3. Les sociétés d'économie mixte

Le partenariat s'est développé entre les collectivités locales, entre les collectivités locales et l'Etat et entre les collectivités locales et le secteur privé. Le partenariat public-privé, significatif de l'évolution des mentalités et des pratiques, répond à la nécessité de surmonter les rigidités du cadre institutionnel imposé aux collectivités locales.

Créées par le décret du 27 décembre 1926, les sociétés d'économie mixte (S.E.M.) permettent d'associer des capitaux publics et privés pour la poursuite d'objets d'intérêt général. Les SEM se sont particulièrement illustrées dans l'aménagement du territoire à partir des années 50.

Toutefois, le cadre juridique des SEM n'était pas suffisamment précis ni suffisamment souple, c'est pourquoi une clarification fut apportée par la loi du 7 juillet 1983 qui a introduit les principes du droit des sociétés commerciales. Cette loi renforce le contrôle des collectivités locales sur les SEM tout en assouplissant leur fonctionnement, ce qui en fait un outil privilégié pour la gestion des services publics locaux.

Le statut juridique des SEM est calqué sur celui des sociétés anonymes : elles en revêtent la forme avec une différence concernant le capital minimum obligatoire qui doit être d'au moins 1 000 000 de francs pour les sociétés d'aménagement et de 1 500 000 francs pour les sociétés de construction. Les collectivités territoriales doivent y détenir (séparément ou à plusieurs) plus de la moitié du capital sans que cette prise de participation ne puisse aller au-delà de 80 %.

La gestion des SEM locales est placée sous le régime du contrôle a posteriori. Certains actes sont soumis à l'obligation de transmission au préfet dans les quinze jours de leur adoption. (Il s'agit des procès-verbaux du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, des procès-verbaux des assemblées générales et des contrats).

Lorsque le représentant de l'Etat juge qu'une délibération met en péril la santé financière des collectivités locales concernées, il saisit, dans le délai d'un mois , la Chambre régionale des comptes. Cette saisine entraîne une seconde lecture par le Conseil d'administration ou de surveillance ou par les assemblées générales. La Chambre régionale des comptes dispose d'un délai d'un mois à compter de la saisine pour faire connaître son avis au préfet, à la SEM locale et aux assemblées délibérantes des collectivités locales concernées.

Forts de l'excellent bilan des SEM, les élus dirigeants de SEM réclament aujourd'hui une modernisation du cadre juridique de l'économie mixte locale.

Depuis le début des années 1990, les SEM rencontrent des difficultés économiques, juridiques et administratives qui grèvent leur action.

Premièrement, l'expérience a fait ressortir la nécessité de renforcer le contrôle démocratique des assemblées délibérantes des collectivités territoriales sur les opérations confiées aux SEM et sur les SEM elles-mêmes.

Deuxièmement, l'évolution du cadre juridique et de la doctrine administrative a créé une contradiction flagrante entre le droit et la volonté politique des élus locaux sur trois points : les relations financières entre les collectivités territoriales et les SEM, le droit de la concurrence, le statut de l'élu administrateur de SEM.

En ce qui concerne les relations financières , la jurisprudence du Conseil d'Etat a eu pour effet d'interdire aux collectivités locales de soutenir les SEM dont elles sont les actionnaires majoritaires (pas d'aides directes ou indirectes en dehors des conditions fixées par les lois du 7 janvier et 2 mars 1982 sur les aides des collectivités locales aux entreprises privées).

En ce qui concerne le droit de la concurrence , la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique a soumis les SEM, au même titre que les sociétés privées fermières ou concessionnaires de services publics, mais contrairement aux établissements publics, à un régime de mise en concurrence pour les délégations de services publics. Ceci met une collectivité locale actionnaire d'une SEM dans l'obligation de la mettre en compétition avec d'autres sociétés pour exploiter le service (pour lequel la SEM avait été créée !).

Enfin, en ce qui concerne le statut des élus administrateurs de SEM , les risques liés aux délits de prise illégale d'intérêt et de favoritisme justifient qu'ils bénéficient d'une protection juridique renforcée.

Les SEM sont également pénalisées (contrairement aux sociétés d'HLM classiques) par l'interdiction faite aux collectivités locales d'accorder des aides financières pour conduire et gérer leurs programmes de logements sociaux.

Les élus demandent aujourd'hui que :

- les collectivités soient en meure d'exercer pleinement leurs responsabilités d'actionnaires majoritaires par tout concours financier nécessaire ;

- les relations financières entre les collectivités et leur SEM s'inscrivent dans un cadre conventionnel propre à l'économie mixte locale garantissant une totale transparence et un contrôle effectif des assemblées délibérantes ;

- la sécurité juridique soit rétablie et permette aux collectivités territoriale le libre choix de leurs modes de gestion.

La Fédération nationale des Sociétés d'économie mixte préconise une refonte du statut. Elle souhaite l'ouverture d'un débat sur l'assouplissement de la composition du capital (il y aurait donc des SEM à capitaux publics minoritaires). La Fédération récuse également la multiplicité des contrôles qui pèsent sur les SEM.

L'avant-projet de loi préparé par M. Emile Zuccarelli contenait des mesures destinées aux SEM.

Il autorisait les collectivités locales à accorder aux SEM des avances en compte courant d'associés. Il prévoyait aussi qu'à l'avenir les conventions pour lesquelles les collectivités déléguaient des opérations d'aménagement à des SEM locales comporteraient obligatoirement un plan de financement global de l'opération mentionnant le montant total de la participation demandée à la collectivité. Ces mesures ont été jugées insuffisantes par les SEM et les élus locaux.

Lors de son audition devant la mission, M. Loïc Le Masne, président de la Fédération nationale des SEM a estimé que le " projet Zuccarelli " ne répondait pas aux aspirations des SEM ; il a déclaré en outre que les collectivités locales devaient bénéficier de marges de manoeuvre plus grandes dans l'exercice de leur rôle d'actionnaires.

M. Loïc Le Masne a fait remarquer aussi qu'une réforme des SEM devrait apporter un peu de souplesse dans les contrôles, estimant qu'elles étaient aujourd'hui les entreprises les plus contrôlées de France, puisque, comme les entreprises privées, elles étaient soumises au contrôle d'un conseil d'administration, d'un commissaire aux comptes et de l'administration fiscale, mais, du fait de leur actionnariat public, elle relevaient également du contrôle de la légalité et de celui de la Chambre régionale des comptes.

Ces légitimes préoccupations des élus dirigeants de SEM devront être prises en considération.

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