Mercredi 23 janvier 2013

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Zones d'exclusion pour les loups - Examen du rapport et du texte de la commission

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° 54 (2012-2013), présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues, visant à créer des zones d'exclusion pour les loups.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Il me revient - et c'est un honneur, Monsieur le Président, que vous m'y ayez commis d'office (Sourires) - de vous présenter la proposition de loi déposée au nom du groupe du RDSE par notre collègue Alain Bertrand, qui est aussi maire de Mende, et qui vise à endiguer la destruction de troupeaux par les loups.

Quelques mots d'histoire, pour commencer. Alors qu'au XVIIIème siècle le loup était encore présent sur l'ensemble du territoire français, il en était éradiqué dans les années 1930 : au cours du XIXème siècle, il avait été « la bête à abattre », chassée par les éleveurs et les agriculteurs soucieux de protéger leurs animaux et leurs cultures. Or, le loup est revenu à la fin du XXème siècle : il a pointé son nez d'abord dans les Alpes, où sa présence est attestée en 1992, puis il a gagné progressivement du terrain vers l'ouest, en pays de montagnes mais pas seulement puisqu'on le trouve désormais dans l'Aude et même dans le Gers. Et aujourd'hui, le ministère évalue à 250 le nombre de loups présents sur notre territoire.

Le loup, ensuite, est une espèce protégée au titre de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, signée en 1979 et que la France a ratifiée en 1989. Le loup est également protégé par la directive « Habitats, faune et flore » du 21 mai 1992, qui interdit bien sûr la capture et l'abattage des loups, mais qui appelle aussi à pérenniser leur habitat et leur environnement. Ces règles sont transposées en droit interne, aux articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement. Elles s'accompagnent de la mise en place d'un « plan loups », quadriennal, qui arrive prochainement à échéance : le prochain plan est en cours de négociation, ce qui n'enlève rien, j'espère vous le démontrer, à la nécessité d'une nouvelle loi.

Ces règles protectrices, cependant, prévoient des dérogations, c'est-à-dire une levée de la protection et donc le droit de chasser le loup, à trois conditions. Il faut d'abord qu'un risque sérieux pour l'élevage soit avéré, établi ; il faut ensuite que toutes les mesures alternatives à la chasse aient échoué, celle-ci ne pouvant intervenir qu'en dernier recours ; il faut, enfin, que les dérogations, c'est-à-dire les droits d'abattre des loups, soient délivrés avec le souci de respecter l'équilibre entre les intérêts des éleveurs et ceux de la préservation de l'espèce protégée.

Chaque année, des « prélèvements » sont donc autorisés, en d'autres termes l'État dit combien on peut abattre de loups...

M. Charles Revet. - Appelons un chat, un chat.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Mais l'aggravation rapide de la situation démontre que ces règles ne suffisent pas. En 2011, on a enregistré 1 415 attaques, faisant 4 920 victimes : c'est très conséquent pour les territoires concernés, et dans une région comme Provence Alpes Côte d'Azur, le nombre d'attaques a bondi de 30 % en un an. Or, pour 2012, le ministère n'a autorisé que 11 prélèvements, et seulement 5 loups ont été effectivement tués ; encore, les prélèvements organisés n'ont-ils tué que deux loups, avec lesquels on a comptabilisé deux carcasses trouvées et un loup abattu par un berger en légitime défense.

Autres signes d'aggravation : en 2011, l'État a dépensé 1,6 million d'euros pour indemniser les éleveurs, c'est plus du triple qu'en 2004, et près de 8 millions ont été consacrés à la prévention, pris en charge pour moitié par l'Union européenne.

Face à cette situation, ce texte vise à créer des zones d'exclusion pour les loups, dans les territoires où les attaques, par leur nombre, menacent les activités agropastorales. En zones de montagne, ces activités sont importantes pour l'emploi des hommes et l'entretien des paysages, mais elles sont fragiles et les troupeaux sont une proie facile, surtout lorsqu'en moyenne montagne, leur dispersion les rend difficiles à protéger contre les loups. Les autorités publiques reconnaissent elles-mêmes la faible efficacité de la protection dans ces zones de moyenne montagne, ce qui n'est pas vrai pour la haute montagne où les estives sont plus courtes et les troupeaux plus importants. Un arrêt du Conseil d'État, en 2008, a constaté l'insuffisance des moyens de prévention, argument qui a compté dans l'indemnisation des éleveurs.

Pour être en conformité avec la convention de Berne et la directive « Habitats », ce texte soumet la création de ces zones d'exclusion à trois conditions : il faut que le risque soit établi, à partir des attaques constatées et qu'il menace l'activité pastorale ; les mesures de protection doivent avoir démontré leur insuffisance ; enfin, la mesure prescrite respecte l'équilibre entre l'activité pastorale et la protection des loups, puisqu'elle autorise, non pas bien sûr à éradiquer l'espèce dans les zones concernées, mais à en abattre un quota, pour endiguer les destructions.

Je vous proposerai deux amendements.

Le premier pour changer l'intitulé du texte : je vous suggèrerai de créer des « zones de protection renforcée » contre les loups, plutôt que des « zones d'exclusion » du loup, c'est plus conforme non seulement au droit international et communautaire, mais à l'objet du texte lui-même.

Ensuite, je vous proposerai que ces zones de protection renforcée soient définies chaque année par arrêté préfectoral. Je crois que l'inefficacité actuelle tient pour beaucoup au fait que les prélèvements sont décidés à l'échelon national, loin du terrain. Nous avons besoin de réponses locales, qui soient précisément fonction des sinistres constatés et du nombre de loups, département par département, zone par zone. La rédaction que je vous propose respecte pleinement les critères internationaux et européens de préservation de l'espèce, en précisant que « les zones de protection renforcée contre le loup ne peuvent nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, de cette espèce sur le territoire national. »

Avec ce texte ainsi modifié, nous rétablirons l'équilibre entre les activités pastorales et la préservation des loups, car c'est bien cet équilibre qui a été rompu ces dernières années, du fait des prédateurs.

Je crois que nous faisons ici oeuvre utile. Mon premier juge, du reste, sera ma petite fille, qui, lorsqu'elle a appris que je vous présenterai cette proposition de loi sur les loups, m'a tout de suite demandé une explication de texte : c'est dire que je suis surveillé ! (Sourires)

M. Raymond Vall, président. - Belle plaidoirie, en tout cas : merci, et bravo pour cette première !

M. Michel Teston. - Je me joins à ces félicitations !

Le loup a rejoint le Massif central et ses attaques exaspèrent les éleveurs : ils s'inquiètent et ont besoin de réponses, c'est bien légitime, et le sujet mérite un véritable débat. Cependant, je ne pense pas, et mon groupe ne pense pas que ce texte réponde à leurs inquiétudes, ceci pour trois raisons.

Son dispositif, d'abord, n'est pas conforme à la Convention de Berne ni à la directive « Habitats » de 1992, aux termes desquelles les dérogations à la protection ne peuvent être qu'exceptionnelles et à des conditions très strictes. La Cour de justice des communautés européennes l'a précisé dans un arrêt du 14 juin 2006 : « des autorisations de chasse au loup ne peuvent pas être accordées sans fournir de motivation précise et adéquate quant à l'absence d'une autre solution satisfaisante, sans évaluation de l'état de conservation de l'espèce et sans avoir identifié les loups causant les dommages ». A cette aune, les zones d'exclusion ne sont pas conformes au droit européen.

Ensuite, nos règles actuelles satisfont les objectifs que vous poursuivez avec ce texte. Le plan quadriennal et les arrêtés ministériels organisent une intervention graduée, qui va de la protection des troupeaux jusqu'à l'autorisation d'abattre des loups, en passant par des tirs d'effarouchement. Ce dispositif est conforme au droit européen et à nos engagements internationaux, il fonctionne pour peu qu'on l'applique complètement. Je l'ai vu à l'oeuvre dans la montagne ardéchoise, où un éleveur, qui subissait à lui seul la moitié des attaques recensées comme relevant d'une « responsabilité loup non écartée », est parvenu à se défaire de la menace par des tirs de défense.

Enfin, ce texte intervient alors que le plan quadriennal est en pleine renégociation et que Delphine Batho appelle à « une gestion différenciée et adaptée face à la présence du loup » : il y a tout à fait la place pour des mesures spécifiques aux éleveurs du Massif central, pour mieux protéger leurs activités pastorales face aux attaques des loups.

Dans ces conditions, je crois préférable de profiter du débat parlementaire, que nous aurons en séance même si nous écartons ce texte, pour obtenir des garanties du Gouvernement. Tout en comprenant bien les intentions d'Alain Bertrand et des signataires de cette proposition de loi, nous pensons donc qu'il n'est pas souhaitable d'adopter ce texte, qui, même amélioré par les amendements du rapporteur, comporte un risque d'insécurité juridique, pour non-conformité au droit européen. Appliquons pleinement le « plan loups », améliorons-le en adaptant davantage les mesures aux situations locales : ce sera bien plus efficace pour protéger les troupeaux, les éleveurs et les activités pastorales.

M. Raymond Vall, président. - Vous reconnaissez cependant que le dispositif actuel n'est guère satisfaisant, qu'il ne prend pas suffisamment en compte les spécificités territoriales, qu'il faut l'améliorer : pour pouvoir le dire en séance au Gouvernement, il faut commencer par adopter ce texte en commission, donc le voter !

Mme Odette Herviaux. - Je partage entièrement les analyses de Michel Teston. Je n'ai pas encore été confrontée à ce problème, mais je voudrais revenir sur plusieurs éléments. A chaque fois qu'il s'agit de préservation de la biodiversité, nous sommes confrontés à une préoccupation : la recherche d'un équilibre entre le maintien et le développement des activités humaines, ici l'agro-pastoralisme, et la protection des espèces. C'est particulièrement le cas lorsque c'est l'espèce en bout de chaîne alimentaire qui est concernée, et ce quel que soit le territoire : le loup, ou ailleurs, le sanglier par exemple, comme chez nous... Nous arrivons à des situations tendues, qui nous conduisent à nous poser plusieurs questions : faut-il prélever ou non ? A quelle hauteur ? En outre, comme vous l'évoquiez, des incertitudes existent entre les décisions prises en haut et celles qui sont prises sur le terrain. Il est nécessaire de débattre et de voir comment nous pouvons protéger les espèces, sans pour autant qu'il y ait, pour certaines, une expansion au-delà de ce qui est souhaitable pour le maintien des activités humaines.

Ensuite, il faut bien se mettre d'accord sur ce qu'on entend par « prélèvement », lorsqu'il s'agit de prélèvement par la chasse. Il y a des chasses de régulation. Je ne suis pas spécialiste de la question, mais certains affirment qu'il y a des loups plus agressifs que d'autres envers les troupeaux et qu'il serait peut être bon de les éliminer plutôt que de promouvoir une régulation au petit bonheur la chance. C'est peut-être vrai. Cela mérite d'entendre les spécialistes pour que la régulation se fasse au mieux localement.

Comme le disait Michel Teston, nous sommes à la veille d'un nouveau plan loups. Il est vrai que le débat est nécessaire. Nous avons besoin d'entendre les arguments des uns et des autres et il me paraît important qu'il y ait aussi de la part du ministère une écoute de l'ensemble des positions.

M. Charles Revet. - Dans quel texte cette disposition s'introduit-elle ? L'article pourrait être intégré à un code, celui de l'environnement par exemple.

Il n'y a pas encore de loups sur les sommets de Normandie... mais j'entends les réactions extrêmement fortes, pour ne pas dire virulentes, de notre collègue Gérard Bailly, qui s'était fait un spécialiste de cette question. Il faut agir. Dans tous les domaines, l'obligation d'en référer au niveau national ralentit l'action publique et nous étouffe, ce que nous voyons bien au niveau des collectivités territoriales.

Il me semble que nous devrions aller plus loin. Sur le principe, je comprends parfaitement la situation des gens sur le terrain.

Regardons de plus près les indemnisations : d'après un calcul rapide, si l'on divise les 1,6 million d'euros du montant global des indemnisations par les 5 000 victimes, cela représente un certain coût par bête, et j'imagine que les éleveurs ne sont pas seuls à être indemnisés.

Il n'y a pas de loups en Seine-Maritime. En revanche, il y a eu une prolifération des renards et des sangliers. Les renards viennent maintenant dans les banlieues des villes pour fouiller les poubelles, et à un moment, il y a eu des problèmes de rage, avec des risques de contamination aux humains. Lorsque j'étais agriculteur, j'ai pu constater l'apparition de sangliers sur mon terrain, pourtant situé à vingt ou trente kilomètres de la forêt. Le chevreuil, la biche prolifèrent, avec les conséquences que cela engendre. Dans la forêt de Brotonne, le préfet a dû organiser l'abattage de cerfs, atteints de tuberculose, pour éviter qu'ils ne contaminent le cheptel bovin. Dans ce contexte, une réflexion globale s'impose. Sur le principe, j'estime normal de traiter ce problème des loups. La départementalisation de la décision, fût-elle annuelle, permettrait certainement une prise en compte plus réaliste de la problématique. Je me demande toutefois si nous ne devrions pas élargir notre réflexion à la nécessité de trouver un bon équilibre entre la préservation de la faune et le maintien et le développement des activités humaines, comme le préconisait notre collègue Odette Herviaux. Il y a eu une période où l'on a voulu tout abattre et une autre où l'on a résolument écarté cette possibilité. Il faut remettre le balancier au milieu. Les bergers qui trouvent leurs moutons égorgés au petit matin sont confrontés à des conséquences, économiques d'abord, mais pas uniquement ; cela relève presque de l'ordre du sentimental.

Dans ce contexte, l'idéal serait que le groupe qui a déposé le texte le retire momentanément, et que nous nous saisissions d'une réflexion plus large, qui traite du phénomène dans sa globalité et prenne en compte les particularités de chaque région, au lieu d'aborder le problème partiellement.

Mme Évelyne DidierJe ne reviendrai pas sur un certain nombre de choses qui ont déjà été dites. Il faut éviter les caricatures : qu'elles soient dans un sens ou dans l'autre, elles ne nous aideront pas à avancer. Effectivement, il y a aujourd'hui des mesures qui permettent de prélever des loups lorsque toutes les autres solutions ont été épuisées. Les mesures existantes sont-elles appliquées correctement ? Souvent, nous avons tendance à vouloir rajouter des mesures, lorsqu'au fond, par manque de moyens, celles qui existent déjà sont mal appliquées. Posons-nous d'abord la question de savoir ce qui existe aujourd'hui, dans quelle mesure cela est bien appliqué, et allons au bout de toutes les possibilités.

Ensuite, on ne peut bien entendu être indifférent à la question du pastoralisme. Annie David, de mon groupe, et en tant qu'élue de la montagne, m'a demandé de bien veiller à avoir une position équilibrée à ce sujet. Nous ne pouvons pas non plus ignorer qu'il y a des règles européennes qui nous demandent de protéger les espèces en difficulté. Le loup est un prédateur, le prédateur suprême est l'homme. Avons-nous véritablement conscience de ce qui fait l'équilibre d'un écosystème ? Je suis persuadée que nous manquons de connaissance scientifique sur le sujet. Nous savons parfaitement que lorsqu'un prédateur devient trop important, cela déséquilibre tout. Cependant, lorsqu'il disparaît, cela crée un autre problème d'équilibre dans l'écosystème. J'invite à ce que nous allions plus en profondeur dans ces questions, de façon à avoir une information la plus exhaustive possible.

J'ai des interrogations à propos du principe du zonage proposé dans cette loi. Cela a-t-il un sens de faire de petites aires de protection ? La loi renvoie à un décret pour les modalités d'application. Là encore, nous risquons de voir échapper le dispositif du Parlement. Je me suis toujours opposée aux décrets et aux ordonnances qui ne permettent pas aux parlementaires de se saisir des sujets.

Enfin, il y a ce nouveau plan loups qui arrive. Il me semble intéressant de faire un bilan du plan précédent, pour gagner en efficacité dans le cadre du prochain. Des doutes ont été émis. Les chiffres donnés, sur le nombre d'attaques par exemple, sont contestés. Il faut mettre fin à ce phénomène pour que le débat puisse avoir lien dans les meilleures conditions. Je ne vous cache pas que notre groupe est assez opposé à ce texte a priori. Nous verrons en séance.

M. Ronan Dantec. - Cette proposition de loi pose un certain nombre de difficultés, sur le fond et sur la forme. Sur le fond, à travers la question du retour du loup en France, qui démontre par ailleurs la capacité de résilience de la nature, est abordée la manière dont nous allons imaginer et concevoir les enjeux de la biodiversité sur le territoire français pour les vingt ou trente prochaines années. C'est un enjeu qui dépasse le cadre national, y compris lorsque nous parlons du territoire français. Aujourd'hui nous avons une forte dynamique de négociation internationale sur la biodiversité. Certains parlementaires étaient en Inde avec Delphine Batho il y a quelques semaines. Les représentants des pays occidentaux sont toujours assez forts pour être porteurs d'un discours généreux sur la nécessité de protéger les éléphants, les lions, les rhinocéros, dans des pays où il y a encore de la faune sauvage. Mais, arrivés chez eux, ils sont les premiers à dire que tout cela est extrêmement compliqué à mettre en oeuvre, chez nous. La réponse que l'on va donner sur le loup sera aussi analysée dans les négociations internationales. Elle reflète la manière dont on porte le discours sur la biodiversité ; c'est donc un sujet extrêmement important sur le fond.

Ensuite, au niveau national, il faut mettre en perspective le débat avec les peurs ancestrales du loup, ou les rapports aux petits carnivores. Du temps où j'étais élu de la ville de Nantes, nous avions fait des études sur le renard urbain, et nous avions constaté qu'il y avait encore des peurs ancestrales, y compris du renard. Certaines personnes imaginaient presque que le renard pouvait attaquer l'homme. Je rappelle que le succès de la lutte contre la rage en France, dans les années 1970, a été lié à l'arrêt des tirs sur les renards. C'était la destruction des renards qui augmentait les aires des renards restants et accélérait la diffusion de la rage. L'arrêt des tirs et l'instauration de zones de vaccination ont permis de lutter contre sa progression. Il est important de le souligner, même sur un plan un peu symbolique. Nous avons été efficaces dans ce domaine à partir du moment où nous avons respecté un peu plus les écosystèmes.

Par exemple, si l'on s'en tient aux attaques portées à la responsabilité du loup, le loup français mangerait deux fois plus de brebis que le loup suisse ! Cela veut dire que nous sommes assez peu efficaces, ou que la brebis française est plus goûteuse. Cela montre qu'ailleurs en Europe, certains pays ont une habitude plus grande de la gestion du loup.

Derrière cette question, nous sommes dans le pré-débat de la loi sur la biodiversité que Delphine Batho nous a annoncée comme une priorité de son mandat. Il ne s'agit pas d'être caricatural en disant qu'il doit y avoir des loups partout sans régulation. Plusieurs interventions ont insisté sur le terme « équilibre ». Je crois effectivement que ce terme doit faire partie du débat. J'entends des choses intéressantes de la part du rapporteur, lorsqu'il explique qu'il y a des zones de haute montagne où l'on arrive à trouver des solutions de cohabitation. Il s'agit d'avoir une analyse fine, sur le fond, étayée de rapports scientifiques. Cela me permet d'être un peu sévère sur la méthode employée par les auteurs de cette proposition de loi. Au vu de la complexité scientifique du dossier, y compris de ses enjeux sociaux, économiques, culturels, on ne peut pas passer par une proposition de loi alors que l'État a mis en place un groupe de travail sérieux, qui va rendre son rapport dans quelques semaines. Certains pourraient arriver à la conclusion qu'il s'agit d'une proposition de loi de posture. Je ne l'imagine pas un instant pour ma part, mais déposer une proposition de loi quelques jours avant la conclusion du rapport, ressemble un peu à de l'affichage. Je crois aujourd'hui qu'il faut attendre les conclusions de ce groupe de travail.

Sans vouloir préjuger de celles-ci, nous voyons déjà un certain nombre d'éléments se dessiner : il y a des mesures qui ne sont pas appliquées, et il faut se donner les moyens de les appliquer. Il doit y avoir une recherche de consensus entre les éleveurs et les associations de protection de la nature. On ne peut pas parler de biodiversité dans la durée si l'on ne cherche pas à créer des consensus. Une proposition de loi qui n'a pas été mûrie dans ce cadre est totalement inefficace et va faire perdre du temps sur le choix des bonnes mesures. Nous voterons donc contre cette proposition de loi, parce qu'elle ne correspond pas à l'approche de la biodiversité que nous devrions avoir en France.

M. Henri Tandonnet. - Si la discussion de ce texte doit être poursuivie, je pense qu'il est nécessaire de l'intégrer dans le code de l'environnement. Je verrais bien un paragraphe supplémentaire à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et je pense qu'il faudrait faire un amendement en ce sens.

Je voudrais saluer la préoccupation du rapporteur de replacer ce texte dans sa dimension internationale et européenne. La question que nous nous posons tous est celle de savoir si ce texte est utile dans l'état actuel de la législation. Je reste assez réservé sur l'utilité de ce texte. En revanche, il a le mérite de soulever le débat sur la façon dont ces questions sont traitées, qu'il s'agisse du loup aujourd'hui, de l'ours dans les Pyrénées hier, du cormoran chez nous, qui a été bien protégé mais vient pêcher désormais dans les lacs et les pêcheries et décime souvent des récoltes aussi... Nous ressentons bien que l'administration a du mal à entendre les territoires. L'enjeu soulevé est celui d'un équilibre écologique. L'élevage pastoral extensif amène beaucoup de biodiversité. Il y a des territoires où la déprise agricole est le principal problème, avant celui de la réintroduction ou de l'extension du loup. Le pastoralisme a permis de lutter contre la déprise agricole, ce qui est une priorité. Il faut que nous écoutions les territoires. Les problèmes sont trop souvent vus de très haut et la discussion de ce texte au Sénat amènera peut être l'administration centrale à plus de modestie et à prendre en compte véritablement nos territoires. Notre groupe est assez partagé sur la question de savoir s'il faut adopter ou non ce texte, mais nous considérons en tout cas qu'il est utile et que cette discussion aidera peut-être à faire redescendre les décisions à un niveau plus local. On comprend bien qu'il faut une vision nationale, mais il faut une application territoriale.

M. Rémy Pointereau. - Ce texte d'appel souligne un certain nombre de problèmes. Il ne s'agit pas d'un sujet politique, mais, de façon plus large, d'un problème d'équilibre environnemental, économique, social et il n'y a pas d'équilibre sans régulation. Notre collègue Charles Revet a bien résumé la situation et la problématique. Le groupe UMP émettra un avis favorable à ce projet de loi et aux amendements, parce qu'on ne peut pas évoquer l'Europe quand cela arrange certains sur la protection des espèces, et la condamner quand il s'agit d'enjeux économiques. Il faut être cohérent. L'Europe qui impose des réglementations sur les espèces ne tient pas compte des spécificités locales. Dans le Cher, les renards, les sangliers, les chevreuils pullulent. Heureusement, nous avons des plans de chasse pour éviter cette prolifération, mais ceux-ci ne suffisent pas pour réguler la situation. Nous avons fait un travail considérable concernant les renards pour remettre un équilibre au niveau de la faune sauvage et protéger la perdrix, le faisan, le lièvre. Il faut une régulation. Ce texte a le mérite d'instaurer une logique de territoire, donc nous émettrons un avis favorable.

Mme Laurence Rossignol. - Nous avons tous compris quel était l'enjeu auquel tente de répondre cette proposition de loi. Sa démarche est toutefois un peu proclamatoire, parce qu'elle n'est pas techniquement applicable. Renvoyer au décret la mise en place des zones d'exclusion est très compliqué. Cela révèle les difficultés de l'auteur à définir les zones d'exclusion. Je ne suis pas une grande spécialiste de la question, mais j'ai cru comprendre que le loup était un animal assez futé et particulièrement mobile. Les zones d'exclusion ne sont pas comme les zones de protection de la biodiversité en milieu aquatique ou les zones humides. Pour les loups, si l'on désigne des zones, le loup pourra s'adapter et se rendre dans d'autres espaces. Cela ne peut pas fonctionner. Par ailleurs, si rien n'était fait par le Gouvernement, on pourrait éventuellement dire que cette proposition de loi aurait l'intérêt d'attirer l'attention sur le sujet. Mais il y a un groupe « loups » qui se réunit, et un nouveau plan loups doit être proposé et adopté. Cette proposition de loi pèse de manière défavorable sur les travaux de ce groupe, elle crispe le monde associatif. Or, dans ce domaine-là, on ne peut pas y arriver sans consensus. Le monde associatif n'est pas sectaire, insensible ou fondamentaliste dans son approche du sujet. J'ai peur que ce texte ne soit pas un bon message. C'est pour cela que je pense plus raisonnable de voter contre.

M. André Vairetto. - Je voudrais parler d'un territoire qui connaît le loup depuis 1997-1998, et qui n'est pas mû par des craintes ancestrales, mais par ce qu'il vit au quotidien. Il y a aujourd'hui une très forte exaspération des agriculteurs et des élus locaux en Savoie où la présence du loup a des conséquences importantes sur l'élevage, en particulier ovin. Elle implique des durées de pâturage limitées, une perturbation du rythme naturel des brebis, un accroissement des déplacements et des problèmes sanitaires, une productivité des troupeaux en chute... Aujourd'hui un certain nombre de bergers renoncent à exploiter des alpages. Nous parlions tout à l'heure de biodiversité. Or, l'une des conditions du maintien de la biodiversité, ce sont des paysages ouverts. Les collectivités territoriales qui ont fait des travaux et qui ont investi se trouvent aujourd'hui confrontées à l'impossibilité de trouver des bergers. Nous avons dû introduire des patous, des chiens censés protéger les troupeaux contre les loups, sauf qu'ils ne font pas forcément la différence avec les touristes et que nous avons eu quelques soucis avec des agriculteurs qui se retrouvent au tribunal parce que les patous ont mordu les touristes.

Depuis 1997-1998, il y a eu multiplication des dispositifs de protection sur les sites : recours à des aides-bergers, regroupement des troupeaux, tirs d'effarouchement, utilisation des chiens-patous, et plus récemment la mise en oeuvre d'un protocole interministériel d'intervention dérogatoire au statut d'espèce protégé, avec autorisation de tirs de défense, qui à ce jour concernait huit éleveurs savoyards. Cela n'a pas fait diminuer significativement le nombre d'attaques. Pour vous donner un chiffre, au 1er octobre 2012, il y a eu 118 constats d'attaque en Savoie, très localisés sur trois territoires, notamment d'alpages. Je m'inscris en faux contre ce que disait le rapporteur à ce sujet et j'en suis désolé, les territoires alpins sont complètement concernés par la problématique. Chacun s'accorde à dire aujourd'hui que le loup n'est plus une espèce menacée, et il y a un consensus sur la nécessité d' « exclure » le loup de certains territoires. Le pastoralisme n'est plus compatible avec la présence du loup. Nous sommes à un moment très important en Savoie, parce que si nous ne prenons pas des mesures plus fortes, la filière ovine va se trouver en grande difficulté. Je n'ignore pas dans quelles conditions intervient le dépôt de ce texte, avec la réunion du comité « loups », et le plan qui doit être annoncé. Je voterai néanmoins pour la proposition de loi.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Je vais essayer de répondre brièvement à toutes les questions qui ont été soulevées. Sur le calendrier, et sur le fait que la discussion va intervenir le 30 janvier, soit quelques jours avant les conclusions de la commission loups le 5 février, je rappellerai que cette proposition de loi a été déposée il y a longtemps. Nous ne sommes pas à l'initiative de ce mauvais timing, même si d'aucuns peuvent penser qu'il aurait été plus opportun d'avoir les conclusions de la commission loups avant d'examiner cette proposition de loi. Je crois cependant que ce texte est un message clair pour tous ceux qui attendent une réaction de la part des élus, la difficulté sur le terrain étant indéniable. Comme j'ai pu le dire aux représentants des ministères de l'agriculture et de l'écologie, le texte va permettre un débat. Si le Sénat adopte cette proposition de loi, elle a vocation à être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, soit à l'initiative du Gouvernement, soit à l'initiative de notre groupe parlementaire. Entre-temps, nous aurons eu les conclusions de la commission loups, dont nous pourrons nourrir le débat dans le cadre de la navette. Nous jugerons sur pièces si ses conclusions vont dans le bon sens ou s'il faut au contraire poursuivre avec cette proposition de loi, voire l'améliorer dans un sens peut-être plus coercitif. J'assume donc cette difficulté de calendrier. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un obstacle rédhibitoire : commençons à débattre dès le 30 janvier de ce sujet important, sur lequel nous sommes très attendus.

Sur la question de la légalité du texte : cet argument me semble être le plus sérieux, ou tout au moins le plus problématique. Il faut bien évidemment respecter les conventions internationales et la directive « Habitats, faune, flore ». Je crois que ce texte s'inscrit pleinement dans les obligations qui nous sont faites. Il réaffirme le principe de protection de l'espèce, dans les mêmes termes que la directive européenne. Des zones d'exclusion seront définies au niveau départemental, qui permettront d'abattre des loups sans dépasser un certain quota. Il est hors de question de remettre en cause, sur ledit territoire, l'existence du loup. Par ailleurs, ces zones ne pourront être instaurées que dans l'hypothèse où tous les autres moyens d'éradiquer le loup ou de l'éloigner, puisque ce sont plutôt des mesures d'éloignement qui sont pratiquées, se seront avérés inefficaces.

Chaque arrêté préfectoral délimitera donc une zone d'exclusion, après avoir vérifié que les moyens existant pour éloigner le loup ont été mis en oeuvre et ont été inefficaces. IL déterminera également, en fonction du nombre de loups présents sur le territoire, le plafond d'abattage nécessaire pour réguler la présence du loup et répondre aux attaques nuisibles pour l'élevage. Si l'arrêté contrevient aux dispositions internationales, ou tout simplement au code de l'environnement, il pourra être attaqué devant le tribunal administratif.

Le système actuel est très différent : le dispositif est pensé à Paris, dans les ministères, avec la définition, au niveau national, d'un nombre de loups à prélever, soit onze spécimens en 2012. De nombreuses questions sont sans réponse : où les prélève-t-on ? Après quelle analyse sur le terrain ? Avec quels moyens ? On sait en effet que les méthodes de prélèvement ne sont pas efficaces, puisque deux loups seulement ont été abattus sur les onze prélèvements officiels autorisés l'an dernier. On peut donc s'accorder à dire, et les ministères le reconnaissent aujourd'hui, que ces prélèvements ne sont pas efficaces.

Sur la question de l'équilibre entre activités économiques et préservation de la biodiversité, je ne suis pas certain que nous soyons aujourd'hui dans un système équilibré. Quand on voit les chiffres que j'ai évoqués, et quand on voit que les ministères de l'agriculture et de l'écologie s'emparent de la difficulté dans le cadre du plan loups, c'est bien que l'équilibre n'est pas atteint. Il faut trouver un nouveau moyen de permettre cet équilibre. Je pense que c'est en territorialisant la problématique et son traitement qu'on pourra être plus efficaces dans cet équilibre dont l'ambition doit toujours être au coeur de nos préoccupations.

La codification pourra faire l'objet d'un amendement, en intégrant le dispositif au code de l'environnement, par exemple après l'article L. 411-2.

Concernant le renvoi à un décret d'application, je ne pense pas qu'on puisse définir dans la loi les modalités de mise en oeuvre de ces prélèvements supplémentaires par les départements. Cela ne relève pas de loi. Cela relève d'un décret d'application qui renverra aux autorités préfectorales le soin de définir la zone, les moyens qui doivent être mis en place avant de parvenir au prélèvement, et in fine, le nombre de loups prélevés en fonction des statistiques données sur les territoires. L'arrêté préfectoral fixera localement un point d'équilibre entre l'agro-pastoralisme, qui doit être une priorité sur nos territoires, et la préservation du loup. J'aimerais rappeler que lorsque le loup s'est réimplanté et qu'il a commencé à proliférer, on avait estimé que si la population atteignait cent-cinquante loups, la survie de l'espèce serait garantie. Or, nous sommes aujourd'hui à deux-cent-cinquante loups, et ce chiffre ne cesse de croître. Je crois donc qu'il faut être pragmatique, et c'est le cas de ce texte.

Article unique

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Mon premier amendement porte sur le dispositif de la proposition de loi. Dans des zones dites de protection renforcée contre le loup, leur abattage sera autorisé chaque année par arrêté préfectoral, indépendamment du prélèvement existant aujourd'hui au niveau national. Dans chaque zone sera fixé un plafond spécifique d'abattage. L'amendement précise, dans les termes de la directive européenne de 1992, que les zones de protection renforcée ne peuvent nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, de la population de loups sur le territoire. Cet amendement vise essentiellement à territorialiser, au niveau du département, le traitement de la cohabitation entre le loup et l'agro-pastoralisme. Un décret en Conseil d'État devra en préciser les modalités d'application.

M. Michel Teston. - Nous sommes sensibles à la modification apportée par le rapporteur, qui a substitué la notion de « zones de protection renforcée contre le loup » à celle de « zones d'exclusion ». Ce dernier terme laissait penser qu'on pourrait abattre systématiquement et totalement les loups présents sur un territoire donné.

Ceci étant, cela ne remet pas fondamentalement en cause l'analyse que nous faisons de l'utilité de ce texte. C'est la raison pour laquelle nous n'allons pas prendre part au vote sur ces amendements, de manière à ce que le texte ne soit pas forcément bloqué. Nous voterons cependant contre la proposition de loi, et nous en débattrons en séance la semaine prochaine, comme le souhaitent le rapporteur et l'auteur du texte.

M. Vincent Capo-Canellas. - Le groupe UDI-UC votera les amendements, parce que nous considérons qu'ils améliorent le texte. Pour autant, nous nous abstiendrons sur le vote de la proposition de loi. Nous sommes amenés à naviguer entre trois bornes : la protection de la biodiversité, la nécessité d'agir sur les territoires où le loup est un sujet auquel nous devons répondre, enfin, le contexte réglementaire très contraint. Je voudrais saluer les travaux du rapporteur, qui sur un sujet hautement difficile, a essayé d'éclairer au mieux la commission et l'a fait avec talent. Deux interrogations demeurent cependant : le rapporteur soulignait à l'instant le besoin d'assurer la réalisation des tirs de prélèvement. Cela nécessite-t-il vraiment de changer la loi ? Ne pourrait-on pas trouver d'autres modalités d'action ? Par ailleurs, et comme l'a justement dit Laurence Rossignol, les loups étant une espèce se déplaçant beaucoup, je m'interroge sur l'efficacité de ces zones de protection renforcée.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Je vous invite à venir sur nos montagnes, vous verrez qu'il est tout à fait possible de délimiter des zones d'estive, et de définir année après année les secteurs sur lesquels il faut organiser une protection renforcée contre les loups, ce qui n'empêchera pas ces animaux de trouver d'autres aires de vie. Si l'année suivante, on déplace l'estive et qu'il devient nécessaire de délimiter une nouvelle zone, l'arrêté préfectoral permettra de le faire. C'est un outil très souple.

L'amendement n° 1 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - L'amendement n° 2 porte sur l'intitulé même du texte, afin de remplacer l'expression « zones d'exclusion pour les loups » par les termes « zones de protection renforcée contre le loup ».

L'amendement n° 2 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Groupe de travail sur la réforme du code minier - Désignation des membres

La commission a décidé de reporter la désignation des membres du groupe de travail sur la réforme du code minier.

Désignation d'un rapporteur pour avis

La commission décide de se saisir pour avis, en nouvelle lecture, de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes. M. Michel Teston est désigné rapporteur pour avis.

Présence médicale sur l'ensemble du territoire - Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire.

M. Raymond Vall, président. - Nous vous avons entendue déjà deux fois sur le thème de l'aménagement du territoire, Madame la ministre. Aujourd'hui, nous souhaitons vous entendre sur un sujet plus précis, celui de la présence médicale sur notre territoire. Ce sujet de préoccupation majeur des élus a donné lieu à la création d'un groupe de travail, dont Jean Luc Fichet est le président et Hervé Maurey le rapporteur, qui devrait rendre ses conclusions début février.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. - La présence médicale est un aspect majeur de l'égalité entre les territoires et donc du mandat qui m'a été confié par le président de la République et le Premier ministre.

L'accès aux soins n'est plus seulement une question de distance mais aussi de disponibilité, tant les délais d'attente d'un rendez-vous sont parfois longs, aussi bien dans nos campagnes que dans nos quartiers urbains défavorisés. Nous travaillons à inverser cette situation en étroite relation avec Marisol Touraine, dont le pacte territoire-santé récemment annoncé apporte des réponses ambitieuses. J'ai, pour ma part, identifié trois leviers d'action complémentaires des mesures engagées par ma collègue.

Le premier de ces leviers est l'amélioration, dans les territoires, de l'offre de soins de premiers recours - médecins généralistes, kinésithérapeutes, dentistes, infirmiers - ainsi que de premier secours, dans laquelle les hôpitaux de proximité ont un rôle déterminant à jouer. Réduire le temps d'accès à ces derniers est une question vitale et le président de la République a pris l'engagement qu'en 2015, nul ne se trouverait à plus de 30 minutes d'un service d'urgence.

Mais la mobilité ne doit pas être une contrainte. Pourquoi les patients devraient-ils être les seuls à se déplacer ? Je salue à cet égard l'initiative de Michel Vergnier, héros de la réouverture du service de radiothérapie de Guéret, victime des ayatollahs du chiffre mais pour lequel un compromis a pu été trouvé : ce sont désormais des spécialistes de Limoges qui se déplacent plusieurs fois par semaine.

La télémédecine peut aussi constituer un puissant facteur de rapprochement des services de santé et des patients de différents territoires, comme l'illustre le système de consultations à distance de l'hôpital de Beauvais. Le développement de ces technologies ne se fera qu'en renforçant le rôle et la présence de la médecine de proximité, ainsi que par l'intégration de ces besoins dans le plan très haut débit du gouvernement et dans les schémas territoriaux d'aménagement numérique.

Le second levier d'action est le renforcement et le rééquilibrage de la densité médicale sur le territoire. Entre les différents bassins de vie, la densité de médecins généralistes peut varier de 1 à 5. Les inégalités sont tout d'abord criantes entre les régions - la présence médicale étant la plus faible dans le Centre et en Picardie et la plus forte en PACA ou en région parisienne. Mais ces écarts ne doivent pas masquer les disparités qui existent à l'intérieur des régions, par exemple entre l'ouest et l'est de l'Ile de France. Des dynamiques inquiétantes sont également à l'oeuvre dans certaines régions, en apparence épargnées telles que le Limousin, de nombreux médecins libéraux étant proches de la retraite. Sans un engagement des pouvoirs publics, des territoires entiers risquent ainsi de se retrouver sans médecin au moment où le vieillissement de la population ne fait qu'accroître les besoins.

Notre action consiste tout d'abord à inscrire l'accès aux services médicaux dans une politique globale d'accès aux services au publics car la corrélation est très forte entre la présence de services de proximité - commerces, équipements, services publics - et le maintien d'une offre de soins de qualité. L'action que je mène pour renforcer l'accessibilité des services au public, notamment à travers la mutualisation, devrait ainsi améliorer, à la fois, la qualité de vie des habitants et celle des professionnels de santé présents sur le territoire.

Pour mieux identifier les difficultés, j'ai également demandé à la DATAR de lancer en 2013, en relation avec le ministère de la santé, une étude permettant d'identifier les zones où la densité médicale est fragile. Ses résultats seront présentés à l'ensemble des acteurs de terrain afin de définir les réponses les plus adaptées. Une attention particulière sera portée par exemple aux zones de montagne soumises à de fortes contraintes.

Troisième levier, enfin : l'adaptation des pratiques médicales des généralistes aux besoins et au suivi des patients. Depuis 2011, la DATAR mène un programme de soutien à la création de maisons de santé pluridisciplinaires. Fin 2012, 189 projets ont été financés et ce nombre pourrait atteindre 250 en 2013. Je sais qu'en qualité d'élus locaux, vous êtes aussi nombreux à avoir initié la création de telles maisons. Relais d'une politique coordonnée de présence médicale, ces structures sont aussi garantes d'une plus grande proximité et d'une meilleure fluidité entre les différentes professions. Les médecins sont eux-mêmes favorables à la création de ces lieux de regroupement qui rompent avec une pratique isolée de la médecine au profit de collaborations multiples au service des patients. Le pacte annoncé par Marisol Touraine valorise ces pratiques en prévoyant une rémunération forfaitaire des équipes de soins en contrepartie de services répondant à des objectifs de politique publique ou de la prise d'engagements relatifs aux patients.

Renforcement de l'offre de soins de proximité, développement d'une politique intégrée de services à la population, renouveau des modalités d'exercice d'une médecine de proximité au service des patients, tels sont les trois axes de mon action, qui complète celle de Marisol Touraine, avec pour ambition un égal accès à la santé sur les territoires et le droit pour chacun de se soigner.

M. Jean-Luc Fichet. - La problématique de l'offre de soins relève au moins autant de la commission en charge de l'aménagement du territoire que de celle des affaires sociales qui nous a pourtant reproché de nous y intéresser. C'est ce constat qui nous a conduits à créer le groupe de travail qui a procédé à plus de cinquante auditions depuis le mois de juin.

Madame la ministre, vous évoquez la télémédecine mais n'oublions pas que, bien souvent, le milieu rural - qui représente les deux tiers des communes - n'aura accès au très haut débit que dans plusieurs années. Les dernières connections sont prévues pour 2030, alors que les élus attendent des réponses dès aujourd'hui ! Vous en avez rappelé plusieurs, telles que les maisons de santé et les pôles de santé, le maintien des hôpitaux de proximité, qui vont dans le bon sens, au même titre que le pacte territoire-santé. Ce dernier n'est pas lui même sans rappeler le « bouclier rural » qui devait garantir à la population la présence de différents services.

La présidente des centres de santé auditionnée dans le cadre du groupe de travail nous indiquait que, même dans le secteur de Nanterre-Rueil-Malmaison-Suresnes, il existait des disparités importantes d'offres de soins, sauf pour les pharmaciens soumis à des règles d'installation contraignantes. Les mesures incitatives atteignant très vite leurs limites, ne pensez-vous pas que l'on pourrait davantage s'inspirer, pour les médecins, de ce type de règles contraignantes, qui existent aussi pour les infirmiers ou les kinésithérapeutes ? Il faut en effet aller plus loin que les douze engagements annoncés par la ministre de la santé. Pourrait-on en outre savoir comment vous travaillez ensemble et quels financements pourraient être mis en place pour mener des actions efficaces et rapides ?

M. Hervé Maurey. - François Hollande a rappelé dimanche dernier qu'il était attaché à l'égalité des territoires ; preuve en est la création du ministère dont vous avez la charge. Or, en matière médicale, les inégalités sont criantes : dix-huit mois pour consulter un spécialiste dans certains territoires au lieu de quelques jours à Paris ! Certaines des propositions du gouvernement sont intéressantes mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Pourquoi Marisol Touraine refuse-t-elle a priori toute mesure de contrainte au motif - assez extraordinaire - que ce ne serait pas juste pour les médecins ? Pour vous, Madame la ministre de l'égalité des territoires, que faut-il préférer : être « juste » avec les médecins ou bien assurer plus d'égalité dans l'accès aux soins ?

M. Rémy Pointereau. - Avec la Picardie, la région Centre est effectivement celle où la densité de médecins est la plus faible, certains départements comme le Cher comptant moins d'un médecin pour mille habitants. L'accès aux soins doit être une priorité car il en va de la survie de nos territoires ainsi que de la vie et de la mort des populations. La proposition du président de la République sur les trente minutes me semble être, pour ces raisons, une évidence.

Madame la ministre, êtes-vous en phase avec votre collègue Marisol Touraine ? L'ARS souhaite fermer le centre d'urgence de Saint-Amand, ce qui obligerait les habitants du sud du département à se rendre à l'hôpital de Bourges situé à plus d'une heure de transport. Nous avons obtenu un moratoire d'un an, mais, concrètement, quelle est votre autorité sur l'ARS pour maintenir ce centre ? Comment ne plus laisser libre cours à ces fameux ayatollahs du chiffre ?

Mme Évelyne Didier. - Cela me fait plaisir de vous l'entendre dire.

M. Rémy Pointereau. - Cela vous surprend ? Vous ne m'avez jamais entendu dire que la culture du chiffre devait primer sur la santé.

Mme Évelyne Didier. - Vous personnellement peut-être pas mais...

M. Rémy Pointereau. - Enfin, Madame la ministre, vous évoquez la télémédecine alors que, par exemple, l'essentiel de mon département est encore bien loin du très haut débit. La priorité me semble donc devoir être donnée aux soins.

M. Jean-Jacques Filleul. - Nous sommes tous attachés à la continuité républicaine mais force est de constater que l'héritage est lourd, en particulier dans la région Centre. Nous avons dû nous battre pendant des années contre les ayatollahs qui sévissaient encore il y a peu pour éviter la fermeture de la maternité et du plateau technique de l'hôpital d'Amboise. De quels moyens dispose-t-on dans une région comme la nôtre où, à côté de zones rurales, les zones périurbaines rencontrent elles aussi des problèmes spécifiques ? La densité de la circulation ne permet pas de se rendre aux urgences en trente minutes et les médecins font défaut le soir après 20 heures comme le week-end. Pour y remédier, j'avais proposé la création de relais de proximité d'urgence jugés, hélas, insuffisamment intéressants par les médecins libéraux. Je crois pourtant à ces structures légères - un médecin et une infirmière - ouvertes le samedi et le dimanche. Sinon, que feront nos concitoyens ? Ils continueront d'encombrer les urgences de l'hôpital avec des bobos, entraînant ainsi des dysfonctionnements dans les services. Comment allez-vous travailler, avec nous et avec le corps médical - extrêmement conservateur - dans une région aussi diverse ?

Mme Évelyne Didier. - Je voudrais tout d'abord présenter mes excuses à mon collègue pour l'avoir interrompu.

M. Rémy Pointereau. - Faute avouée est à moitié pardonnée.

Mme Évelyne Didier. - La difficulté est que nous devons assurer un égal accès aux urgences tout en prenant en compte la disparité des territoires, ce qui appelle des réponses nécessairement différenciées.

Je partage la vision de Marisol Touraine qui considère que le problème de la présence médicale concerne non seulement les hôpitaux et les médecins mais aussi les pharmacies et les professions paramédicales. Une question demeure toutefois : comment votre action va-t-elle s'articuler concrètement avec celle du ministère de la santé ?

Mme Cécile Duflot, ministre. - Traditionnellement, dans notre pays, chaque administration fonctionne en silo, suivant uniquement sa logique propre. C'est ainsi que le critère, en apparence objectif, du chiffre a abouti à meurtrir certains territoires perdant au même moment leur maternité, leur centre des impôts et un régiment militaire. Il faut que désormais, les questions de santé soient prises en compte dans le cadre d'une véritable politique publique globale d'égalité entre les territoires.

S'agissant de la prise de mesures coercitives, vous ne serez pas étonnés que ma position soit celle du gouvernement car, quand bien même je pourrais avoir une autre opinion, il ne serait pas aujourd'hui utile d'en faire état. Il nous faudra pousser l'analyse plus loin et réfléchir en termes d'écosystème médical territorial car on sait par exemple que l'absence du médecin peut avoir des conséquences sur le maintien d'une pharmacie.

Laissons aux mesures prises par Marisol Touraine le temps de produire leurs effets tandis que, comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques semaines devant la Haute assemblée, nous travaillons parallèlement à une loi sur l'égalité des territoires dont un des objectifs sera d'inscrire la question de la présence médicale et celle des services publics dans une logique globale allant au-delà du cloisonnement vertical. C'est d'autant plus nécessaire que l'installation d'un médecin peut, à son tour, être favorisée par la présence des autres services publics, dont l'école, et de commerces.

Autre sujet lié, le très haut débit : si toute la télémédecine ne fait pas appel à cette technologie, la nécessité pour certains territoires d'avoir recours à la télémédecine devra être prise en compte dans la définition des secteurs à équiper prioritairement de ce type de réseaux.

Comme le Président de la République, je plaide vigoureusement pour des politiques transversales de réparation des territoires meurtris et pour des politiques de dynamisation qui ne soient plus simplement conçues de façon cloisonnée, service public par service public, entreprise par entreprise ou même niveau de territoire par niveau de territoire. Nous pourrions ainsi envisager une contractualisation territoriale pour l'ensemble des services au public dont les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer avec l'association des départements de France (ADF). Cela se traduirait par une plus grande proximité des équipes d'intervention qui ne seraient pas localisées dans la même ville que le centre d'urgence. Dans la même logique que celle qui préside à l'identification des territoires fragiles par la DATAR, notre réflexion doit faire preuve d'anticipation. Les évolutions de la démographie médicale pourraient en effet affecter durement des territoires qui ne semblent actuellement pas menacés.

Plus concrètement, nous poursuivrons le financement des maisons de services publics et des maisons de santé dans le cadre des contrats de projets Etat-région (CPER) ; 20 millions d'euros y seront consacrés en 2013 dans le cadre d'un programme piloté par la DATAR. Des financements européens seront également mobilisés au profit des maisons de santé.

Il nous faut par ailleurs mutualiser les bonnes expériences. C'est dans cette perspective que j'ai évoqué l'idée d'un commissariat général à l'égalité des territoires chargé de diffuser les initiatives prises avec succès dans certains territoires, accompagnées de leurs « boites à outils ». Ce serait une façon de réinventer le rôle de l'État.

Monsieur Filleul, selon les types de territoires, des réponses particulières doivent effectivement être apportées. Le travail en commun de plusieurs professionnels de santé est extrêmement utile, en particulier dans les zones médicalement désertées. En outre, un effort doit être fait pour mieux anticiper les gardes de façon à les rendre moins pesantes pour le médecin concerné.

Faisons le pari que cette méthode de maillage territorial et de vision transversale des services publics, qui n'a encore jamais été mise en oeuvre, produira les effets escomptés. Il sera toujours temps d'évaluer son impact d'ici à deux ans et d'en changer si les choses ne s'améliorent pas.

M. Hervé Maurey. - On se donne deux ans ?

Mme Cécile Duflot, ministre. - J'estime, à titre personnel, que l'inversion de la logique actuelle, traditionnelle, ainsi que le maillage des services publics peuvent apporter des réponses peut-être plus rapidement qu'attendu dans la mesure où elles n'ont encore jamais été mises en oeuvre.

M. Pierre Camani. - La présence médicale est un enjeu d'aménagement du territoire, qui ne se décrète pas mais qui s'organise. Ainsi dans le Lot-et-Garonne, un dispositif concerté a été mis en place sous l'égide du conseil général, qui associe les services de l'État, l'ARS et les acteurs de santé, dont l'ordre des médecins. La commission dite de la démographie médicale définit, au sein du territoire, différentes aires de santé et ne finance que les projets de maisons de santé élaborés par les professionnels concernés. Nous offrons ainsi un cadre cohérent dans lequel les acteurs publics sont invités à participer à des initiatives concertées plutôt qu'à financer des projets concurrents.

Envisagez-vous de faire des propositions sur ces sujets dans le texte sur l'égalité des territoires ?

M. Philippe Esnol. - Je ne suis pas du tout favorable à une sévérité accrue à l'égard des médecins. Nous devons assumer un héritage très lourd car, alors même que la situation était prévisible depuis de nombreuses années, peu a été fait au cours de la décennie écoulée. S'en prendre aux généralistes qui souffrent et dont le malaise est palpable depuis longtemps n'est pas une bonne solution.

Pour les pharmaciens, malgré la réglementation un problème de garde demeure. Même dans un secteur urbanisé, les personnes âgées sont souvent incapables de se rendre à la pharmacie de garde. Dans une zone très démographiquement dense comme le nord des Yvelines, il faut parfois plus d'une heure pour se rendre à l'hôpital, comme ceux de Poissy ou de Pontoise pourtant situés à quelques kilomètres. Les passionnés du chiffre nous ont fermé une maternité et l'ARS refuse aujourd'hui la construction d'une clinique de soins de suite pourtant financée par le secteur privé et installée dans une commune qui compte quatre Ehpad. Madame la ministre, des inégalités existent aussi en zone urbaine, auxquelles viennent, dans notre cas, s'ajouter une très forte concentration de demandeurs d'hébergements d'urgence et d'asile politique puisque nous accueillons un centre du 115 et un centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA). Une même commune ne peut pas accueillir toute la misère du monde !

M. Charles Revet. - L'existence de trois services d'urgence est souvent une source de perte de temps et donc d'efficacité. Envisagez-vous d'agir en faveur d'un regroupement de ces services ?

Ne pourrait-on pas accorder une plus grande place à la médecine libérale dans la formation des médecins, car l'expérience montre que certains peuvent y prendre goût ? Quant aux maisons de santé, si elles permettent de répondre au souhait des jeunes médecins de travailler en groupe, reste à savoir qui les finance. L'enveloppe de 20 millions d'euros que vous annoncez sera-t-elle destinée à ces structures et, le cas échéant, selon quels critères ?

M. Philippe Darniche. - Votre vision globale de l'égalité des territoires est intéressante mais les mesures proposées me semblent insuffisantes. Alors qu'avec sa croissance démographique et sa situation économique la Vendée pourrait être une terre propice à l'installation des médecins, tel n'est pourtant plus le cas, essentiellement du fait des choix des jeunes médecins à l'issue de leurs études. Comment influencer ces choix ? La solution proposée, il y a quelques années, d'une contractualisation en cours d'étude n'a pas donné les résultats escomptés. Je n'ai pas de solution miracle mais peut-être pourrait-on revaloriser les gardes ce qui éviterait de surcroît que la « bobologie » soit prise en charge par les urgences des hôpitaux. Comment amener les spécialistes à ne pas s'installer seulement en ville ? Là aussi des mesures incitatives plus importantes que celles que vous prévoyez seront nécessaires.

M. Michel Teston. - Autrefois la majorité des médecins était opposée au statut de salarié. Aujourd'hui c'est l'inverse. Mais tous ne peuvent pas être rattachés à une structure hospitalière, faute de postes. Quelles pistes envisagez-vous ?

M. Jacques Cornano. - Madame la ministre, je souhaiterais avoir l'occasion de m'entretenir avec vous, comme je l'ai fait avec Mme Touraine, pour vous sensibiliser à la problématique de la couverture sanitaire en Guadeloupe, et notamment à Marie-Galante, car cette question doit s'inscrire dans un projet global de santé soucieux d'équité territoriale et de justice sociale.

La Guadeloupe est le seul département composé de six îles : Basse-Terre, la Grande-Terre, les Saintes avec Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, la Désirade et Marie-Galante. Même les Bretons n'ont pas idée des problèmes rencontrés ! Avec la communauté de communes de Marie-Galante nous avions lancé une réflexion sur l'avenir de l'hôpital de Marie-Galante, il y a dix-neuf ans. Nous proposions le rattachement de celui-ci au CHU de Pointe-à-Pitre pour mutualiser les moyens, avec la signature d'une convention de partenariat ou la rotation d'équipes de spécialistes. Or l'inverse s'est produit. L'hélicoptère qui assure les rotations est souvent en panne. C'est pourquoi je souhaite la tenue d'une réunion de travail consacrée à l'étude de la situation d'archipel de la Guadeloupe, conformément au souhait du Président de la République.

Mme Odette Herviaux. - Je comprends les préoccupations de mon collègue. Les Bretons ont le même souci, avec Belle-Ile-en-Mer notamment.

Mme Cécile Duflot, ministre. - Comme vous l'a indiqué Marisol Touraine, à propos des centres de santé avec personnel salarié, une mission de l'IGAS et de l'IGF est en cours. Le pacte territoire-santé prévoit que deux cents praticiens de médecine générale verront leur revenu garanti pendant deux ans.

Monsieur Esnol, depuis vingt ans les inégalités entre régions se sont réduites mais les inégalités infra-régionales se sont accrues. L'installation d'une plateforme téléphonique dans une commune ne signifie pas que les lieux d'accueil y sont implantés. Il s'agit de deux entités différentes. En outre il existe en milieu urbain dense des déserts médicaux, avec parfois moins d'un médecin pour des milliers d'habitants, qui présentent les mêmes difficultés que les déserts médicaux en milieu rural.

Monsieur Revet, vous m'avez interrogée sur les numéros d'urgence. La question de l'articulation entre ces numéros pourra être évoquée avec l'association des départements de France. Sur les parcours de formation, parmi les éléments indiqués par Mme Touraine, figure l'obligation pour les médecins en formation d'effectuer un stage en médecine générale pendant leur scolarité.

L'insularité appelle une réflexion sur les services publics, notamment de santé. Il en va de même pour tous les territoires isolés ou enclavés, comme les zones de montagne. La Guadeloupe a effectivement un statut particulier, tout comme les îles du Ponant. Nous étudierons, Monsieur Cornano, la possibilité d'une rencontre prochaine.

Monsieur Darniche, il n'y a pas de corrélation entre l'accroissement du niveau de vie et celle de l'offre de soins. Beaucoup de paramètres interviennent dans le choix des localisations ; c'est pourquoi il est important de travailler sur la couverture territoriale des services publics. Concernant la féminisation, les hommes jeunes souhaitent aussi avoir une vie de famille et s'occuper de leurs enfants. La mère de famille nombreuse que je suis peut en témoigner...

Enfin les maisons de santé doivent, pour obtenir un financement, définir un projet de santé et répondre à un cahier des charges précis. Dans le cadre de notre réflexion avec Marisol Touraine, qui concernera aussi les financements en matière d'aménagement du territoire, nous veillerons à articuler les deux dimensions, en associant l'ensemble des acteurs à la définition des projets - ARS, préfets, professionnels de santé -, gage de succès dans la durée. Ces structures ne doivent pas se faire concurrence. Nous veillerons à ce que les appels à projets répondent à une vision territoriale partagée des implantations de services publics.

M. Raymond Vall, président. - Il m'a fallu six ans pour faire aboutir mon projet de maison de santé. Un vrai parcours du combattant ! Il est bien difficile pour un maire, un conseiller général voire un sénateur de s'attaquer à la question du vide médical.

La loi Hôpital-Patient-Santé-Territoire (HPST) comportait pourtant dans son intitulé le mot « territoire ». Aussi il est inconcevable que le cahier des charges n'associe pas les deux problématiques. Si un maillage du territoire était défini, par exemple par la DATAR ou le commissariat général à l'égalité des territoires, les élus locaux pourraient s'en prévaloir pour obtenir un label de l'ARS ou pour obtenir un financement.

Pour les territoires ruraux il faut mettre en oeuvre tous les leviers. Je n'ai pas voté la loi HPST. La ministre nous avait alors assuré que les hôpitaux ruraux seraient préservés : il n'en a rien été. On a sacrifié de nombreux lits de soins de suite, de rééducation et de médecine. La notion de « maillage territorial » » a été vidée de son sens. La tarification à l'activité (T2A) a provoqué le départ des patients dans les CHU. Or le lien avec les familles est primordial. Comment les recevoir ? Les maisons de santé comme les hôpitaux locaux, devenus des Ehpad, ne peuvent faire face. Dans le cas que j'évoquais, la maison de santé a été construite dans l'enceinte de l'hôpital, afin de mutualiser les ressources, le médecin de garde pouvant s'appuyer sur les infirmières ou la pharmacie de l'hôpital.

Enfin il est indispensable que le raccordement au haut-débit soit une priorité, dans la mesure où les projets correspondent au maillage et respectent le cahier des charges commun aux deux ministères. Il faut y consacrer des financements spécifiques. Certes les locaux de télémédecine sont raccordés à l'ADSL. Mais est-ce suffisant si le sort d'un patient cardiaque est suspendu à l'envoi de son électrocardiogramme au CHU ? Commençons par un maillage de premier niveau, avant d'en étendre les ramifications. Il appartient à votre ministère de le définir. Réussissons la deuxième génération de maisons de santé, car il existe une volonté d'aboutir.

M. Charles Revet. - Madame la ministre pourriez-vous nous apporter des indications sur votre politique en matière d'urbanisme ?

Mme Cécile Duflot, ministre. - Je vous répondrai en présentant le calendrier législatif de mon ministère. Deux projets de loi sont en préparation. Une loi-cadre sur l'urbanisme et le logement tout d'abord. La concertation a commencé ; elle concernera les règles d'urbanisme, clarifiera l'articulation entre les différents schémas d'urbanisme et d'aménagement du territoire tandis que la question des PLU sera sans doute insérée dans le texte sur la décentralisation. Plusieurs lois seront actualisées à cette occasion : la loi de 1989 sur les rapports entre propriétaires et locataires, afin d'avancer dans le sens d'un encadrement des loyers ; la loi de 1970, dite loi Hoguet, sur les professionnels de l'immobilier, pour renforcer notamment les exigences en terme de formation et de qualification, souhait partagé par les professionnels eux-mêmes car la concurrence a abouti ces dernières années à une dégradation de la qualité des prestations ; ou encore la loi de 1965 sur les copropriétés qui a beaucoup vieilli et contient des règles de vote archaïques, sources de blocages. Je suis heureux de la collaboration entre mes services et ceux de la ministre de la justice sur ce dernier point. Ce texte très riche sera transmis au Conseil d'État au mois d'avril et devrait être examiné en Conseil des ministres au mois de juin, puis soumis au Parlement à l'été ou en automne.

Le second projet de loi concerne le très haut débit. Il aura pour objet les services publics, leur mutualisation et une nouvelle articulation territoriale. Il pourrait devenir un des titres de la loi sur la décentralisation, tant le sujet de l'égalité des territoires nourrit de fortes attentes sur tous les bancs, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, tandis que le calendrier législatif est très chargé. Les élus ruraux, mais pas seulement, sont attachés à cette réflexion. Ainsi toutes les questions d'urbanisme, d'égalité des territoires et de logement seront traitées dans leur ensemble avant la fin de l'année.

Grenelle de l'environnement - Examen du rapport d'information

La commission procède ensuite à l'examen, en commun avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, du rapport d'information de Mme Laurence Rossignol et de M. Louis Nègre sur l'application de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Grenelle I) et de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II).

M. Raymond Vall, président. - Je me réjouis de cette première réunion commune entre nos deux commissions.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Messieurs les Présidents, mes chers collègues, les lois du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010 dites lois Grenelle I et II sont l'aboutissement et la retranscription législative du « Grenelle de l'environnement » lancé à l'été 2007. Le Grenelle, qui a été, à l'époque, un véritable succès médiatique, a surtout marqué l'émergence d'une forme nouvelle de gouvernance associant les parties prenantes à l'élaboration de la politique environnementale. Je n'hésite pas à le dire : c'était une véritable révolution culturelle ! Cette méthode fut par la suite appelée gouvernance à cinq, car elle associait des représentants de l'État, des syndicats de salariés, d'employeurs, des élus locaux et des associations environnementales.

La commission de l'application des lois nous a confié l'examen de la mise en application des lois Grenelle I et II, mais se pencher sur ces lois dans leur ensemble nous a paru, avec Laurence Rossignol, constituer un angle d'attaque bien trop vaste. Ce travail a par ailleurs déjà été en partie réalisé dans d'autres instances. Nous avons donc fait le choix de nous pencher sur un thème dont la mise en oeuvre a probablement été moins étudiée à ce jour que les mesures concernant les transports, les énergies renouvelables ou le bâtiment : il s'agit de la gouvernance.

Pour cela, nous avons réalisé une série d'auditions, comprenant des parlementaires, des représentants d'associations impliquées dans la défense de l'environnement, ou encore des membres du Conseil économique, social et environnemental. Nous nous sommes ainsi efforcés d'entendre l'ensemble des parties prenantes de la gouvernance au sens du Grenelle, qui, pour certaines, avaient pris part au processus dès 2007.

Avant de nous pencher sur une évaluation de l'impact des nouvelles méthodes de gouvernance à proprement parler, nous avons jugé utile de revenir sur la définition de la gouvernance telle qu'elle a été entendue lors du Grenelle et sur le bilan réglementaire de l'application des lois Grenelle I et II.

La méthode du Grenelle organisé à l'été 2007 est inédite par le mode de gouvernance qu'elle a institué, réunissant les membres de cinq collèges représentant l'ensemble des parties prenantes à la politique de l'environnement ; c'est la fameuse gouvernance à 5. L'objectif de cette concertation ouverte a été de rechercher des positions consensuelles. Il faut déplorer cependant que le Parlement n'ait été que tardivement associé à cette démarche.

Six groupes de travail avaient été mis en place, je vous le rappelle, chaque groupe étant composé de quarante membres, à part égale des cinq collèges. Ces groupes ont réalisé un important travail de diagnostic, et remis leurs propositions fin septembre 2007. A suivi une phase de consultations, le tout aboutissant à un total de 265 engagements.

Parmi ceux-ci, le titre VI de la loi Grenelle II est entièrement consacré à la gouvernance écologique, avec plusieurs mesures majeures : l'obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés de présenter un bilan social et environnemental dans leur rapport annuel ; la réforme des études d'impact ; la réduction du nombre d'enquêtes publiques existant, leur nombre passant de 180 à 2 ; l'association du public à l'élaboration des réglementations nationales majeures sur l'environnement ; l'élargissement de la concertation aux syndicats et aux acteurs économiques, avec la possibilité, pour les préfets, de créer des instances locales de concertation sur le modèle des cinq collèges du Grenelle ; enfin, la création des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Sur le plan purement quantitatif et réglementaire, le bilan de l'application de ces mesures au 1er janvier 2013 est positif. Le titre VI de la loi Grenelle II nécessitait 32 mesures d'application. Début janvier 2013, deux mesures seulement restaient en attente de publication. Le taux d'application de ce titre s'établit donc à 93 %.

Les décrets n'ont pas toujours été pris dans les délais impartis au départ, mais ils ont été publiés dans un délai raisonnable, permettant ainsi la mise en oeuvre du texte.

Dans la deuxième partie de notre rapport, nous avons tenté d'évaluer l'impact de la mise en application de trois sujets plus en détail : la gouvernance à cinq, la participation du public à l'élaboration des décisions environnementales, enfin la mise en place de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Comme vous l'avez indiqué, M. le président, c'est un rapport à deux voix, je laisse donc la parole à notre collègue Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Merci cher collègue. Je tiens à saluer la forte présence des membres de la commission du développement durable ce soir, ainsi que les membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois.

La deuxième partie de notre travail a en effet consisté à mettre en évidence les apports et les limites des lois Grenelle I et II sur ces trois sujets.

Sur la gouvernance à cinq, les dispositions des lois Grenelle I et II concernent essentiellement l'intégration des acteurs environnementaux dans les instances de décision environnementale. Cela s'est traduit par la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le CESE a intégré trente-trois nouveaux membres, représentant des ONG ainsi que des personnalités qualifiées au titre de la protection de l'environnement. Le Grenelle a entraîné la réforme, sur le même modèle, des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Je tiens d'ailleurs à ce propos à saluer la qualité du travail du CESE, qui produit de nombreux rapports dans les domaines sur lesquels nous travaillons, et à souligner que nous aurions aimé pouvoir étudier plus en détail la conversion des conseils économiques et sociaux régionaux en conseils économiques, sociaux et environnementaux. L'appropriation de ces nouvelles aptitudes me paraît être liée à un autre sujet que nous avons abordé au cours de ce rapport, à savoir le hiatus existant entre la forte représentativité des acteurs associatifs nationaux et la difficulté à trouver des acteurs locaux représentatifs. Ces acteurs sont en effet souvent très spécialisés dans un des champs de la protection de l'environnement. Il y a peu d'acteurs environnementaux locaux capables de porter la dimension généraliste des questions environnementales, ce qui peut constituer un frein à la prise en charge par les CESER de ces sujets.

Autre point positif en matière de gouvernance à cinq : la création du Conseil National du Développement Durable et du Grenelle de l'Environnement, qui a permis de pérenniser la logique consultative et participative du Grenelle. Ce comité était en charge d'assurer le suivi de la mise en oeuvre opérationnelle des engagements du Grenelle. L'existence de ce type de structures en gouvernance à cinq apparaît effectivement nécessaire pour assurer, à la fois, l'information du public et la recherche d'un consensus entre l'ensemble des parties prenantes. L'intégration des parties prenantes aux différentes instances de concertation est donc désormais la règle et il faut certainement s'en féliciter.

Néanmoins, la participation des parties prenantes à l'élaboration des décisions concernant l'environnement pose la question de la représentativité des acteurs conviés à la concertation. Cette absence de représentativité locale, que j'évoquais à l'instant, peut conduire à des débats infructueux, voire à la possibilité pour des acteurs très minoritaires de paralyser le processus de décision.

L'article 249 de la loi Grenelle II a prévu que les associations environnementales pouvant être désignées pour prendre part à un débat dans les instances consultatives existantes devront remplir certains critères de représentativité. Ceux-ci ont été définis par décret du 12 juillet 2011. Premièrement, l'association doit comporter un certain nombre de membres, en fonction du ressort géographique de son activité : au niveau national, il faut à une association agréée deux mille cotisants répartis dans au moins six régions, et à une fondation cinq mille donateurs tout en exerçant son activité dans au moins la moitié des régions, pour prétendre participer aux travaux des instances de concertation. Deuxième critère, l'association doit justifier d'une expérience reconnue dans le domaine de la protection de l'environnement. Enfin, elle doit disposer de statuts et de financements qui ne limitent pas son indépendance.

La parution du décret a suscité de vives critiques. Les seuils quantitatifs définis excluent en effet bon nombre d'associations, et notamment des associations d'experts ayant joué un rôle de lanceur d'alertes environnementales, comme par exemple Générations futures, ou encore le Réseau environnement santé. Selon eux, la légitimité d'une association ne se mesure pas uniquement par son nombre de membres mais par sa présence dans le débat public. Le décret favoriserait l'absorption des petites associations par quelques grands acteurs et menacerait la diversité du monde associatif. Il a aussi été avancé que la notion de représentativité retenue est trop imprécise, et laisse une trop grande marge d'appréciation à l'autorité administrative. A l'inverse, d'autres ont salué cette réforme de l'agrément qui doit permettre de valoriser les associations ou fédérations qui oeuvrent réellement pour l'environnement et d'écarter les associations constituées uniquement dans des buts politiques ou financiers, ou visant seulement à paralyser les travaux de concertation. Vous l'aurez compris, les petites associations se sont plaintes, les grosses associations ont approuvé le décret, c'est là un exercice assez fréquent...

La conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers a été l'occasion de revenir sur cette problématique de la représentativité des acteurs environnementaux. Un groupe de travail va être constitué sur le sujet, et ses conclusions devront être remises au Gouvernement au printemps 2013, dans l'optique d'une mise en oeuvre en septembre 2013.

Je me permets ici une incise : vous pourriez vous étonner que nous ayons été aussi longs à vous présenter ce rapport pour lequel nous avons été désignés il y a un an. Le changement de Gouvernement a entrainé une période de latence. Nous avons tout de suite compris que certaines choses allaient changer. Nous avons donc préféré attendre de voir quelles étaient les pistes ouvertes par le nouveau Gouvernement, afin de ne pas faire un rapport invalidé immédiatement par des annonces gouvernementales.

A l'issue de notre travail sur ce rapport, nous sommes convaincus de la nécessité de remise en plat de la représentativité, que le Gouvernement engage avec ce groupe de travail. Le système actuel n'est pas satisfaisant, en particulier au niveau local. Les politiques environnementales touchent une multitude de sujets, ce qui rend parfois difficile de trouver des experts généralistes. La spécialisation des experts ou des associations ne pose pas de problème au niveau national. En revanche, au niveau des territoires, il est parfois compliqué de trouver des intervenants représentatifs. Il conviendra donc de suivre avec attention les travaux du groupe de travail lancé par la conférence environnementale.

Deuxième point sur lequel nous avons choisi d'axer nos travaux : la question de la participation du public à l'élaboration des décisions en matière d'environnement et de développement durable.

La participation du public est un principe défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement dans le préambule de la Constitution. L'article 244 de la loi Grenelle II met en oeuvre ce principe, et organise la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics quand ces décisions ont une influence directe et significative sur l'environnement. Ce dispositif a été codifié à l'article L. 120-1 du code de l'environnement.

J'ai eu l'occasion d'être rapporteure sur le récent projet de loi visant à remettre à plat cette mesure. L'article L. 120-1 du code de l'environnement a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel. Le champ d'application de l'article, actuellement limité aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est désormais étendu à l'ensemble de leurs décisions autres qu'individuelles. Une procédure permettant de recueillir directement les observations du public devra être suivie en toutes circonstances, avec la publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues. À titre expérimental, une plateforme informatique permettra de rendre publiques et accessibles par tous, les observations déposées par les contributeurs sur certains projets de décrets ou arrêtés.

Cet aménagement du dispositif initialement créé par la loi Grenelle II doit permettre sa pleine et entière mise en application, dans le respect des exigences constitutionnelles.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Troisième et dernier point sur lequel nous avons choisi de porter notre attention dans le cadre de ce rapport : la RSE. Le sujet nous a semblé constituer un cas d'école en matière de contrôle de l'application de la loi. Le décret d'application a bien été publié, mais il est revenu tant sur l'esprit que sur la lettre de la loi.

La loi Nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 imposait aux quelques 700 entreprises françaises cotées sur le marché de rendre compte, dans leur rapport annuel, de leur gestion sociale et environnementale au travers de leur activité. L'article 225 de la loi Grenelle II, conformément aux préconisations retenues lors du Grenelle, a étendu ce dispositif de reporting selon deux axes. Premier axe : le champ d'application du dispositif a été élargi aux sociétés non cotées dont le total de bilan ou de chiffre d'affaires et le nombre de salariés dépassent des seuils fixés par décret. Deuxième axe : le champ des informations sociales et environnementales devant figurer dans le rapport de gestion a été étendu.

La fixation des seuils de déclenchement du dispositif a donc été renvoyée à un décret d'application. Lors des travaux du Grenelle, un consensus avait été trouvé pour rendre obligatoire le rapport RSE à toutes les entreprises de plus de 500 salariés dont le total de bilan était supérieur à 43 millions d'euros. Le décret d'application n'a été publié que le 24 avril 2012, avec un retard certain. Dans l'intervalle, sous l'influence des groupes de pression, un certain nombre de reculs par rapport au texte initial ont été opérés.

Les seuils de déclenchement du dispositif ont finalement été fixés, non pas à 43 millions, mais à 100 millions d'euros pour le total du bilan, et à 500 pour le nombre de salariés employés. Le décret prévoit par ailleurs une distinction entre les obligations des sociétés cotées et celles des sociétés non cotées, distinction qui n'était pas présente dans le texte législatif. Le décret d'application sur la RSE constitue donc un recul par rapport au texte initial. Le seuil choisi en matière de total de bilan est deux fois plus élevé que ce que le Grenelle préconisait. Il est en outre intervenu de manière très tardive. De nombreuses associations ont déploré le choix retenu de distinguer entre sociétés cotées et non cotées. De l'avis des personnes que nous avons pu entendre en auditions, l'adoption de ce décret a malheureusement été marquée par un abandon des pratiques de gouvernance à cinq et un retour à une logique de lobbying et de relations bilatérales.

La feuille de route pour la conférence environnementale comporte plusieurs mesures concernant la RSE et le reporting extra-financier, notamment la création d'une plateforme d'actions globale sur la RSE. La conférence environnementale a également été l'occasion d'acter la suppression du critère tiré de la cotation ou non des entreprises, critère non pertinent au regard des objectifs de la loi. Plusieurs organisations syndicales et associatives avaient dénoncé la création de cette double liste. Le Conseil d'État s'était également prononcé défavorablement sur ce point, estimant que la double liste créerait une rupture d'égalité devant la loi. La distinction entre sociétés cotées et non cotées devrait, il nous semble, être remplacée par un critère plus pertinent lié à la taille des entreprises.

Cette mesure est une sorte de cas d'école en matière de déformation des objectifs de la loi par le pouvoir réglementaire. Les travaux à venir sur le sujet devront donc être suivis avec la plus grande attention.

Partant de cet exemple symptomatique du risque de dérive par rapport au texte législatif et aux accords passés, je conclurai mon intervention par une constatation et une proposition.

Je constate que le Sénat, en créant la commission pour le contrôle de l'application des lois, a fait à l'évidence oeuvre utile. Au-delà du vote de la loi, il s'est donné les moyens d'accomplir une de ses missions principales dans une démocratie moderne, qui est de contrôler sa mise en application. Dans le cadre de la Constitution de la Vème République, cette mission lui permet d'opérer un rééquilibrage par rapport à l'exécutif, sans que ce dernier ne soit pour autant nullement empêché d'agir.

La proposition maintenant : compte tenu de ce que nous avons pu constater, et de la nécessité pour le Parlement et notamment le Sénat, de veiller à ce que les décrets d'application élaborés par l'administration soient conformes tant au texte de la loi qu'à son esprit, je propose que les rapporteurs des projets de loi assurent de manière paritaire, au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, le suivi de l'écriture des décrets d'application par l'administration centrale.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Mon cher collègue, votre proposition ne nous amènerait-elle pas à devoir faire une distinction plus nette entre le contrôle et le conseil ?

Pour en revenir à nos travaux, en conclusion, nous nous sommes penchés sur la transition entre la méthode Grenelle et la conférence environnementale. La conférence environnementale a été organisée les 14 et 15 septembre derniers, sous le pilotage du ministère de l'écologie, dans le but de définir les voies et moyens de la mutation vers un nouveau modèle de développement durable.

Tout comme lors du Grenelle, et afin d'assurer un dialogue environnemental de qualité, la conférence a associé les acteurs de la société civile : associations environnementales, syndicats, entreprises, représentants des élus locaux, et parlementaires. C'est une des nouveautés de cette gouvernance : on parle désormais de gouvernance à 5+1.

Cinq tables rondes étaient organisées, sur l'énergie, la biodiversité, les risques pour la santé, le financement de la transition écologique et la gouvernance. La conférence environnementale doit à l'avenir être un exercice annuel, afin de garantir l'information et la participation des parties prenantes, ainsi que l'évaluation continue de l'avancée des mesures prises.

La conférence n'a pas suscité la même attention médiatique que celle du Grenelle. Il est difficile de déterminer si c'est là le signe d'un moindre intérêt pour les problématiques environnementales, ou bien le fait que ce type de manifestations se soit banalisé et soit désormais considéré comme la norme en termes de gouvernance.

Sur les critiques soulevées quant à la nouvelle méthode retenue pour la conférence environnementale, il faut certainement y voir, pour une large part, l'impact de la crise économique et financière. Les sujets environnementaux se sont vus replacer à l'arrière-plan, derrière les problèmes d'emploi et de désindustrialisation. La conférence environnementale a sans doute aussi payé le prix de certaines désillusions causées par le Grenelle. Le dialogue environnemental doit pourtant pouvoir permettre, à l'avenir, un échange entre les différentes parties prenantes, afin de créer un effet d'entraînement dans la société en vue de la transition écologique.

L'évaluation de la méthode et le suivi des mesures engagées seront, comme nous l'avons fait pour les lois Grenelle, elles aussi à mesurer et à analyser au cours des prochaines conférences environnementales. Nos commissions devront donc rester vigilantes. Je soulignerai enfin que le Gouvernement, en annonçant un rendez-vous annuel, s'est mis lui-même dans une logique de contrôle permanent de ses propres engagements et de ses propres réalisations. La conférence de l'année devra servir à évaluer ce qui s'est fait depuis le rendez-vous précédent. Nous contrôlerons donc le contrôle...

M. David Assouline, président. - Nous avons eu ce débat sur le rôle des rapporteurs lors de l'audition en décembre dernier du Secrétaire général du Gouvernement et du ministre des Relations avec le Parlement. Il a cependant fait ressortir la question de la séparation constitutionnelle des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, qui limite la marge d'intervention des rapporteurs dans leur souci de mieux contrôler l'application des lois.

En effet, le pouvoir législatif n'est pas le scribe de l'exécutif. Si le contrôle est légitime, il n'appartient pas aux parlementaires de porter la plume. Délimiter notre périmètre d'intervention s'avère donc complexe. J'ouvre le débat sur cette question, en même temps bien sûr que sur le rapport qui vient de vous être soumis.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Je ne me pose pas en spécialiste du droit constitutionnel, mais chacun sait que la Constitution de la Vème République de 1958 a séparé deux domaines : celui réservé à la loi et celui attribué au règlement. Il ne s'agit pas, dans mon esprit, d'écrire l'ensemble des dispositions de la mesure d'application, mais de permettre à notre niveau un suivi de l'écriture des textes par l'administration, qui serait assuré par les rapporteurs des deux assemblées, les mieux à même de connaître l'intention exacte du législateur. Comme vous le voyez, ce serait une démarche paritaire. Il convient de faire en sorte que ce qui a été voulu par le Parlement soit exactement transcrit dans les normes. En effet, les administrations centrales ne sont pas à l'abri des dérives, j'ai moi-même connu de tels écarts par rapport au texte initial.

Mme Odette Herviaux. - Je souhaite revenir sur le rôle du contrôle sous l'angle de l'historique du Grenelle de l'environnement. Au moment du Grenelle I on a constaté un engouement médiatique ainsi qu'une certaine ferveur dans les négociations. L'écart entre les espoirs suscités par la loi d'origine et son résultat effectif me laisse perplexe sur la portée de notre contrôle. En l'espèce on ne s'intéresse qu'aux mesures d'application par rapport aux textes initiaux. Beaucoup de ces mesures n'ont été que des « mesurettes »... Si celles-ci devaient être comparées aux espoirs alors exprimés, le consensus serait moins net.

S'agissant de la désaffection du public pour les sujets environnementaux, une des causes réside peut-être dans le nombre de textes adoptés sur le sujet. Il y a une sorte de « saturation du grenelle » : grenelle de la mer, grenelle de ci, de çà...

Pour ce qui concerne le contrôle des textes d'application, force est de constater que les seules indications concernant l'avancement de leur publication, fournies par les ministères, ne nous permettent pas d'évaluer la conformité de ces textes à l'intention du législateur. De surcroît, ce ne sont pas tant les décrets qui constituent la source majeure des problèmes d'application, mais plutôt les circulaires, comme je l'ai maintes fois vérifié, par exemple en matière d'urbanisme ou de Participation Voiries et Réseaux (PVR).

M. Charles Revet. - Trois éléments  doivent être pris en compte dans le cadre du contrôle de l'application des lois :

- Les décrets ont-ils bien été publiés ? (certaines lois ne sont jamais appliquées en l'absence des décrets adéquats) ;

- Les décrets publiés sont-ils bien conformes à l'esprit et à la lettre de la loi ?

- Quelles sont les modalités d'application des décrets eux-mêmes ?

Je souscris totalement à ce que vient de dire Mme Herviaux, je tiens à rappeler que la circulaire n'a pas de valeur normative autonome. Elle doit respecter la loi et les décrets. Ce point me paraît extrêmement important car nous votons les lois, mais manifestement il y a des lois qui ne sont pas appliquées et d'autres qui le sont d'une manière très différente de l'esprit dans lequel elles ont été adoptées. Nous devons rester vigilants, quel que soit le Gouvernement en place.

M. David Assouline, président. - Nous sommes au coeur du sujet ! Nous avons ce débat depuis la création de notre commission. À ce titre, l'audition du Secrétaire général du Gouvernement a été particulièrement instructrice et formatrice. Nous avons découvert le processus complexe de l'application des lois, d'une certaine façon, sa face cachée.

Je veux souligner que nous ne sommes pas en charge de l'écriture des décrets. Mais nous devons contrôler ce processus. Si une mesure d'application n'est pas prise, nous devons en connaître les raisons. Il y a la question de la circulaire qui respecte ou pas l'esprit de la loi, mais il y a aussi la question des moyens, qui conditionnent l'application des textes. On peut adopter un texte sans se donner les moyens de l'appliquer !

L'exécutif est désormais plus attentif à la nécessité de publier les décrets dans les délais prescrits. Le travail engagé sous le précédent Gouvernement a été prolongé et approfondi par l'actuel, comme nous l'a expliqué le nouveau ministre des Relations avec le Parlement lors de son audition en décembre dernier. Le processus d'application des lois est devenu une lourde machine, à laquelle l'administration consacre des moyens gigantesques !

En comparaison, nous avons peu de moyens de contrôle et nous restons tributaires des informations que l'administration veut bien nous communiquer. D'une certaine façon, nous sommes tenus de lui faire confiance. Mais cela n'ôte pas sa pertinence à notre contrôle, même si nous ne disposons pas des moyens que peut avoir un sénateur américain, par exemple.

J'avais émis l'idée que les rapporteurs des textes de lois soient associés à l'élaboration des mesures d'application, mais on m'a opposé que ce n'était pas possible en raison de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. Nous sommes donc cantonnés à un contrôle a posteriori, même si cela peut paraître parfois un peu tard. Le débat est ouvert, et concerne toutes les commissions. Il faut que les citoyens voient les effets concrets des textes que nous votons, il y va du crédit du Parlement.

M. Charles Revet. - Sans participer à l'écriture des décrets, on pourrait imaginer une phase de relecture par le Parlement avant leur publication, afin de contrôler qu'ils respectent bien l'esprit de la loi, car quelle que soit la majorité en place, ça n'est pas toujours le cas !

M. David Assouline, président. - Votre remarque est pertinente. Cependant, M. Patrick Ollier nous avait expliqué qu'un décret fait déjà l'objet de treize visas avant sa publication : faut-il rajouter un visa supplémentaire à ce processus que j'ose qualifier de kafkaïen ?

M. Ronan Dantec. - Je suis d'accord avec Charles Revet. Si on veut renforcer le rôle du Parlement, cette question du contrôle avant publication mérite d'être approfondie.

Concernant le Grenelle, il y a eu un certain nombre d'avancées qui subsistent ; je pense par exemple à la qualité du bâti ou à la réorientation vers le rail d'un certain nombre de budgets.

Par ailleurs, il y eu une « méthode Grenelle ». Il y avait au départ une offre politique des associations qui a été reprise par les politiques. Il y avait une part d'utopie qui consistait, sur les grandes questions environnementales, à mettre tous les acteurs autour de la table pour résoudre les problèmes. Sur un certain nombre de sujets il a été possible de faire émerger un consensus et d'envisager une réorientation des politiques publiques. Mais sur d'autres sujets, l'utopie s'est fracassée sur l'impossibilité de dégager un consensus, car ces questions relèvent d'une prise de décision du politique, et elles doivent donc être assumées par le politique.

Ce qui reste de cette méthode, on le voit dans le débat sur la transition énergétique, c'est d'abord la fixation d'un objectif politique avec les Français lors d'une échéance majeure comme l'élection présidentielle, puis le travail commun de tous les acteurs pour atteindre cet objectif de la meilleure manière. C'est, je crois, ce qui se passe avec la conférence environnementale, chaque année.

Je reprends les propos sévères de Louis Nègre sur la RSE : je crois qu'il y a eu là un recul, de la part du précédent gouvernement, qui pose problème. Cela a envoyé un signal très négatif aux entreprises, qui sont un peu sorties du champ du consensus. Et je souhaite que, partant de ce constat partagé, nous trouvions le véhicule législatif qui nous permettra de réintroduire la responsabilité sociale des entreprises, afin de les associer mieux à l'effort de la nation dans ce domaine.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Je souhaite revenir sur la procédure de contrôle. Il y a très longtemps que je milite pour que le Parlement soit plus efficace en matière de contrôle. J'avais fait des propositions en ce sens à la commission des lois, qui n'ont pas été suivies d'effet, alors qu'il s'agit, à mon avis, d'une question majeure.

L'intervention des rapporteurs peut avoir un rôle d'accélérateur, pour que les décrets sortent le plus vite possible. Nous pourrions être beaucoup plus insistants, interroger les ministres sur les retards, être de véritables aiguillons. Or, je pense que nous n'en faisons pas assez. De plus, sans réécrire le décret, nous devons vérifier qu'il est conforme au texte de loi et à son esprit. Dans l'exemple qui vient d'être cité, où on a porté un seuil de 40 millions à 100 millions, la violation est tout de même flagrante ! C'est scandaleux !

Imaginons que cette pratique se généralise et nous serons dans la déliquescence totale, dans l'impossibilité d'appliquer les lois. Cela donnerait un pouvoir colossal à l'administration d'autant que dans beaucoup de cas, je ne suis pas sûr que le ministre sache très bien ce que l'administration propose de son côté. Cela entraînerait la disparition du politique, c'est inadmissible. Je plaide très sincèrement pour qu'à un stade donné, nous puissions contrôler le contenu des textes d'application.

M. Philippe Esnol. - Je souhaite faire deux observations. Tout d'abord, je suis d'accord avec le Président Assouline sur les limites à notre capacité réelle de contrôler les choses. Sans malice, je rappellerai que 80 % des textes de loi sont d'origine gouvernementale. Ceux qui les écrivent sont les mêmes que ceux qui les appliquent, ce qui nous en rend le contrôle d'autant plus difficile.

Pour en revenir au sujet environnemental, je souscris au constat de la désaffection des citoyens. Je pense que la crise économique et d'autres sujets ont éloigné l'attention des citoyens de ces problèmes. Mais je crois aussi que l'échec répété des multiples sommets environnementaux a aussi un impact. Nos concitoyens se disent qu'en matière de préservation de l'environnement, nous sommes aujourd'hui en avance sur les grands pollueurs que sont la Chine et les États-Unis. Et par conséquent, comme les élus locaux, ils comprennent mal qu'on impose des contraintes dans un domaine qui leur parait moins prioritaire. Je crois qu'un des moyens de remotiver nos concitoyens à cette problématique serait de mettre en avant le potentiel de création d'emplois dans des métiers liés à l'environnement.

M. Jean-Claude Lenoir. - Odette Herviaux a tout à fait raison quand elle dit que ce ne sont pas tant les décrets que les circulaires qui posent problème. Dans le domaine de l'urbanisme, j'ai connu deux cas : l'un concernant les règles de constructibilité limitée et l'application de la loi SRU, et l'autre, dans le secteur de l'urbanisme commercial. Dans les deux cas, des circulaires très contestables ont été prises. Or si on peut attaquer un décret en justice, c'est beaucoup plus difficile à l'encontre d'une circulaire. In fine, dans ces deux cas, des parlementaires ont dû déposer une proposition de loi pour obtenir la modification de la circulaire.

Il y a une chose dont je veux témoigner, c'est l'appropriation par les acteurs locaux de cette notion de Grenelle de l'environnement. Je suis frappé de voir à quel point les maires, les responsables d'association et d'autres se réfèrent de façon très positive au Grenelle de l'environnement et je tenais à ce que ce soit rapporté ici.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Pour ce qui me concerne, je m'inscris sans réserve dans une logique grenellienne car ce processus a été un souffle et une ouverture démocratique qui font honneur à notre pays.

Pour en revenir à la question de la séparation des pouvoirs, je veux préciser mon point de vue : je ne demande pas de coécrire les décrets, mais un droit de regard sur l'état d'avancement des mesures d'application des lois que nous votons.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Le Grenelle restera à la fois un processus à part et, en même temps, une démarche initiant un renouveau démocratique. Le Grenelle c'est la démocratie participative par les corps intermédiaires. Faire le Grenelle c'est s'engager à aimer les corps intermédiaires durablement...

M. David Assouline, président. - Je constate que la question de l'application des lois intéresse de nombreux sénateurs qui ne sont pas membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois. Il faut compenser notre manque de moyens par une plus grande coopération de la part de l'exécutif. Aussi, vais-je envisager une initiative permettant que l'ensemble des sénateurs soient associés, ainsi que des représentants de l'administration du SGG et du Gouvernement, à une réflexion permettant qu'on nous laisse l'espace nécessaire pour exercer notre contrôle.

M. Raymond Vall, président. - Je veux redire que je suis très heureux de ces travaux communs et je rejoins pleinement les conclusions du président Assouline.

À l'issue de la réunion, la publication du rapport a été autorisée à l'unanimité.