectivités territoriales ont le sentiment de subir ces changements plutôt que d'y être associées : ainsi, le rapport révèle, sur la base d'une enquête en ligne menée par le Sénat fin 2021, que plus de quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l'État. Aucune évaluation rigoureuse et exhaustive de la réforme précédente n'a déterminé la réforme suivante.

Ce constat est révélateur d'un défaut de concertation de l'État.

Actuellement, la fabrique des réformes des services déconcentrés souffre d'une difficulté majeure : elle ne fait pas l'objet d'une étude préalable évaluant les effets de la réforme envisagée sur les relations avec les collectivités territoriales .

Certes, en vertu de la circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015 , les projets de textes réglementaires ayant des conséquences sur les missions ou l'organisation des services déconcentrés de l'État doivent faire l'objet d'une fiche d'impact préalable qui doit permettre de « vérifier l'adéquation entre les objectifs poursuivis et les contraintes et moyens des services déconcentrés » . Toutefois, cette fiche d'impact ne concerne pas les effets de la réforme envisagée sur les collectivités et sur leurs relations avec l'administration déconcentrée. En d'autres termes, cette évaluation ne se place pas du point de vue des élus et ne mesure pas, par exemple, l'impact sur le couple maire/préfet .

C'est pourquoi vos rapporteurs estiment nécessaire de réviser la circulaire précitée afin de compléter le contenu de la fiche d'impact préalable . En outre, la qualité et la sincérité de cette fiche devrait être soumise à l'avis du CNEN , dont la mission se verrait ainsi enrichie au service des collectivités territoriales et de leurs élus. Il est précisé que tout projet de réforme de l'État territorial serait soumis à ces nouvelles exigences, quand bien même ce projet prendrait la forme d'une simple circulaire.

5. Contraindre le gouvernement à une seconde délibération en cas d'avis négatif rendu par le CNEN sur un projet de loi

Parmi les 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales figure le renforcement de la portée des avis du conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Cette proposition est plébiscitée par les élus locaux, interrogés dans le cadre d'une consultation en ligne menée par votre délégation début 2021. En effet, les élus souscrivent massivement à cette idée (79 %), avec seulement 9 % de répons négatives.

Les élus favorables au renforcement des pouvoirs du CNEN

Tout à fait d'accord

1183

37%

Plutôt d'accord

1356

42%

Sans opinion

222

7%

Pas vraiment d'accord

77

2%

Pas du tout d'accord

395

12%

Total

3233

Source : Consultation nationale des élus via la plateforme Internet du Sénat, mars 2021

Cette proposition a été partiellement mise en oeuvre dans le cadre de la loi dite « 3DS » qui, à l'initiative du Sénat, a renforcé l'obligation de motivation incombant au Gouvernement en cas d'avis défavorable du CNEN sur les textes règlementaires (art. 233 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022). Désormais, lorsque le conseil national émet un avis défavorable sur tout ou partie d'un projet de texte réglementaire, le Gouvernement transmet un projet modifié ou, à la demande du conseil national, doit justifier le maintien du projet initial (hors cas d'urgence) 33 ( * ) .

Dans le cadre de l'examen du projet de loi « 3DS », notre assemblée a souhaité étendre aux projets de loi cette obligation de seconde délibération pesant sur le Gouvernement. L'Assemblée nationale s'y est toutefois opposée au motif que les avis du CNEN sont systématiquement rendus publics et qu'il appartient à la Représentation nationale d'arbitrer en cas de désaccord entre le Gouvernement et le CNEN 34 ( * ) . Le moins que l'on puisse dire est que cette position méconnaît les vertus de la discussion au sein même de l'exécutif et conduit le Parlement à se prononcer sur des dispositions critiquées par une autorité indépendante. C'est aussi méconnaître la prégnance du fait majoritaire qui aura pour conséquence, le plus souvent, de contraindre la majorité à l'Assemblée nationale à voter un texte du Gouvernement, quelque critiquable qu'il soit.

6. Renforcer les moyens humains et financiers du CNEN

Le CNEN comprend au total 5,8 ETP qui se décomposent ainsi :

- 5 ETP (incluant trois chargés d'études juridiques, un conseiller juridique auprès du président du CNEN et une cheffe de section) ;

- 0,8 ETP (incluant le chef de bureau qui assure également d'autres missions et une apprentie à temps partiel).

De nombreuses personnes ont souligné, lors des auditions, l'insuffisance des moyens alloués au CNEN. À titre de comparaison, le NKR dispose de 23 ETP, dont une majorité de hauts fonctionnaires . Ainsi, Charles Touboul a déclaré : « Il est toujours difficile d'effectuer des comparaisons pertinentes en droit international, surtout avec un État fédéral. Toutefois, le NKR allemand pourrait inspirer le renforcement du CNEN. »

Naturellement, l'extension du rôle du CNEN, proposée par vos rapporteurs, doit s'accompagner des moyens correspondants.

Recommandation n° 4 : R enforcer considérablement le rôle et les moyens du CNEN :

* Reconnaître son importance par des mesures à portée symbolique ;

* Rendre plus visibles ses travaux vis-à-vis du Sénat ;

* Étendre et conforter ses missions.

* Renforcer ses moyens humains.

VI. LA NÉCESSITÉ POUR LE SÉNAT D'ÊTRE ALERTÉ LE PLUS TÔT POSSIBLE DE POTENTIELLES DIFFICULTÉS, POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, RÉSULTANT DES NORMES EN COURS D'ÉLABORATION

A. UNE FONCTION DE VEILLE ET D'ALERTE

Vos rapporteurs estiment nécessaire de créer, au sein du Sénat, une fonction de veille et d'alerte au service des commissions permanentes compétentes, le plus en amont possible de la production des normes applicables aux collectivités territoriales.

Cette fonction, comparable pour les textes nationaux à celle qu'exercent les commissions des affaires européennes à l'égard des normes communautaires, aurait un double objectif :

- concernant les avant-projets de loi , permettre aux commissions permanentes compétentes d'être alertées le plus tôt possible lorsqu'apparaissent certaines difficultés au regard des principes directeurs de la décentralisation (libre administration, subsidiarité, autonomie financière...) ou lorsque l'étude d'impact est manifestement défaillante ou lacunaire ;

- concernant les projets de décrets d'application , permettre à ces mêmes commissions d'être alertées avant toute publication, notamment lorsque les textes envisagées semblent méconnaître la volonté du législateur. En effet, une telle situation se présente trop souvent , notamment dans le domaine des collectivités territoriales. Les décrets ZAN 35 ( * ) en constituent malheureusement une « bonne » illustration . Comme l'ont relevé de nombreux sénateurs, dont Françoise Gatel, le 13 juillet 2022, lors de la séance de questions au Gouvernement, « les décrets d'application quasi kafkaïens, qui déforment l'esprit de la loi, nous conduisent collectivement dans une impasse (...). Nous pourrions également tomber d'accord, monsieur le ministre, sur le fait qu'il est nécessaire de contrôler l'imagination parfois débordante de ceux qui écrivent les décrets d'application, et qui se prennent parfois pour le législateur » 36 ( * ) .

Le Sénat conforterait ainsi son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes touchant les collectivités territoriales. Cette nouvelle fonction parlementaire, qui s'inscrit dans une logique de « chaînage » et de dialogue Parlement/Gouvernement, suppose un renforcement des liens du Sénat avec le CNEN . Ce dernier pourrait en effet jouer un rôle de filtre , de sorte que le Sénat exercerait cette fonction de veille et d'alerte uniquement en cas d'avis négatif du CNEN , soit environ 20 à 30 avis par an, dispositions législatives et réglementaires confondues. Le CNEN transmettrait directement au Sénat ces avis négatifs, avec une motivation aussi développée que possible , afin de l'alerter sur les réserves qu'il émet sur le projet de norme. En effet, le fait que tous les avis du CNEN soient actuellement en ligne sur le site ne paraît pas suffisant à vos rapporteurs. Seule une transmission directe et ciblée permettra au Sénat de porter son attention sur la norme critiquée.

Cette proposition pourrait être mise en oeuvre à droit constant. Elle nécessiterait toutefois, pour être pleinement efficace , que le Sénat dispose non seulement des avis défavorables du CNEN mais aussi des textes sur lesquels ils se sont fondés et avant même, pour les projets de lois, leur dépôt sur le bureau d'une des deux assemblées. Actuellement seuls les quatre parlementaires (deux députés et deux sénateurs) membres du Conseil ont accès à ces textes. Cette situation n'est pas satisfaisante. Le Sénat escompte donc du Gouvernement qu'il donne désormais accès au Sénat aux projets de normes applicables aux collectivités dès transmission au CNEN . Il n'est pas nécessaire pour ce faire d'adopter un texte. Le Gouvernement pourrait procéder par une décision unilatérale, à l'instar de celle du Président de la République, en 2015, de rendre publics les avis du Conseil d'État 37 ( * ) . Cet engagement du Gouvernement, ne serait-ce que sur une durée limitée, à titre expérimental , démontrerait sa volonté de protéger les collectivités et de respecter pleinement le rôle du Parlement, et singulièrement du Sénat, dans ce domaine. Pour l'exécutif ce serait aussi une chance de plus d'éviter l'adoption, à la va-vite, d'irritants qui peuvent durablement altérer la relation avec les élus et les parlementaires, comme ce fut le cas pour la loi NOTRe.

En toute hypothèse, cette fonction inédite requiert des moyens humains dédiés au sein du Sénat.

B. LE RÔLE PARTICULIER DE CETTE FONCTION DE VEILLE SUR LES DÉCRETS D'APPLICATION DES LOIS TERRITORIALES

Il est ici utile de rappeler que le Conseil constitutionnel a rejeté l'exigence, prévue par le législateur organique, que l'étude d'impact contienne les orientations principales et le délai prévisionnel de publication des textes d'application des lois (décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009). Pourtant, lier les décrets d'application étroitement à la loi aurait permis de créer un meilleur climat de confiance entre le Parlement et les administrations centrales et limiter ainsi la tentation des parlementaires d'encombrer les lois de précisions par crainte de « trahison » ultérieure par le pouvoir réglementaire.

C'est pourquoi vos rapporteurs se félicitent de la proposition du CNEN, formulé dans son rapport du 17 février 2021, consistant à convier les rapporteurs des projets de loi au sein des assemblées aux séances du CNEN au cours desquelles sont examinés les textes réglementaires d'application en découlant (proposition n°4). L'objectif affiché par le CNEN est double : à la fois éclairer le Conseil sur la volonté du législateur et permettre au Parlement d'assurer un suivi plus étroit de l'application des lois votées. Selon le CNEN, la participation éventuelle des rapporteurs pourrait s'inscrire dans le cadre défini à l'article L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel le CNEN peut « solliciter pour ses travaux le concours de toute personne pouvant éclairer ses débats ».

L'audition des rapporteurs par le CNEN va évidemment dans le bon sens, de même que les démarches de certains ministères tendant à associer les rapporteurs à la rédaction des décrets d'application. Il convient toutefois de prévoir un mécanisme plus structurel et systématique permettant au Sénat, à l'instar de ce qui est pratiqué au Royaume Uni, avant la publication d'un décret d'application et après un avis défavorable du CNEN, de prendre une position sur la teneur du projet de texte .

Cette position, qui pourrait prendre la forme d'une résolution territoriale, éviterait au Gouvernement de devoir revoir sa copie après la publication du décret, comme dans le cas des décrets ZAN. La contestation du Sénat pourrait se fonder sur le non-respect de la volonté du législateur, mais aussi sur la méconnaissance des principes fondamentaux de la décentralisation, en particulier la préservation du pouvoir réglementaire local. Même si vos rapporteurs sont conscients que nombre d'élus locaux revendiquent plus de sécurité juridique , se tournant vers le législateur et le pouvoir réglementaire pour réclamer davantage de normalisation, ils estiment que l'esprit de la décentralisation commande une approche fondée sur la responsabilisation des élus locaux.

Le contrôle du parlement britannique sur les décrets d'application

Au Royaume-Uni, le parlement exerce un contrôle a priori sur les décrets d'application (« statutory instruments »), c'est-à-dire avant leur entrée en vigueur. Le Parlement peut soit approuver soit rejeter les projets de texte qui lui sont soumis ; il ne peut donc pas les amender. Le contrôle du Parlement se fonde sur le respect de la volonté du législateur. Dans environ 20 % des cas, la publication des décrets requiert un accord explicite du Parlement (« affirmative procedure »). Dans les autres cas, le projet de décret est approuvé implicitement par le Parlement. Cette procédure d'approbation affirmative est rarement bloquante pour le Gouvernement (le dernier refus remonte à 2014) mais peut le pousser, en amont, à davantage de sobriété et de prudence normatives.

Trois scenarii peuvent être présentés :

Scénario 1 , le plus simple : le Gouvernement s'engage , pour les textes relatifs aux collectivités territoriales à solliciter les rapporteurs et/ou la délégation aux collectivités territoriales pour participer, de manière consultative, à l'élaboration des décrets d'application. L'exécutif a ainsi procédé pour le décret, en cours de rédaction, sur la régulation de l'ouverture des commerces 38 ( * ) . Évidemment, si un tel engagement était généralisé, à l'image de celui du président de la République relatif à la publicité des avis du Conseil d'Etat, son poids symbolique en matière de confiance État-collectivités serait considérable.

Scénario 2 , au cas par cas, les lois, pour les textes à enjeux, pourraient prescrire cette consultation du Parlement avant l'élaboration des décrets. On peut espérer qu'une simple consultation ne serait pas jugée contraire à l'article 21 de la Constitution qui dispose que le Premier ministre « assure l'exécution des lois ». Néanmoins, la vision extrêmement extensive de la notion de séparation des pouvoirs par le Conseil constitutionnel, dès lors qu'il s'agit de préserver l'autonomie du Gouvernement, ne permet pas d'exclure totalement une censure.

Scénario 3 , la Constitution, révisée, dispose que cette consultation est obligatoire . Mais cette hypothèse, satisfaisante juridiquement, se heurte à la faible chance de révision constitutionnelle à brève échéance.

Recommandation n° 5 : créer au Sénat une fonction de veille et d'alerte sur les textes, législatifs ou réglementaires, ayant un impact sur les collectivités territoriales.

VII. L'IMPÉRATIF DE RELANCER LA SIMPLIFICATION DES NORMES PAR UNE CONCERTATION AU PLUS HAUT NIVEAU

Vos rapporteurs recommandent enfin d'organiser au Sénat des États généraux portant sur la qualité, la nécessité et l'efficacité des normes imposées aux élus locaux. Cette manifestation, ouverte au public, permettrait une prise de conscience de la nécessité d'agir concrètement. Le présent rapport démontre en effet que de nombreux engagements pourraient être pris rapidement et simplement, sans qu'il soit nécessaire de modifier les textes en vigueur, qu'ils soient constitutionnels, organiques ou législatifs.

Recommandation n°6 : Organiser au Sénat des États généraux sur la simplification des normes imposées aux élus.

CONCLUSION GÉNÉRALE


« Il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante »

(Montesquieu, Lettres persanes , 1721).

Le présent rapport entend améliorer le processus de fabrique de la norme. Car il est essentiel d'agir surtout de manière préventive , avant que la norme n'apparaisse, plutôt que de s'épuiser à simplifier les normes déjà produites, avec le risque d'erreurs et de nouvelle complexité que chacun connaît. Le rapport propose ainsi six recommandations afin de corriger les défauts qui affectent actuellement les mécanismes de production normative. Il privilégie des solutions simples qui peuvent être mises en oeuvre, pour l'essentiel, à droit constant , c'est-à-dire par simple engagement des acteurs de la norme .

Vos rapporteurs sont convaincus que le suivi de ces recommandations permettrait d'atteindre l'objectif recherché de lutte contre l'inflation des normes imposées aux collectivités territoriales.

Toutefois, d'autres options sont à l'étude et rien ne doit être, a priori , exclu eu égard à l'ampleur du mal.

Ainsi, l'option de l'adoption d'une règle « deux pour un » pour les textes législatifs a même été examinée par vos rapporteurs. Elle conduirait à imposer l'abrogation de deux normes législatives pour l'adoption d'une seule. Les recommandations du rapport devraient néanmoins permettre d'atteindre l'objectif mais, si ce n'était pas le cas, sans doute pourrait-on envisager une étape supplémentaire passant par l'expérimentation, en accord avec toutes les commissions permanentes, d'une règle de cette nature.

De même, pourrait-on envisager, en ultime recours, d' inscrire dans la Constitution le double impératif de simplification et de stabilité des normes applicables aux collectivités territoriales. Certes, le Conseil constitutionnel a vu dans l'accessibilité et à l'intelligibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle découlant de la combinaison des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 39 ( * ) . Pour autant, il est légitime de s'interroger, à terme, sur l'inscription de ces objectifs dans la loi fondamentale. Rappelons, à cet égard, que le 12 janvier 2016, à l'initiative de M. Rémy Pointereau, notre assemblée a adopté un tel projet de révision constitutionnelle 40 ( * ) insérant, après l'article 39 de la Constitution, un article 39-1 ainsi rédigé : « Les objectifs de simplification et de clarification du droit s'appliquent à la loi et au règlement, sans préjudice des conditions d'exercice des libertés publiques ou des droits constitutionnellement garantis ». Ce texte n'a pas été examiné par l'Assemblée nationale. Une telle révision constitutionnelle aurait pour intérêt majeur, au -delà de sa portée symbolique , de « discipliner » non seulement l'exécutif lors de l'élaboration des projets de lois puis des textes règlementaires mais aussi le législateur .

De même pourrait-il être envisagé, si les recommandations à droit constant du présent rapport ne produisaient pas les effets escomptés, d'inscrire dans notre Constitution le principe de stabilité de l'environnement juridique et fiscal dans lequel évoluent les collectivités territoriales. On l'a dit, l'emballement normatif compromet l'impératif de performance de l'action publique locale. Le changement perpétuel des règles du jeu et des compétences a pour effet de désorganiser les repères et les pratiques professionnelles des acteurs locaux. Il ne leur donne pas le temps nécessaire aux apprentissages des nouveaux textes, produisant un effet de lassitude devant l'importance des « mises à jour » qu'ils doivent opérer et celles... qu'ils redoutent pour l'avenir. Outre un effet d'épuisement et de désarroi, le rythme accéléré d'évolution du droit entretient chez les élus le sentiment d'une très forte insécurité juridique . En effet, les modifications fréquentes et parfois profondes des textes applicables aux collectivités territoriales peuvent remettre en cause des organisations ou des compétences issues de lois territoriales antérieures. Une telle réforme de notre loi fondamentale pourrait fortement inciter le législateur à limiter ses interventions dans un même domaine de l'action publique. À cet égard, les Pays-Bas s'efforcent, dans le cadre du programme de coalition, à ne voter, sur une matière donnée (telle que le droit de l'urbanisme), qu' une seule loi par législature (au maximum).

Au final, vos rapporteurs en sont convaincus, c'est surtout une forte volonté politique commune et une autodiscipline qui permettront un profond changement de culture et de pratiques . Ce changement doit s'opérer autour d'un objectif : celui de l'efficacité de l'action publique et de la norme utile, qui s'oppose à la norme contre-productive, qui bloque ou entrave l'action publique. Tous les producteurs de la norme doivent ainsi procéder à un changement de logiciel permettant de passer de l'addiction aux normes à l'obsession de l'efficacité.

Gageons que le présent rapport contribuera à cette salutaire prise de conscience.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 26 janvier 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Nous regrettons l'absence de M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, qui n'a pas pu être présent, alors que nous aurions dû l'entendre en audition.

Le Bureau du Sénat a confié à notre délégation la mission de simplification des normes, en 2014. Les normes sont indispensables lorsqu'elles sont pertinentes, mais elles sont coûteuses, en particulier financièrement. Elles ralentissent, complexifient et contreviennent à l'efficience de l'action publique, entretenant ainsi le désamour de nos concitoyens pour la chose publique, réduite à l'impuissance. Les sondages montrent qu'elles donnent lieu à une forme d'obsession et de cauchemar.

Le Conseil d'État a organisé récemment un colloque sur la simplification des normes, en collaboration avec l'Association des maires de France (AMF), le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et la direction générale des collectivités locales (DGCL). Nous avons entendu en audition la secrétaire générale du Gouvernement ainsi que les directeurs de l'École nationale d'administration (ENA) et de l'Institut national des études territoriales (Inet), et, plus récemment, le rapporteur des études du Conseil d'État sur la simplification des normes.

Nous portons avec l'État une responsabilité collective, qui nous oblige à nous adapter à un contexte complexe et aux évolutions de la société, notamment au développement de la judiciarisation, dont on trouve une illustration récente dans les recours déposés contre les maires de certaines communes où les horaires de l'éclairage public ont été restreints.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - Les précédentes tentatives de maîtrise des normes ont échoué. Nous l'avions constaté, avec Mathieu Darnaud, au sujet de la loi sur la transition énergétique, puis sur le code de l'urbanisme, avec François Calvet et Marc Daunis ; enfin, j'avais déposé, en 2016, une proposition de loi constitutionnelle, qui a été adoptée par le Sénat à une large majorité, mais que l'Assemblée nationale n'a jamais examinée. Elle reposait sur trois principes, celui du « one in, two out » - pour une norme introduite, on en retire deux -, celui du « qui décide paie » et celui visant à éviter la surtranposition européenne. Il y a urgence à agir : face à cette addiction aux normes, nous avons besoin d'une thérapie de choc.

Les raisons de cette inflation normative tiennent d'abord au fait que nous devons bâtir des équilibres toujours plus complexes entre des demandes souvent contradictoires, par exemple lorsqu'il s'agit de respecter des objectifs environnementaux sans nuire au développement des territoires. L'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) est, de ce point de vue, emblématique.

Ensuite, la judiciarisation de la société et le principe de précaution sont des facteurs inflationnistes. Les citoyens, les administrations et les élus locaux eux-mêmes réclament des normes toujours plus détaillées pour se protéger en cas de contentieux : on l'a vu récemment au sujet de l'extinction de l'éclairage public dans les villes et villages.

Enfin, l'emballement normatif tient également à une croyance quasi-mystique dans la norme. Il s'agit là d'un mal très français : quand ils veulent répondre à une « émotion » ou manquent de moyens financiers, les pouvoirs publics cèdent volontiers à la création de la norme « magique », afin de donner l'illusion qu'ils ont réglé la question. Quant aux parlementaires, ils présentent parfois des amendements trop précis, qui aboutissent à créer de nouvelles normes.

Les conséquences sont importantes pour les collectivités territoriales. Non seulement l'inflation normative complexifie et retarde les projets locaux, mais elle en augmente aussi fortement le coût, notamment pour les petites communes aux ressources limitées. La multiplication des normes constitue donc un frein au développement des territoires dans le contexte budgétaire contraint que chacun connaît.

Le Gouvernement évalue à près de 2 milliards d'euros le coût total pour les collectivités locales de cette inflation normative au cours de la période 2017-2021. Ce montant est à rapprocher du montant de 1 milliard d'euros que coûterait, en 2023, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation.

Toutefois, nous avons découvert, à notre grande surprise, qu'il n'existait pas de thermomètre permettant de mesurer précisément la fièvre normative. En effet, le chiffre de 400 000 normes qui est parfois avancé n'a jamais été actualisé et ne repose sur aucun recensement rigoureux.

Face à cette lacune, nous avons regardé l'évolution du code général des collectivités territoriales (CGCT) et du code de l'urbanisme. Le CGCT a triplé de volume entre 2002 et 2022. Certes, cette évolution résulte en partie de l'adaptation des règles à la diversité des territoires. Toutefois, la différenciation territoriale ne peut expliquer à elle seule cette situation, étant précisé que le CGCT pourrait, au 1 er janvier 2023, dépasser le seuil symbolique du million de mots : n'est-ce pas là un seuil d'alerte ?

Quant au code de l'urbanisme, il a augmenté de 44 % sur la même période.

Dans ce contexte, certains élus dénoncent une « addiction aux normes », voire un « harcèlement textuel »...

Les lois de simplification ne font parfois qu'ajouter une couche de complexité, et nous sommes convaincus de la nécessité de transformer le mode d'élaboration de la norme. Pour ce faire, nous avons privilégié des solutions simples et atteignables rapidement, grâce à des engagements politiques du Gouvernement ou du Parlement. Elles ne nécessitent pas, pour la plupart, de modification des textes juridiques.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Nous avons tenté d'être sobres dans nos recommandations et nous nous sommes concentrés sur l'instauration d'un principe de précaution pour éviter le délire normatif, en fabriquant la loi autrement.

En 2013, le Sénat a créé le CNEN, qui a pour mission de traiter des normes concernant les collectivités territoriales, sachant que toutes les lois sont susceptibles d'en produire. Nous recommandons un changement de pratiques portant sur la fabrique de la norme.

Tout d'abord, nous avons réfléchi aux études d'impact qui accompagnent les projets de loi et que le Gouvernement doit présenter au CNEN. En effet, ces études d'impact, dans la mesure où elles sont produites par le ministère qui présente le texte, sont davantage un outil d'autojustification qu'une aide objective à la décision. Nos recommandations à ce sujet sont à droit constant, car l'enjeu est plus de faire évoluer une culture et une discipline que de tout changer par une loi.

Le rapport recommande de donner plus de visibilité au Parlement, en le faisant participer à l'élaboration du texte très en amont. Il encourage le Gouvernement à présenter, à chaque début de session, à l'occasion d'un débat parlementaire en séance ou en commission, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales. Ce débat d'orientation permettrait aux parlementaires d'inviter le Gouvernement, le cas échéant, à réfléchir à des propositions alternatives, sans création de normes nouvelles. On éviterait ainsi les normes instaurées uniquement à des fins de communication.

Nous proposons également de modifier le mode d'élaboration de l'étude d'impact. Cette position est confortée par le fait que, pas plus tard qu'hier, le président du CNEN, Alain Lambert, « grande gâchette de la norme » s'il en est, a de nouveau alerté la Première ministre sur l'urgence de mettre fin au dérapage incontrôlé et incontrôlable de la norme.

Nous proposons donc deux recommandations pour que l'étude d'impact joue davantage son rôle d'outil d'aide à la décision. En premier lieu, le rapport recommande au Gouvernement, s'agissant des projets de loi sur les collectivités, de réaliser l'étude d'impact en deux temps : pour les textes les plus importants, un premier rapport, qualifié d'« étude d'options » ou d'« étude d'opportunités », permettrait d'évaluer l'intérêt même d'une nouvelle norme, en la comparant avec les autres solutions possibles. On éviterait ainsi le jaillissement de normes et l'on gagnerait en efficacité, sans avoir à toucher à la loi organique de 2009.

Cette démarche nécessite d'évaluer précisément les dispositions législatives en vigueur que le projet de loi envisage de modifier ; de soumettre cette étude d'options au CNEN ; d'organiser en séance publique ou en réunion restreinte un débat d'orientation avant l'examen du texte lui-même. Je rappelle, en effet, que 20 % à 25 % des textes qui arrivent au CNEN doivent être traités en urgence et qu'il y en a eu 19 au mois de décembre dernier.

En second lieu, le rapport recommande au Gouvernement, si ce dernier estime nécessaire de créer de nouvelles normes, de soumettre au CNEN une première version de l'étude d'impact au moins un mois avant l'examen de ladite norme. Le CNEN devra également certifier la sincérité, l'objectivité et la complétude de l'étude d'impact, rôle qui lui convient parfaitement, puisqu'il s'agit d'une autorité indépendante.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - Le rapport formule d'autres propositions concernant l'étude d'impact.

Tout d'abord, nous constatons que les projets de loi concernant les collectivités territoriales ne justifient pas suffisamment du respect des principes de simplification, de libre administration, de subsidiarité et d'autonomie financière des communes. Nous invitons le Gouvernement à corriger le tir.

Ensuite, nous dénonçons, dans notre rapport, le risque de surtransposition des directives européennes. Comme je l'avais rappelé dans ma proposition de loi de 2016, les mesures assurant la transposition d'une directive communautaire ne doivent pas excéder les objectifs que cette dernière poursuit. Les études d'impact doivent être plus précises sur ce point.

J'en viens à la troisième recommandation, qui me tient particulièrement à coeur : l'évaluation a posteriori des lois que nous votons. En effet, le Parlement ne remplit pas suffisamment son rôle à cet égard.

L'évaluation d'une norme ne doit pas seulement intervenir avant son adoption, mais aussi après son entrée en vigueur, les démarches évaluatives ex ante et ex post étant complémentaires. Le rapport souligne l'intérêt de deux mécanismes susceptibles de contribuer à une meilleure évaluation des normes. Il recommande tout d'abord d'expérimenter, dans les lois à fort impact sur les collectivités territoriales, des clauses de réexamen et, le cas échéant, en dernier recours, des « clauses guillotine ». Certains textes de loi pourraient ainsi être à durée déterminée, comme cela se pratique déjà en Angleterre, avec un délai de cinq ans, au terme duquel on choisirait de pérenniser ou de mettre fin aux dispositions.

Nous rappelons ensuite l'importance du dialogue entre les services déconcentrés de l'État et les élus. En effet, depuis plusieurs années, le Sénat propose d'instaurer, auprès du préfet, une instance de concertation, composée de représentants des services de l'État et des collectivités locales.

En quatrième recommandation, le rapport encourage le renforcement du CNEN. Créé sur l'initiative du Sénat, à la fin de 2013, celui-ci est chargé d'évaluer l'impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Il s'agit d'en faire un organe charnière inspiré du Nationaler Normenkontrollrat (NKR) allemand, comme je l'ai proposé dans ma proposition de résolution déposée en juin 2022.

Deux mesures symboliques visent à faire reconnaître l'importance du CNEN, qui nécessitent respectivement de modifier la loi et le règlement. Il convient tout d'abord de réaffirmer l'indépendance du CNEN et de le rattacher au Premier ministre, ce qui marquerait à la fois son importance et la transversalité de son action, par nature interministérielle.

Il faut ensuite donner davantage de visibilité aux travaux du CNEN. Le Conseil devrait transmettre directement au Sénat ses avis négatifs motivés. En outre, il conviendrait d'annexer ses avis aux études d'impact des projets de loi. On recense environ 20 à 30 avis négatifs du CNEN chaque année ; nous en sommes rarement informés.

Il convient également d'étendre et de conforter les missions du CNEN. On pourra ainsi lui confier la certification des études d'options et des études d'impact des textes imposés aux collectivités territoriales.

On pourra aussi permettre au Conseil de travailler dans des conditions sereines, en réduisant significativement la part des textes que le Gouvernement lui impose d'examiner en urgence. En effet, environ 25 % des textes qu'il examine s'inscrivent dans le cadre d'une procédure d'urgence, voire d'extrême urgence.

Enfin, il faudra renforcer les moyens humains et financiers du CNEN, qui ne compte pour l'instant que 5 à 6 équivalents temps plein (ETP), alors que le NKR allemand en compte 23.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - En cinquième recommandation, nous estimons nécessaire de créer, au sein du Sénat, une fonction de veille et d'alerte, qui serait au service des commissions permanentes compétentes, le plus en amont possible de la production des normes, législatives ou réglementaires, applicables aux collectivités territoriales.

Cette fonction, comparable pour les textes nationaux à celle qu'exercent les commissions parlementaires des affaires européennes à l'égard des normes communautaires, aurait un double objectif. Concernant les avant-projets de loi, cela permettrait aux commissions permanentes compétentes d'être alertées très tôt lorsqu'apparaissent certaines difficultés pour les collectivités. Pour ce qui est des projets de décrets d'application, il faudrait permettre à ces mêmes commissions d'être alertées avant toute publication, notamment lorsque les textes envisagés semblent méconnaître la volonté du législateur. En effet, une telle situation se présente trop souvent, notamment dans le domaine des collectivités territoriales. Les décrets du ZAN en sont malheureusement l'illustration : ainsi, ils ont donné lieu à un avis négatif de la part du collège des élus du CNEN, dès le mois d'août. Certes, les avis du CNEN sont publiés sur son site internet, mais nous n'avons pas forcément le temps d'aller les consulter.

Il convient donc de renforcer le suivi des projets de décrets d'application. Récemment, deux ministères ont associé les rapporteurs des textes concernés à l'écriture des décrets d'application, mais ce genre d'initiative reste accidentel.

Le Sénat conforterait ainsi son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes concernant les collectivités territoriales. Cette nouvelle fonction parlementaire suppose un renforcement des liens du Sénat avec le CNEN. Ce dernier pourrait, en effet, jouer un rôle de filtre, de sorte que le Sénat exercerait cette fonction de veille et d'alerte uniquement en cas d'avis négatif du CNEN.

Nous sommes collectivement soucieux de l'efficience de l'action publique. Pour reprendre les propos de David Lisnard, il faudrait cesser de considérer d'abord « ce qui est autorisé », alors qu'autrefois on regardait « ce qui est interdit », car cela a pour conséquence que nous nous retrouvons paralysés : en France, il faut sept à huit ans pour qu'un projet d'éolienne aboutisse, alors qu'en Allemagne le délai est trois fois moindre.

Par conséquent, nous suggérons que notre délégation désigne, en son sein, des « référents simplification » pour chaque commission, qui pourraient intervenir au moment de l'examen des textes concernant les collectivités. Ils seraient ainsi, de manière informelle, les porte-voix de la délégation. L'idée est que chacun d'entre nous, au sein de la commission dont il est membre, se fasse le porte-voix informel de la délégation.

Enfin, sixième recommandation, nous proposons d'organiser des États généraux de la simplification. Ce ne sera ni le 4 août ni le grand soir, mais ils répondraient à la convergence des préoccupations du CNEN, des associations d'élus et du Conseil d'État, liée au fait que nous arrivions au bout de ce qui est possible en matière de production de la norme. Cette convergence démontre la nécessité d'une forme d'autodiscipline, avec, en vue, l'efficacité de l'action publique. Parfois, à vouloir trop bien faire et conjuguer des impératifs contradictoires, nous en arrivons à une norme contre-productive.

Il faut sensibiliser les citoyens : la norme vient de nous tous. Chaque fois que quelque chose de négatif arrive, on considère que c'est parce que quelqu'un a failli. Pour protéger les maires contre des recours abusifs, certains envisagent, par exemple, de définir des normes d'éclairage public dans toutes les communes de France. Jusqu'où ira-t-on ?

Les États généraux que nous proposons seront l'occasion d'une prise de conscience collective : il ne suffit pas de donner son nom à une loi pour montrer que l'on a agi... Organisés le jeudi 16 mars et placés sous le haut patronage du président du Sénat, ils auront lieu dans notre assemblée. De nombreux acteurs, dont le CNEN et les associations d'élus, nous soutiennent ; même l'éditeur Dalloz s'y intéresse. Nous y dévoilerons les résultats de la consultation et nous souhaiterions que, à la fin de ce colloque, une charte engage moralement à la fois le Gouvernement, le Sénat, le CNEN et les associations d'élus. Nous y inscririons nos recommandations, notamment celle relative à la fabrique de la loi, qui doit s'apparenter à un processus industriel normalisé.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - Une petite rectification sur le rôle de veille : notre délégation contient des membres de toutes les commissions. Les référents devraient être officiellement désignés en tant que tels au sein de leurs commissions permanentes. Si l'on veut recueillir tous les problèmes de normes, chacun doit être responsabilisé.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Nous sommes, comme toujours, d'accord !

Mme Catherine Di Folco . - Je vous remercie pour ce rapport fort intéressant.

Qu'est-ce qui empêche le « one in, two out » de fonctionner ?

Le Sénat commence à être vertueux, avec ses deux lois tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit, dites « Balai ». C'est un ouvrage considérable - je l'ai constaté en étant rapporteur de la seconde - commencé par Vincent Delahaye que de remonter à la genèse des lois pour déterminer leur obsolescence. De plus, abroger suppose de prendre en compte toutes les ramifications juridiques, législatives comme réglementaires, avec un travail titanesque de réécriture du droit en vigueur. Les États généraux devraient être l'occasion de fixer un objectif annuel de nombre de lois passées au crible - une quarantaine ou une cinquantaine, par exemple. Encore en faut-il les moyens...

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - Il faudrait, pour le « one in, two out » nous autolimiter sur nos amendements. Certes, et ce n'est pas nouveau, nous sommes plus sobres qu'à l'Assemblée nationale, avec respectivement 46 000 amendements déposés contre 200 000 sur l'ensemble de la dernière législature. Cependant, moins d'amendements ne veut pas dire moins de normes. Nous en ajoutons souvent, en précisant trop la volonté du législateur.

Mme Catherine Di Folco . - Nous savons faire le « in », mais pas le « out ». Pourquoi ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - À mon avis, c'est parce que l'étude d'impact n'est pas assez complète. Elle devrait présenter plusieurs options et leurs conséquences sur les normes.

Mme Catherine Di Folco . - Il reste le stock.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - Certes, mais le flux est incessant...

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - La secrétaire générale du Gouvernement nous a indiqué que, sans que cela se voie, il y avait beaucoup de progrès - nous en avons été impressionnés. Cependant, cela finit toujours par déraper, notamment sur les décrets d'application. De plus, l'inflation normative est aussi législative : les textes se succèdent à toute allure et les ministères ne travaillent pas les uns avec les autres.

Ainsi, alors que nous examinions le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, personne, dans le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre chargée de l'énergie, n'avait conservé de trace d'une disposition de la loi - adoptée six mois plus tôt - du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », sur l'association des élus, par une modification simplifiée du plan local d'urbanisme (PLU), à l'implantation d'éoliennes. Au sein du Gouvernement manque une capacité d'évaluation de l'impact des normes sur les collectivités, alors qu'il a l'obligation d'en présenter les éléments au CNEN - c'est ce que nous avons vu pour le ZAN.

Vous avez raison, le travail du Sénat sur les lois Balai est remarquable, mais il ne s'agit que de lois qui ne s'appliquent plus. En parallèle, il faut être aussi frugal en production de normes qu'en consommation d'énergie ou de foncier... Le ministère de la transition écologique ne voit pas le sujet des collectivités.

M. Philippe Mouiller . - Une remarque : le droit d'amendement est constitutionnel. Les députés et les sénateurs y seront toujours attachés, en bonne conscience ou par volonté de se faire reconnaître. De plus, les outils - études d'impact et comités divers - ne remplaceront pas une volonté politique de simplification d'un gouvernement, quel qu'il soit. Ce ne sont pas les outils qui manquent : c'est la volonté.

Enfin, vous avez mentionné la difficulté pour les préfets de déroger. L'efficacité ne supposerait-elle pas une fonction territorialisée de simplification et de dérogation ? En effet, dès que l'on porte un projet de terrain, on est confronté à cette nécessité. Cela ne peut pas venir que du haut, tout comme la décentralisation.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - C'est exactement l'objet de notre recommandation sur la conférence de dialogue au niveau des départements, avec les préfets. Ceux-ci devraient être plus libres, sans avoir à craindre que le pouvoir de dérogation leur porte préjudice.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Tout d'abord, le rapport d'information de nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche intitulé À la recherche de l'État dans les territoires recommande que l'évaluation du préfet associe les élus locaux.

Ensuite, nous avons introduit dans la loi - 3DS notamment - des règles de différenciation du pouvoir réglementaire local et nous avons encouragé l'expérimentation. Cependant, pour être ou avoir tous été élus locaux, nous reconnaissons que l'on s'appuie parfois sur la norme pour motiver face aux concitoyens la non-réalisation de certains projets. Ainsi - j'en prends ma part -, nous amendons parfois un texte en créant une norme qui s'applique à tous pour résoudre le problème d'un territoire donné, alors que la loi devrait donner un cadre laissant la possibilité d'ajustements locaux. Cependant, la norme est parfois protectrice pour le maire. C'est un problème culturel qui perdurera, faute d'une approche systémique du Gouvernement.

Les ministres sont chacun dans leur couloir. Quant au préfet, ni le directeur de l'agence régionale de santé, ni celui des finances publiques, ni le recteur d'académie ne dépendent de lui. C'est pourquoi nous avons proposé que le préfet soit le chef d'orchestre des administrations déconcentrées de l'État. Le Sénat pourrait être l'avertisseur qui rappelle à chaque fois le Gouvernement à ses devoirs. Nous ne révolutionnerons pas tout, mais, si nous ne faisons rien, c'est la confiance de nos concitoyens qui en souffrira.

Mme Muriel Jourda . - Je vous remercie de votre travail. La vertu est paradoxale : les outils existent, mais ils sont mal utilisés. Le Conseil constitutionnel a déjà validé des études d'impact vides...

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Absolument !

Mme Muriel Jourda . - Une étude d'impact défavorable demanderait donc bien du courage, alors qu'elle n'est pas nécessaire. De plus, les gouvernements essaient de faire croire qu'ils ont une prise sur le réel en légiférant, les parlementaires aiment se faire mousser et la population aime les textes : en France, un espace de liberté s'appelle un vide juridique ! Il nous faut de la loi partout. Les maires réclament plus de pouvoir, mais, pour éteindre la lumière, ils se justifient en rejetant la faute sur les autres... Le pouvoir ne va pas sans responsabilité.

Ma question porte sur le caractère général de la loi. Le pouvoir d'ajustement des territoires est intéressant, mais la judiciarisation renforce le rôle des magistrats, souvent éloignés de la réalité et guidés par leurs opinions. Ne devrions-nous pas limiter les juges à l'appréciation de l'erreur manifeste plutôt que les laisser interpréter la loi comme s'ils étaient chargés de son application ?

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - La loi définit un cadre d'action. Elle permet, localement, de trouver la réponse. En revanche, le juge interprète la loi plus qu'il la lit. Éviter la distorsion par le juge est la raison du caractère parfois bavard de la loi... Vous dressez une piste intéressante.

M. Franck Montaugé, secrétaire . - Pour avoir travaillé sur l'évaluation des politiques publiques il y a quelques années, travail ayant finalement débouché sur des dispositions bien modestes par rapport à la mission qui était la mienne, je souscris à vos propositions.

Il faut distinguer loi, règlement et politiques publiques. L'évaluation doit être réalisée sur ces dernières. J'avais proposé la création d'un Conseil parlementaire d'évaluation des politiques publiques, à l'instar de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui travaille bien dans son domaine. Cela me semble toujours d'actualité. Il faut une implication structurelle des associations de collectivités, de la Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (SCoT), etc.

Y a-t-il des travaux universitaires sur ce sujet ? Je propose d'associer des laboratoires universitaires, avec, au coeur du dispositif, le CNEN. Le Sénat et notre délégation pourraient lancer cette démarche.

Plus largement, je pose la question du droit souple. On a parlé de la codification inflationniste et de l'amour des Français pour le texte : notre culture juridique continentale n'est pas celle des Anglo-saxons. Ne pourrait-on pas introduire, à la faveur de la simplification, du droit souple en matière de fonctionnement des collectivités ?

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Nous creuserons votre question sur les travaux universitaires. Notre rapport mentionne aussi la formation de ceux qui contribuent à produire les normes, c'est-à-dire les hauts fonctionnaires. Nous devons tous nous servir des outils, comme l'a dit Philippe Mouiller.

Cher Franck Montaugé, l'amour des Français pour la loi, comparable à celui des jardins à la française, fait que nous sommes perturbés lorsque l'égalité est interprétée de façon erronée. Nous considérons souvent que l'égalité passe par la norme. Or, l'égalité n'est pas l'uniformité : c'est l'équité qu'il faut rechercher. Nous ne changerons pas notre culture, mais nous devons nous soigner. Il faut toujours garder en tête la préoccupation que ce que l'on produit soit utile.

Si nous avions un débat d'orientation législative sur les collectivités territoriales en début de session, nous pourrions travailler bien plus en amont et le Gouvernement serait plus vigilant sur la justification de ses normes.

Je précise que les universitaires sont associés aux États généraux.

Mme Chantal Deseyne . - Je vous remercie de votre rapport : vous formulez d'ailleurs un nombre restreint de recommandations, vous appliquant à vous-mêmes vos préconisations.

Entre l'instruction et la réalisation, les normes évoluent, ce qui freine les réalisations des élus et les démobilise. Ne pourrait-on figer les normes au moment de l'instruction ? Cela créerait un espace de liberté et d'appréciation, utilisé conjointement par l'élu et par le préfet. En effet, ce décalage de plusieurs années est insupportable et s'avère souvent bloquant.

M. Antoine Lefèvre, vice-président . - Je rencontre un franc succès, lors des voeux, lorsque je parle de simplification. Ces États généraux suscitent l'intérêt : il y a une attente des élus et de nos concitoyens. La consultation en ligne sur la plateforme du Sénat apportera des idées.

Je souscris aux propos de Philippe Mouiller : il faut une vraie volonté politique. Dans l'histoire récente, un chef d'État annonçait un « choc de simplification ». Nous avons eu le choc, mais où est la simplification ?

Ces États généraux doivent être l'occasion pour les parlementaires de faire de la pédagogie sur notre propre production de normes. Personnellement, je fais dès le départ le tri dans les propositions d'amendement que je reçois. Il nous faut nous autoréguler.

Ce matin, avec d'autres parlementaires, j'ai eu une réunion sur la crise qui menace les betteraviers avec les néonicotinoïdes : la norme française s'ajoute à l'européenne, qu'elle surtranspose. Nous sommes gavés à la norme.

M. Rémy Pointereau, rapporteur . - La réponse aux difficultés évoquées par Chantal Deseyne, c'est le local. La commission départementale de conciliation est un cadre idéal pour résoudre les problèmes normatifs.

Sur l'autocensure, nous pourrions même imaginer une charte parlementaire pour encourager ceux qui agissent en faveur de la simplification...

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Il faut une stabilité de la norme : sa modification ne devrait pas avoir de répercussion rétroactive sur un projet déjà engagé. C'est particulièrement vrai en matière d'urbanisme.

Je mentionne à nouveau le rapport de nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche, qui met l'accent sur l'autorité harmonisatrice du représentant de l'État dans les territoires. Vous avez tous eu cette expérience : on fixe un schéma d'accessibilité avec le préfet, et l'on apprend le lendemain, dans la presse, la fermeture d'une trésorerie. Le préfet doit arbitrer. Voyez les contrats de mixité sociale : c'est le préfet qui apprécie la situation.

Quand, ici, nous avançons lentement sur l'eau et l'assainissement, et que cela ne fonctionne toujours pas en certains endroits, cela montre que les élus doivent avoir la capacité de choisir et de faire.

Enfin, la commission de coordination est utile, mais il ne faut pas laisser l'élu seul face au préfet. Le maire d'une grande ville n'a pas la même puissance que celui d'une petite commune.

Mme Nadine Bellurot . - Vous mentionnez une thérapie de choc. Je vous propose un choc, dont j'ai parlé hier avec l'AMF : rien ne sert de réécrire constamment le code de l'urbanisme, déjà compliqué et lourd, et face auquel les élus se sentent dépossédés. Après avoir été privés de l'autonomie fiscale, ils ne peuvent désormais plus aménager. Pourquoi ne pas laisser le code tel qu'il est, en autorisant une commission départementale rassemblant tous les acteurs - préfet, élus, entreprises, agriculteurs, associations, etc. - à déroger à l'ensemble du code de l'urbanisme ? Nous pourrions expérimenter cette capacité de dérogation sur certains territoires, avec un recours devant le Conseil d'État sous trois mois.

Nous verrions alors les effets des décisions des acteurs de proximité. En effet, les décisions s'éloignent de plus en plus de l'expérience de la population. Voilà une thérapie de choc, alors que l'urbanisme est, typiquement, une matière exigeant des adaptations territoriales. Certaines situations justifient de déroger.

Au bout de quelques années, nous constaterions peut-être de belles réalisations répondant aux besoins des territoires. Je prêche dans le désert, sentant votre doute...

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur . - Il s'agit bien d'un choc... Je signale toutefois que le rescrit existe déjà

De plus, il existe une hiérarchie des normes. Le code de l'urbanisme contient des dispositions environnementales. Ainsi, la loi Littoral empêche les constructions dans la baie du Mont-Saint-Michel, qui contient la seule appellation d'origine protégée (AOP) de production de moules, alors que celle-ci nécessite des structures pour poursuivre l'activité. Il faut hiérarchiser et sécuriser la norme, car le risque de recours existe toujours. Or la judiciarisation et le risque de recours d'un voisin contrarié font que tout le monde se cramponne à la norme. Il faut être imaginatif sans chercher à inventer de nouveaux outils, car ceux-ci existent déjà.

Mes chers collègues, je vous remercie de ces échanges.

La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES AU SÉNAT

A. AUDITIONS EN RÉUNIONS PLÉNIÈRES DE LA DÉLÉGATION

Jeudi 17 novembre 2022

• M. Charles TOUBOUL , ancien directeur juridique des ministères sociaux, rapporteur des études du Conseil d'État de 2016 et 2018 41 ( * )

Jeudi 1 er décembre 2022 42 ( * )

Audition du Conseil d'État :

• M. Didier-Roland TABUTEAU, vice-président

• M. Jean-Baptiste DESPREZ, chargé de mission

• Mme Martine de BOISDEFFRE, présidente de la section du rapport et des études

• M. Patrick GÉRARD, président adjoint à la section de l'administration

• M. Thierry-Xavier GIRARDOT, secrétaire général

Audition de l'Association des Maires en France :

• M. David LISNARD , président

B. AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Vendredi 9 décembre 2022

Audition du Secrétariat Général du Gouvernement :

• Mme Emmanuelle RACINET, sous-directrice en charge de la qualité du droit

• Audition de M. Bertrand-Léo COMBRADE , professeur de droit public à l'Université de Picardie-Jules Verne

Mardi 10 janvier 2023

Audition de la direction générale des collectivités locales :

• Mme Cécile RAQUIN , directrice générale des collectivités locales

• M . Thomas FAUCONNIER , sous-directeur des finances locales et de l'action économique

• M. Thomas MONTBABUT , chef du bureau du financement des transferts de compétences

Mardi 17 janvier 2023

Audition du Conseil national d'évaluation des normes :

• M. Alain LAMBERT, président

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Aurélien ANTOINE, professeur des Universités, Titulaire de la Chaire Droit public et politique comparés de l'Université Jean-Monnet-Saint-Étienne

Géraldine CHAVRIER, professeur des Universités, Paris I, Panthéon-Sorbonne

Armand DESPRAIRIES, maître de conférences à l'Université de Reims Champagne-Ardenne

Emeric NICOLAS, maître de conférences en droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne

Jean-Charles SAVIGNAC, maître de conférences à Sciences Po et conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes

Institut national du service public (INSP)


* 1 Proposition de résolution n° 715 de M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 16 juin 2022 ; texte disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppr21-715-expose.html

* 2 Décrets mettant en oeuvre les objectifs fixés dans le cadre de la loi dite « climat et résilience » du 25 août 2021 concernant le « zéro artificialisation nette » (ZAN).

* 3 Aujourd'hui, environ 80 % des dispositions contenues dans la proposition de loi ont été intégrées dans le corpus juridique.

* 4 Il y a eu deux volets à la mission dite BALAI, concrétisés par l'adoption de deux lois :

- BALAI 1 : la loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019 tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes et qui prévoit l'abrogation en tout ou partie de 49 lois. Elle porte sur des lois adoptées entre 1800 et 1940 ;

- BALAI 2 : la loi n° 2022-171 du 14 février 2022 tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit et qui prévoit l'abrogation de 115 lois. Ces abrogations concernent des lois adoptées entre 1941 et 1980 ;

- BALAI 3 : une proposition de loi devrait être déposée dans les prochaines semaines. Elle devrait porter sur l'abrogation de dispositifs applicables aux collectivités territoriales.

En conclusion, ce sont donc 164 lois qui ont été abrogées depuis 2019, à l'initiative du Sénat.

* 5 Voir la table-ronde organisée le 21 juillet 2022 par la délégation : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220718/dct_bulletin_2022-07-18.html

* 6 Rapport sur la qualité et la simplification du droit de M. Jean-Luc Warsmann, décembre 2008.

* 7 En particulier, cette charte consacre, en son article 5, le principe de précaution, qui a sans doute largement contribué à l'inflation normative.

* 8 Voir le rapport d'information de Mme Françoise Gatel et M. Jean-Michel Houlegatte, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, rapport n° 520 (2021-2022) - 17 février 2022.

* 9 Les données sont issues des fiches d'impact élaborées par les ministères porteurs des projets de texte soumis au CNEN. Il s'agit d'évaluations.

* 10 Il est très difficile, sinon impossible, d'instituer une mesure de rationalisation pour les décrets d'application des lois, qui, par définition, dépendent des dispositions législatives qui les prévoient.

* 11 Conseil d'État, Simplification et qualité du droit, Étude annuelle 2016.

* 12 CNEN, Rapport relatif à l'intelligibilité et à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales au service de la transformation de l'action publique, 17 février 2021, p. 28-29.

* 13 CNEN et Lexis-Nexis, Améliorer la qualité du droit par la généralisation des bonnes pratiques, Actes du e-colloque du 26 novembre 2020, La Semaine juridique, édition générale, supplément au n° 3, 18 janvier 2021.

* 14 Audition du 6 janvier 2021 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210503/bulletin_dct_2021-05-06.html#toc2

* 15 Se sont pas soumis à étude d'impact les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les projets de loi de programmation ainsi que les projets de loi prorogeant des états de crise.

* 16 Conseil d'État, Rapport public 2013, p. 181.

* 17 Rapport précité n° 387 (2007-2008) de M. Jean-Jacques HYEST.

* 18 Décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009.

* 19 Voir le dossier législatif à cette adresse : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-197.html

* 20 Rapport d'information de M. Rémy POINTEREAU, Mme Sonia de LA PROVÔTÉ, MM. Serge BABARY et Gilbert-Luc DEVINAZ , fait au nom de la délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales, rapport n° 910 (2021-2022) du 29 septembre 2022.

* 21 http://data.parliament.uk/DepositedPapers/Files/DEP2011-0504/DEP2011-0504.pdf

* 22 Op. cit. p. 7.

* 23 https://www.parliament.uk/site-information/glossary/sunset-clause/

* 24 Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, Premier ministre - Ministère de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, 26 mars 2013, p. 15.

* 25 La commission s'est bornée à indiquer dans son rapport, de manière laconique, que « l'utilité de cette nouvelle conférence ne lui est pas parue manifeste ».

* 26 Sa mission, sa composition, ainsi que ses modalités de consultation et de fonctionnement sont prévues par les articles L. 1212-1 à L. 1212-4 et R. 1213-1 à R. 1213-30 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Le CNEN comprend 4 parlementaires, 23 élus locaux et 9 représentants de l'État.

* 28 Proposition de résolution n° 715 de M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 16 juin 2022 ; texte disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppr21-715-expose.html

* 29 Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes, rapport n° 126 du 28 octobre 2015 : https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-126-1-notice.html

* 30 Voir la proposition de loi organique (n° 828, 2012-2013) tendant à joindre les avis rendus par le conseil national d'évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, adoptée par le Sénat le 7 octobre 2013. Voir aussi la proposition de loi organique (n° 683, 2019-2020) pour le plein exercice des libertés locales, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2020.

* 31 Rapport d'information fait au nom de la mission d'information relative à la simplification normative, publié le 9 octobre 2014 : https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2268.asp

* 32 « À la recherche de l'État dans les territoires » : rapport d'information de Mme Agnès CANAYER et M. Éric KERROUCHE , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales ; rapport n° 909 (2021-2022) - 29 septembre 2022.

* 33 Auparavant, lorsque le CNEN émettait un avis défavorable sur un texte réglementaire, le Gouvernement était tenu de transmettre, soit un projet modifié, soit de simples « informations complémentaires ». Désormais, le CNEN a la possibilité de demander au Gouvernement de « [justifier] le maintien du projet initial ». Les ministères rapporteurs devront ainsi, sur demande du CNEN, motiver leurs décisions de refus d'intégrer les recommandations émises par le conseil. L'alternative ouverte au Gouvernement de transmettre un projet modifié a été maintenue par le législateur.

* 34 Rapport n° 4721 de la commission des lois, en date 25 novembre 2021 sur le projet de loi « 3DS ». Voir l'article 74 bis.

* 35 Décrets mettant en oeuvre les objectifs fixés dans le cadre de la loi dite « climat et résilience » du 25 août 2021 concernant le « zéro artificialisation nette » (ZAN).

* 36 Question posée à M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, publiée dans le JO Sénat du 14/07/2022 : http://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ22070002G.html .

* 37 En application d'une décision orale du président de la République François Hollande, annoncée lors de la cérémonie de voeux aux corps constitués le 20 janvier 2015, les avis sur les projets de loi sont, depuis le 19 mars 2015, intégralement rendus publics par le Gouvernement sur le site de Légifrance, dès que ces projets ont été délibérés en Conseil des ministres. Le Gouvernement les transmet d'ailleurs à la première assemblée saisie au moment du dépôt du projet de loi.

* 38 La loi dite « 3DS » a introduit, à l'initiative du Sénat, un dispositif visant à corriger un déséquilibre du tissu commercial de proximité à l'intérieur du périmètre d'un SCoT (article 11).

* 39 cf. n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, cons. 2 à 7, n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, cons. 35 et 36

* 40 Voir le dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-197.html

* 41 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221114/dct_bulletin_2022-11-14.html#toc4

* 42 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221128/dct_bulletin_2022-12-01.html

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