B. UNE MÉTHODE CONTESTABLE

1. La méthode réglementaire a été retenue après l'échec d'un accord-cadre

Le projet d'accord cadre relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique n'ayant été approuvé que par un seul syndicat, la CFDT, M. Emile Zucarelli, précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a constaté, le 28 février 2000, l'échec des négociations 352( * ) avec les syndicats et a renoncé à un accord fixant des règles communes pour la réduction du temps de travail dans la fonction publique .

M. Michel Sapin, actuel ministre de la fonction publique, n'a pas tenté de relancer la concertation avec les organisations syndicales, préférant procéder par la voie réglementaire .

L'objectif du Gouvernement est l'entrée en application des " 35 heures " dans les fonctions publiques au 1 er janvier 2002 , date de la généralisation de la mesure dans le secteur privé.

Deux avant-projets de décrets relatifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ont été mis à disposition sur le site internet du ministère de la fonction publique, l'un concernant la fonction publique de l'Etat, l'autre la territoriale, étant bien entendu que le second ne pourrait être adopté qu'après une intervention du législateur.

Les collectivités locales se verront imposer les " 35 heures "
sans en maîtriser les règles ni les modalités.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, a exposé les principes du passage aux 35 heures dans les fonctions publiques :

- le décompte des heures de travail dans le public ne peut suivre des modalités différentes de celles de la " loi Aubry " concernant le secteur privé ;

- il faut disposer d'un cadre national strict, fixé par décret, permettant un traitement égal de l'ensemble des fonctionnaires ; pour le reste, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques sera décentralisée et déconcentrée ;

- dans les services de l'État, les 35 heures seront une occasion d'améliorer le service aux usagers par une réorganisation du travail ; les besoins en emplois s'apprécieront dans ce cadre et tiendront compte de la priorité accordée à la résorption de l'emploi précaire ;

- le Gouvernement reconnaît que la politique de l'emploi dans les collectivités territoriales s'inscrit dans le cadre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales... La position du Gouvernement paraît pour le moins contradictoire au regard de l'étroitesse de la marge de manoeuvre laissée aux élus locaux par l'avant-projet de décret pour la fonction publique territoriale.

Les modalités de la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques sont contenues dans les avant-projets de décrets :

- la définition du temps de travail serait identique dans les secteurs public et privé ; la durée du travail effectif s'entendrait comme " le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles " 353( * ) ;

- la durée du travail effectif serait fixée à trente-cinq heures par semaine, le décompte du temps de travail étant réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1600 heures ; cette durée serait susceptible d'être réduite pour tenir compte de sujétions particulières (travail de nuit, travaux pénibles ou dangereux, horaires décalés, etc.) ;

- le travail serait organisé selon des " cycles " pouvant être définis par service ou par nature de fonction ;

- les heures supplémentaires feraient l'objet d'une compensation horaire, ou, à défaut, seraient indemnisées ;

- au cours d'une même semaine, la durée du travail ne pourrait dépasser quarante-huit heures ; calculée sur une période de douze semaines, elle ne pourrait dépasser quarante-quatre heures ;

- la durée quotidienne de travail ne pourrait excéder dix heures, l'amplitude maximale de la journée de travail étant fixée à douze heures.

Selon l'avant-projet de décret : " Les dispositions du décret relatif à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique de l'État sont applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant ".

La mission d'information ne peut que constater l'étroitesse de la marge de manoeuvre que le Gouvernement envisage de laisser aux employeurs locaux : le décret se contenterait d'appliquer à la fonction publique territoriale les règles édictées pour les agents de l'État, selon une conception restrictive du principe de parité !

Or, le principe de parité entre les fonctions publiques, posé par la loi, doit pouvoir être corrigé par la loi. Au regard de la hiérarchie des normes, il paraît pour le moins singulier d'envisager que la loi concernant les collectivités territoriales serait subordonnée dans son contenu aux solutions retenues par décret pour les agents de l'Etat, alors même que le principe de spécificité des collectivités territoriales a même valeur que le principe de parité.

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