C. L'ALOURDISSEMENT DES CHARGES NON COMPENSÉES : UN RISQUE POUR LES BUDGETS LOCAUX

1. Les transferts de charges ne concernent pas seulement les domaines mentionnés par les lois de décentralisation

Comme l'indique la commission consultative sur l'évaluation des charges dans son rapport au Parlement de 1997, " la question des charges nouvelles supportées par les collectivités locales indépendamment des transferts de compétences constitue désormais le centre des préoccupations financières des élus locaux. La stabilisation des budgets locaux et de la fiscalité locale ne peut aller sans une stabilisation des charges. Or, les collectivités locales enregistrent des charges nouvelles sur lesquelles elles n'ont parfois aucune prise ".

La CCEC, dans son rapport au Parlement de 1999, a entrepris d'établir une typologie de ces charges nouvelles non compensées :

Les " charges nouvelles " des collectivités locales

La commission consultative sur l'évaluation des charges, dans son rapport au parlement de 1999, distingue trois catégories de " charges nouvelles ", en précisant que cette notion est " généralement employée pour qualifier des transferts non compensés " :

1. Les charges résultant des législations ou réglementations de portée générale s'imposant aux collectivités comme aux autres personnes publiques ou privées.

Ces charges ont généralement pour origine un objectif de sécurité qui s'impose aux propriétaires de biens immobiliers.

Le patrimoine des collectivités locales entre dans le champ d'application de diverses législations ou réglementations qui peuvent représenter des coûts importants.

Trois réglementations récentes, peuvent, à cet égard, être mentionnées :

- le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis qui oblige tous les propriétaires de bâtiments collectifs à effectuer certaines opérations en vue de rechercher, d'enlever ou de neutraliser dans leurs constructions la présence d'amiante dans les flocages ou calorifugeages ;

- les décrets n° 94-699 du 10 août 1994 et n° 96-1136 du 18 décembre 1996 fixant les exigences et les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeux ;

- le décret n° 96-495 du 4 juin 1996 sur les exigences de sécurité des cages de buts de football, de handball, de hockey sur gazon et en salle et des paniers de basket qui impose au propriétaire un entretien régulier des équipements, l'établissement d'un plan précisant la périodicité des visites de vérification et d'entretien ainsi que la tenue d'un registre comportant les dates et résultats des contrôles.

2. Les charges liées à des prescriptions européennes ou nationales destinées à répondre à des exigences d'intérêt général pour des équipements ou l'exercice de compétences des collectivités locales.

Ces charges correspondent aux échéances européennes et nationales imposées pour la mise aux normes de services publics locaux.

Deux domaines représentent actuellement des enjeux financiers considérables : la collecte et l'élimination des déchets, d'une part et l'eau et l'assainissement, d'une part.

Pour la gestion des déchets, la loi n° 92-646 du 12 juillet 1992 a prévu l'interdiction à compter du 1 er juillet 2002 de la mise en décharge brute de déchets et la valorisation de 75 % des emballages ménagers à cette même date. Sa mise en oeuvre représente un coût financier estimé à 60 milliards de francs d'investissements sans compter les coûts d'élimination des déchets, c'est à dire leur collecte et leur traitement, qui passeraient de 100 francs la tonne à un montant compris entre 300 francs et 600 francs la tonne.

Le rapport de l'Observatoire des finances locales pour 1999, établi par notre collègue Joël Bourdin, précise qu'en 1998, 85 % des communes qui ont instauré une taxe ou une redevance générale, le produit moyen par habitant de celles-ci est respectivement de 380 et de 243 francs. Par ailleurs, la taxe ne suffit généralement pas à assurer l'intégralité du financement du service d'élimination et de traitement des ordures ménagères de sorte qu'il est souvent procédé à un abondement budgétaire.

Dans le second secteur, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et la directive européenne n° 91-271 du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, conduisent à la réalisation d'investissements importants d'ici à 2005.

Le rapport de M. Tavernier " la fiscalité au secours de l'eau " (AN n° 1807 du 22 septembre 1999) fait ressortir que les collectivités locales sont à l'origine de plus de 85 % de la dépense publique dans ce secteur, soit 75,7 milliards de francs en 1997.

L'augmentation globale de la facture d'eau moyenne, de 1991 à 1997, s'est élevée à 61 % avec des évolutions différentes pour chacun de ses éléments soit + 29 % pour la fourniture d'eau, + 58 % pour l'assainissement (principalement du fait de la directive communautaire de 1991) et + 241 % pour les redevances des agences.

3. Les charges issues de la transposition aux collectivités locales de diverses décisions.

Certaines décisions prises par l'État et sur lesquelles les collectivités ont peu ou pas de prise ont des conséquences financières pour celles-ci.

Il en est ainsi des revalorisations de rémunérations qui, en application du principe de parité avec la fonction publique d'Etat, sont transposées à la fonction publique territoriale.

Cette transposition des réformes ou des accords salariaux concernant la fonction publique d'Etat a un impact financier d'autant plus sensible que les frais de personnel correspondent à un poste de dépenses important, en particulier pour les communes.

Le rapport précité de l'Observatoire des finances locales relève un regain de croissance des frais de personnel des collectivités du fait principalement des effets du protocole salarial du 10 février 1998 qui a prévu, d'une part, des majorations des traitements des agents de la fonction publique territoriale et, d'autre part, une revalorisation des bas salaires. Sur trois exercices, de 1998 à 2000, le coût serait de 9,5 milliards de francs.

Par ailleurs, les collectivités locales doivent prendre en compte, notamment dans le cadre de leur politique sociale, l'effet de la revalorisation des minima sociaux.

Ainsi, toute révision du montant du revenu minimum d'insertion (RMI) a des conséquences financières directes sur les budgets des départements. Elle se traduit par une augmentation des crédits destinés au financement des actions d'insertion dont l'article 38 de la loi du 1 er décembre 1988 a prévu l'inscription obligatoire.

Le montant du plafond de ressources pour bénéficier de certaines prestations d'aide sociale est souvent défini par référence à des allocations dont le montant est fixé par l'Etat. Tel est notamment le cas de l'aide à domicile des personnes âgées dont le bénéfice est conditionné à des ressources inférieures au minimum vieillesse. Toute majoration de l'allocation de référence a des effets sur le public éligible à l'aide sociale départementale
. "

Les observations de la CCEC sur ces nouvelles charges imposées aux collectivités locales peuvent être complétées par deux remarques :

- les ressources des collectivités locales évoluent moins vite que leurs charges nouvelles . La principale ressource de fonctionnement des communes et des départements est la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, pour les trois années d'application de l'accord salarial du 10 février 1998, la DGF a augmenté nettement moins vite que le surcoût provoqué par cet accord 225( * ) .



Données chiffrées : lois de finances, rapport sur les rémunérations dans la fonction publique (PLF 99).

Le surcoût induit par le financement des charges non compensées peut aboutir à une augmentation de la pression fiscale sur les contribuables locaux. Ainsi, depuis 1993, le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a progressé de près de 7 milliards de francs, le produit de cette taxe augmentant chaque année de plus de 5 % ;

- l'Etat incite fortement les collectivités locales à financer des dépenses qui relèvent de ses compétences , notamment en matière d'enseignement supérieur, avec le plan U3M, et en matière de voirie, notamment dans le cadre des plans Etat-régions. Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a observé qu'à partir de 1987, l'Etat avait refusé de financer des dépenses qu'il prenait en charge auparavant, en matière de santé, de construction de routes ou de travaux sur les bâtiments universitaires.

Les procédures contractuelles permettent par ailleurs à l'Etat d'orienter les dépenses des collectivités locales tout en se désengageant financièrement. En effet, la part de l'Etat dans des contrats représentant des sommes de plus en plus élevées diminue depuis le début des années 80, comme l'a relevé le rapport Chérèque de 1998 226( * ) , sans que la marge de manoeuvre des régions pour déterminer le contenu des contrats se soit véritablement accrue.

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