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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mercredi 17 mai 2000

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Emploi - Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes - Examen du rapport d'information

La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Gérard Cornu, sur la proposition de loi n° 298 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

En introduction, M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que le rôle de la délégation, dont la commission des affaires sociales, saisie au fond de ce texte, a souhaité recueillir ses recommandations, n'était pas de procéder à une analyse point par point de la proposition de loi et de faire des propositions d'amendements, mais d'émettre une appréciation globale sur son opportunité et son dispositif et de formuler un certain nombre de recommandations propres à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a fait observer que notre pays, s'il est en retard par rapport à d'autres sur la parité politique, l'est beaucoup moins sur l'égalité professionnelle, et se situe dans la moyenne des pays de développement économique comparable. Il a précisé que tous les pays européens travaillaient aujourd'hui sur le sujet. Mais il a estimé que la situation actuelle n'était pas satisfaisante pour autant, les femmes étant globalement concentrées dans les emplois peu qualifiés et mal payés, plus exposées que les hommes à la précarité du travail en général et au chômage en particulier, et encore très minoritaires à la tête des entreprises, dans la haute fonction publique et dans les responsabilités syndicales, surtout au niveau de l'entreprise.

La poursuite de l'objectif de l'égalité professionnelle, a-t-il déclaré, devrait permettre de répondre aux aspirations sociales des femmes, à leurs attentes, qui se résument en un certain nombre de choix ou possibilités : choix de travailler, choix du métier, choix des conditions dans lesquelles il s'exerce, possibilité d'accéder aux postes de responsabilité et de décision, à tous les niveaux, dans l'entreprise, le mouvement syndical ou associatif, la vie politique.

Il a indiqué que si la France disposait déjà d'instruments juridiques, institués par la loi du 13 juillet 1983, dite " loi Roudy ", dont l'objectif avait été de faire passer le droit des femmes d'une " logique de protection " à une " logique d'égalité ", force était de constater que leur mise en oeuvre n'avait guère été satisfaisante, notamment parce que, dans le contexte de chômage élevé des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, l'égalité professionnelle n'était pas apparue comme prioritaire aux partenaires sociaux. Il a rappelé que la plupart des personnalités auditionnées par la délégation avaient reconnu que la loi Roudy était une bonne loi, mais que son application avait été médiocre.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a ensuite présenté les principales dispositions de la proposition de loi de Mme Génisson, qui vise, dans un titre premier, à modifier le Code du travail pour renforcer la loi Roudy, et, dans un second, à mieux assurer l'égalité professionnelle dans les trois fonctions publiques (fonction publique de l'État, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière).

Il a en particulier relevé que l'article 3 tendait à créer une obligation spécifique de négocier tous les ans sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au niveau de l'entreprise, la périodicité de la négociation étant portée à trois ans en cas d'accord collectif. Il a déploré que cette obligation s'accompagne d'une sanction pénale, dans l'hypothèse d'un manquement, estimant la pénalisation inopportune en l'espèce et inadaptée aux objectifs poursuivis.

S'agissant des plans d'égalité professionnelle dont il a souligné qu'ils avaient eu jusqu'à ce jour peu de succès en raison de leur lourdeur, il a indiqué que la proposition de loi suggérait d'en assouplir doublement le dispositif : les actions exemplaires réalisées par voie de simple accord collectif hors du cadre strict d'un plan d'égalité professionnelle seraient éligibles à l'aide publique, par ailleurs tous les employeurs, et non les seuls entreprises et groupements d'entreprises, pourraient y prétendre (et notamment les associations).

Abordant le volet public de la proposition de loi, en soulignant qu'il lui semblait contenir les dispositions les plus novatrices, M. Gérard Cornu,rapporteur, a noté en particulier qu'il tendait à promouvoir le recrutement de cadres supérieurs féminins de la fonction publique en agissant sur les filières scolaires, le mode de sélection des fonctionnaires et la composition des jurys. En outre, estimant qu'en matière d'égalité professionnelle, le secteur public se devait d'être exemplaire, il s'est félicité de l'obligation faite à l'Etat de préciser et renforcer le contenu du rapport que le Gouvernement doit présenter, tous les deux ans, au Parlement afin de le rendre comparable au rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, dont la présentation annuelle est imposée aux entreprises de plus de cinquante salariés.

Après avoir ainsi présenté la proposition de loi, M. Gérard Cornu,rapporteur, a déclaré qu'il avait souhaité, dans son rapport, mettre en avant les limites du pouvoir du législateur dans la poursuite de l'objectif de l'égalité professionnelle, face au poids des contraintes culturelles et familiales.

Il a considéré que la maternité présentait pour les femmes un premier " handicap " en ce qu'elle les écartait, souvent à plusieurs reprises, de l'environnement professionnel. Il a à cet égard observé que, dans les catégories socioprofessionnelles supérieures, la maternité intervenait aujourd'hui à un âge assez élevé, au cours de la trentaine, au moment où les profils de carrière se dessinent et les stratégies personnelles s'élaborent de manière précise, ce qui rendait les absences, surtout si elles sont multiples, particulièrement " coûteuses ". Il a ensuite fait valoir que les femmes devaient faire face, beaucoup plus que leurs conjoints, aux obligations familiales et domestiques, en regrettant que l'organisation du travail en France, qu'il s'agisse du secteur privé ou de la haute fonction publique, méconnaisse cette réalité. Il a pris pour exemple l'usage du temps, considérant qu'une place probablement démesurée était accordée dans notre pays aux déjeuners d'affaires ou de travail, et aux horaires tardifs qui pénalisaient directement les femmes. Or, a-t-il fait observer, la promotion hiérarchique récompense souvent et s'accompagne toujours d'une grande disponibilité.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a ensuite insisté sur la mobilité professionnelle et, surtout, géographique qui pèse de plus en plus dans les processus de promotion. Il a noté que dans un nombre significatif d'emplois de la fonction publique, le passage au grade supérieur ou l'accession à certains postes de responsabilité étaient subordonnés à l'obligation de mobilité. Il a estimé que, dans les entreprises privées, le phénomène avait également tendance à se généraliser, en particulier dans les grandes structures où " le passage par l'international " devenait une étape obligée de la carrière des futurs dirigeants. Il a regretté que, les contraintes familiales s'accommodant mal de telles mobilités, les femmes soient la plupart du temps contraintes d'y renoncer et perdent ainsi des occasions de progresser dans la hiérarchie. Il a également fait observer l'impossibilité presque absolue, aujourd'hui, pour un homme, de quitter son emploi pour suivre sa femme dans une mobilité géographique, les pesanteurs culturelles lui interdisant d'espérer trouver du travail dans pareil cas. Il a constaté, pour le déplorer, que, face à ce type d'obstacle " culturel ", le législateur était relativement désarmé.

Enfin, M. Gérard Cornu, rapporteur, a considéré que si la féminisation des jurys de concours n'était sans doute pas inutile pour favoriser la mixité dans toutes les filières, il était cependant plus essentiel de s'interroger sur le poids des arbitrages que les jeunes filles sont amenées très tôt à faire entre la vie professionnelle et les perspectives de la vie familiale.

Abordant alors les pistes qu'il lui semblait opportun d'explorer pour favoriser l'égalité professionnelle, M. Gérard Cornu, rapporteur, a estimé, en premier lieu, qu'il était essentiel de faire porter l'effort sur la formation professionnelle des femmes. Il a indiqué que l'accès à la formation professionnelle continue était tout à fait inégal entre les hommes et les femmes. Or, a-t-il observé, en entraînant de profondes modifications dans l'exercice de nombreuses activités professionnelles, le progrès technologique impose des mises à niveau régulières, voire des reconversions périodiques. Il a mis en garde, à cet égard, contre les " différences sournoises " que pouvait recréer entre les hommes et les femmes le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. En outre, M. Gérard Cornu, rapporteur, a regretté que le problème de la validation des acquis professionnels soit examiné, non pas dans le cadre de la proposition de loi sur l'égalité professionnelle, mais dans celui du futur projet de loi sur la modernisation sociale, une telle validation lui apparaissant comme un instrument correcteur particulièrement intéressant pour la carrière de certaines femmes. Enfin, il a attiré l'attention sur le fait que c'était principalement au niveau des entreprises qu'il fallait agir, en ouvrant plus largement aux femmes les actions de formation proposées et en incitant les organisations syndicales à y porter une attention plus soutenue. Il a estimé qu'il s'agissait là d'une question essentielle qui devrait faire l'objet d'un examen particulier dans le cadre de la refondation du dialogue social.

En deuxième lieu, M. Gérard Cornu, rapporteur, a jugé nécessaire de favoriser les réinsertions professionnelles auxquelles peuvent être confrontées les femmes au cours de leur carrière. Il a pris pour exemple le congé parental d'éducation qui, bien qu'ouvert indifféremment aux hommes et aux femmes, est en pratique presque exclusivement utilisé par ces dernières. Il a fait observer que, le congé parental d'éducation s'accompagnant d'une allocation très concurrentielle par rapport aux bas salaires et à la rémunération du temps partiel et éloignant de la vie professionnelle, les femmes les moins qualifiées parvenaient mal, à son terme, à se réinsérer dans le monde du travail.

Relevant que les femmes qui travaillent, particulièrement les mères d'enfants en bas âge, étaient bien plus que les hommes confrontées à la contrainte du temps,M. Gérard Cornu, rapporteur, a ensuite suggéré d'être plus ambitieux s'agissant des aides matérielles. Il a considéré que, pesant sur le parcours et le plan de carrière des femmes, la contrainte du temps était sans doute la principale source d'inégalité professionnelle entre les deux sexes. Il a estimé que l'objectif d'égalité professionnelle rendait donc indispensable de l'alléger. Il a rappelé que, lorsqu'on les interrogeait, les femmes de 25-40 ans ne réclamaient pas de nouveaux droits pour concilier leurs vies professionnelle et familiale, mais, outre l'application de l'existant, une plus grande aide matérielle. Leur revendication majeure, a-t-il précisé, concerne la prise en charge des jeunes enfants, et il serait souhaitable de l'améliorer par la mobilisation de tous les acteurs publics et privés (État, collectivités territoriales, entreprises, caisses d'allocations familiales, associations), chacun à son niveau de responsabilité. Il a considéré que renforcer l'offre de garde d'enfants supposait d'abord d'augmenter le nombre des équipements collectifs, crèches ou garderies - dans la plupart des villes, mais aussi en milieu rural où l'insuffisance des infrastructures est plus manifeste encore. Mais il a ajouté que tous les modes de garde des enfants devraient être mieux aidés et que cette démarche devrait concerner, au-delà de la petite enfance, la prise en charge des enfants d'âge scolaire après ou en dehors du temps d'école (fins d'après-midi, vacances).

Pour faire face aux besoins de financement, M. Gérard Cornu,rapporteur, a rappelé qu'il existait des solutions traditionnelles comme les instruments de la politique fiscale ou les prestations sociales et familiales. Il a considéré, à cet égard, qu'un mécanisme comme celui de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) avait fait la preuve de son efficacité pour aider les femmes à desserrer la contrainte du temps, et il a regretté que son dispositif ait été revu à la baisse, surtout si l'on se reporte à la relative modicité de son coût (1,7 milliard de francs, à rapporter au montant total des aides aux familles, 130 milliards de francs). Il a estimé qu'il convenait par ailleurs d'explorer des pistes plus novatrices et que, par exemple, les comités d'entreprise pourraient être invités à s'investir dans la garde des enfants du personnel, sous forme de cofinancement de formules comme celle du chèque emploi-service. Pour conclure le chapitre des aides matérielles, M. Gérard Cornu,rapporteur, a suggéré, d'une manière générale, de revoir la politique familiale française, laquelle lui semble devenue brouillonne et ne pas mettre suffisamment l'accent sur les formes d'aides à la fois les moins coûteuses et les plus efficaces pour aider le travail féminin.

Puis, abordant la question de la représentation des femmes dans les instances paritaires, M. Gérard Cornu, rapporteur, a constaté que si la proposition de loi de Mme Génisson visait, dans son titre II, à établir un équilibre entre les femmes et les hommes dans la représentation de l'administration au sein des instances paritaires de la fonction publique, elle n'imposait aucune règle similaire pour les délégués des fonctionnaires ou, s'agissant du secteur privé, pour les organisations représentatives du personnel. Or, il lui a semblé que la mixité des structures de négociation et de concertation ne pouvait être atteinte si les représentations syndicales ne traduisaient pas elles-mêmes, pour ce qui les concernait, l'application d'une règle de proportionnalité. Observant que l'attention que les femmes portent aux mesures concrètes pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale faisait souvent émerger des solutions d'organisation du travail originales, dont les hommes bénéficiaient tout autant, M. Gérard Cornu,rapporteur, a souhaité qu'une réflexion s'engage sur l'introduction en France d'une juste représentation des femmes dans le dialogue social. Il a indiqué qu'il s'agissait là de l'un de ses voeux principaux, et rappelé à cet égard que la loi allemande de 1972 relative à l'organisation interne de l'établissement assurait aux femmes, au sein du conseil d'établissement (l'équivalent du comité d'entreprise français), une représentation proportionnelle à leur effectif dans l'entreprise.

Enfin, M. Gérard Cornu, rapporteur, a jugé indispensable de ne pas oublier, dans la poursuite de l'objectif de l'égalité professionnelle, les conjoints de travailleurs indépendants. Beaucoup trop de femmes d'artisans, a-t-il déploré, demeurent sans statut. Leur situation est celle de simples conjoints aidants auxquels les textes n'accordent, à titre personnel, ni rémunération ni couverture sociale. Il a relevé que c'était le plus souvent " après coup ", dans les situations dramatiques, que se révélait la nécessité d'un statut, la femme devant en effet pouvoir prouver, lorsque le lien matrimonial est rompu par le décès ou le divorce, qu'elle a travaillé dans l'entreprise. Il a ainsi estimé nécessaire d'améliorer l'information des conjoints de travailleurs indépendants en matière statutaire. Il a par ailleurs dénoncé le recours des banques au cautionnement solidaire pour garantir les dettes de l'entreprise artisanale, d'autant, a-t-il souligné, qu'existent d'autres solutions, comme les garanties (nantissement, hypothèque) sur les biens de l'exploitation. Il a ainsi jugé indispensable d'améliorer la protection juridique et financière du conjoint. D'une manière générale, il a regretté le traitement par trop catégoriel réservé par le droit français aux conjoints participant à l'entreprise familiale et appelé de ses voeux une approche plus globale.

En conclusion, M. Gérard Cornu, rapporteur, a invité la délégation à se poser deux questions. Est-il tout d'abord indispensable, pour améliorer l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, de compléter l'arsenal législatif existant ? Observant que les partenaires sociaux disposaient d'un arsenal qui paraissait assez complet mais qu'ils y recourraient insuffisamment, il a estimé que la priorité devrait être donnée à l'utilisation des moyens légaux et réglementaires existants avant de faire peser de nouvelles obligations sur les entreprises.

En second lieu, faut-il préférer la loi à la négociation collective ? Rappelant que l'égalité professionnelle avait été retenue parmi les neuf thèmes qui doivent être examinés dans le cadre paritaire de la " refondation sociale ", et qu'elle sera abordée par les partenaires sociaux au cours du second semestre 2000, M. Gérard Cornu, rapporteur, a jugé qu'il serait dommage que l'intervention préalable du législateur vienne gêner la négociation paritaire. Il a toutefois relevé que le report prévisible à l'automne de l'examen par le Sénat de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson était de nature à lever les craintes ainsi exprimées, les calendriers de la négociation sociale et du travail parlementaire étant alors susceptibles de coïncider.

Puis, M. Gérard Cornu, rapporteur, a soumis à la délégation ses propositions de recommandations. Il a suggéré sept recommandations : inciter les partenaires sociaux à " prendre en charge " la législation existante sur l'égalité professionnelle avant de la compléter et de gêner ainsi éventuellement la négociation sociale sur le sujet, donner un avis défavorable à l'institution d'une sanction pénale en cas de manquement à l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle, faire porter l'effort sur l'orientation scolaire et professionnelle des jeunes filles (notamment en leur ouvrant plus largement les filières d'avenir comme celles des nouvelles technologies de l'information et de la communication), améliorer les dispositifs existants et innover en matière d'aides matérielles et d'organisation du travail, améliorer la protection juridique, sociale et financière des conjoints de travailleurs indépendants en privilégiant l'approche globale par rapport au traitement catégoriel, moduler les crédits de formation accordés par l'Etat aux syndicats en fonction de la prise en compte de l'objectif de mixité, assurer aux femmes une représentation dans les comités d'entreprise proportionnelle à leur effectif dans l'entreprise.

Un débat s'est ensuite instauré.

A Mme Paulette Brisepierre qui estimait nécessaire, prenant l'exemple de récentes nominations au Conseil économique et social, d'inciter le Gouvernement à promouvoir des femmes en chaque occasion utile, M. Gérard Cornu, rapporteur, a indiqué que son rapport insistait sur l'impératif, pour l'Etat, d'être exemplaire en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes.

M. Xavier Darcos a attiré l'attention sur l'excessive féminisation de certaines professions, par exemple dans l'éducation nationale ou la magistrature, et souhaité que dans ses recommandations, la délégation insiste sur le fait que l'objectif de mixité des métiers doit jouer " dans les deux sens ".

M. Claude Domeizel a insisté sur les handicaps professionnels résultant de la maternité, en ce qui concerne tant les congés en cas de grossesse à risques que les recrutements.

Mme Annick Bocandé a ajouté que les handicaps n'apparaissaient pas seulement au moment de la maternité, mais se poursuivaient ensuite, lorsqu'il s'agissait d'être disponible pour répondre aux besoins des enfants liés à leur éducation ou leur santé. Elle a souligné que si l'on notait une légère évolution des mentalités dans les couples où la femme occupe une meilleure position professionnelle que son conjoint, on ne pouvait pas encore considérer que les hommes prenaient suffisamment leur part de responsabilité en la matière. Elle a insisté sur l'importance qu'il y aurait à réformer en profondeur la politique familiale et sur le problème du retour dans l'entreprise après une absence prolongée, retour qui doit pouvoir s'exercer à des niveaux professionnel et de responsabilité identiques à ceux qu'occupaient la femme au moment de son départ.

M. Gérard Cornu, rapporteur, est revenu sur la nécessité d'aider matériellement les femmes en prenant appui sur les expériences menées dans les pays d'Europe du nord, qui prouvaient que lorsqu'on aidait massivement les femmes à concilier vies professionnelle et familiale, on enregistrait à la fois un fort taux d'activité féminine et une stabilisation, voire une remontée, de la fécondité. A l'inverse, a-t-il ajouté, lorsque les tensions sont trop fortes entre famille et travail, les femmes ou bien reportent le moment de leur maternité, et le taux de fécondité baisse, ou bien renoncent à travailler pour élever leurs enfants, et le taux d'activité des femmes est plus faible qu'ailleurs.

Relevant que M. Gérard Cornu, rapporteur, avait déclaré que le bilan de la loi Roudy était médiocre et dit qu'on pouvait s'interroger sur l'opportunité de légiférer à nouveau sur l'égalité professionnelle alors même que ce thème devait être examiné dans le cadre paritaire de la "refondation sociale", Mme Gisèle Printz a demandé ce qu'il convenait de faire pour que la loi Roudy soit appliquée. M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que toutes les personnalités auditionnées par la délégation avaient reconnu que la loi Roudy était une bonne loi, mais qu'elle n'avait pas été appliquée, et souligné que le contexte des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, caractérisées par un fort taux de chômage, n'avait sans doute pas été favorable au thème de l'égalité professionnelle. L'actuelle reprise économique, a-t-il espéré, devrait permettre d'y porter un intérêt plus soutenu, mais, a-t-il ajouté, un alourdissement des textes et des obligations peut être davantage un frein qu'un accélérateur. Il a considéré à cet égard que la sanction pénale que la proposition de loi visait à instituer à l'encontre des entreprises, sans modulation, était malvenue. Il a placé dans les syndicats ses espoirs d'une meilleure application de la loi et dans les vertus du dialogue social ceux d'une meilleure prise en compte des objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Après avoir reconnu que le rapport de M. Gérard Cornu, rapporteur, lui semblait bien synthétiser les différentes auditions auxquelles avait procédé la délégation, Mme Dinah Derycke, présidente, a fait part de ses observations sur les propositions de recommandations. Elle a estimé qu'une des principales raisons de la mauvaise application de la loi Roudy était l'absence de sanctions et que, même si l'on était convaincu des vertus du dialogue social, force était de constater qu'à défaut de sanctions, les obligations étaient rarement respectées. S'agissant du caractère pénal de la sanction, elle a fait valoir que de simples sanctions financières n'étaient pas suffisantes, les grandes entreprises préférant en général les acquitter plutôt que d'appliquer la loi, et leur caractère dissuasif ne jouant en réalité que pour les petites entreprises. Aussi, tout en se déclarant hostile aux sanctions " à tout prix ", elle a fait valoir que seule la sanction pénale paraissait de nature à ne pas créer de distorsions entre les entreprises en matière d'application de la législation sur l'égalité professionnelle. Elle a par ailleurs jugé opportune la suggestion du rapporteur en faveur d'un système de progressivité.

Mme Dinah Derycke, présidente, a ensuite regretté " la connotation négative " retenue par le rapporteur s'agissant de l'opportunité de légiférer à nouveau en matière d'égalité professionnelle.

S'agissant des contraintes familiales et domestiques qui pèsent sur les femmes, elle a vivement souhaité qu'il soit insisté sur l'absolue nécessité de " revisiter " toute la politique familiale, et notamment les différents textes et les dispositions sociales relatifs à l'accueil de l'enfant, au regard de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Revenant sur la sur-représentation des femmes dans l'éducation nationale ou la magistrature, Mme Dinah Derycke, présidente, a fait observer que les métiers excessivement masculinisés l'emportaient nettement en nombre.

M. Claude Domeizel a évoqué les inégalités existant entre les hommes et les femmes en matière de retraite : si 60 % des salariés prennent leur retraite avant 60 ans, a-t-il déclaré, 70 % des 40 % restants sont des femmes, ce qui devrait inciter à la réflexion. Il est par ailleurs revenu sur la nécessité de féminiser davantage les jurys de concours.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a justifié à nouveau, en réponse à ces différentes interventions, certaines des recommandations qu'il proposait et reconnu, s'agissant des inégalités en matière de retraite, l'opportunité d'une réflexion ultérieure.

Après que M. Serge Lepeltier et Mme Dinah Derycke, présidente, eurent estimé une nouvelle fois qu'entrepreneurs et syndicats étaient conjointement responsables de la mauvaise application de la loi Roudy, la délégation a approuvé, Mme Dinah Derycke, présidente, s'abstenant, les recommandations proposées par le rapporteur, amendées par quelques modifications rédactionnelles et complétées par le souhait, exprimé à l'initiative de Mme Dinah Derycke, présidente, de voir la politique familiale réexaminée à l'aune de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Puis, Mme Dinah Derycke, présidente, a fait diverses communications à la délégation : elle a, s'agissant du dossier de la prostitution, évoqué le protocole sur " le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants ", qui doit être rattaché à la Convention des Nations unies sur la criminalité transnationale et qui remet en cause la Convention de 1949 " pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui " ; elle a attiré l'attention de la délégation sur le fait que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer ne contenait aucune disposition spécifique aux femmes, alors que la situation de la femme d'outre-mer est particulièrement défavorable ; elle a enfin recueilli le soutien de la délégation pour demander un renforcement des moyens de travail mis à disposition.