2. La remise en cause du principe du financement par la fiscalité

Le premier alinéa de l' article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que " au terme de la période visée à l'article 4 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée [3 ans], les transferts d'impôts d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales ".

La rédaction de cet alinéa appelle trois remarques préalables :

- tout d'abord, la référence à un délai de trois ans peut-être interprétée de deux manières. Au premier abord, il peut être compris que la loi accorde un délai de trois ans pour satisfaire l'obligation d'un financement des compétences transférées constitué pour moitié au moins par des ressources fiscales.

La commission consultative sur l'évaluation des charges semble retenir une interprétation différente. Dans son rapport au Parlement de 1999, elle indique en effet qu' " il peut être observé qu'à l'issue du processus de transferts de compétences dans les délais prescrits à l'article 4 de la loi du 7 janvier 1983, c'est-à-dire dans un délai maximum de trois ans après son entrée en vigueur, le principe de l'article L. 1614-5 a été respecté. ". Cette interprétation est sujette à caution car on se demande pourquoi le législateur aurait pris la peine d'apporter cette précision si la règle ne devait s'appliquer que pendant une période très courte 224( * ) ;

- il est précisé que la proportion de 50 % de ressources fiscales s'applique " à l'ensemble des collectivités locales ", et non à chacune des catégories de collectivités locales. Cette rédaction est cohérente avec le choix de financer exclusivement par dotations budgétaires les transferts de compétences en direction des communes. Elle implique donc que les départements ou les régions pourraient être financés majoritairement par des dotations budgétaires si, au total, les ressources fiscales représentent plus de 50 % des crédits transférés à l'ensemble des collectivités ;

- l 'article L. 1614-5 ne précise pas si le pourcentage de 50 % s'applique aux recettes théoriques ou aux recettes réelles des collectivités. Néanmoins, compte tenu du fonctionnement du dispositif de compensation, on peut penser qu'il s'agit du produit théorique.

L'analyse de la structure des recettes transférées montre que la règle de 50% n'est plus respectée depuis 1988 s'agissant des recettes théoriques. Pour les recettes réelles, la règle était encore respectée en 1998, dernière année avant le début du processus de réduction des taux des droits de mutation.

Part des ressources fiscales dans les ressources transférées

(en %)

 

1984

1988

1992

1998

1999

Produit théorique

 
 
 
 
 

Départements

58,4

59,6

59,5

59,2

51,2

Régions

41,5

18,4

18,3

15,5

13,3

Ensemble des collectivités

55,3

49,7

49,6

47,6

40

Produit réel

 
 
 
 
 

Départements

58,7

74,5

74,5

65,4

-

Régions

57,7

37,6

40,7

40,5

-

Ensemble des collectivités

57,6

64,8

64,3

66,2

-

Données chiffrées : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999

L'écart entre les deux séries de chiffres figurant dans le tableau précédent s'explique surtout par le fait que l'assiette réelle des impôts transférés a évolué beaucoup plus rapidement que le taux de progression de la DGF sur lequel est indexé le produit théorique. Par ailleurs, le produit théorique de la taxe sur les cartes grises transférée au région a été sous évalué en 1983, au moment du transfert, contribuant ainsi à minorer la part de la fiscalité dans les ressources théoriques des régions.

Au delà du respect du seuil de 50 % prévu par le code général des collectivités territoriales, la réduction de la part des ressources fiscales dans les ressources transférées témoigne du fait que, passée la première vague des transferts de compétences, le financement budgétaire des transferts, conçu au départ comme un solde, est progressivement devenu la norme :

- les nouveaux transferts n'ont pas donné lieu à des transferts de fiscalité mais à des majorations de dotation générale de décentralisation (DGD) . Ainsi, pour ne citer que les exemples ayant de fortes implications financières, le transfert aux régions de la compétence en matière de formation professionnelle intervenu en 1985 a eu pour effet de réduire de 41 % à 21 % la part de la fiscalité dans les ressources théoriques transférées des régions et de 60 % à 38 % la part de la fiscalité dans les ressources réelles transférées. De même, la régionalisation de la compétence ferroviaire se traduit par des majorations de DGD ;

- l'assiette et le taux des impôts transférés sont progressivement réduits . Dès 1998, l'élargissement de l'assiette de la taxe à l'essieu perçue par l'Etat a eu pour conséquence de réduire le produit de la vignette, malgré la mise en place d'une compensation dont ne connaît pas encore les modalités définitives.

De manière plus significative, le gouvernement a entrepris, depuis la loi de finances pour 1999, une politique de réduction et d'unification des taux des droits de mutation qui, outre qu'elle a supprimé au passage le pouvoir des départements de voter les taux de ces impôts, a entraîné une diminution importante de la part de la fiscalité dans les ressources transférées. Il s'en suivra également un ralentissement de l'évolution du montant des ressources transférées, puisque les départements perdent une recette fortement soumise aux aléas du marché immobilier mais qui évoluait globalement plus vite que la DGD, à laquelle la compensation a été intégrée.

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