D. LE BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF

Les interventions économiques des collectivités territoriales sont mal connues parce que leur recensement n'est ni complet ni fiable. D'autre part, le phénomène lui-même est mal encadré, car les règles communautaires sont difficiles à assimiler, peu suivies et rarement contrôlées. Quant aux règles nationales mises en places depuis 1982, elles sont apparues en décalage avec les réalités locales, au point que des réformes ont été envisagées dès 1988 sans jamais pourtant être conduites à terme.

Il est difficile aujourd'hui encore de recenser les instruments de mesure des aides accordées par les collectivités territoriales. En revanche, il est plus aisé de percevoir les écarts de pratique entre les collectivités et l'assouplissement de fait imposé au cadre juridique communautaire et national. On distingue mal la combinaison entre les interventions de l'Union européenne et celles de l'Etat et entre ce dernier et les autres niveaux d'administration décentralisée.

Trois aspects de cette tentative de bilan se dégagent toutefois.

• Les aides des collectivités territoriales aux entreprises sont restées modérées (rapportées au montant de leurs dépenses) mais elles n'ont fait que se développer et se diversifier.

• Le cadre juridique communautaire et national éclate sous le coup des nécessités pratiques.

• L'efficacité de ces interventions reste difficile à mesurer.

1. Le développement constant des aides aux entreprises

Les interventions des collectivités territoriales se sont intensifiées sous l'effet de plusieurs facteurs : le déclin ou la disparition d'activités industrielles traditionnelles, les restructurations entraînées par l'introduction des techniques nouvelles de production ou de gestion des entreprises, l'accentuation de la concurrence et la mobilité accrue des entreprises.

Les collectivités territoriales ont donc été soit contraintes d'intervenir (déclin, restructuration) pour lutter contre le chômage, soit tentées de le faire (accentuation de la concurrence, mobilité accrue) pour provoquer une décision d'implantation.

a) Il n'est pas aisé de mesurer l'importance des aides accordées.

Le recensement quantitatif des interventions économiques des collectivités locales se révèle par nature :

incomplet : depuis 1991, seules les collectivités de plus de 5.000 habitants sont prises en compte au lieu de celles de 700 habitants auparavant. Or, les communes de moins de 5000 habitants regroupent 40% de la population et 95% des communes ;

• peu fiable : les définitions des catégories d'aides diffèrent selon les caractéristiques retenues par le ministère des finances et la loi, en particulier pour ce qui concerne la distinction entre aides directes et indirectes.

Toutefois, un bilan quantitatif des interventions économiques des collectivités locales peut être fait globalement puis par secteur d'activité, nature de collectivités et par nature des aides accordées.

à Le bilan global : une part réduite dans les budgets locaux

Entre 1984 et 1994, les aides au développement économique accordées par les collectivités locales au secteur privé ont triplé (4,4 milliards de francs à 14,3 milliards de francs) pour se stabiliser ensuite (13,8 milliards de francs en 1998). Elles représentent en 1984 comme en 1998 la quasi-totalité des interventions économiques des collectivités locales (95,9 % et 99,5 %). Au regard de leurs dépenses totales, les aides représentent une part minime de l'effort des collectivités locales : 1,50 % pour les communes, 1,60 % pour les départements et 5,15 % pour les régions en 1998. La prudence des collectivités locales et l'interdiction faite aux communes par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'aider les entreprises en difficulté explique ce phénomène.

Au total des aides accordées par les collectivités locales, il faut ajouter les garanties d'emprunts dont l'encours s'élevait à 235 milliards de francs en 1998. Les communes interviennent pour 62 % dans l'encours des garanties d'emprunts et le logement représente 93 % de cet encours.

à Les collectivités concernées : la prédominance des régions

En 1998, la part des communes et groupements représente près de la moitié (47,1 %) des interventions des collectivités locales et celle des départements le quart (25,2 %). La part des régions qui atteignait en 1994 40,9 % des interventions a diminué (27,7 % des interventions en 1998).

Toutefois, cette analyse doit être mesurée à l'aune des moyens budgétaires de chaque collectivité ; ainsi les interventions économiques représentaient, en 1994, 4,7 % des dépenses d'équipement des communes, 5,2 % de celles des départements et 10,3 % de celles des régions.

à La répartition par secteur d'activité : l'industrie, le commerce, l'artisanat et le logement en tête

Deux grands secteurs d'activité concentrent près des deux tiers des aides : l'industrie, le commerce et l'artisanat (40,1 %) et le logement (23,1 %). La part de l'industrie est en diminution constante depuis 1984 puisqu'à cette date, ce secteur représentait 50 à 55 % du total des aides.

Trois autres secteurs d'activité méritent attention :

• l'agriculture qui reçoit 11,6 % des aides et dont la part a le plus chuté depuis 1984 (-17,4 %) Ce sont les régions qui contribuent le plus sous formes de subventions (63,7 %) ;

• le tourisme qui, en 1998, réunit 5,1 % des aides dont 45 % en provenance des départements ; ce secteur a vu sa part osciller entre 8 % et 5 % entre 1984 et 1998 ;

• le bâtiment et les travaux publics dont la part dans le total des aides est de 8,4 % soit une valeur moyenne depuis 1983 ; les communes représentent 83 % de l'effort consenti en faveur de ce secteur.

à La nature des aides accordées : la prééminence des aides directes

Les aides directes représentent plus de 75 % du total des aides (10,5 milliards de francs en 1998 soit 75,94 %) ; cette prépondérance est encore plus marquée pour deux types de collectivités : les départements (83,7 %) et les régions (82,9 %).

Les secteurs qui bénéficient des aides directes étaient, par ordre décroissant, en 1998 : logement (25,6 %), industrie commerce et artisanat (30 %), agriculture (13,6 %), bâtiment et travaux publics (9,5 %).

Les aides indirectes (hors garanties d'emprunts et de cautionnements) qui sont en progression de 2,1 % en 1998 par rapport à 1997, représentent moins d'un quart des aides des collectivités locales (24 % en 1998) et sont essentiellement octroyées par les communes (63,25 % en 1998).

Les prises de participation des collectivités locales dans les sociétés mixtes locales, les sociétés de développement régional ou autres sociétés représentent 30,4 % des aides indirectes en 1998.

La participation aux fonds de garantie est extrêmement réduite (1,5 % en 1998), ce qui prouve que ces fonds sont vraiment tombés en désuétude.

b) La multiplication des initiatives, parfois au-delà du cadre légal

Les difficultés économiques et la dégradation de l'emploi ont provoqué, à la faveur des lois de décentralisation, une implication directe plus forte des élus locaux dans le développement, qu'elle soit volontaire ou contrainte. Ils sont devenus des acteurs du développement très sollicités .

Le cadre était souple ; les collectivités ont fait preuve d'imagination ; les aides se sont diversifiées. Finalement, le développement des initiatives aux différents niveaux d'administration publique a débouché sur une certaine confusion institutionnelle . Les objectifs des lois de décentralisation ne se sont pas traduits dans les faits dans la mesure où les régions auxquelles la loi avait octroyé une compétence d'impulsion, de coordination et d'initiation, parallèlement à celle de l'Etat, ont rarement exercé ce rôle, en raison du caractère très localisé des interventions Les départements ont souvent conduit leur propre politique .

Les contrôles des chambres régionales des comptes de même que les enquêtes de la Direction générale des collectivités locales, indiquent que les aides directes notamment les primes régionales à la création d'entreprises (PRCE) et les primes régionales à l'emploi (PRE) sont relativement délaissées et que les collectivités agissent largement sans référence au cadre législatif de 1982 .

Les collectivités sont plutôt tentées d'accorder des prêts et avances à taux très bonifiés ou nuls. L'utilité économique de ces prêts à taux faible ou nul est mise en avant par les collectivités lorsqu'ils sont destinés à l'artisanat ou à des PME dans la mesure où ils permettent d'accroître les capitaux permanents de ces entreprises. Ils répondent ainsi pour partie au manque de fonds propres des sociétés petites ou moyennes. Les collectivités se substituent donc aux établissements bancaires sous le coup de la nécessité.

S'agissant des aides indirectes , les garanties d'emprunt ou les cautionnements apportés à des entreprises privées par les collectivités territoriales (principalement les communes) ont un peu décliné en nombre, mais cette diminution n'a pas été compensée par un recours accru aux fonds de garantie dont la loi n°88-13 du 5 janvier 1988 entendait faire un instrument de mutualisation des risques pris par les collectivités en matière de garantie d'emprunt.

Cette loi a autorisé la participation de plein droit des régions, des départements et des communes au capital de sociétés anonymes ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de droit privé (en 1994, seuls cinq régions et cinq départements participaient au capital de ces sociétés de garantie).

Les sociétés de capital-risque, qui permettent un soutien en fonds propres aux PME-PMI afin de les aider dans leur phase de démarrage ou de développement, rencontrent une faveur plus grande auprès des collectivités même si ces participations restent modestes.

Les collectivités ont également développé des actions d'animation pour la promotion économique de leur territoire, la prospection d'investisseurs nationaux ou internationaux, le conseil et la diffusion d'informations.

Cependant, l'essentiel des interventions des collectivités territoriales reste concentré sur les aides à l'immobilier d'entreprise et aux terrains : aménagement de zones d'activités économiques, réalisation d'ensembles immobiliers destinés à accueillir des entreprises, aides foncières et aides à la construction d'immeubles destinés à des entreprises particulières. Or, il s'avère qu'avant même de profiter à des entreprises déterminées, ces aménagements sont de lourdes charges pour les collectivités jusqu'à ce qu'ils trouvent preneurs.

Enfin, d'une façon générale, les collectivités locales ont aussi délégué une partie de leur compétence dans le domaine de l'action économique en ayant recours, au-delà même des actions de promotion et de prospection, à des structures spécialisées de droit privé, placées sous leur contrôle (" agences économiques " ou " comités d'expansion ").

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