G. PREMIÈRES RÉPONSES DU MINISTRE DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Au cours de la réunion du 21 décembre 1999, le ministre délégué chargé des Affaires européennes a fait part à la délégation de ses premières réactions au sujet des propositions qu'elle avait formulées.
M. Pierre Moscovici :
La
réforme institutionnelle était, vous le savez, un des points
principaux de ce Conseil, puisque, conformément aux conclusions du
Conseil européen de Cologne, était attendu le rapport de la
présidence finlandaise sur les principales questions qui devront
être examinées au cours de cette CIG.
Vous connaissez bien le sujet pour y avoir déjà beaucoup
travaillé. Aussi, je me contenterai de rappeler brièvement les
termes du débat tel qu'il se posait à la veille d'Helsinki. La
principale difficulté à trancher concernait l'ordre du jour, qui,
pour nous, comme pour la grande majorité des Etats membres, et la
Présidence finlandaise la première, devait être ambitieux,
sans pour autant compromettre le respect du calendrier fixé à
Cologne, ce qui, à notre sens, eut été le risque si nous
avions totalement suivi certaines idées exprimées
l'été dernier au Parlement européen et à la
Commission.
Et c'est finalement cette approche, à la fois réaliste et
ambitieuse, qui a prévalu :
- réaliste, parce qu'il est clair désormais que la CIG se
concentrera, d'abord, sur les trois grandes questions laissées sans
solution à Amsterdam, et qui sont aussi, il faut bien le
reconnaître, les plus difficiles ;
- mais une approche ambitieuse, aussi, parce que nous devons aller au fond
de ces trois grandes questions, et aussi parce que avons laissé la porte
ouverte pour que d'autres questions puissent éventuellement figurer
à l'ordre du jour : les questions directement connexes aux trois
principales, mais aussi d'autres sujets, parmi lesquels l'importante question
des coopérations renforcées.
Je crois donc que nous pouvons nous féliciter de ce que notre point de
vue ait été écouté, puisque c'est à notre
Présidence qu'il reviendra de conclure la Conférence.
Plus précisément, que retenir des conclusions d'Helsinki ?
- D'abord, donc, que la conférence devra examiner -je cite-
" la taille et la composition de la Commission, la pondération
des voix au Conseil, l'extension éventuelle du champ du vote à la
majorité qualifiée, ainsi que d'autres modifications qu'il faudra
apporter aux institutions en liaison avec les questions
précitées
. "
C'est donc l'approche que nous avions explicitement consignée dans la
déclaration franco-italo-belge de l'été 1997, en formulant
le préalable institutionnel à l'élargissement, qui a, en
grande partie, prévalu.
Mais la possibilité d'aborder d'autres questions n'est pas
écartée : elle est renvoyée à une
décision du Conseil européen, qui sera prise lors de l'examen, en
juin prochain, du rapport de la Présidence portugaise sur les travaux
des premiers mois de la CIG ; nous souhaitons que ces travaux soient
fructueux et que, sur la base d'un inventaire précis, nous puissions,
sous notre Présidence, avoir un ordre du jour optimal pour conclure fin
décembre.
- En outre, le Conseil européen a rappelé que d'importantes
modifications devaient être apportées aux méthodes de
travail du Conseil. Ceci est essentiel, vous le savez, et j'y reviendrai,
même si ces modifications ne nécessitent pas de nouveau
traité.
Sur le fond, j'aimerais faire quelques commentaires, pour préciser la
position du Gouvernement et, ce faisant, répondre à certaines
propositions que vous avez formulées : je pense à celles du
Président de Villepin sur les coopérations
renforcées, à celles de M. Fauchon sur le contrôle
parlementaire, de M. Lanier sur la Commission, du Président
Badinter sur la CJCE et de M. de Montesquiou sur la réforme du
Conseil.
Ne m'en veuillez pas si je ne réponds pas à toutes vos
propositions, qui sont nombreuses, et qui témoignent du travail
important qui a été accompli au sein de cette assemblée
sur les questions institutionnelles depuis le printemps dernier.
J'en relèverai quelques-unes, d'autres pourront être
évoquées lors de la discussion qui suivra. En tout état de
cause nous les avons lues avec attention et je puis vous assurer qu'elles
éclairent utilement notre propre réflexion.
Si vous le voulez bien, je reprendrai donc les trois questions centrales, dans
l'ordre des conclusions du Conseil européen :
- S'agissant de la Commission, l'objectif, vous l'avez maintes fois
souligné lors de nos débats, est de renforcer sa
collégialité et son efficacité, et de donner plus de
pouvoir à son Président ; pour y parvenir, il faut
restreindre le nombre de ses membres, ou, à tout le moins, en limiter
l'augmentation au fur et à mesure des prochains élargissements.
A cet égard, certains Etats membres souhaitaient poser d'emblée
le principe d'un Commissaire par Etat membre. Cela ne nous a pas paru
être la bonne méthode, même s'il y a de fortes chances pour
que cela soit le point d'arrivée.
Une telle solution ne sera acceptable que si nous obtenons par ailleurs un
résultat satisfaisant sur la repondération. Et, en tout
état de cause, il faudra introduire une forme de hiérarchisation
au sein du collège des Commissaires.
- S'agissant de la repondération, je n'entrerai pas ici dans le
détail des solutions envisageables : je crois que nous d'accord sur
le constat et sur l'objectif à atteindre. Et je note, avec satisfaction,
que la plupart de nos partenaires sont aujourd'hui favorables à la
repondération plutôt qu'à la double majorité.
- Quant au vote à la majorité qualifiée -assorti
d'une extension de la codécision législative avec le Parlement
européen- il devrait être quasiment
généralisé, en tout cas dans le premier pilier, et
l'unanimité devrait rester l'exception ; ceci pourrait être
grosso modo
le postulat de départ ; nous verrons ensuite
comment la négociation évolue ; il est certain que des
difficultés existent dont il faut tenir compte, notamment sur la
fiscalité. Mais je crois que nous avons tout intérêt
à continuer à afficher une position de départ très
ambitieuse.
Voilà donc ce que sera le coeur du mandat de la CIG, qui sera
complété par l'examen de questions directement liées
à celle-ci -j'ai mentionné la codécision, mais on peut
penser aussi à l'abaissement du seuil de majorité
qualifiée- mais aussi, par d'autres questions institutionnelles
connexes, au-delà des trois principales institutions : je pense,
notamment, à l'organisation de la Cour de Justice.
Mais, comme je vous l'indiquais, la porte a aussi été
laissée ouverte pour encore d'autres sujets, parmi lesquels, au premier
chef, celui des coopérations renforcées : il s'agit
là d'un sujet délicat et qui, comme vous le savez, fait l'objet
de débats, certains Etats membres, la Commission et le Parlement
européen ayant souhaité qu'il soit abordé dans la CIG
dès le départ.
Nous en comprenons bien l'intérêt, même si nous savons que
c'est une question qui est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, parce
qu'elle touche à l'architecture de l'Union.
Il ne sera donc pas aisé d'apporter des améliorations
substantielles aux mécanismes instaurés à Amsterdam :
des idées, comme celle consistant à traiter le sujet sous le
chapitre de la majorité qualifiée, pour supprimer la clause
d'appel au Conseil européen -comme le préconisent les Allemands-,
comme celle visant à geler
ad vitam aeternam
le seuil minimal de
pays participants requis par le Traité, et, bien sûr, comme celle
visant à étendre les coopérations renforcées au
deuxième pilier, méritent donc d'être examinées avec
soin.
Quant au contrôle parlementaire, enfin, je ne l'ai pas
évoqué, non qu'il s'agisse d'un sujet sans importance, bien au
contraire, mais plutôt parce qu'il n'est pas prévu de le traiter
dans la CIG, sauf peut-être sous l'angle de la responsabilité
individuelle des Commissaires.
Il faudra sans doute y revenir un jour, ultérieurement, non seulement
pour évoquer les conditions de la responsabilité de la Commission
devant cette assemblée.
S'agissant du nombre des membres du Parlement, plafonné à 700 par
Amsterdam, il faudra voir si on définit les moyens de respecter ce
plafond, une fois pour toutes, lors de cette CIG, ou bien si on renvoie cela
aux négociations d'élargissement à venir.
Enfin, un mot sur le fonctionnement du Conseil. J'ai relevé avec
beaucoup d'intérêt la proposition que vous avez adoptée
concernant la nécessité de redonner au " Conseil Affaires
générales " le rôle de coordination qui était
le sien, en le scindant en deux formations, l'une chargée de la PESC,
réunissant les ministres des Affaires étrangères, l'autre
de la coordination générale, réunissant les ministres des
affaires européennes.
En revanche, je ne puis vous suivre lorsque vous suggérez de
conférer au seul Conseil Ecofin un rôle d'arbitrage
général sur toute question ayant une implication
financière. Une telle formule me semble difficilement compatible avec la
précédente, puisqu'elle conduirait inévitablement à
mettre les deux formations du Conseil (Conseil Affaires générales
et Ecofin) directement en concurrence.
Voilà les quelques remarques que je souhaitais faire, à ce stade,
sur l'ordre du jour de la CIG, Il revient maintenant à la
Présidence portugaise de conduire les travaux selon les orientations
arrêtées à Helsinki. La date de lancement de la CIG n'a pas
encore été fixée, mais elle devrait se situer quelque part
dans les premiers jours de février.