IV. L'ÉDUCATION

L'histoire de l'enseignement en France prend un tournant idéologique, décisif pour son organisation, quand, à la fin du XVIII e siècle, les philosophes militent pour que sa responsabilité soit confiée à l'Etat. C'est chose faite, dans les principes, sous la Révolution. Puis l'Empire donne en droit à l'Université le monopole de l'enseignement, mais dans la pratique l'enseignement primaire est laissé à l'Eglise. A partir de 1830, sous l'influence d'une opinion plus libérale, on admet que l'initiative de l'Etat s'accommode bien de la liberté de l'enseignement. Ce principe trouve sa traduction dans la loi Falloux de 1850 pour l'enseignement secondaire, qui instaure la possibilité pour les communes et les départements de financer jusqu'à 10 % du budget des écoles privées. Cette liberté sera par la suite étendue progressivement à l'ensemble de l'enseignement. Cette évolution est capitale, car c'est par ce premier biais que les collectivités locales font leur entrée dans le champ de la compétence scolaire.

Plus tard, la III e République organise un enseignement primaire étatique remarquablement efficace et remarquablement centralisé et renforce la séparation entre enseignement public d'Etat et enseignement privé. Il faut attendre les années cinquante pour que cette séparation s'atténue avec l'octroi d'aides financières à tout enfant d'âge scolaire inscrit dans l'enseignement public ou privé (loi Marie et Barangé) puis avec le principe de la participation de l'Etat au financement de l'enseignement privé (loi Debré du 31 décembre 1959).

Tout au long du XX e siècle, la sécularisation et la démocratisation de l'enseignement public ont renforcé la place primordiale de l'Etat central dans l'organisation de l'enseignement même si les collectivités locales étaient déjà associées pour la construction et l'entretien des bâtiments et le logement des enseignants (écoles communales et logement des instituteurs depuis 1886). En 1980, les collectivités locales assument déjà 14,5 % des dépenses totales d'éducation (locaux, personnels de service, crédits de fonctionnement, activités périscolaires). On comprend donc qu'à la veille des grandes lois de décentralisation, les collectivités locales avaient une vraie légitimité à demander que soit partagée la responsabilité de l'enseignement.

En 1983, deux traits principaux et opposés caractérisent l'Education nationale.

1. C'est une institution républicaine, héritière des idées de la Révolution reprises dans le préambule de la Constitution de 1946 ( " L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat " ) et partant plus liée au pouvoir central que partout ailleurs en Europe.

2. Qu'il s'agisse d'enseignement public ou privé, les collectivités territoriales apportent déjà une participation financière, ce qui justifie parfaitement leur aspiration à prendre des responsabilités plus grandes, sous l'effet du puissant mouvement de décentralisation mis en branle dans les autres secteurs.

C'est pourquoi, soucieux de respecter les grands principes constitutionnels, le législateur préférera conserver à l'Etat sa fonction d'organisation du service public de l'enseignement et cédant au poids des traditions et de l'Histoire, il parviendra à un équilibre délicat qui relève plus du partage que du transfert de compétences. Il est clair que l'Etat a gardé toutes les fonctions importantes de la politique éducative en transférant seulement aux collectivités locales les charges des dépenses d'investissement, d'équipement et de fonctionnement qu'il avait du mal à assumer.

A. LE PARTAGE DES COMPÉTENCES

L'idée était d'améliorer le service public en créant un cadre nouveau permettant une participation directe des divers interlocuteurs en partageant les compétences entre l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements secondaires et en organisant une véritable concertation entre le service public, ses acteurs et ses bénéficiaires.

Le primat de l'Etat en matière pédagogique est aussitôt réaffirmé ainsi que la responsabilité des communes dans le domaine de l'équipement et de l'entretien des écoles primaires. Le département obtient la charge des collèges et la région celle des lycées ; l'Etat conserve les universités.

D'autre part, les collectivités territoriales se voient confier des attributions nouvelles en matière de planification scolaire (définition des besoins de formation, fixation des investissements à réaliser et localisation des établissements), de construction et de gestion des établissements et de participation au fonctionnement du système éducatif (présence reconnue des élus locaux au sein des instances consultatives départementales et académiques, ainsi que dans les conseils d'administration des établissements d'enseignement). Enfin, en conférant aux établissements d'enseignement le statut d'établissement public local, la loi organise d'étroites relations entre ces établissements et les institutions locales.

1. L'organisation institutionnelle

a) Le champ d'application des transferts de compétences

La construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des établissements scolaires du premier et du second degré relèvent désormais de la compétence des collectivités territoriales . Le transfert s'applique aussi bien aux établissements scolaires construits après le transfert qu'à ceux existant lors du transfert.

Comme il a été dit, la répartition des compétences est organisée selon un principe en apparence simple qui confie aux communes la responsabilité des écoles (ce n'est qu'une confirmation), aux départements celle des collèges et aux régions celle des lycées et établissements de même niveau.

Le patrimoine concerné comprenait le jour du transfert (1 er janvier 1986) 7.319 établissements du second degré, soit près de 30.000 bâtiments principaux accueillant environ 4,4 millions d'élèves.

Il faut noter que les établissements privés sous contrat sont également concernés par le transfert de compétences, puisque les régions et les départements participent désormais à la prise en charge des dépenses de fonctionnement pour les élèves de ces établissements.

b) Les nouvelles règles de planification et de programmation des équipements scolaires

Premièrement, la région a compétence pour déterminer le schéma régional des formations qui définit, à un horizon donné, les besoins qualitatif et quantitatif de formation qui peuvent être satisfaits par les collèges, les lycées et les autres établissements visés par la réforme. La région arrête ce schéma en tenant compte des orientations fixées par le Plan après accord des départements et avant transmission au représentant de l'Etat.

En second lieu, la région et le département arrêtent les programmes prévisionnels d'investissement. Etablis pour les collèges par les départements, pour les lycées et les autres établissements de même niveau par la région, ces programmes assurent la mise en oeuvre du schéma prévisionnel des formations (localisation des établissements, capacité d'accueil, mode d'hébergement des élèves). Ils sont arrêtés, après accord de chacune des collectivités concernées, par les projets situés sur son territoire.

Partant de ces programmes, le préfet arrête, sur proposition de l'autorité académique, la liste des opérations que l'Etat s'engage à pourvoir en postes.

c) Le régime des établissements publics locaux d'enseignement
(1) Un nouveau statut

Les établissements d'enseignement sont devenus des établissements publics locaux sans que toutefois lycées et collèges soient soumis au droit commun des établissements publics locaux. Les EPLE ont donc un régime juridique complexe . Seuls les actes du conseil d'administration et du chef d'établissement relatifs au contenu et à l'organisation de l'action éducative sont soumis à un relatif régime d'autonomie. Ils sont exécutés quinze jours après leur transmission à l'autorité académique, sous réserve toutefois que cette autorité, dans ce délai, n'en ait pas demandé l'annulation.

Le régime des actes budgétaires est particulièrement lourd et se rapproche de celui des collectivités décentralisées, mais les EPLE sont soumis à un triple contrôle, celui de la préfecture, celui de la collectivité locale de rattachement et celui de l'autorité académique. Cette situation a d'ailleurs soulevé de nombreuses critiques.

(2) Une ouverture sur l'extérieur

D'autre part, la loi du 22 juillet 1983 ouvre aux maires la possibilité d'utiliser les locaux scolaires implantés sur sa commune sous la responsabilité et après avis du conseil d'administration et accord de la collectivité propriétaire. De plus, les collectivités peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant les heures d'ouverture et avec l'accord des instances et autorités responsables, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités doivent s'inscrire dans le prolongement de la mission publique d'éducation.

Autre nouveauté apportée par la décentralisation : le maire peut, après avis de l'autorité scolaire responsable, modifier les heures d'entrée et de sortie des établissements pour tenir compte des circonstances locales.

d) Les prérogatives conservées par l'Etat
(1) Prérogatives de l'Etat et moyens de contrôle

L'Etat continue à définir les objectifs généraux de la politique d'éducation . Il conserve la responsabilité de la définition des orientations pédagogiques , des contenus d'enseignement et des diplômes qui sanctionnent les formations ainsi dispensées. L'Etat conserve la gestion des personnels (recrutement, formation, rémunération).

L'Etat fixe la structure pédagogique générale des établissements. Chaque année, l'autorité académique définit les différentes formations dispensées dans les lycées et collèges (mais les établissements peuvent aussi faire des propositions). La fixation de la structure pédagogique doit tenir compte du schéma prévisionnel des formations et elle agit forcément sur les objectifs programmés par les collectivités en matière de structure, localisation et configuration des bâtiments scolaires.

D'autre part, il incombe à l'Etat de fixer la liste annuelle des opérations de construction ou d'extension des établissements. L'inscription sur la liste ne restreint pas théoriquement le pouvoir des collectivités de décider des investissements à engager : en revanche, elle conditionne le financement des opérations de construction ou d'extension par les dotations spécifiques versées aux collectivités en vue de compenser le transfert des dépenses d'investissement en matière scolaire : dotation régionale d'équipement scolaire pour les régions, dotation départementale d'équipement des collèges pour les départements. La liste annuelle doit tenir compte des programmes prévisionnels et ne peut prévoir d'opérations non décidées par les collectivités locales.

Il ressort pourtant de ce mécanisme que l'Etat s'est donné les moyens de peser financièrement sur l'exercice des compétences transférées.

(2) Mise en place d'instances de concertation territoriale

L'association des représentants des collectivités au fonctionnement du service public de l'Education se réalise, en dehors du conseil d'administration des EPLE, dans le cadre des conseils de l'Education nationale du département et de l'académie , institués par l'article 12 de la loi du 12 juillet 1983, en remplacement des organismes consultatifs compétents en matière scolaire.

Ces conseils sont présidés par le représentant de l'Etat, du département ou de la région selon que les questions examinées sont de la compétence de l'Etat ou d'une des collectivités locales. Ils se réunissent au moins deux fois par an. Ces instances consultatives dont le fonctionnement est lourd et complexe sont malgré tout conçues comme le pivot de la concertation et du partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales.

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