M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, le 15 novembre dernier, Mme Marylise Lebranchu a annoncé qu’en 2020 les agglomérations les plus grandes éliront leurs représentants intercommunaux au suffrage universel direct. Dès le mois d’octobre, vous-même ne laissiez pas entrevoir une autre perspective au Sénat devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, tout en étant cependant moins précis. Vous avez dit : « Le fléchage est une étape de démocratisation, il n’obère pas l’avenir. »

La prochaine loi de décentralisation inclura un nouveau statut pour les intercommunalités les plus grandes. Ne lancez-vous pas cette semaine des concertations en vue du dépôt d’un prochain texte sur les modes de scrutin ?

L’élection en 2014 des délégués communautaires a occupé une bonne partie du premier débat organisé mardi dernier dans le cadre du Congrès des maires et consacré à la nouvelle étape de la décentralisation. C’est la preuve qu’il s’agit d’un sujet particulièrement sensible pour les maires, en particulier ceux des petites communes, que la prudence relative des propos des membres du Gouvernement à ce congrès et du Président de la République lui-même ne rassure pas vraiment.

Le Président de la République a, certes, confirmé les principaux engagements qu’il avait formulés, le 5 octobre dernier, dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, notamment sa préférence pour le modèle du « fléchage » pour l’élection des délégués communautaires.

Une histoire de contrat de confiance à tisser avec les élus qui semble encore relativement lointain !

Souvenons-nous que, lors de l’examen de la réforme territoriale qui a mis en place le fléchage, des craintes s’étaient fait jour sur les travées de gauche de cet hémicycle, malgré les garanties apportées, au motif que la légitimité des maires serait diminuée, estompant inévitablement le rôle des communes.

Légitime est donc la crainte des élus de proximité qui se dévouent au quotidien qu’avec les réformes annoncées les petites communes n’aient à souffrir d’un autre mode d’élection des délégués intercommunaux.

Monsieur le ministre, quelles assurances pouvez-vous nous donner qu’il n’en sera rien ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Marc Laménie, pourquoi susciter des inquiétudes ou anticiper des problèmes là où il n’y en a pas ?

Vous parlez de 2020, parlons d’abord de 2014 !

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé de préparer un texte de loi et de mener une concertation, laquelle est bien sûr en cours, avec les formations politiques et les groupes représentés au Parlement. Il s’agit à la fois de discuter des dates des prochains scrutins, à la suite de l’abrogation du conseiller territorial, de définir le futur mode de scrutin pour les conseils généraux et, enfin, de traiter la question de l’intercommunalité.

L’intercommunalité, à laquelle Jean-Pierre Chevènement et Dominique Voynet ont tant œuvré, a été une des étapes de l’approfondissement de notre démocratie locale et de l’organisation de nos territoires. Que n’a-t-on pas entendu il y a quelques années sur ces questions alors que la carte intercommunale progressivement s’achève !

Eu égard aux responsabilités de nos agglomérations et de nos communautés de communes, il est au fond assez logique que la question démocratique se pose. Celle du suffrage universel se posera incontestablement. Mais, avant d’en arriver là, il s’agit de mieux définir les projets, de rendre plus lisible et plus visible l’action de l’intercommunalité pour nos concitoyens.

J’ai le sentiment qu’il existe un accord très large concernant ce que l’on appelle « le fléchage ». Nous y travaillons. Un texte de loi devrait, à l’issue de cette concertation, être présenté au conseil des ministres puis déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat au début de 2013,…

M. Gérard Larcher. Comme le prévoit la Constitution !

M. Manuel Valls, ministre. … comme cela est bien évidemment prévu, monsieur Gérard Larcher, par la Constitution, que je commence à connaître. (Sourires.) J’ai besoin de vos conseils sur bien des sujets mais pas sur tout…

En tout cas, nous vous donnerons l’occasion de travailler sur ce sujet et nous pourrons ainsi faire avancer la cause de l’intercommunalité au travers de ce fléchage.

Au fond, il s’agit à la fois de garder tout son rôle à la commune, à laquelle nos concitoyens sont à l’évidence très attachés, et progressivement de mieux définir les missions de l’intercommunalité et des élus qui y siègent. Le fléchage permettra également le respect de la parité, laquelle doit s’imposer aussi dans nos intercommunalités comme dans leurs exécutifs.

M. Manuel Valls, ministre. Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux vous apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

aéroport du grand ouest

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Depuis l’extension de l’Europe vers l’Est, le centre de gravité du continent s’en est trouvé bouleversé, justifiant encore plus aujourd’hui qu’hier un développement équilibré de notre territoire national. Dans ce contexte, l’Ouest a besoin de TGV, d’autoroutes, d’un grand port, mais aussi d’un grand aéroport (Ah ! sur les travées de l'UMP.) performant et sécurisant, source d’accompagnement et de développement économique.

En 2012, dans un contexte pourtant difficile, toutes les prévisions d’augmentation de transport de voyageurs de l’aéroport de Nantes-Atlantique ont été dépassées, ce qui le situe au premier rang français en termes de croissance. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes devrait ainsi accueillir plus de 4 millions de passagers à son ouverture en 2017. Le transfert de l’aéroport actuel s’appuiera sur la grande région Ouest. À l’horizon 2050, le nombre d’utilisateurs du nouvel aéroport devrait être de 9 millions.

Ce projet, qui date de plus de trente ans, a suivi toutes les étapes juridiques prévues. La consultation et la concertation ont eu lieu, de justes indemnisations aux expropriations sont actées : bref, la démocratie pleine et entière s’est exercée.

Les élus des régions, départements et communes concernés soutiennent très majoritairement ce transfert qui profitera à tout le Grand Ouest.

Pour votre information, mes chers collègues, Eva Joly, qui est une opposante emblématique à cette implantation, a réalisé dans cette circonscription un score de 2,83 % lors de l’élection présidentielle. (Rires sur les travées de l'UMP.)

Le temps est donc venu de dire aux quelques activistes que, aussi bien juridiquement que politiquement, cela suffit !

M. Alain Fouché. Et bien dit !

M. Yannick Vaugrenard. Voir des parlementaires chargés d’élaborer la loi et une candidate, anciennement juge, ayant prétendu aux plus hautes fonctions de l’État faire le coup de force est affligeant ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il est ahurissant que des élus de la République se lancent dans de telles provocations susceptibles d’engendrer de nouveau de la tension, alors qu’ils devraient être plutôt soucieux d’exemplarité. (M. Alain Gournac s’exclame.) Si la désobéissance civile a un sens dans un État non démocratique, elle est condamnable dans un État de droit. Et nous sommes dans un État de droit !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin. Les satisfactions sont rares en ce moment, alors on prend !

M. Yannick Vaugrenard. Pouvez-vous nous réaffirmer, monsieur le ministre, la détermination du Gouvernement et nous rappeler l’échéancier de la construction du nouvel aéroport ? Il est en effet de notre responsabilité de préparer l’avenir. Nous entendons garder notre destin en main,…

MM. Jackie Pierre et Jean-Pierre Raffarin. Bravo !

M. Yannick Vaugrenard. … et continuer à assurer le développement de notre territoire, tout autant que le respect de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Henri de Raincourt. C’est une question agricole ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Vaugrenard, votre question porte directement sur mon domaine d’intervention puisque les exploitations agricoles sont concernées par ce projet.

Vous avez évoqué de nombreux points dans votre propos. Tout projet d’infrastructure soulève légitimement des questions et suscite souvent des oppositions.

M. Henri de Raincourt. Oui ! Jusque-là, ça va !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Chacun d’entre nous a évidemment été confronté dans son département à des mobilisations contestant des infrastructures routières, ferroviaires ou autres.

M. Gérard Larcher. Et voilà !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut rester, monsieur le sénateur, dans l’État de droit et faire en sorte que, s’agissant de ce débat, nous soyons tous capables de dépasser les oppositions et, parfois, les passions qui se sont exprimées.

M. Alain Gournac. C’est sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous l’avez dit, et je suis d’accord avec vous, il ne faut pas perdre de vue l’intérêt général et l’objectif visé, plutôt que de s’en tenir aux conditions de mise en œuvre.

Quel est l’intérêt général de ce projet ? Vous l’avez rappelé, l’aéroport de Nantes voit aujourd'hui son trafic augmenter. C’est pourquoi il est actuellement nécessaire de prévoir des infrastructures entre Nantes et Rennes, entre deux grandes régions, la Bretagne et les Pays de la Loire, qui sont, vous le savez bien ici au Sénat, les plus belles – je dis cela pour vous provoquer, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je vois que vous ne réagissez pas ! (Sourires.) –, pour ouvrir des perspectives européennes et internationales.

Voilà le sens du projet qui est défendu par le Gouvernement. Bien sûr, dans un État de droit, il faut que toutes les procédures soient respectées,…

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … et que des débats contradictoires soient tenus. Cela a été le cas et continuera de l’être. Le Gouvernement agit donc dans un objectif, l’intérêt général, tout en prenant en compte l’intérêt de ces régions de l’Ouest,…

M. Éric Doligé. Et la réponse ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. … pour que cet aéroport puisse être un outil supplémentaire de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit, en qualité de suppléant.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Gisèle Printz pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2013

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute élection nationale en France suscite un espoir immédiat. Au niveau national, le Président de la République nouvellement élu bénéficie d’une popularité plus élevée que le jour du vote. Au niveau international, il est toujours attendu d’une nouvelle présidence qu’elle gomme les défauts de la précédente.

Qu’a fait la nouvelle majorité de ces espérances ? Rien ! Au contraire, vous avez tout fait pour que, très rapidement, l’inquiétude gagne nos concitoyens et pour que la perplexité naisse chez les observateurs extérieurs.

Il est certain que le mauvais état de notre pays ne date pas d’aujourd’hui ; nous vivions sous la menace d’une nouvelle dégradation. Soit !

Mais quels signaux positifs avez-vous émis depuis votre accession au pouvoir ? Qu’est devenue notre crédibilité ? Quid de la confiance que nous pouvions inspirer ?

Après six mois d’exercice du pouvoir, la dégradation de notre note par Moody’s constitue plus qu’un avertissement : c’est un signal d’alarme. Le passage d’une perspective stable, en début d’année, à une dégradation de la notation il y a deux jours traduit un jugement négatif sur la politique que vous avez menée.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous empruntons à des taux négatifs, tout de même !

M. Aymeri de Montesquiou. Certes, la perte de compétitivité, les rigidités du marché du travail, le coût de ce dernier, la faiblesse de l’innovation, la désindustrialisation ont précédé votre politique, mais tout ce que vous avez mis en place depuis – le matraquage fiscal, l’absence de réformes structurelles, l’annonce d’embauches de fonctionnaires – a conduit à la dégradation de notre note.

Gardons à l’esprit que la dégradation peut se poursuivre, et manière fulgurante ! Je vous rappelle ainsi que les subprimes américains sont passés du triple A au statut de junk bonds en six mois.

Plutôt que de faire semblant de réformer, envoyons un message fort à nos partenaires, convainquons-les de la réalité de nos réformes ! Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur ce point. Hélas ! les politiques économiques que vous proposez rappellent au contraire les années quatre-vingt et leurs recettes éculées, comme si le bouleversement de la mondialisation, l’intégration économique et financière, la création de l’euro n’avaient pas existé.

Quelle est la cause majeure de nos déséquilibres et de toutes les conséquences qu’ils entraînent ? Selon le Président de la République, notre dépense publique est trop élevée. Il a raison !

À ce sujet, monsieur le ministre, je vous saurai gré de dissiper un doute que j’ai : connaissez-vous le niveau de la dépense publique en France ? S’agit-il de 54,3 % du PIB, comme indiqué dans le projet de loi de finances, ou de 57 %, comme l’a évoqué le Président de la République ?

M. Aymeri de Montesquiou. Quel est le bon chiffre ? Cette différence relève-t-elle de l’insincérité ou de la légèreté ? La baisse des dépenses de 60 milliards d’euros, annoncée par le Président de la République, correspond à l’exact écart entre ces deux pourcentages. Cela laisse interrogateur et perplexe !

Tout converge vers la nécessité absolue de la baisse de la dépense publique : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI.

Lisez les commentaires de la presse internationale ! Écoutez les institutions internationales ! On perd confiance en nous ! Je crains que nous ne devenions la source d’inquiétude, voire, pour les moins amicaux, la risée de l’Europe.

« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n’aime pas toujours qu’on me donne des leçons ». Il serait souhaitable que vous vous inspiriez de cette déclaration de Sir Winston Churchill ! Il ne s’agit pas de vous donner de leçons mais, amis ou adversaires politiques, nous devons tous vous rappeler au bon sens.

Au Congrès des maires, le Président de la République a déclaré que l’État devait montrer l’exemple. Cet exemple doit se traduire avant tout par la réduction drastique de la dépense publique. Rien ne peut justifier que l’on dépense plus en France que chez nos voisins, pour des services publics qui ne sont pas meilleurs qu’ailleurs !

Je vous l’accorde, il est difficile de baisser très rapidement les dépenses. Mais qu’a fait l’Italie depuis un an ? Elle a adopté un plan de libéralisation de l’économie, lancé un projet de réforme du marché du travail, réformé une justice trop lente, amélioré l’efficacité de l’administration publique, réduit les charges sociales, sans oublier les économies d’énergie, afin d’améliorer la compétitivité. Bien que subordonnés à la continuation des réformes, les satisfecit internationaux qu’elle a reçus ont été unanimes.

Pourquoi ne pas prendre exemple sur ce pays, qui réalise de bien plus gros efforts que nous, malgré sa compétitivité supérieure, puisque son déficit commercial s’élève à la moitié du nôtre ?

Vous avez les moyens d’endiguer notre perte de crédibilité et de confiance. Pour cela, l’audit de la Cour des comptes, le rapport Gallois, nos engagements européens – unanimement acceptés – doivent guider votre action.

Vous devriez vous inspirer des leçons de réalisme de François Mitterrand – je passe sur son cynisme. Oubliant ses engagements électoraux après deux ans de divagation du pouvoir ayant provoqué trois dévaluations, l’ancien Président de la République a radicalement changé de politique, dans un contexte pourtant beaucoup moins critique qu’aujourd’hui, en libéralisant l’économie.

Vous affirmez présenter un budget de combat et de vérité. Le combat ? Où est-il ? Quant à la vérité, nous verrons...

Mais où se manifestent le courage et l’incitation ? Sans verser dans l’allégorie, on peut affirmer qu’un budget insuffle de l’énergie ou qu’il bride, qu’il encourage ou qu’il décourage ; en un mot, il dynamise ou il stérilise l’économie d’un pays. Pour cela, afin d’optimiser toutes nos capacités, il est possible de demander plus d’efficacité à l’impôt et moins d’efforts au contribuable, en baissant les dépenses.

La fiscalité que vous mettez en place est-elle incitative ? Non ! Elle décourage par avance tout esprit entrepreneurial. Une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu assortie de deux tranches exceptionnelles, le renforcement de la taxation des plus-values de cession au nom de l’égalité entre taxation du travail et taxation du capital, tout cela assèche la trésorerie des ménages comme celle des entreprises.

Un revenu salarié n’est pas comparable, par nature, avec le revenu d’un entrepreneur ! Pour inciter à créer, une cession d’entreprise doit pouvoir récompenser des années de travail. En effet, celles-ci se caractérisent souvent par un salaire rarement à la hauteur des efforts accomplis, par une prise de risque considérable sur des biens en garantie et par une fragilisation de la vie familiale.

Votre crédit d’impôt, difficilement compréhensible, ne concerne que les entreprises en bonne santé et en mesure d’embaucher. Si l’entreprise ne fait pas de bénéfices, quel crédit d’impôt peut-elle espérer ? C’est une complexité de plus dans une avalanche de normes et de formulaires, source d’exaspération, puis de découragement.

Pour beaucoup de ceux qui ont osé la créer, une entreprise est un rêve qui a pris forme ; l’impôt ne doit pas venir briser cet élan. C’est pourtant ce que vous amorcez dans les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi de finances. Alors que la fiscalité doit être incitative et donner envie d’investir, de créer, de produire, vous la rendez dissuasive et confiscatoire ! L’impôt ne peut protéger le pouvoir d’achat sans stimuler l’économie, l’offre et la production ; il ne doit pas décourager les entrepreneurs, petits ou grands, indispensables à la création de la richesse nationale, en leur donnant le sentiment que l’État va pénaliser leur travail et leur réussite éventuelle.

Monsieur le ministre, nous sommes très inquiets. Aujourd’hui, vous considérez que vous avez raison contre l’ensemble de nos partenaires européens. Aujourd’hui, vous estimez que votre politique économique et fiscale est la seule qui soit bonne. Cette arrogance française, si fréquente, qui s’abrite derrière nos spécificités, n’est pas nouvelle, mais elle est source de bien des désillusions. Je ne vous demande pas de mettre en œuvre la doctrine de Schumpeter, les Français n’y sont pas prêts, mais décidez des mesures de bon sens.

Certains pays connaissaient une situation beaucoup plus inquiétante que la nôtre, et ils ont su se rétablir. Prenons exemple sur eux en appliquant les solutions qui leur ont réussi ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’alternance intervenue en mai dernier a suscité de grandes attentes chez nos concitoyens. Après cinq années au cours desquelles la solidarité et l’égalité entre les Français avaient été mises à mal, notamment dans le domaine fiscal, il est tout à fait naturel que le premier budget présenté par le nouveau gouvernement soit observé avec la plus grande attention.

Ce projet de loi de finances pour 2013, dont nous entamons aujourd’hui l’examen, n’a sans doute pas répondu à toutes les questions ni résolu toutes les difficultés qui se posent, mais il n’en constitue pas moins un tournant très important dans la politique fiscale de notre pays. Établir un budget consiste d’abord à définir une série de priorités politiques et de grandes orientations pour la conduite des affaires de la nation.

De ce point de vue, ce texte répond à deux préoccupations essentielles.

Le premier objectif du Gouvernement est le redressement de nos comptes publics, laissés dans un bien mauvais état, même si, il faut le reconnaître objectivement, le creusement abyssal du déficit et de la dette n’est pas le fait d’un seul gouvernement ou d’une seule majorité : les responsabilités sont largement partagées, et ce depuis des décennies.

Quoi qu’il en soit, il est urgent d’établir enfin une gestion saine et responsable de nos finances publiques. C’est en effet le seul moyen de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour conduire des réformes ambitieuses et justes, pour nos concitoyens comme pour nos territoires, mais c’est aussi une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Le second objectif visé par le Gouvernement avec ce projet de loi de finances pour 2013 est le rétablissement de la justice et de l’équité dans notre système fiscal.

Ainsi, le projet de loi de finances tend à « rétablir la progressivité » de l’imposition des ménages. Cette volonté est illustrée notamment par la création d’une tranche supplémentaire dans le barème de l’impôt sur le revenu, au taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieurs à 150 000 euros. Je tiens à rappeler que les membres du groupe RDSE, profondément attachés à la progressivité de l’impôt – et pour cause, les radicaux en revendiquent légitimement la paternité ! – avaient déposé à de nombreuses reprises des amendements en ce sens.

Parallèlement, afin de protéger les plus défavorisés, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, comme la revalorisation de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, prévue à l’article 2.

Cependant, dans le contexte actuel, il me semble que, pour garantir véritablement l’équité et la progressivité de l’impôt, il est indispensable de « tout remettre à plat ».

Les radicaux de gauche appellent en effet de leurs vœux la fusion de l’impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée, pour créer un impôt unique sur le revenu véritablement progressif. Cette fusion correspond d’ailleurs à une proposition du candidat François Hollande, et j’espère qu’elle sera mise en œuvre le plus vite possible.

Conformément à une autre promesse de campagne, ce projet de budget pour 2013 vise à rapprocher la fiscalité des revenus du capital de celle des revenus du travail. Il s’agit, là aussi, d’une question de justice fiscale. Mais il faudra également introduire plus de justice et d’équité dans la fiscalité des entreprises, et ce projet de loi de finances s’y emploie pour partie. Il est bien sûr choquant que les taux d’imposition effectifs soient beaucoup plus faibles pour les grandes entreprises que pour les petites.

François Hollande proposait d’ailleurs, dans son programme, de moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l’entreprise. Cette proposition n’a pas été retenue dans le présent projet de budget, mais la question du taux facial n’est peut-être pas la plus importante : c’est l’assiette de l’impôt sur les sociétés, « mitée » par de nombreux dispositifs dérogatoires, qui pose véritablement problème.

Et c’est bien suivant cet axe que le Gouvernement tente de rééquilibrer la fiscalité des entreprises dans ce projet de loi de finances pour 2013, en limitant les avantages fiscaux qui bénéficient principalement aux grandes entreprises, tout en renforçant les dispositifs destinés à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.

Monsieur le ministre, vous avez procédé, à juste titre me semble-t-il, à un certain nombre d’ajustements lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, notamment sur l’article 6, relatif aux plus-values de cession d’entreprises. Je proposerai, avec plusieurs de mes collègues, des amendements pour renforcer la logique retenue en faveur des entreprises et de leur compétitivité.

En effet, s’il est essentiel que la fiscalité des entreprises soit juste, il est tout aussi primordial qu’elle ne constitue pas un obstacle à la volonté d’entreprendre, à l’innovation et au développement de nos entreprises. Nous savons tous qu’un des freins à notre croissance économique est l’absence d’un tissu d’entreprises de taille intermédiaire suffisamment solide et structuré.

La fiscalité doit également être plus simple, plus lisible, plus stable, aussi, afin de permettre une lutte efficace contre l’évasion fiscale, qui constitue un véritable fléau pour les recettes de l’État et des collectivités territoriales. Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question dans le cadre de sa commission d’enquête.

Afin de redresser les comptes publics, ce projet de loi de finances, ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévoit un effort sans précédent. La répartition de cet effort est connue : un tiers en économies sur les dépenses et deux tiers de recettes supplémentaires dues à des hausses de prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Ce choix peut susciter quelques interrogations, quand on sait que la Cour des comptes préconise plutôt un effort également réparti entre recettes et dépenses pour garantir une réduction durable du déficit.