V. LA HONGRIE : UNE LIBÉRALISATION DIFFICILE.

A. UN AUDIOVISUEL DOTÉ ENFIN D'UN STATUT

Après plusieurs projets de loi rédigés depuis 1989, le Parlement hongrois a voté, le 21 décembre 1995, une loi sur l'audiovisuel. Cette loi met fin au monopole d'État des média nationaux, ainsi qu'au moratoire sur 1es fréquences, instauré en 1989. Elle fixe les cadres juridiques et économiques du développement du secteur privé audiovisuel, en réglant les rapports de concurrence avec les média de service public, dans le cadre d'un système dualiste d'inspiration très libérale .

1. Une loi très libérale

a) Le système provisoire (1989-1995)

La commission d'attribution des fréquences du ministère de la Culture, composée d'un représentant des ministères de la Culture, de l'Intérieur, des Télécommunications, de la Justice, et de la Défense, a joué un rôle important dans l'attribution des autorisations données antérieurement.

L'Institut de gestion des fréquences, dépendant du ministère des Télécommunications, préparait techniquement les décisions.

En l'absence d'une loi audiovisuelle, ces procédures n'avaient pas été suffisamment précises pour que ces organes jouent un véritable rôle de régulation. Le partage des rôles entre les deux institutions manquait de clarté. D'autant plus qu'il existe pour la télévision et la radio publiques des comités d'éthique. Ce sont des organes d'autorégulation, composés notamment de salariés de l'entreprise. Puis, à l'automne 1993, des comités de surveillance composés de six personnalités extérieures à la télévision et à la radio, choisies par le président de la République, ont été créés. Ce sont des organes consultatifs sans statut légal.

Les différents projets de loi discutés par le Parlement sans être jamais adoptés prévoyaient la création d'une instance de régulation dénommée Conseil de la radio et de la télévision, dotée d'un pouvoir de contrôle sur les chaînes privées. En cas « d'irrégularité grave », le président ou les membres de la direction pouvaient être révoqués. Dans le projet d'octobre 1991, cet organe avait également pour mission l'attribution des fréquences aux télévisions et radios privées, le contrôle des obligations légales et disposait d'un pouvoir de sanction administrative. Les conditions de désignation des membres du conseil de la radio et de la télévision ont fait l'objet de plusieurs versions :

- nomination par le Premier ministre après audition par la commission culturelle du Parlement ;

- élection à la majorité des deux tiers par le Parlement sur proposition du Premier ministre.

Tout cela fit l'objet de multiples débats.

b) Les objectifs de la législation de I995 sur l'audiovisuel

Le premier objectif de la loi sur l'audiovisuel a été de mettre en conformité la législation hongroise avec la législation européenne, et notamment la directive « Télévision sans frontières » de 1989, dans la perspective de l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne. À cet effet, le commissaire européen compétent, M. Oreja, a été consulté en juillet 1995 par les responsables hongrois.

Le deuxième objectif de la loi est rétablissement d'un paysage audiovisuel dualiste, public et privé. Il s'agit de l'enjeu majeur du texte, qui a cependant profondément divisé la coalition au pouvoir. La privatisation de la seconde chaîne hertzienne du secteur public - qui compte en outre une chaîne satellitaire -, MTV2, est désormais un fait acquis. Le secteur public sera constitué de deux chaînes, l'une hertzienne, MTV1, l'autre satellitaire, Duna TV, qui seront transformées en sociétés anonymes.

Le troisième objectif du texte est la création d'une autorité de régulation indépendante du Gouvernement, du Parlement et des partis, « sur le modèle britannique ou français ».

On peut expliquer la lenteur de l'élaboration d'un cadre législatif rénové par le fait que la télévision a contribué, pendant les années 1989-1991, à l'émergence d'une bonne partie de la nouvelle classe politique hongroise.

Mais celle-ci craint l'influence politique de la télévision, surtout si elle est privée. Par ailleurs, si la coalition gouvernementale dispose de 74 % des sièges, soit davantage que la majorité requise des deux tiers, elle est loin de s'être accordée sur les grandes lignes du futur paysage audiovisuel hongrois. Le Parti socialiste hongrois est lui-même divisé sur la question.

On peut par ailleurs craindre que ce texte, qui ne comporte aucune disposition relative aux nouvelles technologies, ne soit rapidement obsolète.

c) La loi du 21 décembre 1995

Requérant une majorité des deux tiers, nécessaire, selon la Constitution hongroise, pour adopter toute loi relative aux libertés publiques, la loi sur l'audiovisuel a été adoptée, après six ans de discussions et deux projets étudiés par le Parlement depuis 1990.

La loi sur l'audiovisuel, votée à une très large majorité (264 voix pour, 31 contre et 2 abstentions) le 21 décembre 1995, met fin au monopole d'État sur les média nouveaux, et définit les cadres juridiques et économiques d'un système fondé sur la concurrence entre média publics et privés.

La loi confirme les grandes orientations des projets précédents (création d'une instance supérieure de l'audiovisuel, privatisation de la deuxième chaîne de la télévision nationale, et attribution de fréquences nationales en radio et télévision), avec toutefois une inflexion beaucoup plus libérale. Le secteur public estime n avoir obtenu gain de cause sur aucune de ses revendications (financement, répartition des obligations de service public, quotas de diffusion pour les télévisions commerciales privées), ce qui pourrait entraîner une concurrence déséquilibrée avec le futur secteur privé. Si la viabilité économique de la loi est critiquée par les milieux professionnels, celle-ci recueille un large consensus sur toutes les mesures qui visent à garantir la neutralité politique des média publics (nomination des présidents des média publics, attributions et organisation de la haute instance audiovisuelle), ce qui avait constitué le point-clé de la « guerre des média », et du gel des fréquences qui l'avait accompagnée depuis 1989.

Ce vote constitue d'abord une victoire politique pour la coalition, qui s'est efforcée de définir un texte consensuel et de recueillir le soutien des partis d'opposition. Ce fut l'objet d'un accord signé, fin octobre, entre les six partis représentés au Parlement, qui portait essentiellement sur l'organisation des organes de direction des média publics et de l'ORTT, conseil supérieur de l'audiovisuel créé par la loi, de façon à en garantir l'indépendance et la neutralité politique.

Dans les derniers jours du débat au Parlement le projet, qui a fait l'objet de 420 amendements, a évolué vers une réduction des obligations des futures chaînes privées, en partie sans doute, sous l'influence des investisseurs intéressés par la privatisation, et dans la perspective de l'adhésion de la Hongrie à l'OCDE. Pour satisfaire, en effet, aux conditions d'admission à l'OCDE, les députés ont dû revoir à la baisse les quotas de diffusion de programmes nationaux et européens sur les futures télévisions privées, qui étaient à l'origine alignés sur ceux recommandés par la directive européenne « Télévision sans Frontières ».

La loi fixe un calendrier précis pour la restructuration du service public et la création des média privés.

L'année 1996 est donc une année de transition, le premier semestre étant consacré à la restructuration des organes de direction des média publics, le deuxième semestre à la sélection des candidats aux premières radios et télévisions nationales privées.

Le paysage audiovisuel hongrois n'a donc pas encore atteint sa phase de maturité.

2. La nouvelle régulation du paysage audiovisuel hongrois

La loi du 21 décembre 1995 a créé une instance de régulation de l'audiovisuel, l'ORTT.

Dans un délai de 45 jours à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le Parlement a élu les 6 membres et le président de l'ORTT. Chaque membre a été choisi par un parti. Le poids des voix est réparti, par la loi, de façon à assurer l'égalité entre les membres de la majorité et ceux de l'opposition. Ainsi les deux membres de l'actuelle majorité (Parti socialiste et Parti libéral démocrate) ont 50 % des voix, soit 25 chacun. Les quatre membres de l'opposition totalisent 50 % des voix, soit 12,5 aucun. Aucune décision ne peut donc être prise sans au moins la voix d'un membre de l'opposition. Ce système suppose donc aussi la révision de la composition du comité à chaque changement de majorité au Parlement.

Le comité a pour tâche de lancer et de juger les appels d'offre pour les attributions de fréquences, de veiller au respect des dispositions prévues par la loi et, le cas échéant, de pénaliser les infractions. Il doit constituer et faire fonctionner un comité de réclamation ainsi qu'un service d'audimat. Chaque année, il doit remettre au Parlement un rapport sur le respect de l'objectivité et de la pluralité de l'information, sur le respect des règles antimonopolistiques, la situation économique et financière des média. Les frais de fonctionnement de l'ORTT sont financés par prélèvement de 2 % des recettes de la redevance.

3. Un secteur public amputé

Dans la loi du 21 décembre 1995, le secteur public hongrois est fortement amputé avec la privatisation de la deuxième chaîne publique et de la radio régionale Danubius, la mise en concession d'une troisième fréquence hertzienne nationale télévision, et d'une fréquence nationale radio, ainsi que le renforcement de la télévision satellite « Duna TV ».

a) La télévision publique hongroise au seuil de la privatisation

L'organisme de radiodiffusion d'État a été créé en 1928. Jusqu'en 1974, il existait une structure unique dénommée « Radio-Télévision hongroise ». Aujourd'hui, Magyar Télévision (MTV) est une entité distincte de Magyar Radio.

Dès 1987, la Hongrie mettait fin au monopole de MTV en autorisant la diffusion de chaînes étrangères par satellite (Sky Channel a été l'une des premières chaîne ainsi diffusées).

La présidence de MTV est confiée à une personnalité nommée par le président de la République sur proposition du Premier ministre, après audition par le Parlement.

La présidence de MTV a été marquée par l'instabilité.

En décembre 1992, le président de MTV, Elmer Hankiss, a été suspendu de ses fonctions. Il n'y a pas eu d'accord entre les deux autorités de l'État pour lui désigner un successeur. La direction a alors été assurée par le vice-président, Gabor Nahlik, proche de la coalition au pouvoir. Le 7 juillet 1994, il a lui-même été démis de ses fonctions par le président de la République.

Le 20 juillet 1994, un nouveau président a été nommé après une investiture parlementaire obtenue sur la base d'un consensus entre les six partis représentés. Adam Horvath, réalisateur de télévision, présida la télévision publique jusqu'à sa démission à la mi-décembre 1995. Le projet de loi ne garantissait pas, selon lui, les intérêts du secteur public : MTV perd la deuxième fréquence sans que les conditions de diffusion de l'actuel deuxième programme (troisième réseau hertzien, ou satellite) soient clairement arrêtées ; elle perd également une partie de ses ressources financières (limitation du temps d'antenne publicitaire, répartition des recettes de la redevance), et se voit attribuer une charge de programmes de service public, trop lourde dans le cadre de la future concurrence. Le président a donc démissionné, estimant n'avoir eu gain de cause sur aucune des conditions essentielles à ses yeux, et refusant dès lors d'assumer « la faillite de la télévision nationale ».

MTV comprend deux chaînes publiques nationales :

- MTV1 est une chaîne grand public ;

- MTV2 propose des programmes plus thématiques (culture, informations, émissions politiques) et offre une place spécifique aux programmes régionaux (depuis février 1993). Elle ne couvre que 60 % du territoire, mais 90 % de la population.

Les deux chaînes cèdent des plages importantes aux grandes télévisions occidentales (ZDF, BBC, France 2, RAI).

Le secteur public hongrois subit une profonde crise. MTV emploie un personnel très important - plus de 4.000 personnes -, dans des locaux inadaptés. Le siège est en effet situé dans le bâtiment de l'ancienne bourse - qui existait avant 1945 -, et MTV occupe une quarantaine de sites différents.

b) De nouvelles perspectives

La décision de privatisation de la seconde chaîne, MTV2, assombrit l'horizon de la télévision publique hongroise dont le personnel est inquiet pour son avenir. À travers le sort du secteur public, c'est celui de l'identité hongroise qui est en jeu.

Le Vice-président du Parti socialiste hongrois, M. Sandor Csintalan, estirne que la télévision hongroise de demain devra « préserver le caractère hongrois, faire appel à des opérateurs qui ne soient ni américains, ni allemands, et à des équipes de créateurs et de producteurs qui satisferont le public ».

Dans cette perspective, l'intérêt de TF1 pour le marché hongrois est bien perçu. La chaîne permettrait d'accroître la qualité de la compétition entre les différents opérateurs. Elle agirait d'autre part comme un contrepoids à l'influence américaine ou allemande, qui semble être fortement redoutée. Selon le responsable de ce dossier au sein du parti dominant de la coalition gouvernementale, « même en Europe de l'ouest, il est difficile de lutter contre les monopoles audiovisuels et d'équilibrer le marché de l'audiovisuel. C'est a posteriori encore plus difficile pour une jeune démocratie comme la Hongrie ». La présence des programmes américains est, selon lui, « déjà forte à MTV. Mais si les valeurs et la production nationales sont mises à l'honneur, les Hongrois choisiront des programmes hongrois ».

À cet effet, MTV2 serait soumise à un régime de concession, pendant 10 ans, et de fortes contraintes lui seraient imposées : diffuser 70 % de programmes européens et 51 % de programmes hongrois et assurer 25 % de son temps d'émission en programmes de service public (informations, renseignements généraux...). Les responsables hongrois sont de ce fait très intéressés par l'expérience française pour la définition de quotas.

Par ailleurs, le capital serait constitué de telle manière qu'aucun opérateur privé ne pourra obtenir plus de 49 % des actions, les sociétés candidates étant invitées à former un consortium et à répondre ensemble à l'appel d'offres.

Outre TF1, deux groupes de communication sont sur les rangs : celui de M. Palmer, ancien Ambassadeur des États-Unis en Hongrie de 1985 à 1990, est déjà présent dans le capital de la chaîne tchèque Nova TV, dans lequel Estée Lauder - d'origine hongroise - dispose d'une participation, ainsi que le groupe allemand de M. Léo Kirch.

À la fin du premier semestre 1996, après l'évaluation de leur capital respectif, Magyar Televizio, Magyar Radio et Duna TV, deviendront des fondations publiques.

À cette date, les employés des média publics perdront leur statut de fonctionnaires. À coté du président, chaque fondation aura un organe administratif, une curatelle de 21 à 23 membres, représentant les intérêts sociaux et professionnels (syndicats, communautés religieuses et ethniques...), et 8 membres nommés par le Parlement qui constitueront la présidence de chaque curatelle. L'élection des présidents des trois média publics est de la compétence des curatelles concernées.

La télévision nationale conserve deux chaînes, mais la fréquence de l'actuelle deuxième chaîne sera privatisée, sans que le futur mode de diffusion de celle-ci soit arrêté. La radio nationale conserve ses trois stations (Kossuith, Petofi et Bartok), qui devront passer sur la bande FM CCIR dans un délai de 3 ans. Radio Danubius, station qui couvre la moitié du territoire, et appartient à la radio nationale, sera privatisée. Cette station, qui est la plus écoutée en Hongrie, se finançait uniquement sur les recettes publicitaires, et constituait une source de revenus importante pour la radio nationale.

4. La diversification du paysage audiovisuel hongrois

a) L'absence de télévision hertzienne privée nationale

En raison de la prise de contrôle très rapide des grands quotidiens nationaux de la presse hongroise par les investisseurs étrangers, un moratoire sur la libéralisation des ondes (télévision et radio) fut décrété le 3 juillet 1989 par le dernier Gouvernement communiste. Il a été maintenu, jusqu'à la loi du 21 décembre 1995, malgré l'opposition de la commission de la presse et des média audiovisuels, qui l'avait déclaré illégal, en raison de l'absence de consultation préalable du Parlement.

Les projets de loi successifs ont tous prévu la création d'un secteur privé national, et de nombreux projets ont été élaborés.

Dès octobre 1991, 74 projets de télévision ont été déposés. La Fininvest, Maxwell, Axel Springer et la CLT étaient candidats.

En mars 1994, un projet de création d'une troisième chaîne était annoncé. Cette chaîne aurait été constituée par une société mixte intégrant MTV et des actionnaires étrangers pouvant entrer jusqu'à une hauteur de 90 % du capital. Le temps d'antenne aurait été partagé avec MTV2. Le budget et la nomination du président de la chaîne auraient été contrôlés par le Gouvernement. Ce projet n'a cependant pas abouti.

Ce moratoire n'a cependant pas remis en cause la diffusion de NAP-TV, ni la profusion de télévisions locales.


• NAP-TV,
détenue à 50 % par Rupert Murdoch, a vu le jour en mai 1989. Elle fut la première chaîne privée émettant dans un pays d'Europe centrale. Elle occupe actuellement, de 7 h à 9 h, le canal de MTV1. C'est une télévision du matin assez populaire à diffusion nationale. Un groupe d'investisseurs japonais participe au capital de la chaîne à hauteur de 15 %.

La chaîne avait également obtenu, en mai 1994, une fréquence micro-ondes AM pour Budapest, en partage avec d'autres candidats. Elle s'est désengagée de ce projet. Deux de ses partenaires ont créé sur cette même fréquence micro-ondes (reprise par satellite et par câble) une télévision locale dénommée A3 TV.

Une autre fréquence hertzienne, autrefois utilisée par l'Armée soviétique et qui couvre 40 % du territoire, pourrait être également privatisée.


• Par ailleurs, il existe en Hongrie environ 80 télévisions locales, financées par des entreprises, des hommes politiques ou des collectivités locales. La plupart sont dans une situation financière difficile. Elles bénéficient de la politique de MTV qui, pour concurrencer la société nationale de production MAFilm, avait créé une vingtaine de studios décentralisés et bien équipés, qu'elles utilisent aujourd'hui.

b) Un fort développement du câble

Le câble a pleinement profité de ce moratoire. On estime à 800.000 et 1 million le nombre des foyers abonnés.

En Hongrie, l'industrie du câble a été très précoce, puisque les anciennes PTT de l'État communiste avaient déjà installé un système de télévision à destination des hôtels internationaux de Budapest, au moyen du MMDS. Tout juste après la disparition de l'URSS, la Hongrie était donc le seul pays du Comecon à disposer de véritables réseaux câblés. Il est vrai qu il est celui où toutes les expériences sont possibles, puisqu'une compagnie privée de télécommunications diffuserait des images de télévision dans ses réseaux téléphoniques.

Cette spécificité n'a pas manqué d'attirer les investisseurs et les opérateurs américains, qui, à l'image de Kabelkom, propriété de Time Warner, ont procédé à de multiples fusions de réseaux et lancé la distribution de chaînes américaines internationales.

Une mosaïque de petits et moyens câblodistributeurs privés exploitent des réseaux de faible importance (un arrondissement de Budapest en moyenne). Il n'existe pas de loi, ni de réglementation précise. Le câble s'est ainsi développé en dépit de l'existence du moratoire.

Les bouquets de programmes sont composés en majorité de chaînes allemandes, mais aussi anglaises et américaines. La plupart d'entre elles n'émettent que quelques heures par jour.

À Budapest, il existe une quarantaine de sociétés de câblo-distribution ; ce sont, le plus souvent, des sociétés municipales pour partie financées par la ville. La plus ancienne - Global TV - a été créée en 1987 à Budapest. Le réseau Kablekom (détenu à parts égales par Time Warner et United Communication International) est l'un des plus structurés et compte 215.000 abonnés auxquels est offert un bouquet de programmes de 20 chaînes.

c) L'engouement pour le satellite

Le moratoire a profité également au satellite puisque 600.000 foyers sont équipés de paraboles, le Gouvernement ayant autorisé dès 1987 la diffusion des chaînes étrangères.

Duna TV a été créée au début de l'année 1993 pour être diffusée par satellite (Eutelsat 2F3) et reprise sur les réseaux câblés. Cette chaîne est subventionnée par l'État et par la fondation pour la cinématographie hongroise. Elle diffuse de nombreux films du riche patrimoine cinématographique hongrois. Elle était destinée notamment aux minorités hongroises des pays limitrophes. Son avenir ne paraît pas devoir être remis en cause car son audience est assez importante.

Grâce aux recettes de la privatisation de MTV2, le Gouvernement voudrait financer une nouvelle chaîne satellitaire publique, qui serait diffusée sur Magyarsat, un projet de satellite israelo-hongrois.

5. De nouvelles télévisions privées hertziennes

L'ORTT procédera à l'appel d'offre pour la mise en concession des deuxième (aujourd'hui canal de la deuxième chaîne publique) et troisième canaux (réseau ne couvrant aujourd'hui que 50 % du territoire, ancien canal de la chaîne soviétique, aujourd'hui inexploité) pour dix ans. La CLT a, fin février 1996, annoncé sa candidature, jugant le marché hongrois très attractif. La loi du 21 décembre 1995 prévoit cependant des règles anti-concentration. Un même propriétaire ne peut détenir plus de 49 % du capita1. En outre, le propriétaire d'un quotidien national ne peut prendre de participation au capital d'un média privé national.

Le temps moyen d'antenne consacré à la publicité est limité à 12 minutes par heure. La publicité pour les boissons à faible teneur en alcool est autorisée sur les média privés uniquement, même aux heures de grande écoute. Les fictions et séries dépassant 45 minutes peuvent être coupées par des écrans publicitaires (uniquement pour les média privés).

Des obligations en matière de diffusion de programmes ont été fixées. Vingt pour cent du temps annuel doit être consacré à des programmes « de service public » (10 % pour le troisième réseau). Cette notion est définie largement, et comprend les informations, les émissions culturelles tels que les programmes scientifiques ou les émissions pour la jeunesse. Les quotas de diffusion ont été très assouplis, comme on l'a vu. Le projet de loi prévoyait un quota de 10 % de productions hongroises sur le temps d'émission consacré à la diffusion de productions européennes.

Enfin, les télévisions privées doivent consacrer 6 % de leurs recettes publicitaires à la création de films, dont la moitié doivent être des fictions, films d'animation ou documentaires, et dont 30 % doivent être produits par des sociétés indépendantes.

6. L'économie de l'audiovisuel hongrois

a) Une nette domination de la télévision publique

Les parts de marché entre les chaînes hongroises s'établissaient ainsi, en septembre 1994 :

Audience de 2 heures à 2 heures
Adultes (plus de 13 ans)

Source : AGB Hongrie/Avril-Décembre 1994.

La télévision publique rassemble encore 75 % de l'audience cumulée.

b) Le budget de la télévision publique

Le budget de MTV s'élevait en 1995 à 29,5 milliards de florins, soit plus de 1 milliard de francs, composé pour 50 % de revenus publicitaires, de 40 % de revenus provenant de la redevance auxquels s'ajoutent les subventions de l'État à hauteur de 10 %, qui transitent par un « fonds de financement de l'audiovisuel ». L'augmentation de la redevance a été bloquée par le Gouvernement jusqu'en 1997 et elle rentre mal.

MTV emploie environ 4.000 personnes. Les salaires ont été gelés depuis 1994. La société rencontre des difficultés pour régler les cotisations sociales. Elle ne peut réduire ses effectifs, comme le Gouvernement lui en a donné l'instruction, car elle ne pourrait faire face aux indemnités de licenciement. La baisse des effectifs est néanmoins inévitable et la réduction, drastique, pourraient les porter à 1 800 personnes.

Le budget de Magyar Radio était de 350 millions de francs.

À compter de 1996, le financement des média publics est assuré de la façon suivante :

- la redevance (soit 10 milliards de forints 20 ( * ) en 1995) sera partagée ; 50 % à Magyar Televizio, 28 % à Magyar radio. 14 % à Duna Televizio, 2 % à l'ORTT, 6 % à un fonds de programmes de service public. Ce sont, aujourd'hui, 70 % des redevances qui reviennent à la télévision publique. Il est à noter qu'auparavant Duna TV ne profitait pas de la redevance.

- les subventions budgétaires sont réduites de moitié, de 4,5 à 2 milliards de forints.

- les recettes publicitaires des chaînes publiques devraient fortement s'accroître : le temps moyen d'antenne publicitaire, sur les média publics, est limité à 4 minutes par heure au lieu de 12 actuellement, qui constituera le temps autorisé pour les média privés. Le temps d'antenne publicitaire maximal par heure est de 6 minutes.

Sur les 24 milliards de forints de budget de la télévision publique en 1995, 12 milliards provenaient de la publicité, 7,5 milliards de la redevance et 4,5 milliards de subventions. Chacune de ces recettes serait amenée à baisser soit directement, soit par le jeu de la concurrence avec les média privés : les analyses s'accordant toutes à montrer que le marché publicitaire est déjà arrivé à maturité, et n'augmentera plus de façon importante. La télévision publique connaîtra, sans doute, non seulement une baisse du volume, mais aussi des tarifs de la publicité.

c) Une progression régulière de la publicité

Le marché publicitaire hongrois est très dynamique en raison, d'une part, de la présence nombreuse d'entreprises d'Europe de l'ouest et, d'autre part, de la nécessité pour les entreprises hongroises nouvellement privatisées de faire exister leurs marques sur le marché intérieur face aux marques internationales qui ont pris fortement position sur ce marché.

La croissance, régulière, était de 33 % en 1993, 34 % en 1994 et 25 % en 1995.

Le média le plus dynamique à cet égard est la radio, dont la part de marché progresse de deux points en deux ans, grâce au plus fort taux de croissance du marché (+93 % en 1993, +51 % en 1994, +41 % en 1995). La radio publique domine nettement, les radios privées n'occupant que 15 % du marché publicitaire.

En termes de parts du marché publicitaire, on relève un équilibre global entre presse écrite et télévision, comme l'indique le graphique ci-après.

Parts du marché publicitaire des média hongrois

Source : Conjoncture 95-IP. Document Sénat.

La forte croissance des tarifs de vente d'espace est plutôt décidée en fonction des besoins propres en financement de ces média.

Les télévisions locales et câblées rencontrent toutefois des difficultés pour commercialiser leurs espaces publicitaires en raison du manque d'information sur leurs audiences réelles.

d) Les stratégies des investisseurs étrangers

La nouvelle loi implique d'ores et déjà certains changements dans les stratégies d'investissement des média privés étrangers.

Si elle met fin à la désorganisation du paysage audiovisuel, elle induit, en revanche, des risques économiques importants.

La présence de 5 chaînes nationales, ayant toutes accès au marché publicitaire, peut entraîner un sous-financement et du service public et du secteur privé. Les changements intervenus dans les derniers jours du vote de la loi (réduction des obligations en matière de diffusion pour les média privés) lui donnent une orientation très libérale. Cette orientation avaient été mise en avant, lors d'entretiens avec les responsables hongrois, par les candidats potentiels déclarés, français, allemands et américains, qui en faisaient une condition de leur engagement sur le marché hongrois.

Au début de 1996, trois voies s'offraient aux sociétés étrangères voulant acquérir une couverture nationale :

- assurer une diffusion par satellite, comme l'envisageaient certaines télévisions locales, prêtes à se regrouper (Top TV, TVA et A3TV),

- attendre le vote de la loi pour se porter candidat à une fréquence nationale,

- constituer un réseau national à partir de fréquences locales déjà attribuées.

C'est sur cette dernière voie, entre autres, que travaillait le groupe CETC, possédant Nova TV en République tchèque ainsi qu'un réseau en Pologne, et présidé par Mark Palmer, ancien Ambassadeur des États-Unis en Hongrie Ces négociations auprès des diffuseurs locaux , entamées par la société du groupe en Hongrie, 2002 Kft, ne semblaient d'ailleurs pas donner de résultats. Désormais, la constitution d'un réseau par connexion de fréquences locales est interdite par la loi, jusqu'à la création des deuxième et troisième chaînes nationales.

L'obligation d'une participation hongroise au capital à hauteur de 26 % ainsi que les dispositions antitrust, qui peuvent gêner certains groupes allemands, tel Bertelsmann, déjà très présents dans la presse écrite, vont pousser les investisseurs étrangers à rechercher l'alliance des rares sociétés hongroises de taille suffisante (MTM, NovoFilm, Nap TV, TV3...), qui sont conscientes de l'atout qu'elles peuvent ainsi faire valoir.

En tout état de cause, les candidats possibles français ont déjà réagi. TF1 paraît continuer à être intéressée par la privatisation de la deuxième fréquence. Canal + semble, au contraire, avoir suspendu son projet d'une chaîne hertzienne cryptée en Hongrie.

e) Les programmes

La Hongrie bénéficie d'une ancienne tradition de production cinématographique, qui remonte à l'entre-deux-guerres.

D'après le cahier des charges de MTV datant de février 1993, 51 % des programmes doivent être d'origine hongroise et 20 % des programmes doivent être d'origine européenne. La dernière version de la loi de décembre 1995 prévoit un quota de 51 % minimum de programmation d'origine nationale et de 70 % minimum de production européenne pour les chaînes publiques.

Sur MTV1, chaîne généraliste, Dallas, Magnum et la Roue de la Fortune figurent dans les grilles de programmes et réalisent une forte audience. La chaîne propose également une série hongroise intitulée « Les voisins », qui obtient quasiment le même succès que Dallas.

Un studio pour l'Europe centrale et les minorités est chargé d'élaborer un programme pour les minorités ethniques. Il devrait être repris sur satellite à destination des minorités hongroises des pays limitrophes. »Ce programme est destiné à montrer l'ouverture de la Hongrie aux pays voisins alors que ces derniers se ferment sur eux-mêmes et ne s'ouvrent qu'aux programmes américains », selon le responsable de ce studio.

MTV diffusait dès 1980, avant même la fin du régime communiste, de nombreux programmes d'origine européenne ou nord-américaine. Aujourd'hui, 50 % des programmes des deux chaînes proviennent de l'étranger (chaînes allemandes, russes, ukrainiennes). La place des programmes américains reste très importante (accords avec Columbia Tristar, Walt Disney). Le projet de loi prévoit pourtant que 20 % du temps d'antenne de la télévision publique doit être consacré à des programmes non produits par elle-même.

ARTE diffuse environ 12 heures par mois de programmes sur MTV1. Géopolis (France 2) est par ailleurs diffusée chaque semaine sur MTV2.

Les producteurs de cinéma et d'audiovisuel sont réunis au sein d'une « Fondation du cinéma », créée en 1991, et chargée d'autogérer la branche professionnelle. Les relations entre celle-ci et la télévision publique se sont détériorées en raison de la forte diminution des coproductions. MTV s était engagée à coproduire en 1995 pour un montant inférieur à 1 % de son budget, soit 210 millions de forints, mais cet engagement n'a pas été respecté.

Compte tenu des difficultés budgétaires de MTV, on a assisté à un effondrement de la production audiovisuelle hongroise, le secteur privé n'étant pas assez puissant pour relayer un secteur public défaillant.

Avant 1989, la production privée était réalisée quasi-exclusivement par une entreprise à capitaux mixtes. MAFilm, que MTV a concurrencée dans les années 1970-1980 en produisant elle-même des fictions, ce qui a acculé MAFilm à une quasi-faillite.

Si des producteurs indépendants, issus de la télévision publique, commencent à apparaître sur le marché, cette nouvelle concurrence sera mal perçue par MTV. En effet elle bousculera le corporatisme de la chaîne d'État, au sein de laquelle les nombreuses « baronnies » qui se sont constituées ne vont pas sans rappeler la situation de l'ORTF avant 1974.

Pourtant, l'une des seules chances de redressement de MTV semble être l'externalisation de la production qui devrait être confiée au secteur privé pour faire jouer la concurrence et baisser les coûts.

Les obligations, pour ce qui concerne les quotas de diffusion de programmes, prévoient qu'à partir du 1 er janvier 1997, la télévision publique devra consacrer 51 % du temps de diffusion annuel - sans inclure les informations, la publicité, les retransmissions sportives ni les jeux - à des programmes de réalisation hongroise, et 70 % à des programmes de réalisations européennes. Tandis que 20 % du temps annuel de diffusion de films devra être consacré à des films de production hongroise, dont 20 % seront des créations, parmi lesquels 30 % seront produites par des sociétés extérieures à la télévision publique. Ces quotas sont applicables aux émissions pour la jeunesse, 10 % du temps de programme annuel, et 15 % à partir du 1 er janvier 1999, - sans compter la publicité ni les retransmissions sportives - devra être consacré à la diffusion de programmes produits par des sociétés extérieures. Enfin ces quotas seront respectés notamment lors des heures de grande écoute (18 h 50 à 21 h 30).

Pour la radio publique, de plus. 30 % du temps de programmation musicale sera consacré à des productions hongroises, c'est-à-dire comprenant au moins des interprètes hongrois.

B. LA RADIO EN HONGRIE

1. Le secteur public

Magyar Radio (MR) créée en 1928 regroupe trois grandes chaînes nationales :

- Kossuth qui propose de nombreuses émissions politiques :

- Petöfi, sur laquelle le divertissement et les loisirs occupent une part importante de la grille des programmes :

- Bartok, diffusée seulement en FM. Ses programmes sont musicaux et culturels. Elle ne comporte pratiquement pas de publicité.

Seule Kossuth est reçue dans de bonnes conditions sur tout le territoire. Chacune de ces chaînes dispose d'une direction spécifique.

Par ailleurs, Magyar Radio possède sept studios régionaux qui diffusent des émissions en direction des minorités ethniques du pays, sur les fréquences de Kossuth.

Il existe deux radios publiques exclusivement financées par la publicité, filiales de MR :

- Radio Danubius ;

- Radio Calypso.

2. Le secteur privé

Avant le moratoire de juillet 1989, deux radios privées ont été autorisées :

- Radio Juventus Balaton, depuis avril 1989 ;

- Radio Bridge, qui initialement reprenait les programmes de Voice of America.

La libéralisation des fréquences décrétée en juillet 1993 a permis l'implantation de nouvelles radios locales privées. Plusieurs fréquences ont été attribuées en mai 1994.

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Le nouveau cadre juridique et la perspective de la privatisation de la deuxième chaîne publique, la mise en concession d'une troisième fréquence hertzienne nationale pourraient susciter l'intérêt des groupes de communication européens. Le marché hongrois de l'audiovisuel est, en effet, sans doute l'un des plus prometteurs de la région pour les investisseurs.

Le paysage hongrois est donc appelé à connaître de nouveaux bouleversements dans un proche avenir.

* 20 Un franc français = 27 forints.

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