2. Un décalage entre les procédures et les enjeux financiers

Malgré l'importance des enjeux financiers liés aux transferts de charges non compensés, les décisions à l'origine de ces charges ne donnent pas lieu à concertation :

- elles échappent, en droit ou en fait, au contrôle parlementaire . En droit, lorsqu'elles relèvent du pouvoir réglementaire. C'est le cas en matière de normes techniques, en matière de rémunération des agents mais également de taux de cotisation à la caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL). En 2000, les taux des cotisations " employeurs " ont augmenté, provoquant un coût supplémentaire de 550 millions de francs pour les collectivités locales. Le Parlement n'est donc pas en mesure d'influencer la prise de décision.

En fait car, lorsque de telles dispositions résultent de textes législatifs, les études d'impact annexées aux projets de loi sont souvent insuffisantes, comme l'illustre l'exemple de la loi 96-369 du 3 mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours. Le coût de la réforme s'avère très supérieur aux 11,6 milliards de francs initialement envisagés. Entre 1998 et 1999, le montant des contributions demandées aux collectivités locales a progressé de 11 % ;

- il n'existe pas de procédure de consultation des collectivités locales , mise à part, parfois, l'organisation d'un débat au sein du comité des finances locales.

Cette procédure n'est d'ailleurs pas exempte d'effets pervers pour les collectivités locales, comme en témoigne l'exemple des mesures de redressement financier de la CNRACL décidées à la fin de l'année 1999. Le comité des finances locales, suivant les recommandations du groupe de travail qu'il avait constitué sur le sujet, s'était prononcé en faveur d'une augmentation conjointe des cotisations " employeurs " et " employés ". Le gouvernement a finalement décidé de n'augmenter que les cotisations " employeurs ", mais s'est targué d'agir conformément aux recommandations du comité.

La loi n° 95-9 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a souhaité pallier le manque de concertation dans l'élaboration des décisions ayant des conséquences financières sur les collectivités locales par une amélioration de l'information disponible. Dans ce but, elle a modifié l' article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales, dont la rédaction actuelle prévoit désormais que :

- la commission consultative sur l'évaluation des charges réalise chaque année un bilan du coût réel des compétences transférées ;

- la CCEC réalise également un bilan des transferts de charges non prévus par les lois de décentralisation, " même lorsque le législateur a expressément prévu en ces matières de déroger au principe de la compensation intégrale " ;

- le bilan comprend en annexe un " état de la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat et des concours de l'Etat à des programmes intéressant les collectivités locales ".

Ces dispositions n'ont reçu qu'une application partielle. Le premier rapport de la CCEC en application de l 'article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales n'est paru qu'en 1997. Il n'a reçu de suite qu'en 1999 227( * ) . Par ailleurs, aucun de ces deux rapports ne comporte d'annexe relative à la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat.

L'absence de vision d'ensemble de l'évolutions des charges des collectivités locales , notamment au regard de l'évolution de leurs ressources, contribue à dégrader la qualité du dialogue entre les collectivités et l'Etat en encourageant un véritable " jeu non coopératif " : à chaque nouveau transfert, les collectivités locales se transforment en effet en " lobbyistes " soucieux de préserver leurs intérêts financiers, l'Etat, ayant beau jeu de discréditer les prétentions maximalistes d'élus locaux peu économes des deniers publics.

Ce mode de fonctionnement contribue également à encourager une pratique contraire à l'esprit de la décentralisation, celle des concours spécifiques . En effet, l'absence de vision d'ensemble permet à l'Etat de présenter les problèmes un par un, conduisant ainsi les collectivités à fragmenter leurs revendications. L'Etat peut alors consentir à octroyer un concours spécifique pour résoudre un problème donné, comme il l'a par exemple fait récemment en créant une sous-dotation au sein de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements destinées au financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Page mise à jour le

Partager cette page