Mercredi 17 octobre 2018

- Présidence de M. Gérard Dériot, vice-président -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Gérard Dériot, président. - Nous examinons le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Je tiens à remercier notre collègue Laurence Cohen, ainsi que les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), des travaux accomplis pour l'élaboration de ce texte, dont je suis particulièrement fière de vous présenter aujourd'hui le rapport.

Cette proposition de loi porte sur les conditions de calcul et d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), dont nous traitons habituellement en loi de finances. Cette allocation a été instaurée par la loi du 30 juin 1975, l'une des grandes lois fondatrices des politiques publiques du handicap. Elle prévoit qu'une personne, en situation d'incapacité permanente ou de restriction durable et substantielle d'accès à l'emploi consécutive à un handicap, se voit attribuer un revenu de remplacement minimal au titre de la solidarité nationale.

Notre proposition de loi supprime la prise en compte des revenus du conjoint dans la détermination du montant d'AAH versé aux bénéficiaires. Au cours de mes travaux, j'ai constaté que la mesure proposée par le texte suscitait des analyses très différentes, selon que les acteurs auditionnés étaient associatifs ou institutionnels. J'ai recueilli avec intérêt le raisonnement déployé par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Je tiens à vous en restituer la teneur, ne serait-ce que pour faire oeuvre de pédagogie, autour de ce sujet complexe où se lisent différentes strates de notre histoire sociale. L'AAH, première prestation sociale spécifiquement conçue pour les personnes handicapées, a été pensée dans un temps où la politique publique du handicap relevait sans ambiguïté et sans concurrence du champ de la solidarité nationale. Depuis la grande loi du 11 février 2005, une autre logique d'intervention publique auprès des personnes handicapées s'est affirmée : la logique de compensation. Contrairement à la logique de solidarité, la compensation n'a pas pour objet d'assurer à la personne handicapée un revenu de remplacement dans le but de maintenir son niveau au-dessus d'un certain seuil, mais de financer, sans considération de ressources ou de foyer, l'indemnisation du « préjudice moral » que subit la personne handicapée dans ses difficultés quotidiennes. Cette indemnisation est en grande partie assurée par la prestation de compensation du handicap (PCH), attribuée par les conseils départementaux et située en-dehors du champ de la présente proposition de loi.

Le financement de l'accompagnement de la personne handicapée se situe au croisement de ces deux philosophies, solidarité et compensation, ce qui peut parfois en rendre la compréhension malaisée. Individuel et déconnecté du niveau de revenu lorsqu'il s'agit de compenser le besoin en aides humaines et techniques consécutif à un handicap, le financement prend des formes plus solidaristes, proches de la logique des minima sociaux, lorsqu'il s'agit de soutenir financièrement les personnes dont le handicap les tient éloignées de l'emploi. En France, les prestations sociales servies au titre de la solidarité nationale répondent à plusieurs principes. Le premier est la nature différentielle du montant versé. L'AAH perçue par chaque allocataire correspond à la différence entre un « montant plafond » décidé par décret et le niveau des ressources de l'intéressé, prises en compte après un certain nombre d'abattements ; le second est la prise en compte des revenus du foyer. Comme pour le revenu de solidarité active, l'assiette de calcul du montant de l'AAH intègre les revenus du conjoint.

Bien qu'appartenant, par son histoire et par sa forme, à la catégorie des prestations de solidarité, l'AAH présente un certain nombre de caractères distinctifs liés au handicap. À l'heure actuelle, le montant maximal individuel défini par décret s'établit à 819 euros. Ce niveau, bien que nettement inférieur au seuil de pauvreté, n'en est pas moins presque deux fois supérieur au montant maximal individuel du revenu de solidarité active (RSA). La prise en compte des revenus du conjoint fait aussi l'objet d'un régime adapté : dans le cas où le bénéficiaire de l'AAH est en couple, le plafond est multiplié par deux, sans toutefois que le montant attribué ne puisse dépasser 819 euros. Ceci constitue une dérogation notable au droit commun de la solidarité nationale, qui considère que vivre en couple est source d'économies et pratique une dégressivité des plafonds de revenu en fonction de la composition du foyer. Ainsi, un bénéficiaire du RSA en couple ne voit le plafond de son allocation multiplié que par 1,5 et non par 2.

Au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement a annoncé une réforme en profondeur de l'AAH, et notamment des deux spécificités, dont je viens de vous faire part, et qui en font un minimum social particulier. Ces réformes, qui relèvent toutes du domaine réglementaire, seront très prochainement mises en oeuvre par une série de décrets. La première concerne la revalorisation importante du montant maximal individuel de l'AAH : de 819 euros en 2018, ce dernier devrait passer à 860 euros le 1er novembre prochain, puis à 900 euros le 1er novembre 2019. La seconde est moins réjouissante : il s'agit d'abaisser progressivement, pour les bénéficiaires de l'AAH en couple, le coefficient multiplicateur du plafond des revenus de 2 à 1,9 en 2018, puis à 1,8 en 2019. Soyons clairs : par cette mesure, le Gouvernement abaisse le niveau du plafond de ressources en deçà duquel un bénéficiaire de l'AAH en couple serait éligible à l'allocation.

Nous avons interrogé à plusieurs reprises la DGCS sur l'impact de ces deux mesures et nous n'avons, à ce jour, reçu aucune réponse précisément chiffrée. La revalorisation du montant individuel aura un effet favorable sur le niveau de vie des bénéficiaires. En revanche, l'abaissement du plafond de revenus pour un couple ne manquera pas d'exclure du bénéfice de l'AAH les foyers dont les ressources sont comprises entre 1,8 et 2 fois le plafond individuel. Sur les 250 000 bénéficiaires de l'AAH aujourd'hui en couple, on ignore complètement le nombre de ceux que ces nouvelles mesures feront sortir du dispositif. Dans le cas des couples comprenant un bénéficiaire de l'AAH, cette inconnue concerne autant le périmètre des bénéficiaires que le montant qui leur est versé. Il est très regrettable que nous ne disposions d'aucune donnée susceptible de nous éclairer.

Pour le cas des couples comprenant deux bénéficiaires de l'AAH, l'effet de la revalorisation et l'effet de l'abaissement du plafond déboucheront mécaniquement sur une baisse nette du revenu touché par le couple. Un couple de bénéficiaires qui, aujourd'hui, touche deux AAH à taux plein reçoit 1 638 euros, et n'en recevra plus que 1 625 à partir du 1er novembre 2018, lorsque seront appliqués la revalorisation à 860 euros et l'abaissement du coefficient multiplicateur du plafond à 1,9 ; la mesure est très imparfaitement pensée.

Nous voyons bien la direction qu'entend prendre le Gouvernement en matière de minima sociaux. Ces dernières années, de nombreux rapports ont plaidé pour la simplification d'un paysage trop confus - nous partageons ce constat. Mais il ne faudrait pas qu'un accès simplifié aux minima sociaux se traduise par une uniformisation trop rapide des allocations qui concernent des publics différents. Avec l'annonce récente d'un revenu universel d'activité, qui fusionnerait progressivement le RSA et l'AAH, cette uniformisation paraît néanmoins engagée.

J'y suis fermement opposée : les personnes handicapées bénéficiaires de l'AAH ne peuvent pas être considérées comme des attributaires de minima sociaux que je qualifierais d'« ordinaires ». Ce sont souvent des personnes lourdement handicapées, à qui leur état interdit toute forme de recherche active d'emploi ou d'insertion sur le marché du travail, et qui sont contraintes de recourir à la solidarité nationale de manière pérenne. L'esprit de nos politiques publiques de solidarité, qui reposent sur l'idée - par ailleurs discutable - que l'aide financière apportée par l'État durant une période de fragilité doit être subsidiaire et temporaire, ne trouve pas à s'appliquer dans le cas de personnes frappées d'un handicap souvent irréversible.

C'est pourquoi la proposition de loi prévoit de supprimer l'une des conditions d'attribution de l'AAH, à savoir la prise en compte des revenus du conjoint. Deux raisons principales plaident pour l'adoption de cette mesure. La première est liée aux circonstances particulières de la redéfinition de l'allocation par le Gouvernement. L'abaissement du coefficient multiplicateur des ressources en cas de couple pourrait servir de variable d'ajustement budgétaire, et il nous paraît particulièrement contestable d'user de la familialisation d'une prestation comme d'un levier pour orienter son montant à la baisse. La seconde est liée à la nature plus profonde que nous souhaitons attribuer à la politique publique du handicap. Elle ne doit pas être une politique de la charité, mais une politique de la compensation pleinement assumée. Les personnes handicapées vivant dans la précarité doivent faire l'objet d'un accompagnement déterminé sur le seul fondement de leur handicap.

L'attribution de l'AAH doit se faire sans prise en compte d'hypothétiques économies liées à la vie en couple : les besoins d'une personne handicapée sont trop importants et trop spécifiques pour qu'on puisse commodément considérer que son intégration dans un foyer facilite ses conditions de vie au point que la solidarité nationale puisse se permettre de diminuer son intervention.

L'article 2 de la proposition de loi supprime, en conséquence, la mention que fait le code de la sécurité sociale des ressources du conjoint dans l'appréhension de la situation personnelle du bénéficiaire potentiel. L'article 1er fait de même pour la personne handicapée qui travaille en établissement ou dans un service d'aide par le travail (ESAT). Mon amendement de cohérence vise à sécuriser le dispositif du texte et à protéger la majoration du plafond de ressources pour le nombre de personnes à charge du foyer. J'en appelle à votre adhésion à l'esprit et au contenu de ce texte qui, en plus de la simple justice qu'attendent de nous les personnes handicapées précarisées, leur assurera une politique publique plus lisible et plus cohérente.

M. Philippe Mouiller. - Merci de ces explications, très pédagogiques. On distingue effectivement le financement qui relève de la solidarité de celui qui relève de la compensation. Le Gouvernement a engagé une revalorisation importante de l'AAH, la portant à 860 euros puis à 900 euros. Dès lors qu'il s'agit d'une prestation en espèces, le foyer sert de base fiscale. Nous ne pouvons donc pas soutenir vos arguments.

Cependant, vous évoquez des sujets auxquels il est urgent de réfléchir : la définition du périmètre de la PCH, le montant des indemnités et son financement. Cette prestation rentre dans une démarche de compensation - morale, matérielle ou technique - du handicap. L'effort collectif doit évoluer. Selon le PLF pour 2019, le complément de revenu de 179 euros par mois, devrait disparaître au 1er janvier 2019. À court terme, nous devons mener ce combat. Mais je salue votre volonté de faire avancer la cause du handicap.

M. Michel Amiel. - Il est toujours extrêmement difficile de parler de gros sous sur un tel sujet. Je félicite la rapporteure de son approche complète. Nous devons débattre de plusieurs dialectiques : solidarité nationale et solidarité familiale, compensation et solidarité, AAH et PCH, simplification et uniformisation - qui pourrait converger vers un revenu universel d'activité. À titre personnel, je n'ai pas de position tranchée sur la fusion de l'AAH et du revenu universel d'activité.

Dans son esprit, comme dans les chiffres, l'AAH relève de la solidarité. Le Gouvernement, en augmentant son montant à 860 euros en 2018 et 900 euros en 2019, fait un effort de 2 milliards d'euros, et veut aider les personnes handicapées seules, qui sont les plus précaires. En conséquence, nous ne voterons pas en faveur de ce texte.

Mme Michelle Meunier. - Merci de votre travail, et de m'avoir associée à vos auditions. Vous évoquiez 2005 et la volonté annoncée du Gouvernement de faire une société inclusive. Or, celui-ci nous propose des mesures comptables, difficiles à justifier. La proposition de loi que vous reprenez a eu un parcours chaotique, l'Assemblée nationale n'ayant pas souhaité en débattre.

La mesure du Gouvernement n'est pas juste, alors que celui-ci veut reconnaître l'autonomie des personnes handicapées. Certains représentants d'associations nous ont alertés sur des détournements de certaines personnes qui ne se déclarent pas en couple pour gagner quelques dizaines d'euros supplémentaires, parfois vitales pour boucler leur fin de mois. Le Gouvernement envoie donc un mauvais signal et, ce qui nous inquiète, ce n'est pas la première fois : l'article 18 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) était inéquitable, réduisant le quota d'accès à des logements adaptés. Ces familles ont toute leur place dans le discours gouvernemental, mais pas dans les actes. Le groupe socialiste et républicain votera en faveur de la proposition de loi.

Mme Laurence Cohen, auteure de la proposition de loi. - Merci de cette présentation très pédagogique. Certains groupes politiques ne souhaitent pas voter en faveur de ce texte, mais j'en appelle à la réflexion. Cette proposition de loi, initialement déposée par Marie-George Buffet à l'Assemblée nationale en décembre 2017, avait été cosignée par une cinquantaine de députés de toutes obédiences politiques. Certains d'entre vous y sont peut-être aussi favorables.

L'AAH peut viser l'autonomie des personnes en situation de handicap, mais elle est insuffisante. Prendre en compte les revenus du conjoint place la personne dans une situation de dépendance vis-à-vis de ce conjoint. La prestation est attachée à la personne, pourquoi la retirer si celle-ci vit en couple ? Certains en viennent à ne pas se déclarer en couple alors qu'ils sont dans une situation terrible. Ce revenu est inférieur au seuil de pauvreté, il ne s'agit pas de jongler avec des millions d'euros !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ce rapport très didactique ouvre la réflexion sur la nature de la protection, entre solidarité et compensation. Le Gouvernement soulève deux questions : cette prestation relève-t-elle de la solidarité ? Oui. Mais elle relève aussi de la compensation. Il est difficile de trancher cette question complexe.

Le Gouvernement propose de créer un revenu universel d'activité, qui n'a d'universel que le nom ; ce serait plutôt une allocation unique ressemblant à des minima sociaux. Individualise-t-on ces minima ou les verse-t-on à un couple ? La question reste posée.

Depuis quelques mois, le groupe de l'Union centriste a engagé une réflexion fondée sur l'excellent rapport Sirugue présentant plusieurs scénarios de rapprochement des minima sociaux. Trancher aujourd'hui serait prématuré ; notre groupe s'abstiendra.

M. Daniel Chasseing. - Au-dessus de 1 638 euros, l'AAH n'est plus perçue par les personnes vivent en couple ; cela concerne 250 000 personnes. Quel serait l'impact budgétaire ? Pour percevoir l'AAH, il faut un taux d'incapacité permanente de 80 %, correspondant à un handicap lourd, empêchant de travailler. Les personnes handicapées devraient conserver au moins une partie de l'allocation, car 1 638 euros pour un couple n'est pas une somme importante. Par ailleurs, il y a beaucoup de trop-perçus, et il est très difficile pour une famille de les rembourser ; elles choisissent donc de ne pas se déclarer en couple.

Cet article mettra fin à la prise en compte des revenus du conjoint dans le plafonnement de l'AAH. Il faut revoir le système et augmenter le plafond de revenus - même si le Gouvernement fait un effort en augmentant la prestation de presque 100 euros. La proposition de loi pose d'excellentes questions, menons la réflexion pour que les personnes percevant l'AAH puissent la conserver en totalité. Dans l'attente de cette réflexion, je m'abstiendrai.

Mme Monique Lubin. - Merci, M. Chasseing, d'avoir rappelé les conditions de perception de l'AAH. Avec un taux d'incapacité permanente de 80 %, la personne ne peut plus travailler. Ce n'est donc pas une allocation de solidarité comme les autres. Ce n'est ni une impossibilité simple - comme celle d'un chômeur - ni un choix - comme celui d'élever ses enfants : la santé ne permet pas de travailler. Prendre en compte les revenus du conjoint est ubuesque. J'en appelle à votre réflexion. Je ne sais combien de personnes seraient concernées ni les sommes en jeu, mais les personnes handicapées, qui ne peuvent travailler et dont le conjoint aurait des revenus supérieurs à un certain seuil - qui n'est pas très élevé - subiraient une double peine.

M. René-Paul Savary. - La proposition de loi pose davantage de questions qu'elle n'en résout, mais elle dénonce les contradictions du Gouvernement, qui augmente le montant de l'AAH tout en réduisant le plafond ; il augmente les minima sociaux mais ne revalorise pas les retraites ; il calcule les minima sociaux sur la base du foyer mais individualise le prélèvement à la source. La politique sociale du Gouvernement doit être clarifiée. Faisons évoluer le système social, et voyons-le autrement que sous le seul angle comptable. La non-revalorisation des retraites en 2019 et 2020 équilibrera le projet de loi de financement de la sécurité sociale ! La PCH et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) sont des compensations réglées par les départements, mais insuffisamment compensées par l'État. Les allocations - minima sociaux, AAH, RSA - sont des allocations de subsidiarité, qui prennent en compte les ressources du foyer.

Remettons tout à plat. Comme l'indiquait M. Mouiller, cela ne peut se faire au travers d'une proposition de loi. Il faut une réflexion globale sur le modèle social du XXIe siècle.

M. Olivier Henno. - De nombreux sujets ont déjà été évoqués. Je salue le travail de la rapporteure, qui souligne les différents principes : solidarité et compensation, individualisation et prise en compte des revenus du couple. Même si l'idée est belle, juste et généreuse, la remise en cause du principe de solidarité est une décision lourde.

Nous devrons traiter la notion de compensation, appliquée diversement d'un département à un autre ; cela pèse sur leurs finances et crée une fracture. Votre rapport nous interroge, mais votre réponse est trop partielle pour que nous prenions position.

Mme Sabine Van Heghe. - Merci de porter une proposition de loi défendue par les associations. Au sein d'un couple, faire dépendre une personne de l'autre est rétrograde. L'AAH calcule un degré d'invalidité et n'est pas une prestation comme une autre. Pour mesurer la difficulté d'insertion des personnes handicapées et l'importance de l'AAH, pouvez-vous nous donner le nombre d'allocataires qui sortent du dispositif chaque année ?

Mme Véronique Guillotin. - Le sujet est fort complexe. Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen s'abstiendra. Il faut choisir entre la solidarité et la compensation. Être en couple ne modifie pas la difficulté du handicap, pour autant, une personne handicapée vivant seule est toujours en plus grande difficulté qu'une personne vivant en couple, d'autant plus si les revenus du conjoint sont satisfaisants. Les effets de seuil posent problème. Une dose de solidarité doit être accompagnée d'une dose de compensation. Vous ouvrez les portes à une réflexion plus globale qui est nécessaire.

M. Michel Forissier. - Merci pour ce travail dense et intéressant. J'élargirais ma réflexion au travail parlementaire. Voici un exemple de proposition de loi ne prenant en compte qu'une seule partie d'un grave problème. Traiter séparément les problèmes soulevés par le handicap crée de la confusion législative.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - On ne peut placer la question du handicap au même niveau que celui du RSA : les problèmes sont différents et le sujet trop important.

Oui, cette proposition de loi n'évoque qu'un sujet, celui des revenus du conjoint, qui ne doivent plus être pris en compte. Oui, réformons ensemble le système. Le groupe CRCE assume d'orienter la politique du handicap vers la compensation intégrale, plutôt que vers l'attribution d'un revenu de solidarité. C'est ce que nous ont dit les associations. Nous ne pouvons nous satisfaire que l'AAH reste dans le champ de la solidarité, comme le veulent certains institutionnels. Nous prenons position en faveur d'une individualisation de ce minimum social.

Les positions du Gouvernement sont contradictoires puisqu'il augmente les revenus des bénéficiaires potentiels de l'AAH mais qu'il diminue le nombre de bénéficiaires éligibles. Malgré ses annonces en faveur des personnes en situation de handicap, le Gouvernement s'apprête à supprimer le remboursement du transport des personnes handicapées ou leurs familles, enfants ou adultes, pour les permissions de sortie du week-end, notamment les permissions thérapeutiques, y compris lorsqu'une personne quitte son établissement spécialisé pour rejoindre sa famille.

M. René-Paul Savary. - C'est le département qui paie, et non l'État !

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - L'État alloue des fonds aux départements. Le Gouvernement annonce des réformes sur le handicap mais nombre d'entre elles sont des mesures de restriction et non d'aide aux personnes en situation de handicap. Ne ramenons pas tout à l'argent. Notre proposition de loi n'a pas un impact financier énorme : 23 % des allocataires seulement sont en couple ; la progression serait marginale.

La DGCS a été incapable d'évaluer le montant d'une telle réforme, malgré nos demandes. Cela n'est pas de notre ressort.

Selon l'avis budgétaire de 2018 de M. Mouiller, les deux réformes du Gouvernement provoqueront 108 000 perdants.

Je remercie tous les sénateurs et sénatrices pour leur abstention, que j'estime positive. Il nous faut réfléchir à cette question dans sa globalité.

M. Philippe Mouiller. - Le débat aura bien lieu en séance.

M. Daniel Chasseing. - Nous savons que parmi 250 000 personnes, certaines verront leur éligibilité à l'AAH réduite, mais certaines personnes, avec des revenus plus importants, ne la demandent pas. Mon abstention signifie que cette proposition de loi est une bonne idée mais qu'il faut approfondir le sujet.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - L'amendement ASOC.1 maintient dans le code de la sécurité sociale la majoration du plafond de ressources de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) lorsque le demandeur a une ou plusieurs personnes à charge. En effet, l'article 2 de la proposition de loi supprime incidemment cette majoration pour personne à charge, alors que le dispositif vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH et, en conséquence, à supprimer la majoration du plafond pour les personnes en couple. L'amendement corrige cette erreur matérielle.

L'amendement ASOC.1 n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Gérard Dériot, président. - Lors de la séance publique, nous examinerons cette proposition de loi dans sa rédaction initiale. Je félicite la rapporteure pour sa première intervention.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

M. Gérard Dériot, président. - Je souhaite la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et à M. Renaud Villard, directeur.

Le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis majoritairement défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ne contient, dans l'attente de la réforme des retraites annoncée par le Gouvernement, aucune disposition spécifique relative à la branche vieillesse. Le texte comporte, conformément à la loi organique, les équilibres généraux ainsi que les perspectives pluriannuelles de la branche.

Nous avons à cet égard noté l'amélioration significative du solde 2018 par rapport à la prévision du PLFSS pour 2018, puisque le solde prévisionnel était un déficit de 0,8 milliard d'euros et que la branche devrait finalement dégager un excédent de 0,7 milliard d'euros.

De la même manière, les perspectives pluriannuelles, qui prévoyaient l'an dernier un creusement du déficit à partir de 2019 pour atteindre moins 3 milliards d'euros en 2021, prévoient, en PLFSS pour 2019, un excédent chaque année et un équilibre en 2022. Ce qui me conduit à vous interroger, c'est que cet écart sur les perspectives pluriannuelles serait principalement dû à de moindres dépenses, à hauteur de 3 milliards d'euros à l'horizon 2021. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur cette trajectoire et sur les éléments qui vous permettent d'envisager des dépenses moindres par rapport à la prévision faite l'an dernier ?

Monsieur le président, monsieur le directeur, je vous laisse la parole pour un propos introductif avant de passer la parole à notre rapporteur, puis aux commissaires qui souhaitent vous interroger.

M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - J'apprécie particulièrement de rencontrer la commission des affaires sociales du Sénat, qui est toujours en nombre. Comme je le dis souvent, j'aimerais avoir le même succès à l'Assemblée nationale.

Nos services ont répondu au questionnaire de votre commission, mais les documents avaient été préparés avant la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En matière de trajectoire financière, cela change la donne. L'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale affiche un petit excédent de la branche vieillesse du régime général jusqu'en 2021 et un équilibre en 2022. Avec le Fonds de solidarité vieillesse, nous sommes à l'équilibre, voire en léger excédent dès 2020. À court terme, la branche vieillesse du régime général est sur une trajectoire équilibrée.

Le recul de l'âge de la retraite a cessé de produire ses effets. La montée en charge à 62 ans a eu lieu, et le passage de 65 ans à 67 ans a eu beaucoup moins d'apports que le passage de 60 ans à 62 ans. Certaines mesures prises sous l'ancienne majorité, notamment un apport important de ressources à la branche vieillesse, ont permis de limiter le déficit et de ramener la branche à l'équilibre, voire à l'excédent.

Comme président du conseil d'administration, je suis évidemment très satisfait d'avoir des comptes équilibrés. Un régime de retraite par répartition doit avoir des comptes équilibrés ; il n'est pas raisonnable de transférer nos dettes à nos enfants, qui devront payer nos pensions.

La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est aussi sur une trajectoire confortable. Sous réserve du maintien des taux d'intérêt bas, voire négatifs à court terme, elle devrait avoir terminé de rembourser sa charge en 2024, voire courant 2023. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) traînait une partie des dettes des régimes de base de la sécurité sociale, ce qui n'est pas sa vocation. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en transfère une partie sur la Cades, qui devrait malgré tout pouvoir tenir l'échéance de 2024.

L'alourdissement de la charge de la Cades ne peut s'effectuer légalement qu'avec l'apport de ressources nouvelles. C'est le cas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais l'apport de CSG à la Cades pour compenser la charge supplémentaire ne devrait pas suffire. Cela laisse supposer que la Cades aurait sans cela vraisemblablement terminé sa mission avant l'échéance de 2024. Les marges dont elle aurait pu disposer auraient pu servir à la prise en charge de la perte d'autonomie ou à la réduction des prélèvements obligatoires.

Si les dépenses sont moindres, c'est parce que la mesure essentielle du PLFSS est la sous-revalorisation des pensions. Cette décision, qui a motivé en grande partie l'avis défavorable du conseil d'administration de la Cnav, est incompréhensible. Dans le passé, les limitations de l'évolution des pensions s'inscrivaient dans le cadre de plans de retour à l'équilibre de la branche vieillesse, même si ce n'était pas toujours bien compris par les retraités. Aujourd'hui, la branche est à l'équilibre. Le véritable objectif est de réduire la dépense publique. Les retraités se plaignent à juste titre : après la hausse de la CSG l'an dernier, la hausse des pensions sera limitée à 0,3 % en 2019 et en 2020. Pour la Cnav, cela représente 1,5 milliard d'euros d'économies en 2019 et 2,8 milliards d'euros en 2020 ; autant que l'on a pris dans la poche des retraités.

Le conseil d'administration de la Cnav a donc émis un avis majoritairement défavorable.

M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. -Le rendement lié à la moindre revalorisation des pensions explique assez largement le fait que le régime général devrait conserver une position de suréquilibre en 2019.

Il y a des affectations de recettes nouvelles pour compenser les exonérations nouvelles, notamment celle des cotisations sociales sur les heures supplémentaires et la diminution de l'assiette du forfait social. 1,2 milliard d'euros de taxes sur les salaires seront ainsi attribués au régime général pour compenser 600 millions d'euros de pertes de recettes sur les cotisations heures supplémentaires et 600 millions d'euros de pertes de recettes sur le forfait social.

La Cnav serait à l'équilibre jusqu'en 2022, malgré le transfert du financement du minimum contributif du FSV vers le régime général, représentant en 2020 une charge de 3 milliards d'euros.

L'exonération des heures supplémentaires ne nous impacte pas, mais elle risque de le faire. Les droits à retraite sont liés aux cotisations. L'intention du Gouvernement est que les heures supplémentaires, même si elles ne donnent pas lieu à cotisations, ouvrent des droits à retraite. Toutefois, dans l'état actuel des outils et des règles de gestion, les entreprises peuvent n'avoir aucune incitation à signifier les heures supplémentaires dans l'assiette globale des salaires. On risque donc de découvrir dans quelques années des heures supplémentaires non cotisées n'ayant donné lieu à aucun report sur les retraites.

Deux mesures nous impactent indirectement, mais très fortement. L'article 48 prévoit une convergence très forte entre la branche retraite du RSI et le régime général. Dorénavant, les travailleurs indépendants en situation d'invalidité pourront tous basculer à la retraite à taux plein comme les salariés quelle que soit la catégorie de pension d'invalidité. C'est une mesure de simplification et de convergence des droits. L'article 50, qui me semble extrêmement important, concerne la base ressources mensualisée. C'est un système d'informations. On crée pour la première fois un outil permettant de mettre en relation l'ensemble des données fiscales et sociales, sur le modèle de la Banque-Carrefour des entreprises, que nous envions à la Belgique. Cela permettra d'être beaucoup plus efficace dans la gestion des prestations sociales. Le dispositif concerne les allocations logement, mais j'espère que les prestations retraites en bénéficieront aussi à terme. Un tel programme informatique est extrêmement structurant pour la simplification des droits ou la lutte contre le non-recours.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Je partage votre constat sur l'écart entre les prévisions dans les différentes lois de financement de la sécurité sociale et les résultats constatés. Cela doit nous inciter à l'humilité, dans une situation où ces équilibres sons fragiles.

Je vous rejoins également sur les heures supplémentaires. On risque d'aboutir à la même situation que le régime de la MSA, avec la retraite des agriculteurs. Il n'y aura pas de recettes, mais il faudra continuer à financer des prestations. Qui paiera ? Il faudra faire preuve de vigilance, sous peine de déséquilibrer le système.

Je souscris à votre remarque sur la non-revalorisation des pensions. Pour garantir l'équilibre d'un régime par répartition, il faut soit augmenter les cotisations, ce que l'on ne fait pas, soit reculer l'âge de départ en retraite, ce que l'on ne fait pas non plus, soit réduire les prestations. Visiblement, c'est ce choix qui est retenu ; c'est ce qui permet d'afficher une baisse de la dépense publique.

Voici mes questions. Quels sont les enjeux de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) pour la période 2018-2022 ?

Quel bilan tirez-vous de l'entrée en vigueur de la Liquidation unique des régimes alignés (LURA) ?

Nos anciens collègues Gérard Roche et Anne Emery-Dumas avaient remis un rapport sur l'interrégimes de retraite dans lequel ils évoquaient le Répertoire général des carrières unique (RGCU), un dispositif important pour permettre la convergence des régimes. Pouvez-vous nous rappeler le rôle de la Cnav dans l'élaboration de ce projet ?

Où en est-on de la mutualisation du contrôle d'existence, qui simplifiera les démarches de nos compatriotes vivant à l'étranger pour continuer à percevoir leurs pensions ?

La nouvelle COG de la Cnav est-elle explicitement orientée sur les objectifs de l'interrégimes ?

M. Renaud Villard. - La LURA est entrée en vigueur au 1er juillet 2017. L'opération, qui est extrêmement complexe, s'est très bien passée. Le bilan est très positif, même si nous continuons à suivre très finement la qualité de services.

Le RGCU est un outil fondamental : c'est l'entrepôt où se déverseront l'ensemble des données de carrières de l'ensemble des régimes de base et complémentaires, non seulement pour l'avenir, mais également pour le passé. Cet outil se construit parallèlement aux propositions de réformes actuellement engagées par le Gouvernement. Il peut être extrêmement structurant pour une éventuelle réforme systémique. Le législateur en a confié la réalisation à la Cnav, qui avait pris l'engagement de livrer l'outil au premier trimestre 2019, en faisant basculer un premier régime, celui des clercs de notaire. Nous serons en léger retard ; ce sera le 25 avril. Le régime général basculera bien au premier semestre, et les autres régimes le feront par vagues. Il risque d'y avoir une modification sur le calendrier. Certains régimes devaient passer jusqu'à fin 2022 ou 2023. Mais les régimes anticipant de possibles évolutions souhaitent raccourcir les calendriers. Le programme avance. Il est colossal. C'est un projet à 200 millions d'euros, assez inédit dans la sphère sociale par sa volumétrie, son ampleur et son niveau de complexité.

En tant que régime général, nous ne sommes pas opérateurs du projet de mutualisation des contrôles d'existence ; c'est le GIP Union Retraite. À ce stade, la livraison de l'outil est prévue au mois de mai 2019. Le régime général continue à développer les échanges d'état civil avec les pays européens, ce qui permettra de ne plus du tout vérifier l'existence des retraités vivant dans ces pays.

La convention d'objectifs et de gestion qui a été adoptée correspond, je pense, à la stratégie que le conseil d'administration avait souhaitée. Elle est centrée sur le client, avec des engagements de service, un souci de simplification et la volonté d'aller vers de nouveaux publics : résidents étrangers, travailleurs indépendants, jeunes actifs.

L'intégration du RSI et de ses salariés à la Cnav permet d'envisager une trajectoire ambitieuse, mais réaliste de réduction des dépenses de fonctionnement et des charges de personnels.

M. Jean-Noël Cardoux, président de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). - Mme Buzyn et M. Darmanin, que nous avons entendus la semaine dernière, n'étaient pas d'accord entre eux sur le montant du déficit résiduel porté par l'Acoss, la première avançant le chiffre de 28 milliards d'euros, contre 23 milliards pour le second.

Je découvre aujourd'hui que le transfert de la CSG vers la Cades ne sera pas suffisant. La Cades va donc devoir amortir le reste pour tenir l'échéance de 2024. D'aucuns misent sur des excédents à venir pour compenser, mais je pense qu'on peut s'interroger sur la réalité de tels excédents au regard du ralentissement assez sensible de la croissance.

Ce qui me choque le plus, c'est l'utilisation de la CSG ; dès que l'on a des besoins financiers, on joue sur la CSG. Puisqu'on avait créé la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, pour permettre à la Cades de remplir sa mission, il eût été plus simple de transférer les 23 milliards d'euros, de voir de combien il fallait augmenter la CRDS et de réduire d'autant la CSG. À mon sens, le système retenu n'aboutira pas à la suppression totale des déficits de l'Acoss.

Comme cela a été souligné, sur les déficits du système de retraite, il y a trois paramètres : le montant des cotisations, celui des prestations et l'âge de départ à la retraite. Le Gouvernement ne veut pas toucher à l'âge de départ alors que l'espérance de vie augmente de manière considérable : je crois que nous sommes l'un des seuls pays européens à ne pas envisager cette solution. Je pense que c'est un mauvais signal. Lorsque nous l'avons auditionné, le président du Conseil d'orientation des retraites nous a indiqué qu'à vingt ans, l'équilibre serait assuré, mais au prix d'une paupérisation des retraités ; ce n'est pas très réjouissant pour la nouvelle génération.

M. Gérard Rivière. - Je prends acte du transfert prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale d'une partie du solde négatif de l'Acoss à la Cades. Sans un financement suffisant, cela me laisse penser que la Cades va devoir retarder la fin de sa mission au-delà de ce qui est prévu actuellement, fin 2023 ou courant 2024.

À titre personnel, je pense qu'il aurait fallu transférer la totalité de la charge de l'Acoss et dire qu'il s'agissait d'un transfert ultime, pour apurement, la sécurité sociale dans son ensemble retrouvant son équilibre. Là, je prends le pari que l'on fera un nouveau transfert à la Cades dans un ou deux ans.

Le débat engagé sur la transformation systémique de notre système de retraite, notamment sur l'âge de départ, a des objectifs avoués et des objectifs inavoués. Lorsque le Haut-commissaire, qui est d'ailleurs issu de votre Haute Assemblée, affirme que la réforme n'a pas d'ambition économique, je n'y crois pas. L'intérêt d'une révolution de notre système de retraite est bien d'atteindre un équilibre durable, pour ne pas avoir à réformer tous les quatre ou cinq ans.

Je ne partage pas toutes les projections du Conseil d'orientation des retraites, surtout celles à cinquante ans. Regardons plutôt à quinze ans ou vingt ans. Nous passons à un système à cotisations définies. L'ambition n'est pas d'augmenter le taux de cotisations. Comme on ne touche pas à l'âge, on équilibrera le système en augmentant la valeur d'acquisition du point et, éventuellement, en dévalorisant la valeur de service du point. Cela concernera 98 % ou 99 % de la population. Le système a donc vocation à paupériser les retraités.

L'article 19 du PLFSS évoque la compensation des exonérations de cotisations Agirc-Arrco et Unédic. Le débat sur la fusion entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale est dépassé, puisque des affaires de finances publiques interfèrent dans les dépenses de sécurité sociale.

Le débat sur la transformation des lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la protection sociale est aussi dépassé. On introduit dans les obligations des régimes de base de sécurité sociale l'éventualité de financer les régimes de protection sociale complémentaire. Les exonérations d'Agirc-Arrco seront compensées à l'Acoss par une fraction de TVA. Au cas où la fraction de TVA serait insuffisante, l'Unédic recevrait une compensation, et l'Agirc-Arrco recevrait un transfert de la Cnav. C'est donc bien qu'on envisage un transfert de TVA insuffisant. On est donc bien en loi de financement de la protection sociale, et on met à contribution la sécurité sociale pour des dépenses qui ne sont pas les siennes.

Pourtant, il y a d'autres méthodes que l'exonération des heures supplémentaires pour redonner du pouvoir d'achat : par exemple, augmenter les salaires.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - La silver économie est un secteur économique porteur, qui suscite l'enthousiasme. Selon le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en 2013, le secteur frôlait déjà les 56 milliards d'euros et pouvait créer plus de 300 000 emplois entre 2013 et 2020. Geler la revalorisation des retraites, n'est-ce pas affaiblir un secteur porteur de notre économie ?

L'exemption de la hausse de la CSG pour 300 000 foyers de retraités, le reste zéro à charge pour les lunettes ou la gratuité des prothèses auditives ou dentaires sont-ils réellement de nature à compenser le gel des pensions des retraites ?

Selon les statistiques, le niveau de vie des Français les plus âgés s'améliorerait légèrement depuis une décennie. Les mesures qui ont été décidées ne risquent-elles pas de freiner cette tendance ?

Mme Laurence Cohen. - Les décisions du Gouvernement sont contradictoires. Alors que plus de 7 % de retraites vivent sous le seuil de pauvreté, des mesures comme l'augmentation de la CSG ou la limitation de la revalorisation des prestations sociales vont encore réduire leur budget. Or le Gouvernement parle de mesures « en leur faveur ». L'effet de ces mesures sera très limité : l'exonération de la CSG touche 300 000 foyers quand son augmentation a concerné 7 millions de retraités. La revalorisation du minimum vieillesse porte son montant à 833 euros par mois, ce qui reste inférieur au seuil de pauvreté fixé par l'Insee, soit 1 015 euros. Cela ne permettra pas aux retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté de vivre décemment.

Les pensions de retraite découlent des cotisations versées tout au long de la carrière professionnelle. Elles sont donc un droit acquis. Le Gouvernement ne devrait pas pouvoir l'utiliser comme variable d'ajustement du budget de la sécurité sociale. Selon vous, l'excédent de la branche vieillesse n'aurait-il pas pu servir à compenser les nombreux efforts des retraités et à maintenir les droits acquis grâce à leur travail ?

On évalue à 700 le nombre de postes supprimés à la Cnav depuis 2014. Cela a entraîné des retards dans le traitement de dossiers et dans l'ouverture des droits, privant certains retraités de leur pension pendant plusieurs mois. Des mesures ont-elles été prises pour y remédier ?

La réforme annoncée par le Gouvernement, que nous n'approuvons pas, va alourdir la charge de travail des employés de la Cnav. Des solutions sont-elles prévues pour que les retraités n'en pâtissent pas et puissent bénéficier de leurs droits sans retard ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - J'ai trouvé une contradiction dans vos propos : d'un côté, vous indiquez que les comptes doivent être à l'équilibre, afin de préserver les nouvelles générations ; de l'autre, vous contestez au nouveau système la vocation à sécuriser les retraités. Il n'a jamais été question de ne pas toucher aux cotisations. Des ajustements s'imposeront dans le cadre d'un pilotage politique. L'objectif, en tout cas le nôtre, n'est pas de « paupériser » les retraités. Certaines de vos affirmations me semblent contestables.

Nous avons mené une mission sur l'intégration du RSI au sein du régime général. Nous sommes allés à Lille, où il nous a semblé que tout se passait bien, selon le calendrier prévu. Est-ce également le cas dans les autres régions ?

M. Michel Amiel. - Pouvez-vous nous communiquer les chiffres respectifs des dettes de l'Acoss et de la Cades et nous préciser ce qui est transféré et ce qui ne l'est pas ? Pouvez-vous clarifier les chiffres qui nous ont été donnés ?

Je m'étonne également du terme « paupérisation », que vous avez employé. Attendons de connaître les détails de la réforme pilotée par M. Delevoye. Nous pourrons alors nous prononcer sur le nouveau projet. Tout le monde attend une réforme, même si nous ne sommes pas tous d'accord sur son contenu.

M. Gérard Rivière. - Je ne prétends pas détenir la vérité. Je prends des paris sur l'avenir. Si je peux rester président de la Cnav jusqu'en 2022, comme prévu, je reviendrai vous voir. Peut-être le projet sera-t-il finalisé à cette date l'an prochain. Évidemment, nous ne pourrons pas encore en constater les effets.

Si le terme paupérisation peut paraître excessif, je le maintiens. À long terme, ce sera le cas. À court terme, il faudra contenir certaines évolutions. Ce n'est pas moi qui souhaite maintenir les dépenses de pension à un niveau ne dépassant pas le taux actuel, c'est-à-dire 14 % du PIB.

M. Jean-Paul Delevoye a annoncé que le taux de cotisations devrait être maintenu à 28 %, comme aujourd'hui. Je ne crois pas que nous irons au-delà pour financer le système de retraites. Dans un contexte de comparaison internationale, et notamment européenne, des taux de prélèvements obligatoires, nous ne pouvons pas dépasser un certain seuil.

L'augmentation constatée des pensions de ces dernières années repose essentiellement sur l'effet dit « noria », et non sur des lois ou des décisions politiques. Les personnes qui partent en retraite aujourd'hui, notamment les femmes, ont eu des salaires supérieurs à celles des générations précédentes ; elles bénéficient donc de pensions supérieures. Nous ne versons pas encore de pensions à la majorité des personnes qui ont été touchées par la crise ; mais elles vont bientôt se présenter au guichet. Nous verrons alors comment transformer des dizaines de trimestres d'assurance chômage en points... Je suis disponible pour venir en parler avec vous l'an prochain.

Mme Cohen a évoqué la revalorisation de l'ASPA, mais une partie sera grignotée par l'inflation qui devrait s'élever à 1,7 % cette année. Les 35 euros annoncés en seront donc réduits d'autant.

Si les pensions n'étaient pas sous-revalorisées, la branche vieillesse ne connaîtrait pas d'excédent.

Le directeur vous répondra sur les suppressions de postes. Néanmoins, le conseil d'administration s'attache à la qualité du service et souhaite éviter les ruptures de ressources lors du passage à la retraite, notamment pour les plus fragiles. En outre, toutes les veuves n'ont pas de droits personnels de retraite : lors de la réforme des retraites, il faudra donc prendre garde à ce que les pensions de réversion soient versées en temps et en heure.

Mieux vaudrait poser à ses responsables la question sur le déficit de l'Acoss et de son transfert à la Cades.

M. Gérard Dériot, président. - Nous les recevrons la semaine prochaine.

M. Renaud Villard. - Vous avez évoqué l'impact de la réforme sur la silver économie. Le défi essentiel est de solvabiliser la filière. Tout d'abord, il convient d'aider les jeunes pousses à trouver leur modèle économique. Ensuite, il faut leur trouver des financeurs pour abonder leur capital. Enfin, l'ingénierie est indispensable pour développer les projets. La Cnav a conclu un partenariat avec la Caisse des dépôts sur le volet capital et fournira les premiers clients pour tester le modèle économique. La faible structuration de cette filière explique ses difficultés actuelles. La ministre de la santé connaît parfaitement cette problématique.

L'ASPA sera revalorisée à hauteur de 905 euros au 1er janvier 2020. Le calendrier réglementaire a déjà prévu les trois étapes successives de l'augmentation de cette allocation. Nombre d'allocataires de l'ASPA bénéficient aussi de l'allocation logement, ce qui leur permet de dépasser le seuil de pauvreté.

Le taux de pauvreté des retraités s'élevait à 35 % en 1970 : aujourd'hui, il se situe à 7,6 %.

Mme Cohen m'a également interrogé sur l'impact de la COG et de la baisse des effectifs sur la qualité de service et les délais de liquidation. Avec la nouvelle COG, nous allons détecter les fragilités : de fait, plus les carrières sont erratiques, plus les personnes se présentent tardivement pour faire valoir leurs droits à la retraite. Il faudra leur proposer très en amont des rendez-vous pour mieux les accompagner. Par ailleurs, alors que nous pilotions les retraites en fonction de la date des versements, nous le ferons désormais en fonction de la date choisie par l'assuré : le dossier devra donc être complété avant le départ en retraite effectif, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Enfin, nous allons devoir beaucoup mieux communiquer : aujourd'hui encore, près de 10 % des personnes déposent leur dossier une fois qu'ils ont pris leur retraite.

M. le rapporteur général a rappelé les enjeux concernant le RSI. Nous sommes actuellement dans la partie la plus compliquée car il nous faut accompagner les 5 300 salariés du RSI vers leurs nouveaux employeurs. Nous sommes volontairement en avance sur le calendrier et les trois réseaux - Acoss, Cnam et Cnav - sont très mobilisés pour que cette réforme se déroule au mieux.

Mme Patricia Schillinger. - Dans les régions frontalières, nombre de personnes perçoivent des pensions d'autres pays comme la Suisse ou l'Allemagne.

La réforme à venir tient-elle compte de cette réalité ?

M. Renaud Villard. - La question des travailleurs transfrontaliers est étroitement liée à la qualité des échanges européens. Tant pour la maladie que la retraite, les échanges se font par papiers, d'où des risques d'erreurs. C'est le degré zéro de l'informatique et les délais peuvent parfois être extrêmement longs. La qualité de service est donc très dégradée, d'autant que ce ne sont pas toujours les pays européens qui répondent le plus rapidement.

La Commission européenne a lancé le programme Système d'échange électronique d'informations sur la Sécurité sociale (EESSI). La Cnav a été désignée par la France comme référent unique auprès de l'Union européenne : elle va donc coordonner les échanges avec les pays européens. Le projet a pris un peu de retard et nous espérons une première expérimentation d'ici la fin 2019. Une fois que ce système sera entré en vigueur, nous pourrons mieux accompagner les retraités transfrontaliers.

Mme Patricia Schillinger. - Pour les pensions de réversion, la réforme des retraites tiendra-t-elle compte des pensions venant de l'étranger ? Je ne souhaite pas qu'elles soient écrêtées.

M. Renaud Villard. - Ce sujet éminemment politique a été ouvert avant l'été. Il existe trois systèmes de réversion dans notre pays : certains sous condition de ressources pour le régime général, d'autres sans condition de ressources pour des régimes complémentaires et certains régimes étrangers. Je ne peux en dire plus.

M. Gérard Dériot, président. - Merci pour la qualité de vos réponses.

La réunion, suspendue à 10h45, reprend à 11 heures.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 - Audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration et de M. Vincent Mazauric, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF)

M. Gérard Dériot, président. - Nous accueillons ce matin Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration et M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

Le conseil d'administration de la Cnaf a émis un avis majoritairement défavorable sur le PLFSS 2019 qui ne comporte que peu de dispositions sur la branche famille. Cette branche serait, pour la deuxième année consécutive, en excédent de 1,2 milliard d'euros en 2019 et cet excédent serait écrêté pour assurer le strict équilibre de la branche à partir de 2020.

Au-delà des mesures du PLFSS et de la trajectoire financière, nous souhaitons faire le point aujourd'hui sur les perspectives d'évolution de la branche.

Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration de la Cnaf. - En juillet, nous avons signé avec le Gouvernement la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022. En cette période de réduction des dépenses publiques, les efforts qui nous sont demandés sont conséquents. Le Fonds national d'action sociale (Fnas) verra ses crédits augmenter de 2 % l'an, alors que lors de la précédente COG, l'augmentation prévue était de 7,5 %, mais de 4,3 % en progression constatée. Sur l'ensemble de la période, le Fnas sera doté de 600 millions supplémentaires, dont 425 millions pour la petite enfance, 100 millions pour le soutien à la parentalité et l'animation de la vie sociale, et 75 millions pour la jeunesse, dont une partie importante dédiée au plan mercredi.

En outre, nous allons supprimer 2 100 emplois et réduire nos frais de gestion de 5 % par an.

La prime d'activité a connu un grand succès mais, pendant six mois, les CAF ont eu du mal à accueillir les nouveaux bénéficiaires. Avec la réforme de l'APL, les demandes vont, là encore, augmenter.

M. Vincent Mazauric, directeur général de la Cnaf. - Je suis accompagné de Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec les assemblées parlementaires, de M. Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche et de M. Cyrille Broillard, directeur-adjoint des politiques familiales et des relations sociales.

La COG prévoit la suppression de 2 100 emplois sur les 33 000 emplois de la branche. Cet effort est cohérent avec les politiques publiques qui visent à réduire les déficits et à améliorer la qualité du service public. Il est indissociable de notre volonté de mieux délivrer les prestations sociales et familiales dont nous avons la charge. Ces prestations reposent sur la vérification de revenus vieux de deux ans, ce qui est un véritable paradoxe. Dès l'année prochaine, les périodes de référence changeront pour le versement des aides au logement. Mais les allocataires doivent également se livrer à des démarches actives pour percevoir leurs droits : pour le RSA et la prime d'activité, ils doivent déclarer leurs ressources quatre fois l'an.

Pour les années 2018-2022, la COG affectera 500 millions aux investissements et aux dépenses de fonctionnement en informatique.

Tirant partie du prélèvement à la source et de la constitution d'une base ressources portée par ce PLFSS, nous ferons moins d'erreurs. Il en ira de même pour nos allocataires. Aujourd'hui, le nombre d'indus est tout à fait excessif. Malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas à récupérer toutes les erreurs et donc à tout rattraper : nous estimons à quelques 2,5 milliards d'euros les indus non repérés. Le rapport de la députée Christine Cloarec-Le Nabour et de Julien Damon a rappelé l'indispensable amélioration de la gestion des deniers publics mais surtout la nécessité d'une plus juste prestation. D'ici 2022, nous devrons améliorer le service rendu à nos 12,5 millions d'allocataires et aux 30 millions de personnes couvertes.

En matière sociale, la priorité est donnée à la petite enfance et au plan pauvreté.

Le Fnas continuera à voir ses dotations augmenter, mais dans une moindre ampleur. Nos principaux partenaires sont les collectivités territoriales et les associations. Or, les collectivités sont elles aussi confrontées à des défis budgétaires. Nous devons préserver l'existant : chaque année, 5 000 places de crèche ferment pour diverses raisons. Nous devons aider les collectivités à réduire les coûts d'exploitation, sans altérer la qualité. Nous ferons dans les années à venir un effort de programmation. Chaque département dispose d'un schéma départemental des services aux familles qui rassemble tous les acteurs. Nous voulons densifier nos relations avec nos partenaires locaux. A ce titre, nous avons déjà signé 300 conventions territoriales globales et nous allons essayer de les multiplier avec les intercommunalités, mais toutes n'ont pas pris les compétences qui correspondent à nos missions. Il est également possible de conclure une convention de ce type avec une commune. Par ces efforts de programmation, nous devrions accroître notre capacité à détecter les bons projets.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteur pour la branche famille. - La COG fixe des objectifs de création de places en crèche. Pourrions-nous disposer de données précises concernant les fermetures de crèches afin de mieux en identifier les causes ? Le Gouvernement a prévu la création de 30 000 places, mais les collectivités sont confrontées aux coûts de fonctionnement : le taux d'encadrement est excessif et les normes trop rigoureuses. La CAF compte-t-elle soutenir l'investissement, mais aussi les dépenses de fonctionnement des collectivités locales ?

Le PLFSS prévoit la majoration de l'aide à la garde d'enfants, à savoir le complément de libre choix du mode de garde (CMG), pour les familles comptant un enfant handicapé. Nous nous en réjouissons, mais cette majoration permettra-t-elle d'accueillir plus d'enfants handicapés en crèche et de faciliter le recrutement d'assistantes maternelles pour ces enfants ? En Mayenne, les assistantes qui souhaiteraient accueillir un enfant handicapé hésitent, car elles seraient contraintes de garder moins d'enfants : leur revenu en serait donc réduit d'autant. Comme pour les familles d'accueil, ne pourrait-on prévoir de leur verser un forfait ? Comment cette mesure va-t-elle s'articuler avec la bonification spécifique pour les établissements d'accueil des jeunes enfants accueillant des enfants porteurs de handicaps, qui entrera en vigueur dans le cadre de la nouvelle COG ?

Enfin, comment se préparent les CAF à la mise en oeuvre de la contemporanéité des revenus pris en compte pour le versement des aides au logement, qui interviendra courant 2019 ? Vous semblez craindre de ne pas disposer de suffisamment d'agents. Comment faire pour répondre à cette réforme et comment s'opérera la transition ? Quelles sont les économies attendues ? L'extension de cette réforme à d'autres prestations est-elle envisageable à court terme ? Avez-vous évalué son impact financier pour la branche famille ?

Mme Isabelle Sancerni. - La précédente COG avait annoncé la création de 100 000 places de crèche, mais seules 32 000 places ont été réalisées. L'objectif de 30 000 places est donc cohérent, d'autant qu'il s'agit du solde net : créations moins destructions. La COG prévoit à la fois des aides à la création mais aussi des dispositifs pour lutter contre les destructions de places. L'objectif de 30 000 places est réaliste, même s'il ne sera difficile à atteindre.

Nous nous inquiétons de l'empilement des normes et de leurs coûts : ces dernières années, chaque nouvelle place de crèche a coûté plus cher.

Les services de l'action sociale de la Cnaf ont rencontré leurs homologues de l'ADF afin d'aborder quatre sujets, notamment les relations entre les CAF et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la gestion du RSA entre les CAF et les départements. Deux autres sujets seront abordés : d'abord, les centres de protection maternelle et infantile (PMI) afin d'améliorer l'existant en facilitant les agréments et la constitution des dossiers ; ensuite, le travail social afin de faire mieux et de garder un haut niveau d'exigence.

M. Vincent Mazauric. - Nous sommes heureux que le PLFSS améliore les conditions de garde pour toute la fratrie lorsqu'un des enfants de la famille est porteur d'un handicap. En partant de son expérience, la branche famille a proposé cette mesure au ministère. Il y a bien sûr une relation avec le bonus « inclusion handicap » prévu par la COG. Ces mesures permettent de compenser en grande partie le surcoût dû à l'accueil dans une crèche d'enfants porteurs de handicaps. Notre conseil d'administration a souhaité que ce soutien intervienne dès l'accueil d'un premier enfant. Pour autant, il n'est pas prévu de verser un forfait aux assistantes maternelles accueillant ces enfants, même si la majoration du complément de mode de garde améliorera les choses. Nous estimons que les assistantes maternelles ont avant tout besoin d'être rassurées avant d'accueillir ces enfants. La COG prévoit d'accroître notre soutien au métier d'assistante maternelle, notamment par le financement de 1 000 emplois supplémentaires d'animation de relai d'assistantes maternelles.

Nous estimons indispensable d'avoir une vision globale des problèmes rencontrés par une famille ayant un enfant - ou un adulte - porteur de handicap. Il existe dans la moitié des départements des structures ouvertes - les pôles ressources - qui se tiennent à la disposition des familles qui ont besoin de solutions.

Nous mettons tout en oeuvre pour être prêts lors de la mise en place de la réforme de l'aide au logement : c'est un chantier informatique important.

Nous devrons beaucoup communiquer en direction des allocataires, qui sont souvent des familles modestes, et renforcer les capacités d'accueil, quelle que soit la nature de cet accueil, notamment durant la phase de transition. Nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce que nous appelons le « parcours usager », notamment en adaptant les procédures et en créant un simulateur sur internet. La révision de la « base ressources » nous aidera, en particulier pour les personnes qui déposent une première demande.

Quelles économies ce processus représentera-t-il ? Le projet de loi de finances les estime à environ 900 millions d'euros et elles s'expliquent principalement par l'effet « contemporanéité » des revenus pris en compte.

Peut-on envisager d'étendre ce dispositif ? Je le crois, mais il faut avancer par étapes et réussir la première qui est devant nous. Cette « base ressources » est également en cohérence avec la perspective d'un revenu universel d'activité, envisagé par le Président de la République lors de l'annonce du plan Pauvreté. Quelles que soient les décisions que prendra le législateur sur le principe et les modalités de ce revenu universel d'activité, il se situe dans la suite logique de la « base ressources » des aides au logement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'équilibre de la branche famille devait être atteint dès 2017, avec un excédent de 0,3 milliard d'euros. L'exercice s'est en fait clôt avec un déficit de 0,2 milliard d'euros. En 2018, il était prévu que l'excédent de la branche famille atteigne 1,3 milliard d'euros ; il est finalement révisé à 0,4 milliard. En 2019, un solde positif de 1,2 milliard est prévu. Bien évidemment, nous ne pouvons que nous féliciter de l'existence d'un excédent, mais l'objectif est-il tenable ?

La politique familiale s'oriente davantage - le mouvement avait commencé sous le quinquennat précédent - vers une politique sociale à caractère redistributif. Ainsi, la part des cotisations sociales dans les recettes reste encore majoritaire, mais elle diminue. Que pensez-vous de cette évolution ?

M. Vincent Mazauric. - Il est vrai que les prévisions de 2017 ne se sont pas vérifiées ; cela s'explique par les financements croisés avec la Mutualité sociale agricole et par divers ajustements de dernière minute avec l'Acoss. Pour autant, nous nous situons de manière structurelle sur une trajectoire de maîtrise et d'équilibre de la branche et il me semble que les prévisions pour 2019 sont tenables.

Mme Isabelle Sancerni. - Il est clair que la moindre revalorisation des prestations va peser sur le pouvoir d'achat des familles. On ne peut que le regretter !

Le conseil d'administration de la Cnaf s'interroge régulièrement sur l'introduction de mesures redistributives dans la politique familiale ; de manière générale, nous considérons qu'une politique publique de redistribution doit être distincte de la politique familiale et être financée par l'impôt.

En ce qui concerne la baisse de la part des cotisations sociales dans le financement de la branche, les représentants des employeurs au conseil d'administration, pour lesquels ce mouvement constitue un allègement de charges, y sont plutôt favorables, contrairement à ceux des organisations représentatives des salariés.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Il est évidemment louable de vouloir créer de nouvelles places en crèche, mais il faut aussi s'intéresser aux structures existantes qui connaissent parfois de grandes difficultés, car ces difficultés se répercutent sur les tarifs et les collectivités locales. Il existe parfois un problème d'encadrement et de recrutement : par exemple, les personnes en contrat aidé doivent dorénavant passer une journée par semaine en formation à l'extérieur de la crèche. Par ailleurs, est-ce que les maisons d'assistantes maternelles ne font pas concurrence, d'une certaine manière, aux crèches ? C'est un peu le cas dans mon département.

Les derniers chiffres disponibles montrent que la fécondité baisse en France depuis 2015. Nous sommes maintenant en-dessous du seuil de deux enfants par femme. Existe-t-il un lien avec la moindre générosité de la politique familiale ? Comment cette politique peut-elle renverser la tendance que nous constatons ?

Enfin, que pensez-vous de l'alignement du congé de maternité des femmes ayant le statut d'indépendant sur celui des salariées ? Est-ce une mesure suffisante ?

Mme Frédérique Puissat. - Je souhaite d'abord remercier les caisses d'allocations familiales de la présence sur le terrain de leurs animateurs, qui permettent une bonne coordination avec les collectivités locales.

En ce qui concerne les crèches, il existe depuis l'an passé un dispositif qui permet de préserver les places existantes, voire de les développer, en prenant mieux en compte les territoires, en particulier lorsque nous nous situons aux confins des nouvelles intercommunalités. Avez-vous pris en compte ce dispositif en vue de la création des 30 000 places annoncées ?

Au sujet des réductions d'effectifs demandées à la branche, vous avez évoqué le fait de « mieux employer vos agents ». Quel est l'impact, dans ce contexte, du développement des maisons de services au public ? Ne pourrait-il pas y avoir, de manière subreptice, un transfert de charges de la branche vers les collectivités territoriales ?

Mme Brigitte Micouleau. - Sur le territoire, nous sentons un certain désengagement des caisses d'allocations familiales vis-à-vis des centres sociaux. Qu'en est-il réellement ? Quelles sont les perspectives en la matière ? Comment vous insérez-vous dans le plan Pauvreté ?

Mme Michelle Meunier. - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 contient peu de mesures sur la famille, hormis l'augmentation de 30 % du complément de mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap. Je réitère devant vous ce que j'ai dit à la ministre : cette mesure est évidemment bienvenue, mais il est très important de diagnostiquer ces enfants le plus tôt possible. Aujourd'hui, les diagnostics sont souvent posés tardivement, notamment pour les troubles du comportement ou les retards de développement.

Je suis favorable, en ce qui me concerne, au développement des maisons d'assistantes maternelles. Ce sont des initiatives privées, qui viennent en complément des structures existantes, notamment collectives. Il serait certainement intéressant de réfléchir à spécialiser certaines de ces maisons sur l'accueil d'enfants porteurs de handicaps, à la condition de développer la formation.

Au sujet du non-recours aux droits, je voudrais évoquer plus particulièrement la question des impayés de pension alimentaire. Nous avons été nombreux à soutenir la création d'une garantie en la matière et nous savons qu'une agence de recouvrement a été créée. Ce dispositif est très important pour les personnes concernées, mais il souffre d'un certain manque d'information. Quel est le taux de recours à ce dispositif ? Comment aller au-delà et faciliter l'accès aux droits ?

Dernier point, la loi pour un État au service d'une société de confiance, qui a été promulguée en août dernier, habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances visant à créer un guichet unique facilitant les démarches des porteurs de projets de modes d'accueil de la petite enfance. Où en est cette idée ?

Mme Isabelle Sancerni. - Il est vrai que les établissements d'accueil des jeunes enfants rencontrent des difficultés de recrutement, notamment pour les postes qui demandent certaines qualifications. Est-il par exemple nécessaire qu'un directeur de crèche soit obligatoirement une puéricultrice ?

En ce qui concerne le handicap, le conseil d'administration de la Cnaf, qui souhaite promouvoir une société plus inclusive, a adopté un bonus « inclusion handicap » qui s'appliquera dès 2019. Cette aide sera versée dès le premier enfant accueilli afin de lever les freins qui existent aujourd'hui. Nous souhaitons faciliter l'accès des enfants à la structure située au plus près du domicile des parents. Cette mesure va aussi dans le sens d'un meilleur repérage des enfants, qui sont éventuellement porteurs de handicaps. Nous avons également défini ce bonus de manière à ce qu'il tienne compte de la période durant laquelle les enfants ne sont pas encore diagnostiqués et reconnus par la MDPH.

Faut-il spécialiser certaines structures ? Nous souhaitons aider les structures qui intègrent l'accueil de ces enfants dans leur projet, mais je ne suis pas certaine qu'il faille spécialiser les structures. Pour aboutir à une société réellement inclusive, il faut que le maximum d'établissements puisse accueillir des enfants porteurs de handicaps. Certains enfants devront continuer d'être accueillis dans des structures spécialisées, mais nous devons continuer de répondre aux besoins de proximité et de simplicité pour les parents. D'autres crédits et dispositifs peuvent également aller dans ce sens, en particulier le fonds Publics et territoires et les pôles ressources, dont nous avons parlé tout à l'heure.

Pour nous, les maisons d'assistantes maternelles constituent l'un des outils disponibles pour accueillir la petite enfance, elles sont complémentaires des autres structures. Nous souhaitons promouvoir dans le même temps l'accueil individuel et collectif.

Enfin, nous ne pouvons que soutenir l'extension du congé de maternité des indépendantes. C'est une mesure de justice sociale et il ne me revient pas d'en estimer le caractère suffisant ou non.

M. Vincent Mazauric. - Sur les assistantes maternelles, il faut dire que le secteur connaît une réelle morosité, à laquelle il faut remédier. Nous devons notamment travailler à une meilleure connaissance de ce qu'offrent ces professionnelles. En novembre, nous mettrons en ligne une nouvelle version de notre site monenfant.fr, qui permettra notamment d'améliorer l'information sur ce sujet : disponibilité, tarifs, caractéristiques du logement, localisation, heures d'ouverture... Là aussi, il nous faut travailler en lien avec les conseils départementaux.

En ce qui concerne les évolutions de la fécondité, il faut prendre de grandes précautions, parce qu'aucune étude scientifique n'est particulièrement convaincante sur la question, intéressante, posée par Mme Bonfanti-Dossat. En Allemagne, un récent effort a été porté sur les politiques familiales et il a été montré qu'il existait une corrélation entre cet effort et la - petite - amélioration de la fécondité constatée dans ce pays. Il existe de nombreuses incertitudes à ce sujet, mais il a été clairement prouvé que les parents sont plus sensibles aux prestations en nature qu'à celles en espèces.

En ce qui concerne l'extension du champ géographique d'un contrat enfant jeunesse, évoquée par Mme Puissat, nous respecterons la totalité des contrats en vigueur et la convention territoriale globale remplacera progressivement ce dispositif. Le niveau de soutien sera préservé, mais il ne faut pas oublier que le dispositif du contrat enfant jeunesse créait d'importantes inégalités, qui n'étaient pas justifiées. Nous mettrons aussi en oeuvre un bonus territorial : au-delà d'une aide d'environ 2 000 euros par an et par place de crèche, nous verserons une aide complémentaire d'environ 1 000 euros dans les territoires les plus pauvres, ce qui réduira le reste à charge pour les collectivités.

Au sujet des maisons de services au public, je ne crois vraiment pas qu'il s'agisse d'une manière de transférer des charges aux collectivités territoriales. La branche famille est présente dans 80 % de ces maisons, le plus souvent par le paiement d'une quote-part de financement, et non par la présence physique de collaborateurs. D'ailleurs, il faut savoir que le coût unitaire d'accueil d'un usager, si tant est que ce calcul est pertinent, est plus élevé dans une maison des services au public que dans un guichet traditionnel, mais nous estimons que ce dispositif nous permet d'assurer une meilleure présence sur le territoire dans le cadre de projets voulus par les élus.

Concernant les centres sociaux, il ne faut absolument pas craindre un retrait de la branche. Au contraire ! Aujourd'hui, nous soutenons environ 2 500 centres sociaux et la nouvelle convention d'objectifs et de gestion prévoit d'en aider 400 supplémentaires, dont 260 dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans des zones de revitalisation rurale. Il nous semble que ces centres sont des lieux de resocialisation et d'ancrage extrêmement importants pour toutes les générations, y compris sur des sujets comme la radicalisation. Enfin, je dois vous dire que nous travaillons étroitement avec la fédération nationale des centres sociaux.

L'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, qui est une initiative remarquable de mon prédécesseur, a été créée il y a moins de deux ans et nous avons besoin d'un peu de temps pour en évaluer complètement l'impact. Cependant, elle donne déjà des résultats : nous estimions que 30 % à 40 % des pensions alimentaires n'étaient pas dûment payées et les premières évaluations montrent qu'entre 2014 et 2017 nous avons gagné environ 20 points sur ce taux. Nous avons donc la certitude de l'efficacité de cet outil, même s'il reste modeste. Il faut aussi prendre en compte la phase de mise en place du dispositif, qui entraîne au moment du regroupement des dossiers une période de baisse de la performance ; je dirais que nous sommes dans une forme de courbe en J : les résultats baissent avant de remonter fortement.

Au sujet du projet de guichet unique pour les porteurs de projets, mentionné par Mme Meunier, nous en sommes uniquement à la conception et nous travaillons avec les différents acteurs concernés. La branche famille doit se tenir prête à constituer ce guichet unique, mais nous devons définir les choses clairement avant d'adopter la moindre mesure, sous peine d'entretenir des illusions.

Mme Martine Berthet. - Les indus représentent un montant de 2,5 milliards d'euros. Je comprends qu'il est important pour la branche famille de les recouvrer, mais cela a un impact souvent lourd pour les familles concernées. En ce qui concerne les aides au logement, il semblerait que les logiciels ne prévoient pas une prise en compte trimestrielle des ressources. Qu'en est-il exactement ?

Mme Nadine Grelet-Certenais. - Il me semble que la branche famille est soumise à des injonctions contradictoires. D'un côté, vous devez faire des efforts sur l'emploi et les frais de gestion. De l'autre, les besoins de la population augmentent et les réformes prévues entraîneront nécessairement du travail supplémentaire pour les agents. Qui plus est, nous devons garder en tête qu'une part de la population aura toujours besoin d'interlocuteurs physiques, plutôt que d'écrans... C'est notamment le cas des personnes défavorisées. Comment allez-vous résoudre ces injonctions contradictoires ?

Par ailleurs, il faut noter que les collectivités locales et les centres de loisirs accueillent aussi des enfants porteurs de handicaps, ce qui entraîne des surcoûts et demande des formations complémentaires.

Dernier point sur la question du guichet unique : le recours à des appels à projets n'est pas toujours pertinent. Ce qui se fait par contractualisation doit également être pris en compte.

M. Michel Forissier. - Dans mon département, nous avons mis en place sur une zone industrielle plusieurs structures de nature différente pour accueillir les jeunes enfants, ce qui permet de prendre en compte les horaires de travail variés des parents. Pour nous, le secteur privé n'est pas un concurrent du public ou de l'associatif. Depuis 2004, nous avons à cet endroit une crèche qui accueille des enfants handicapés lourds. La caisse d'allocations familiales nous a beaucoup aidés sur ce projet et je tiens à vous en remercier à nouveau. La caisse finance notamment un emploi chargé de coordonner les modes de garde, ce qui est très important, car nous avons constaté qu'il existait des places libres dans certaines structures, alors que des listes d'attente existaient pour d'autres... Allez-vous continuer de financer ce type de poste de coordination ?

En ce qui concerne les centres sociaux, allez-vous continuer de financer le champ culturel, qui nous semble très important pour l'intégration et l'inclusion ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le Gouvernement a annoncé la création de 30 000 places de crèches, même si on nous dit que 5 000 places sont détruites chaque année. Comment cette mesure sera-t-elle financée ? Ce financement aura-t-il une répercussion sur les familles et sur les collectivités locales ?

Mme Victoire Jasmin. - Quel sera le financement des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents ? Comment seront organisés les contrôles des structures d'accueil, qui sont régies par de nombreuses normes en termes de qualité et de sécurité ?

Mme Patricia Schillinger. - Dans mon département, le Haut-Rhin, à la frontière de la Suisse et de l'Allemagne, les crèches manquent cruellement de personnel, car les salaires sont nettement moins élevés que de l'autre côté de la frontière...

Par ailleurs, il me semble que les maisons d'assistantes maternelles sont parfois un leurre, parce que le turn-over des enfants y est faible.

J'ai travaillé à la préparation du plan Pauvreté qui a été annoncé par le Président de la République, qui contient nombre de mesures importantes. De manière plus générale, on constate que plusieurs pays ont mis en place des systèmes plus simples d'allocations. Ne pourrions-nous pas, par exemple, supprimer les centimes et arrondir les allocations à l'euro supérieur ? En Allemagne, le système est basé sur une allocation « à l'enfant » : chaque famille reçoit un même montant - 192 euros - dès le premier enfant, sous conditions de ressources, jusqu'à ce que l'enfant ait 26 ans. Ne pourrions-nous réfléchir à une politique familiale qui se base sur le principe « un enfant, un droit » ? Notre système est particulièrement compliqué !

M. Vincent Mazauric. - Il est vrai, madame Berthet, que les indus constituent un sujet difficile du point de vue des familles, mais nous appliquons la loi, qui prévoit des barèmes permettant de laisser un reste à vivre à ces familles. En outre, dans la très grande majorité des cas, les indus sont prélevés sur les allocations à venir. Nous sommes évidemment conscients de la difficulté et nous nous fixons pour objectif de réduire la génération d'indus.

Par ailleurs, nous menons de très intenses travaux pour actualiser nos logiciels afin d'être en capacité de mettre en oeuvre dans les délais la réforme des aides au logement : ces travaux représentent un montant de 20 millions d'euros et 16 000 jours homme.

Madame Grelet-Certenais, vous avez raison, les efforts prévus dans la convention d'objectifs et de gestion sont importants, mais rien n'est changé à notre vocation de service public de proximité. Nous ne sommes pas des partisans de la dématérialisation à outrance. Ce processus simplifie beaucoup de choses et évite des déplacements, mais il ne doit négliger personne. Il faut lutter contre la fracture numérique, mais notre disponibilité ne peut pas non plus être illimitée. Si nous promouvons l'accueil sur rendez-vous, c'est d'abord pour mieux traiter les dossiers des allocataires.

Si la mise en place de la prime d'activité a été un très grand défi, en particulier en 2016, elle constitue aussi une réussite. Il fallait, déjà, modifier la temporalité du dispositif et passer à la « contemporanéité ». Finalement, la question la plus décisive est celle de la compréhension du changement par les citoyens.

Monsieur Forissier, nous restons prêts à aider financièrement les postes de coordination. Vous posez aussi, d'une certaine manière, la question du recours et je souhaite vous donner un exemple : en Seine-Saint-Denis, le taux d'équipements en accueil des jeunes enfants est inférieur de 20 points à la moyenne nationale et ces équipements sont pourtant sous-employés !

Par ailleurs, nous n'allons pas tourner le dos aux activités culturelles dans le cadre de notre soutien aux centres sociaux. La culture n'est pas notre mission en elle-même, puisque nous sommes chargés d'aider au développement des enfants et des jeunes, mais comment ne pas penser à ce sujet dans le cadre de nos missions ? Pour les nouveaux centres que nous allons soutenir, nous souhaitons augmenter nos exigences en termes de rayonnement de la structure, mais il n'y a aucun ostracisme à l'encontre de la culture.

M. Michel Forissier. - Surtout qu'elle contribue à l'intégration !

M. Vincent Mazauric. - Je crois que nous avons répondu à la question de Mme Apourceau-Poly dans notre propos liminaire.

Madame Schillinger, l'organisation générale de la politique familiale relève du Gouvernement et du Parlement... La situation particulière de votre département montre combien il est difficile de répondre à toutes les situations. C'est d'ailleurs ce constat qui a motivé la création d'un bonus « mixité » dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion. Le mode de financement des crèches pousse à optimiser le remplissage, ce qui peut parfois se faire au détriment d'enfants issus de familles qui ne payent pas beaucoup. Le bonus « mixité », 70 millions d'euros sur la période de la convention, est destiné à aider 90 000 places pour répondre à ce problème.

Mme Isabelle Sancerni. - Le bonus « inclusion handicap » sera utilisable uniquement dans les établissements d'accueil des jeunes enfants. Pour les accueils de loisirs sans hébergement, il sera possible de mobiliser le fonds Publics et territoires. Le prochain conseil d'administration de la Cnaf devrait aborder cette question.

Par ailleurs, les réductions d'emplois et les économies sur les frais de gestion ne seront possibles, à mon sens, que si la réforme des aides au logement se passe comme prévu. Nous devrons être particulièrement attentifs à l'automaticité au moment de l'ouverture des droits, mais aussi dans les phases ultérieures, notamment lors de la liquidation des allocations. Nous devrons aussi accueillir de nombreuses personnes dans nos locaux au moment de la transition. Il faudra donc que, malgré les délais très serrés, nous soyons en capacité de tester pleinement la chaîne de production avant la mise en oeuvre de la réforme.

Enfin, nous avons travaillé sur la question du non-recours dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion. Depuis quelques années, nous organisons des « rendez-vous des droits » : ils sont passés de 100 000 à 300 000 environ et, à leur issue, le taux d'ouverture des droits reste très élevé. Nous constatons d'ailleurs qu'il est important de bien cibler les personnes dans le cadre de ce type de dispositif.

La réunion est close à 12 h 45.