VI. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 22 NOVEMBRE 2011)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-72 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° L'article L. 1613-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1613-1. - À compter de 2011, la dotation globale de fonctionnement est calculée par application à la dotation globale de fonctionnement inscrite dans la loi de finances pour l'année précédente d'un indice faisant la somme du taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l'année de versement, d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année et de la moitié de la croissance prévue du produit intérieur brut marchand. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les dotations aux collectivités territoriales sont désormais gelées, ce qui leur fait ainsi perdre un peu plus de pouvoir d'achat, sans parler du niveau de la hausse de l'indice des prix à la consommation prévu dans le cadrage de la loi.

Les conséquences budgétaires en seront évidemment lourdes pour les communes, les intercommunalités, les départements et les régions. Avec de telles règles, le cycle de régression pour les finances locales se confirme !

Le gel se traduira par la dégradation des prestations et des services rendus à la population, dans une période où la politique économique et financière de ce pays tend à appauvrir et à jeter à la rue de nombreux salariés.

Pourtant, les collectivités territoriales sont, d'une certaine manière, des amortisseurs de la situation que vivent nos populations. D'ailleurs, c'est cette vertu qu'on a daigné leur reconnaître en 2008 et en 2009, au plus fort de la crise.

Notre amendement vise donc à revenir à l'évolution qui était prévue dans les années antérieures, afin que les collectivités puissent répondre aux besoins des populations.

Ainsi, et dans le droit fil de la loi adoptée en 1990 sous la responsabilité de notre ancien collègue Michel Charasse,...

Mme Nathalie Goulet. Ah ! Que de nostalgie !

M. Yvon Collin. Un excellent collègue !

M. Éric Bocquet. ... nous souhaitons une prise en compte effective de la croissance dans l'évolution de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, comme il est de bon aloi pour une dotation qui, je le rappelle, avait à l'origine vocation à remplacer les taxes locales, puis le versement représentatif de la taxe sur les salaires, et fut enfin un prélèvement sur les recettes de TVA du budget général !

Nous sommes parfaitement conscients que cet amendement n'est pas sans effet sur le montant de la dotation mis en distribution. Par exemple, 0,5 % de hausse pour la seule croissance, cela signifie un peu plus de 200 millions d'euros.

Mais, à nos yeux, il ne s'agit pas là d'argent gaspillé - il est bien d'autres domaines où l'on pourrait considérer que l'argent public est mal utilisé ! - et il n'est pas indécent, compte tenu des recettes complémentaires que le travail de la majorité de gauche a d'ores et déjà permis d'obtenir, qu'un petit effort puisse être effectué en faveur des collectivités locales.

C'est pourquoi nous vous proposons de revenir à des calculs qui intègrent bien l'évolution des prix et la croissance dans la détermination de la DGF.

M. le président. L'amendement n° I-18, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Remplacer le montant :

41 389 752 000

par le montant :

41 466 752 000

II. - Alinéas 7 et 8

Rédiger ainsi ces alinéas :

« En 2012, le montant de la dotation globale de fonctionnement des départements mise en répartition est augmenté de 64 millions d'euros par rapport à 2011. »

3° La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 4332-4 est complétée par les mots : « et, en 2012, le même montant est augmenté de 13 millions d'euros par rapport à 2011 ».

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mon cher collègue, l'amendement que vous venez de présenter au nom du groupe CRC rappelle des temps, d'ailleurs pas si anciens, où la situation était bien meilleure ! (Sourire sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Quelle nostalgie !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En effet, monsieur Dallier, nous éprouvons une grande nostalgie, car, à cette époque, nous avions des taux de croissance intéressants, que nous n'avons pas retrouvés depuis !

M. Bocquet faisait allusion à une période où la norme d'évolution de la DGF était la somme du taux d'inflation et de la moitié du taux de croissance du PIB ; d'ailleurs, personne ne s'est trompé sur cette référence. Cela étant, au vu des perspectives qui nous sont annoncées pour les deux prochaines années, je ne suis pas sûre qu'un tel dispositif serait forcément une bonne nouvelle pour les collectivités locales aujourd'hui ! (M. Philippe Dallier s'esclaffe.)

Le texte du projet de loi de finances pour 2012 n'est compatible ni avec les positions de la commission des finances ni avec le nouvel agenda des relations entre État et collectivités territoriales que nous souhaitons mettre en place avec le président Jean-Pierre Bel.

Nous devons d'abord réfléchir à ce que pourrait être l'acte III de la décentralisation. Je n'oublie pas que les maires se réunissent aujourd'hui en congrès à la porte de Versailles. C'est sous leur regard attentif et exigeant que nous débattons cet après-midi des collectivités locales.

Plus précisément, l'amendement de la commission vise à rétablir le montant de DGF qui était prévu initialement, c'est-à-dire avant l'annonce du plan d'économies de 200 millions d'euros. Cela représente une augmentation de 0,2 %, soit 77 millions d'euros de plus, par rapport à 2011.

Monsieur Bocquet, si nous appliquions le pacte de croissance que vous prônez, il faudrait augmenter la DGF de 2,575 %, soit 1,06 milliard d'euros. Par conséquent, vous voyez bien l'incompatibilité entre nos deux propositions. Je souhaiterais donc que vous puissiez retirer votre amendement et vous rallier au nôtre.

Au demeurant, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement portant article additionnel après l'article 6 que notre collègue François Marc a déposé pour préserver les collectivités locales d'un train d'économies qu'elles ne souhaitent pas supporter.

M. le président. L'amendement n° I-178 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Baylet, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Remplacer le montant :

41 389 752 000

par le montant :

41 453 752 000

II. - Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En 2012, le montant de la dotation globale de fonctionnement des départements mise en répartition est augmentée de 64 millions d'euros par rapport à 2011. »

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 24 août dernier, M. le Premier ministre a annoncé une première série de mesures visant à réduire les déficits publics, en insistant sur le fait que les collectivités territoriales devaient être associées à cette diminution.

Le montant total des économies supplémentaires demandées était alors de 1 milliard d'euros. Madame la ministre, le 27 septembre, vous avez évalué à 200 millions d'euros la réduction des concours de l'État aux collectivités territoriales nécessaire pour redresser les comptes publics.

Vous avez justifié ce chiffre par le fait que les concours de l'État aux collectivités territoriales représentaient 20 % du budget. Or vous savez bien que, pour l'essentiel, les transferts financiers au titre de la décentralisation constituent des prélèvements sur recettes, et non une dépense au budget général.

C'est pourquoi le calcul de la proportion de l'effort d'économies supplémentaires à demander aux collectivités doit être fondé non pas sur les charges nettes de l'État, mais sur les charges fiscales brutes avant minoration des prélèvements sur recettes et, bien entendu, hors dégrèvements législatifs décidés par l'État et Fonds de compensation pour la TVA, soit au total 13,44 % et non 20 %, la différence équivalant à un montant de l'ordre de 66 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable, quand on connaît les difficultés financières des collectivités territoriales.

C'est seulement lors de la discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale que nous avons appris la décision de faire porter principalement sur la dotation globale de fonctionnement les frais du coup de rabot résultant de la nouvelle rédaction de l'article 6 par nos collègues députés, soit une baisse de 77 millions d'euros !

L'article 6, dans sa version initiale, avait le mérite de poser un cadre, certes contraignant, comme l'a indiqué fort justement Mme la rapporteure générale, mais qui permettait au moins de laisser filer une légère augmentation de 0,2 % de la DGF. Il prévoyait aussi une augmentation de 64 millions d'euros de la DGF des départements, justifiée par l'augmentation de la population ainsi que par l'évolution au sein de la DGF des dotations de péréquation.

Si nous pouvons partager votre souci de réorienter les finances publiques sur une trajectoire capable de ramener le déficit à 4,5 points de PIB en 2012 puis à 3 points de PIB en 2013, nous regrettons le caractère aléatoire de bon nombre de vos choix fiscaux dont les collectivités territoriales sont les premières victimes.

Or les collectivités locales sont des entités responsables, contrairement à ce que l'on voudrait faire croire. Il n'est pas inutile de rappeler que leur dette représente moins de 10 % de la dette totale de la France. Elles ne peuvent donc être rendues responsables de la dégradation des comptes publics, d'autant qu'elles poursuivent leur désendettement depuis plusieurs années. Cette exemplarité, il faut le souligner, madame le ministre, fait défaut à l'État.

En outre, par les actions qu'elles mènent, les collectivités locales soutiennent les investissements publics. Vous le savez, l'austérité conduira notre pays à la catastrophe si vous ne préservez pas les outils concourant à soutenir l'activité économique. Par ailleurs, elles jouent un rôle d'amortisseur social plus que nécessaire dans la période de récession que nous vivons actuellement.

Les départements, les régions, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ont donc besoin de conserver des capacités financières leur permettant de remplir leurs missions.

C'est pourquoi nous demandons le rétablissement de l'article 6 dans sa version initiale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-178 rectifié ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L'amendement n° I-178 rectifié du groupe RDSE va dans le sens de l'amendement de la commission, si ce n'est que cette dernière a été plus ambitieuse. Nous proposons de revenir à l'épure du projet de loi de finances, ce qui représente une augmentation de DGF de 77 millions d'euros, contre 64 millions d'euros pour votre proposition, monsieur le sénateur. Si vous souhaitez gagner quelques millions - je précise que ce n'est pas un jeu, c'est un bon exercice (Sourires.) - ralliez-vous à l'amendement n° I-18 de la commission !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. L'avis du Gouvernement est défavorable sur les trois amendements. Je souhaite m'en expliquer.

Nous traversons une crise sans doute sans précédent depuis l'après-guerre et qui nous a conduits, après la récession de 2009, à creuser les déficits et donc à alourdir la dette : les recettes n'étaient pas au rendez-vous et les filets de protection sociale justifiaient un certain nombre de dépenses.

Aujourd'hui, la priorité doit aller au désendettement et à la réduction des déficits. Il n'y aura pas trente-six façons de le faire. L'unique façon sera de réaliser des économies. Le temps de la dépense facile est révolu, mesdames, messieurs les sénateurs, et les différents acteurs publics devront équitablement se répartir cet effort d'économies.

L'État en prendra une part considérable. La révision générale des politiques publiques aura permis un gain de 15 milliards d'euros en cinq ans, soit 150 000 fonctionnaires d'État en moins. Nous avons demandé des économies à l'hôpital public ; nous en demandons à la sécurité sociale ; nous demandons également des efforts aux Français pour économiser sur les retraites. Il nous semble donc logique de demander aussi aux collectivités locales de prendre leur part de l'effort national.

Les collectivités locales, vous le savez tous ici puisque vous en êtes l'émanation, ont plus de 200 milliards d'euros de budget consolidé. Elles ont consenti un premier effort en acceptant le gel de leur dotation globale de fonctionnement, tout comme l'État a accepté le gel de son budget en valeur.

Mais, aujourd'hui, il se trouve que nous devons faire un effort supplémentaire pour tenir nos engagements. Cet effort représente 1,5 milliard d'euros en moins pour l'État et 500 millions d'euros en moins pour la sécurité sociale. Les collectivités locales peuvent bien faire aussi un effort supplémentaire de 200 millions d'euros, soit un millième de ce qu'elles dépensent chaque année !

Les collectivités locales peuvent accepter cet effort mesuré, il y va de leur responsabilité. La Haute Assemblée est aujourd'hui sous le regard des Français.

M. Bernard Piras. Le Gouvernement aussi !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Que penseront-ils s'ils s'aperçoivent que certains sont exemptés de l'effort demandé à tous ?

Les collectivités locales ont des responsabilités éminentes, mais elles n'ont quasiment jamais vu leurs recettes baisser,...

M. Bernard Piras. Si, les dotations de l'État !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ... sauf les droits de mutation à titre onéreux pour les départements entre 2008 et 2009. (Mme la rapporteure générale s'exclame.) Néanmoins, vous le savez, les droits de mutation à titre onéreux augmenteront cette année de manière très forte et retrouveront leur niveau d'avant la crise, ce qui n'est pas le cas de l'impôt sur les sociétés pour l'État.

Quand l'État voit ses dépenses diminuer, il fait des économies, mais pas sur le dos des collectivités locales, puisque la dotation globale de fonctionnement de toutes les collectivités a été sanctuarisée.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, elle a été sanctuarisée à son niveau de 2011, madame Bricq.

C'est toute la différence entre vous et nous !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, et nous allons nous en expliquer !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Contrairement à vous, nous pensons que l'on ne peut dépenser plus que l'on ne crée de richesses. Des économies de fonctionnement s'imposent.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous dites cela maintenant...

M. Bernard Piras. Vous ne faites rien pour créer des richesses !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les collectivités locales doivent donner l'exemple, comme l'État, l'hôpital, la sécurité sociale et l'ensemble des Français ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Bernard Piras. Des mots !

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je m'exprimerai au nom du groupe UMP.

Comme l'a fait observer Mme la ministre, le pays traverse une grave crise. Le doute s'installe dans les esprits. Nous lisons tous les jours dans les journaux que certaine agence de notation serait peut-être sur le point de dégrader la note de la France. Or que se passe-t-il, en cas de doute ? Les taux d'intérêt augmentent !

Vous glosez sur la DGF et vous en demandez plus,...

M. Bernard Piras. Pas plus, mais pas moins !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Parfaitement !

M. Joël Bourdin. ... mais, quand le déficit global de l'État et des collectivités locales s'accroît, les taux d'intérêt augmentent. À quoi bon réclamer un peu plus de DGF si cela doit accroître la dette et faire grimper les taux d'intérêt ?

Dans la situation actuelle, il convient au contraire de serrer les dépenses.

Bien évidemment, il n'est pas agréable, surtout au moment où se tient à Paris le Congrès des maires de France...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Eh oui !

M. Joël Bourdin. ... d'annoncer que la DGF sera indexée non sur le taux d'inflation, mais plutôt sur la moitié du taux de croissance. Agréable ou pas, là n'est pas la question, chers collègues : on vous demande aujourd'hui de donner l'exemple, et ce doit être un honneur pour nous tous que d'entendre cet appel à l'exemplarité.

M. Bernard Piras. L'honneur d'avoir mauvaise conscience, oui !

M. Joël Bourdin. Le groupe UMP, bien évidemment, votera contre ces amendements. Il faut resserrer les dépenses, y compris celles des collectivités locales. Il n'est pas facile de le dire aujourd'hui, mais nous le disons, sans démagogie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. J'abonderai dans le sens de mon collègue Joël Bourdin. .

Notre collègue Éric Bocquet réclame en fait pour les collectivités locales un milliard d'euros de primes de rendement. Dois-je lui rappeler que nous avons alourdi les taxes et les impôts de plus de 5 milliards d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous nous apprêtons à faire autant dans le projet de loi de finances ? Franchement, monsieur Bocquet, par les temps qui courent, Mme le ministre et Joël Bourdin l'ont excellemment dit, les collectivités locales doivent également donner l'exemple.

La seule question à se poser est la suivante : ces collectivités ont-elles la capacité de consentir cet effort supplémentaire ? Peuvent-elles se passer des 200 millions d'euros auxquels le Gouvernement leur demande de renoncer ? Globalement, je réponds oui. Individuellement, il faut regarder collectivité par collectivité.

M. Bernard Piras. Ah !

M. Philippe Dallier. Voilà pourquoi, en parallèle du projet de loi de finances, nous discuterons - enfin ! - de la réforme de la péréquation financière. Et cette réforme est à mettre à l'actif de la majorité gouvernementale.

Faut-il vous rappeler, mes chers collègues, que, dans le cadre de l'enveloppe normée, la dotation de solidarité urbaine en faveur des communes les plus en difficulté de nos banlieues a plus que doublé, passant de 600 millions d'euros il y a quelques années à plus de 1,3 milliard d'euros aujourd'hui ? Et la dotation de solidarité rurale a pris le même chemin. C'est le résultat de la politique de la majorité gouvernementale.

M. Bernard Piras. Avec beaucoup d'arbitraire !

M. Philippe Dallier. La décision prise l'année dernière, inscrite et gravée dans le marbre de la loi de finances pour 2011, de réformer cette année les dotations de péréquation, après un débat très intéressant au Sénat, est également à mettre à l'actif de notre majorité. Nous allons enfin réformer le système de péréquation, qui était relativement inefficace et n'aidait pas suffisamment les collectivités locales les plus pauvres.

Le projet de loi de finances pour 2012, même avec 200 millions d'euros de moins, permet aux collectivités locales les plus fragiles de voir leurs dotations progresser. En contrepartie, il sera demandé aux collectivités locales les moins défavorisées, pour ne pas dire les plus aisées, de faire un effort pour contribuer également au désendettement du pays.

Sur une enveloppe globale de 200 milliards d'euros, les 200 millions d'euros d'effort supplémentaire demandés aux collectivités locales, vous avez raison de le souligner, madame le ministre, ne sont pas hors de leur portée.

M. Bernard Piras. Cela fait beaucoup d'argent !

M. Philippe Dallier. Il faut que nous assumions nos responsabilités également ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Voilà trois semaines que, dans cet hémicycle, je vous entends remettre en cause les collectivités locales et stigmatiser leur train de vie.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas toutes !

M. François Patriat. Comme l'État, dites-vous, elles devraient donner l'exemple. Seulement elles n'ont pas attendu l'État pour le faire !

Les collectivités, madame la ministre, n'ont pas de train de vie.

M. Philippe Dallier. Pas toutes, certaines !

M. François Patriat. Elles n'ont que des investissements.

Les communes n'ont pas de train de vie.

M. Roger Karoutchi. Si !

M. François Patriat. Les départements n'ont pas de train de vie

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si !

M. François Patriat. Les régions n'ont pas de train de vie !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si, les cabinets sont pléthoriques !

M. François Patriat. Pour avoir l'honneur de présider une région depuis sept ans maintenant, je puis vous assurer, mes chers collègues, que 95 % des dépenses des régions sont consacrés à l'investissement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Combien dites-vous ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Patriat. On a donné aux régions la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, mais les ressources baissent parce que les régions font en sorte que l'on consomme moins. Dans le même temps leurs dépenses s'accroissent : on leur confie les trains ; elles doivent payer l'électricité pour les lycées, pour les centres de formation d'apprentis ; elles doivent payer le fioul pour le chauffage, etc. Chaque année, ce sont autant de dizaines de millions d'euros en moins pour l'investissement.

C'est dans ce contexte, madame la ministre, que vous demandez aux collectivités de faire des économies, alors qu'elles sont déjà à la cape et qu'elles consentent des efforts au quotidien ! Certes, elles ont créé des emplois, mais uniquement pour assumer les transferts de compétences. La région que je préside aujourd'hui s'est vu confier la gestion des canaux par l'État, avec seulement un tiers du personnel nécessaire. Elle sera donc obligée d'embaucher !

Vous mettez les collectivités au pilori, vous leur faites les poches et en plus vous leur faites la morale ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout à fait !

M. François Patriat. Ce discours est indécent à l'égard des collectivités qui, chaque jour, consentent des efforts pour suppléer l'État.

Vous avez été ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, madame. Combien les régions consacrent-elles aux universités, qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais si !

M. François Patriat. Combien consacrent-elles aux maisons de santé, sans avoir la compétence « santé » ? Combien consacrent-elles au Grand emprunt ? Pourtant celui-ci ne relève pas de leurs compétences.

Oui, les régions sont présentes sur tous ces terrains et participent à toutes ces politiques, ainsi que vous le leur demandez, ce qui leur coûte efforts et sacrifices. Alors ne leur donnez pas de leçons de morale !

Les collectivités locales, aujourd'hui, font office d'amortisseurs de crise. Elles ne peuvent pas être en dessous de la barre qu'on leur a fixée. Elles assument les compétences qui leur ont été transférées, mais souvent elles vont bien au-delà. J'en veux pour preuve le Cancéropôle Grand Est, que je préside. Il est demandé à la région de payer les chercheurs, les matériels, les locaux. Et elle devrait en même temps donner l'exemple et faire des économies ?

Vous donnez un coup de rabot sur les ressources des collectivités et vous les mettez en difficulté tout en les accusant de trop emprunter et de trop dépenser. Mais, en réalité, que font-elles, sinon pallier les carences d'un État qui récolte aujourd'hui les fruits de la politique qu'il a pratiquée durant de nombreuses années ?

C'est la raison pour laquelle nous n'acceptons pas ce réquisitoire contre les collectivités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Il y a décidément des vérités à rétablir inlassablement, puisque le message semble ne pas passer.

Alors que les collectivités représentent encore 70 % du total de l'investissement public dans notre pays, leur endettement ne compte que pour 10 % de notre dette publique globale. De surcroît, les collectivités sont dans l'obligation de présenter des budgets équilibrés, contrairement à l'État, qui, de toute façon, se serait affranchi de cette règle depuis longtemps.

M. Albéric de Montgolfier. Il fallait voter la règle d'or !

M. Éric Bocquet. Le redressement des comptes publics est une nécessité. Soit ! Mais nous sommes convaincus que les investissements des collectivités et le poids économique qu'elles représentent sont un levier efficace pour combattre la crise et faire reculer l'austérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. L'un n'empêche pas l'autre !

M. Éric Bocquet. Certains auraient d'ailleurs beau jeu de laisser entendre que « la gauche n'est bonne qu'à augmenter les impôts », ce qui, soit dit en passant, n'est pas en soi forcément mauvais (Ah ! sur les mêmes travées.) , le tout étant de savoir à quoi sert la dépense.

M. Philippe Dallier. Quel aveu !

M. Francis Delattre. N'avouez jamais...

M. Éric Bocquet. Toutes les recettes fiscales nouvelles que nous pouvons dégager n'ont pas vocation, n'en déplaise à Bruxelles, à venir simplement réduire à due concurrence le déficit budgétaire. Il importe que nous en usions aussi pour créer les conditions d'une certaine forme de relance de l'activité économique.

C'est en ce sens que nous souhaitons majorer la DGF d'un montant plus important que prévu en vue de donner aux collectivités locales quelques moyens supplémentaires. Il s'agit notamment de renforcer, par ricochet, la capacité d'autofinancement de leurs investissements, élément crucial pour l'activité économique, singulièrement dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics mais aussi de la métallurgie ou des industries du verre et du bois.

C'est bel et bien parce que les investissements publics locaux sont vecteurs et leviers de l'activité et de l'emploi qu'il importe de les favoriser.

Tel est le sens de cet amendement que nous ne pouvons que vous inviter à adopter.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Nous ne sommes pas là pour arbitrer un match entre l'État et les collectivités locales. Personne n'a montré du doigt les collectivités locales ; certaines sont bien gérées, d'autres un peu moins bien. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier ; il ne faut pas plus généraliser en cette matière qu'en d'autres.

Assistant depuis un bon moment au débat sur cette première partie du budget, j'ai constaté que l'imagination ne manquait pas pour augmenter les recettes, pour créer des taxes nouvelles. J'espère que l'on fera preuve d'autant d'imagination pour réduire les dépenses, et, à cet égard, j'attends avec impatience les amendements des groupes de la majorité de notre assemblée.

Nous savons en effet très bien qu'il faudra diminuer les dépenses, qu'on ne peut pas se contenter d'augmenter les recettes et les prélèvements sur les Français, car, même si l'on taxe les entreprises, ce sont tout de même les Français qui travaillent dans ces entreprises et qui, au bout du compte, vont payer l'addition !

J'attends donc de voir se déployer cette même imagination, mais pour la réduction des dépenses, cette fois. C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas voter ces amendements qui visent à augmenter la dépense, ce que, dans la période actuelle, je juge irresponsable.

Nous devons tous participer, individus, entreprises, mais aussi collectivités et État, au redressement de nos comptes. Je considère que l'effort qui nous est proposé n'est pas suffisant, madame la ministre. Il faut aller beaucoup plus loin et, personnellement je formulerai des propositions en ce sens.

On nous propose dans ces amendements d'augmenter les dépenses de l'État afin de procurer des recettes supplémentaires aux collectivités. Or un millième du budget des collectivités ne représente pas un effort extravagant, ni un objectif inatteignable. Chacun, en tant qu'élu local, doit se montrer responsable et, pour ma part, c'est un effort que je peux supporter. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne pourrai pas non plus voter ces amendements.

Je ne peux pas laisser dire que nous stigmatisons les collectivités locales, que nous les mettons au pilori, que nous leur faisons les poches (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) , que nous leur donnons des leçons de morale. C'est tout le contraire !

Ce qui nous sépare, chers collègues de la majorité sénatoriale, c'est que vous opposez systématiquement l'État aux collectivités territoriales (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Bernard Piras. Non, c'est l'État qui s'oppose aux collectivités territoriales !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est une conception complètement dépassée ; l'État et les collectivités territoriales doivent travailler ensemble et aller dans le même sens. On ne peut avoir qu'un discours de responsabilité face à la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Reconnaissons-le, ces 200 millions d'euros ne représentent qu'un millième du budget consolidé des collectivités locales. Tout le monde doit participer à l'effort national. Soyez raisonnables ! C'est bien peu en comparaison des 86 000 emplois qui ont été créés dans les collectivités sur la période récente, un chiffre colossal ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Certains d'entre vous ont prétendu que cela n'avait eu aucune conséquence sur le fonctionnement des collectivités. Et vos dépenses de communication, souvent éhontées ? Et vos cabinets pléthoriques, vos multiples collaborateurs ? (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Bernard Piras. Et les services rendus à la population ?...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous n'avons plus les moyens de financer toutes ces dépenses. Il faut arrêter et dire franchement à nos concitoyens comment l'argent est dépensé.

M. Jacques Chiron. Et le budget du Gouvernement ?...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans ma petite ville, qui compte 20 000 habitants,...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Avec 20 000 habitants, ce n'est pas une petite ville !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. ... j'ai l'intention de faire ce que le Gouvernement souhaite, c'est-à-dire, par exemple, de me demander à chaque déplacement si j'ai besoin ou non d'une voiture de fonction, si je dois payer mon essence moi-même, et ainsi de suite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Bernard Piras. Vous n'avez pas droit à une voiture de fonction !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vais faire preuve de transparence envers mes concitoyens, ce que l'ensemble des élus des collectivités territoriales seraient bien avisés de faire, car nos concitoyens ont le droit de savoir.

Mais, le plus important à cet instant, c'est le message que je veux faire passer : cessez d'opposer l'État et les collectivités territoriales ! C'est dépassé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. - Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Bernard Piras. Depuis quatre ans, c'est vous qui n'avez de cesse de le faire !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Madame la ministre, quand j'ai découvert que l'on allait demander 200 millions d'euros aux collectivités, vous savez que j'ai réagi. C'est normal, les collectivités, d'une manière générale, n'aiment pas que l'on touche à leurs capacités financières. Puis, dans les semaines qui ont suivi cette annonce, j'ai commencé à regarder les choses dans le détail, à réfléchir sur le sujet et à écouter les uns et les autres.

Je me suis aperçu qu'effectivement la situation n'était facile ni pour l'État, ni pour les entreprises, ni pour les citoyens, ni, bien évidemment, pour les collectivités. Nous étions donc tous dans la même situation.

J'ai ensuite regardé tous les jours ce qui se passait dans les conseils municipaux, j'ai lu la presse et j'ai constaté que les grandes comme les petites villes de mon département - je ne peux parler que pour lui - n'envisageaient pas cette année d'augmenter la fiscalité et avaient décidé de continuer à investir, à se développer, à mener un certain nombre d'actions. J'en ai conclu que, si elles étaient en capacité de le faire, c'est qu'elles devaient pouvoir réaliser quelques économies de-ci de-là.

Je constate également, puisque, comme un certain nombre d'entre nous, j'ai l'occasion chaque semaine de participer à des inaugurations, que nos territoires sont globalement bien équipés...

Mme Sylvie Goy-Chavent. Pas assez !

M. Éric Doligé. ... et que ces équipements entraînent des frais de fonctionnement d'un certain niveau.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cela dépend des collectivités !

M. Éric Doligé. Peut-être faut-il commencer à réfléchir sur le niveau de ces frais de fonctionnement et se dire que la situation actuelle nous impose de rechercher toutes les sources d'économies possibles.

Il est vrai, plusieurs intervenants l'on dit, que c'est plus facile pour certaines collectivités que pour d'autres, parce qu'elles n'ont pas les mêmes compétences. J'ai d'ailleurs écouté avec beaucoup d'intérêt notre collègue François Patriat décrire les différents champs investis par les régions. Je pense donc qu'il serait intéressant de travailler sur les compétences des collectivités.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Éric Doligé. J'ai le sentiment que, lorsque, en fin de semaine, nous rentrons dans nos circonscriptions, nous sommes nombreux à faire les mêmes constats et qu'une harmonisation, une réflexion entre collectivités serait souhaitable, car nous pourrions ainsi réaliser des économies.

Les compétences des départements et des régions ne se chevauchent, nous dit-on, qu'à 20 %. C'est peut-être vrai, mais 20 %, ce n'est pas rien sur la masse globale. En plus - vous connaissez la fameuse loi des 20-80 - ce sont souvent ces 20 % qui demandent 80 % de temps et d'efforts, car il faut gérer une multitude de petites opérations.

En ce qui me concerne, après mûre réflexion, madame le ministre, j'ai décidé de ne pas voter ces amendements, car je pense que nous devons tous contribuer à l'effort. Ce n'est pas facile et la réaction de tout un chacun, lorsqu'on lit dans le journal qu'un nouveau plan a été décidé, est plutôt négative. Puis, progressivement, on se rend bien compte, en comparant avec ce qui se passe dans un certain nombre d'autres pays, que nous avons de la chance de vivre dans une société telle que la nôtre, ce que savent bien d'ailleurs ceux qui viennent chez nous.

Madame le ministre, compte tenu des efforts auxquels nous allons consentir, je souhaiterais que l'on travaille sur les niveaux, les types de collectivités et les compétences qui leur sont dévolues.

L'État demande des efforts particuliers aux collectivités, qui doivent appliquer les décisions qu'exige le traitement de certaines situations. Ce matin, j'ai longuement parlé avec Albéric de Montgolfier des problèmes posés par les mineurs étrangers, dont la prise en charge représente un coût très élevé pour les collectivités, plus particulièrement pour les départements. Il y a, semble-t-il, un certain laxisme en la matière, puisque j'ai entendu dire que certains départements qui compteraient sur leur territoire un nombre important de mineurs étrangers sans papiers auraient tendance à les envoyer vers d'autres départements. Ce n'est pas acceptable et il faut absolument mener une réflexion en amont pour éviter que des charges nouvelles ne nous soient en permanence imposées.

Dans ma collectivité, nous allons réduire de 14 % pratiquement tous les postes de dépense, sauf dans le secteur social, qui continue d'augmenter. Mais 3 % de social en plus dans l'année, cela oblige à diminuer de 14 % tous les autres postes ! Chacun peut donc mesurer les efforts que cela requiert.

Nous allons les faire, ces efforts, et je demande à tout le monde dans ma collectivité de participer, mais je souhaiterais aussi, compte tenu du fait que ces 3 % d'augmentation des dépenses sociales ne viennent pas de la collectivité mais sont souvent dues à des charges extérieures, que l'État travaille avec nous pour les réduire. D'une manière générale, cette implication de l'État permettrait probablement aux collectivités de réduire leurs capacités financières avec moins de difficultés. (Mme la ministre acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Nous sommes tous attachés au principe de solidarité qui doit exister entre l'État et les collectivités territoriales, madame la ministre. Je veux redire ici les efforts que les collectivités territoriales ont consentis dans tous les domaines, notamment dans la bonne utilisation de leurs ressources.

Très souvent, les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons dû pousser la coopération intercommunale, parfois contre l'opinion, investir dans des domaines qui heurtaient l'opinion. Mais c'est le sens de notre responsabilité et je souhaiterais à cet égard qu'il y ait un peu d'objectivité entre nous.

Une divergence doctrinale fondamentale nous sépare : nous n'avons pas la même conception des collectivités territoriales. J'estime, avec mes amis, que les collectivités territoriales ont un rôle économique majeur. Preuve en est, madame la ministre, que, lorsque vous avez annoncé le plan de relance, toutes les collectivités territoriales ont répondu à l'appel.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Nous sommes bien d'accord !

M. Edmond Hervé. Au début des années quatre-vingt, les collectivités territoriales représentaient 8 % du produit intérieur brut, contre 12 % aujourd'hui. Lorsque nous parlons de relance économique, j'estime que le premier levier sur lequel nous pouvons agir, ce sont précisément les collectivités territoriales.

On dit que l'État est en difficulté. C'est vrai, il l'est, et pour différentes raisons. Mais je voudrais rappeler ici les efforts que font les collectivités territoriales au-delà d'une interprétation très stricte de leurs compétences.

Le secteur des services à la personne, par exemple, s'est énormément étendu, a beaucoup progressé. Prenez le cas précis d'une femme qui, après avoir purgé une peine de dix ans de prison, se voit offrir, à sa sortie, un logement HLM. On comprend bien qu'il ne s'agit pas alors uniquement de lui donner les clés de son logement ; cela suppose tout un accompagnement.

En ce qui concerne la politique de l'emploi, nous avons Pôle emploi, mais ce sont les maisons de l'emploi qui mènent toutes les négociations nécessaires. (Exclamations sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. Je ne vois pas cela partout !

M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, je n'ai interrompu personne. Je parle en fonction de mon expérience vécue et je ne lis pas un texte rédigé par d'autres !

Prenons la défense : voilà bien une compétence régalienne ; or les collectivités territoriales interviennent dans ce domaine. Notre ami François Patriat a eu parfaitement raison de parler des universités, des grandes écoles. Où en seraient les universités et les grandes écoles si les collectivités territoriales n'avaient pas investi dans ce champ ?

Il en va de même pour le logement.

J'ai présidé pendant très longtemps une communauté d'agglomération qui, depuis 2005, a consacré chaque année 50 millions d'euros à l'aménagement et au logement pour développer l'accession sociale à la propriété et la distribution de logements locatifs. C'est une mesure dont je suis très fier, car elle nous a permis de contrôler de manière très précise l'évolution du foncier et les éléments constitutifs des prix.

Vous avez, pour différentes raisons, affaibli les services déconcentrés de l'État. Qui va s'occuper maintenant de l'instruction des permis de construire ? C'est le b.a.-ba que tout maire connaît, et je ne vais pas développer plus longuement ce point, que je souhaitais seulement vous remettre en mémoire.

Prenons maintenant l'exemple du RMI et des départements. Souvenez-vous, mes chers collègues, madame la ministre, que, à l'origine, c'est non pas l'État qui a imaginé le dispositif du RMI, mais les collectivités territoriales, notamment la ville de Besançon, à la fin des années cinquante. Cela prouve bien que les collectivités territoriales sont capables d'inventer des choses tout à fait positives ! À l'origine, l'État finançait 70 % du dispositif du RMI ; aujourd'hui, ce taux est tombé à 30 % ! Et je pourrais multiplier les exemples.

Mes chers collègues, je vous ai entendus parler de la règle d'or. Mais vous avez déjà inscrit une magnifique règle d'or dans la Constitution, je veux parler du principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales ! Or cela ne vous a pas empêchés de faire disparaître l'autonomie financière des régions et de réduire de manière considérable celle des communes, des intercommunalités et des départements ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je renonce à mon intervention. Tout a déjà été dit, et beaucoup mieux que je n'aurais su le faire ! (Protestations amusées sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Je voudrais dire à mon collègue Éric Doligé, qui est, tout comme moi, président de conseil général, que je le préférais lorsqu'il critiquait le prélèvement de 200 millions d'euros !

M. Éric Doligé. Je suis devenu raisonnable ! (Sourires.)

M. Gérard Miquel. C'est ce que vous nous dites ! (Nouveaux sourires.)

Prélever 200 millions d'euros sur la dotation aux collectivités, au motif qu'elles doivent participer à l'effort de rigueur qui s'impose à tous dans une période de crise, paraît de prime abord tout à fait normal.

Qu'en est-il en réalité ? Les transferts de compétences mal compensés ont amené les élus locaux à faire, depuis des années, d'importants efforts de rigueur et d'optimisation. Madame la ministre, vous en conviendrez, leur contribution au plan de relance, notamment, a été déterminante.

Je voudrais évoquer le cas d'un niveau de collectivité que je connais particulièrement bien : le département. Je préside le conseil général d'un petit département,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très beau département !

M. Gérard Miquel. ... qui ne compte que 175 000 habitants.

L'État a transféré au fil du temps tout le champ social aux conseils généraux : l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont le coût devait être compensé à hauteur de 50 % et qui, dans mon département, ne l'est qu'à hauteur de 27 % ; le revenu de solidarité active, le RSA, et l'allocation aux adultes handicapées, l'AAH.

Aujourd'hui, le retard entre les compétences transférées et les compensations obtenues est tel que cela en devient totalement insupportable.

En effet, crise oblige, le nombre de personnes inscrites au RSA progresse, et de façon importante. Il en va de même pour le nombre de personnes relevant de l'APA, le pourcentage de personnes âgées dans mon département étant l'un des plus élevés de France.

J'ai dû augmenter mon budget pour 2012, que je vais faire voter dans les semaines qui viennent, de 12 millions d'euros pour faire face aux dépenses liées à ces trois prestations, considérant l'APA compensée à 50 %. Dans mon département, un point d'impôt représente, après la réforme de la taxe professionnelle, 380 000 euros... Comment voulez-vous que les départements puissent faire face aujourd'hui à ces dépenses ? Ils n'en ont pas les moyens !

Madame la ministre, vous nous avez assuré que les droits de mutation versés aux départements avaient retrouvé leur niveau d'avant la crise. Mais ce n'est pas partout le cas, notamment dans mon département ! Nous avons bénéficié l'année dernière de la péréquation, qui était - j'en conviens - bienvenue. Mais nous sommes encore très loin du compte.

Dans le même temps, l'État nous demande de participer au financement des routes nationales. Nous avons ainsi récupéré un nombre important de routes ; quant à celles qui relèvent toujours de sa compétence, l'État nous demande de participer au financement des travaux ! C'est absolument anormal !

Il en est de même pour le rail : si nous voulons de nouvelles lignes à grande vitesse, il faut mettre la main à la poche.

Cette situation est absolument anormale : le niveau de participation des collectivités est devenu totalement incompatible avec l'équilibre budgétaire. Chacun doit reprendre les choses en main dans ses propres domaines de compétence.

Ces dérapages financiers liés à la gestion du champ social vont progressivement nous contraindre à réduire nos investissements dans les routes, les bâtiments, les collèges, car nous ne pourrons plus financer que des dépenses sociales, et nos entreprises n'auront plus qu'à licencier, ce qui augmentera d'autant le nombre de chômeurs.

Nous avons besoin de rétablir un climat de confiance entre l'État et les collectivités, comme nous avons besoin de retrouver une péréquation véritablement efficace pour aboutir à une juste répartition des ressources.

Madame la ministre, nous sommes prêts à faire des efforts. Mais il n'est pas acceptable de ponctionner les collectivités de 200 millions d'euros cette année : alors même qu'elles sont confrontées à des difficultés majeures, elles vont devoir se priver d'investissements indispensables au bon fonctionnement de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Madame la ministre, nous pourrions accepter de reconnaître que, dans le contexte actuel, une politique de rigueur est salutaire. Nous pourrions de même comprendre que vous demandiez un effort tout particulier aux collectivités. Oui, nous pourrions le comprendre, si du moins, et c'est un président de conseil général qui s'exprime ici, les gouvernements successifs n'avaient pas mis en place depuis 2002 des prestations sociales qui devraient relever de la solidarité nationale mais dont une grande partie du financement est pourtant assurée par les départements, ce qui représente une charge intolérable pour certains d'entre eux. Cette véritable double peine sera, pour nous, très difficile à supporter.

Mais, malgré tout, alors que, dans cette période d'austérité, tous les voyants sont au rouge, nous devons, tous ensemble et de façon solidaire, ramener la voiture au garage. C'est la raison pour laquelle, bien que les départements soient actuellement confrontés à de grandes difficultés, je ne voterai pas ces amendements, par solidarité nationale. (Très bien ! sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Mes chers collègues, je ne vais pas me livrer à une comparaison entre les collectivités les plus vertueuses et celles qui le seraient moins. Je ferai simplement remarquer que, dans le contexte actuel, le montant de la DGF est globalement maintenu et que le FCTVA ne rentre pas dans l'enveloppe normée. Ces deux éléments sont extrêmement importants.

On peut entendre les aspirations des uns et des autres à trouver une solution définitive pour régler le problème des dépenses sociales - on sait ce qu'il en est notamment de la dépendance. Mais, de manière plus immédiate, j'aurais aimé que Mme la ministre réitère auprès de nous l'engagement pris par le Gouvernement de geler toute nouvelle norme.

Concrètement, nous pouvons concevoir qu'il faille diminuer les dépenses de l'État et que les 200 millions d'euros demandés aux collectivités ne représentent qu'un effort somme toute modeste, mais encore faut-il que l'on ne nous impose pas aujourd'hui encore de nouvelles normes, contrairement à un engagement du Premier ministre et du Gouvernement, régulièrement réitéré.

Éric Doligé a abordé la question des mineurs isolés étrangers. Alors que ces mineurs devraient, en toute logique, relever d'une politique nationale, les départements commencent à être mis à contribution en raison de décisions plus ou moins clandestines des parquets, en méconnaissance de l'engagement pris par le Gouvernement de ne pas imposer de dépenses nouvelles.

Nous ne pourrons voter contre ces amendements qu'à condition que cet engagement soit réitéré.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, je voudrais rappeler que, ces cinq dernières années, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne - celle de M. Zapatero, pas la nouvelle ! - et l'Allemagne ont réduit de 12 % en moyenne les dotations aux collectivités accordées par l'État, qu'il soit fédéral ou unitaire.

Je le sais bien, ce n'est pas parce que cela se fait ailleurs que nous devons faire la même chose, mais nous devrions tout de même nous demander s'il n'y a pas, de façon générale, un problème d'équilibre entre les états centraux et les collectivités locales.

Je suis, pour ma part, favorable aux régions ; d'autres préfèrent les départements.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. On peut être favorable aux deux !

M. Roger Karoutchi. Allons-y, chers collègues ! Mais ne devons-nous pas reconnaître que la multiplication des strates administratives dans notre pays ne rend pas facile une gestion unifiée et ne favorise pas les économies ? Par conséquent, les 200 millions d'euros que l'on demande à nos collectivités sur leurs 200 milliards d'euros de budget sont loin de correspondre à ce que les pays voisins ont repris à leurs collectivités ou à ce que nous sommes capables de générer comme économies...

J'entendais M. Patriat, pour qui j'ai beaucoup d'estime, dire que 95 % des dépenses des régions sont de l'investissement. Peut-être cela est-il vrai chez lui, mais nous savons tous que c'est loin d'être le cas dans les autres régions !

En Île-de-France, par exemple, nous en sommes à 57 % pour les dépenses de fonctionnement et à 43 % pour les dépenses d'investissement. Je ne dis pas que nous ne faisons pas d'efforts. Le président de la région d'Île-de-France a ainsi décidé de raboter de 5 % un certain nombre de subventions. Pour autant, ce n'est pas assez, car les dépenses de fonctionnement en Île-de-France ont explosé, et pas seulement celles qui sont relatives aux compétences transférées.

Par conséquent, des efforts supplémentaires devront être faits. Mme la ministre, qui préside notre groupe au conseil régional d'Île-de-France, a entendu comme moi le président Huchon annoncer qu'il récupérerait en 2012 la TIPP du Grenelle 2 à laquelle la région d'Île de France n'avait pas droit jusqu'ici, soit 70 millions d'euros. Il aurait pu dire merci, mais s'en est bien gardé...

Certes, le président de la commission des finances de la région d'Île-de-France que je suis n'est pas particulièrement ravi de devoir verser une contribution supplémentaire de 15 millions d'euros... Mais, je le répète, nous allons récupérer 70 millions de la TIPP du Grenelle 2.

Je sais bien qu'il n'est jamais agréable de s'entendre dire qu'il va falloir redonner de l'argent, ce qui déséquilibre un budget qu'il faudra ensuite rééquilibrer... M. Huchon nous a également dit que, malgré son triple A, la région d'Île-de-France a, en ce moment, des difficultés à emprunter sur les marchés, car les problèmes auxquels est confronté notre pays ont tendance à se diffuser au niveau local.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit précédemment : il n'y a pas de guerre entre l'État et les collectivités locales. Dans l'intérêt des collectivités locales comme dans celui de l'État, nous devrions faire des efforts tous ensemble pour réussir à sortir de la crise et oeuvrer pour une convergence nationale.

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour explication de vote.

M. Claude Haut. Chers collègues de l'opposition, si nous faisons souvent le même diagnostic, nous ne proposons pas pour autant les mêmes réponses. Ici, nous souhaitons non pas augmenter les dépenses de l'État, mais simplement rétablir ce qui était prévu initialement pour les collectivités.

Si nous voulons aujourd'hui le rétablir, c'est que, comme le disait Gérard Roche tout à l'heure, nous avons l'impression d'être frappés d'une double peine : d'un côté, le prélèvement que vous souhaitez réduit considérablement les ressources et donc les marges de manoeuvre des collectivités ; de l'autre, l'État continue, dans le même temps, d'imposer régulièrement des charges nouvelles aux départements.

Mes collègues l'ont déjà dit : les départements sont, avec l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active, confrontés à des charges hors norme ; ils se retrouvent à gérer la solidarité nationale sans en avoir les moyens !

Or, aujourd'hui, vous souhaitez nous ajouter des prélèvements supplémentaires : c'est là qu'est la double peine !

C'est simplement pour rectifier ce déséquilibre existant entre les charges que vous nous affectez et les moyens que vous nous donnez que nous voterons l'amendement n° I-18.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, depuis 2008, les collectivités locales sont mises à mal par le Gouvernement ; elles sont attaquées sans cesse. Dans le même temps, on tente de les culpabiliser.

Je suis maire d'une petite commune de 20 000 habitants : quand je vois que l'endettement de l'État s'élève à 25 000 euros par habitant, contre 350 euros dans ma commune, j'ai du mal à me sentir coupable...

C'est d'autant plus vrai que les collectivités locales ont déjà fourni un double effort. D'un côté, les dotations de l'État ont baissé considérablement - baisse amplifiée par la réforme fiscale -, empêchant les collectivités d'accéder pleinement à l'autonomie financière : c'est tout de même assez grave ! De l'autre côté, les collectivités doivent faire face à toujours plus de charges.

C'est peut-être un peu moins vrai pour les communes. Elles sont en effet désormais chargées de la délivrance des passeports biométriques, des permis de construire dans les villes comptant plus de 10 000 habitants, et ce alors que par ailleurs les crédits de la politique de la ville diminuent. Tout cela ne fait qu'illustrer les propos tenus tout à l'heure par mes collègues conseillers généraux ou régionaux, qui ont eux-mêmes évoqué les charges supplémentaires pesant les communes.

Madame la ministre, on a du mal à vous suivre ! Je pense que les collectivités locales ont fait les efforts nécessaires. Or, là, vous leur infligez une double peine !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage beaucoup des propos qui ont été tenus ; mon intervention sera donc assez brève.

Quand j'entends dire que les collectivités territoriales doivent donner l'exemple en matière de réduction des dépenses, je m'interroge toujours sur ce que les personnes qui nous le demandent, en particulier le Gouvernement, ont en tête.

Sur quoi porte la dépense ? La dépense vise essentiellement à fournir des services publics à la population. Un certain nombre de mes collègues ont pris tout à l'heure des exemples, comme le soutien au maintien des personnes à domicile : le fait, pour une collectivité, de pouvoir proposer des aides ménagères à domicile permet d'alléger le coût d'autres charges - en l'occurrence, l'accueil en maison d'hébergement - qui seraient sinon beaucoup plus lourdes.

Comme nous n'avons toujours pas débattu des modalités de financement de la dépendance, cela signifie que, d'une certaine manière, la collectivité assume une responsabilité qui ne devrait normalement pas lui incomber. Mais qui le fera, sinon ?

Ce sont donc bien les services à la population qui sont l'objet de ces dépenses.

En outre, Mme la ministre a déclaré tout à l'heure que les dotations des collectivités territoriales ne baissaient pas, et que la DGF avait été « sanctuarisée ».

Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à être également maires de communes dont la DGF a baissé, depuis plusieurs années, de façon régulière.

M. Philippe Dallier. Eh oui ! Mais quoi !...

Mme Marie-France Beaufils. La masse globale reste peut-être la même ; elle n'augmente plus ; mais, à partir du moment où la population de la commune augmente, et sachant que la répartition se fait sur un nombre d'habitants plus important, dans les faits, la diminution est bien réelle et personne ne peut la nier.

Je rappelle également que les moyens financiers mis à la disposition des collectivités territoriales ont aussi diminué du fait de l'utilisation que vous avez faite, depuis plusieurs années, de ce que l'on appelle les « variables d'ajustement », avec des dégrèvements ou des exonérations d'impôt qui, depuis un certain nombre d'années, ne sont plus compensés en totalité ou qui sont plafonnés. Or il en résulte, là aussi, des pertes de recettes non négligeables.

Ce qui me pose le plus problème dans votre argumentaire, c'est que vous nous demandez de faire 200 millions d'efforts supplémentaires, en oubliant que, si l'on diminue les dépenses des collectivités territoriales, on diminue leur capacité d'investissement. Or cela aura des effets sur la dynamique économique, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics, ainsi que sur l'emploi. Sur le fond, ce sont les capacités de croissance de notre pays qui seront réduites.

C'est toute la différence entre nous : nous n'avons pas la même approche des solutions utiles pour redresser le pays. Selon nous, ce n'est pas en diminuant les conditions de sa dynamique économique que l'on créera celles du redressement. On le voit très nettement pour la Grèce ; on le voit aujourd'hui pour d'autres pays : ce n'est pas le chemin qu'il faut prendre.

Pour ces raisons, nous voterons l'amendement de la commission, même si, bien évidemment, nous aurions préféré que vous reteniez le nôtre, qui nous semblait meilleur, madame la rapporteure générale.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'attends de l'État qu'il soit cohérent.

Qu'il nous demande de réduire certaines dépenses, nous pourrions l'accepter. Mais alors que l'État ne fasse pas les poches des collectivités locales, exercice auquel il procède pourtant en permanence.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. François Fortassin. Soyez cohérent ! Vous voulez nous empêcher de dépenser plus. Dans le même temps, depuis des années, les réglementations s'empilent, de telle sorte que, pour une même dépense, nous avons des frais supplémentaires qui réduisent considérablement les capacités d'autofinancement et d'investissement de nos communes, de nos départements et de nos régions. Or c'est au travers de l'investissement que l'on mesure la richesse d'un territoire, sa volonté de relance et, dirais-je, l'optimisme qui s'en dégage !

Madame la ministre, vous devriez aussi mesurer que, chaque fois qu'ils rencontrent des difficultés, nos concitoyens les plus démunis et les plus pauvres se tournent toujours vers les collectivités locales : c'est le principe même de la décentralisation. Les citoyens viennent trouver les responsables qui sont au plus près d'eux et leur demandent de régler un certain nombre de problèmes. Cela, vous semblez l'ignorer, vous et le Gouvernement tout entier ! (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)

C'est la raison pour laquelle je voterai, bien entendu, l'amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, comme c'est le cas de beaucoup de mes collègues, ma culture est celle des collectivités territoriales :...

M. Ronan Kerdraon. C'est une bonne culture !

M. Yannick Botrel. ... une culture forgée au sein d'une commune et, jusqu'à il y a quelques mois encore, au sein d'un conseil général.

Sans chercher à opposer l'État aux collectivités - nous avons tous un profond respect pour l'État -, nous devons simplement mettre en évidence un certain nombre de faits.

Que les collectivités locales aient pu passer, aux yeux de certains - nul besoin de citer des noms -, pour responsables d'une gestion dispendieuse peut nous amener à réagir, et à réagir fortement. En tout état de cause, il me semble que ce n'est pas exactement la posture de la plupart des élus territoriaux de notre pays.

La création de postes dans les collectivités territoriales a été évoquée. Cet argument est développé, souvent, par le Gouvernement et, à certains moments, par le Président de la République.

Le chiffre de 86 000 créations a été avancé tout à l'heure. Si je me fonde sur ma propre expérience pour examiner où précisément ces postes ont été créés, je m'aperçois que, dans ma collectivité, la transformation du foyer-logement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes a fait passer le nombre d'agents de vingt, en 2004, à quarante, aujourd'hui. Or l'évolution de la structure était parfaitement justifiée par le vieillissement de la population résidant dans cet établissement.

Que l'on ne vienne donc pas nous dire que ces emplois ont été créés par pure futilité ! Ces postes nouveaux correspondent au contraire à un besoin, à une nécessité, à des programmes qui, à l'époque, ont été lancés par l'État.

De même, le fait que les enfants de moins de trois ans ne soient plus accueillis dans les écoles maternelles a conduit des collectivités à mettre en place des structures d'accueil. Il me semble que cela va aussi dans le sens de l'activité économique de notre pays : il faut bien que les parents trouvent des solutions de garde de leurs enfants lorsqu'ils travaillent ! Ces créations de poste, me semble-t-il, n'ont rien d'inutile.

Passons sur les conseils généraux : les conditions de transfert des personnels venant des directions départementales de l'équipement ou de l'éducation nationale ont été évoquées précédemment. On sait que, dans un certain nombre de cas, ces transferts étaient insuffisants et qu'il a bien fallu faire face aux carences que l'on a pu constater dans le passé, bien qu'elles soient plus difficiles à expliquer par les collectivités territoriales. Or tout cela a conduit les conseils généraux à créer un certain nombre d'emplois.

Pour ce qui est maintenant des transferts de charges, deux chiffres me suffiront : en 2002, l'APA était compensée à près de 50 %. Aujourd'hui, cette compensation n'atteint pas les 30 %. (M. Albéric de Montgolfier proteste.)

Cette année, dans le budget du département des Côtes-d'Armor, les dépenses à caractère social sont en augmentation de 18 millions d'euros, à périmètre égal. Quand on sait que le point de fiscalité, qui a pu atteindre jusqu'à 1,5 million d'euros pour cette collectivité, est descendu, par le biais des dispositions prises dans la période récente, à environ un million d'euros, on voit que ce sont 18 points de fiscalité qu'il faudrait pour compenser à due concurrence. Excusez du peu !

On le voit bien, les collectivités sont, malgré elles, prises dans un étau ; personne ne peut le contester, sauf à être de mauvaise foi.

Alors, quand on parle de faire participer les collectivités à l'effort budgétaire de la nation, j'ai, pour ma part, tendance à considérer que cet effort est déjà fourni et qu'il l'est depuis longtemps. Je vous renvoie aux exemples très concrets que j'ai développés.

L'amendement de la commission a du sens, et je le voterai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Ronan Kerdraon. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite du nombre d'interventions, en particulier de la part de mes collègues du groupe socialiste-EELV ; elles démontrent, s'il en était besoin, le bien-fondé de l'amendement de la commission.

Cela fait plus d'une heure que nous discutons de ce sujet sensible. De quoi s'agit-il ? Je rappelle que, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé une ponction supplémentaire de 200 millions d'euros sur les recettes destinées aux collectivités territoriales.

Devons-nous accepter cette ponction supplémentaire ? Nous avons le sentiment que non. L'amendement de la commission vise justement à vous proposer de refuser cette ponction et à revenir en arrière. Mes collègues ont tous développé de nombreux arguments ; je n'y reviens pas.

Les choses sont très simples : on a donné beaucoup de compétences aux collectivités ; dans le même temps, on a privé ces mêmes collectivités de leur autonomie fiscale,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne l'a enlevée qu'aux régions !

M. François Marc. ... - plus que 12 % pour les départements et 8 % pour les régions - soit une conséquence assez dramatique de la réforme de la taxe professionnelle.

Il faut donc des ressources pour faire face à ces compétences transférées. À cet égard, les collectivités sont confrontées à une situation assez critique, résultant de la suppression, en 2008, du fameux « contrat de croissance et de solidarité », suivie du gel en volume des dotations, lui-même suivi de leur gel en valeur.

Aujourd'hui, le gel en valeur correspond, pour les collectivités, à un milliard d'euros de recettes en moins par an, dans un contexte où leurs compétences augmentent.

Dans ces conditions, la ponction de 200 millions d'euros supplémentaires est vraiment ressentie, par les collectivités, comme un coup de poignard ; on peut le comprendre.

Or, plus inquiétant encore, ce coup de poignard ne sera pas sans effet sur la péréquation. On nous assure que l'on va recourir à la péréquation ; certains de nos collègues l'ont affirmé tout à l'heure encore. Effectivement, il y aura de la péréquation horizontale : on va prendre aux uns pour donner aux autres ! Mais, sur ces 200 millions d'euros, 85 millions d'euros impacteront les péréquations verticales : il y aura donc moins d'argent pour les collectivités les plus modestes.

On a de surcroît le sentiment que les collectivités sont devenues la valeur d'ajustement du budget de l'État, ce qui inquiète les élus.

Ainsi, le 15 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, un député de la majorité - et pas n'importe lequel ! - a proposé de maintenir le niveau des prestations familiales en baissant, en contrepartie, de 200 millions d'euros supplémentaires les dotations versées aux collectivités territoriales. Le Premier ministre a répondu qu'il n'était pas insensible à cette proposition ; il aurait même déclaré : « Pourquoi pas ? Allez-y ! »

On comprend donc l'inquiétude de bon nombre d'élus, notamment dans cet hémicycle.

Il est déjà illégitime de prélever 200 millions d'euros supplémentaires sur les collectivités au titre de ce projet de loi de finances, mais si en plus on laisse entendre que, dans les mois qui viennent, les collectivités seront traitées comme valeur d'ajustement négligeable...

Pour toutes ces raisons, le Sénat, chambre des collectivités locales et territoriales, doit voter l'amendement de la commission qui tend à préserver leurs ressources. Aussi, je vous invite tous, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Emorine. Mes chers collègues, nous débattons depuis une heure et demie de 200 millions d'euros sur un budget de 200 milliards d'euros et alors que l'État compensera à hauteur de 100 milliards d'euros...

Vous avez parlé des relations entre l'État et les collectivités, mais je veux, pour ma part, vous rendre attentifs aux relations existant au sein des départements, singulièrement aux interventions financières des départements en faveur des communes.

Vous le savez, le département a compétence en matière d'aménagement du territoire et d'aménagement foncier. Or, dans mon département, dont le conseil général est présidé par Arnaud Montebourg (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) , ces compétences ont été mises de côté. Il en est de même pour ce qui concerne toutes les politiques environnementales, qu'il s'agisse de l'entretien des rivières, de l'assainissement ou encore de la qualité de l'eau. Aujourd'hui, les maires que je rencontre m'interrogent : « Mais où est le département ? »

M. Bernard Piras. Ce n'est pas comme cela dans la Drôme !

M. Jean-Paul Emorine. La situation est peut-être différente dans la Drôme, mais je vous fais part de mon expérience au quotidien.

Quand on parle des départements, il faut donc aussi considérer ce qu'ils font pour les communes. Or toutes les aides ont disparu, même en faveur des structures intercommunales.

M. Michel Berson. Vous êtes excessif ! Très excessif !

M. Jean-Paul Emorine. Quel est aujourd'hui le véritable problème des départements ?

Je reprendrai l'exemple de l'APA, que notre collègue Yannick Botrel a évoquée et dont j'entends dire qu'elle n'est pas compensée à 50 %. Un bref rappel historique s'impose.

Face à Arnaud Montebourg, j'étais le leader de l'opposition, et j'ai repris les débats de l'Assemblée nationale sur l'allocation personnalisée d'autonomie. J'ai constaté à cette occasion que Mme Guigou avait bien appelé les présidents de conseil général à faire un effort, mais qu'il n'était pas alors question de 50 %.

M. Michel Berson. C'était 50-50 !

M. Jean-Paul Emorine. Non, mon cher collègue, et je vous invite à relire les débats comme je l'ai fait, ce qui me permet d'avoir aujourd'hui bien en tête les proportions : Mme Guigou demandait un effort des deux tiers ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Aussi, depuis une dizaine d'années, le Gouvernement compense l'APA dans les départements à hauteur de 33 % en moyenne.

D'ailleurs, le gouvernement Jospin n'avait même pas prévu la participation financière de l'État dans la loi de finances pour 2002. C'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Eh oui !

M. Jean-Paul Emorine. ... qui a inscrit les crédits à verser aux départements au titre de l'APA.

Mme Valérie Pécresse, ministre. En effet !

M. Jean-Paul Emorine. Voilà pourquoi le problème qui se pose aux départements est bien celui de l'allongement de l'espérance de vie - phénomène dont nous pouvons évidemment tous et toutes nous féliciter - dans la mesure où le nombre de bénéficiaires de l'APA a été, en moyenne, multiplié par deux.

C'est ce problème que vous vivez, mes chers collègues, dans vos départements.

M. Bernard Piras. La solidarité nationale !

M. Jean-Paul Emorine. On s'y est attelé, mais on n'a pas encore réussi aujourd'hui à le régler.

Parlons plutôt de la manière dont nous pourrions mieux financer la dépendance,...

M. Bernard Piras. Par la solidarité nationale !

M. Jean-Paul Emorine. ... mais ne faites pas le procès de l'État pour 200 millions d'euros !

La solidarité nationale doit s'exprimer sur l'ensemble du territoire et je suis convaincu que les maires accepteront bien volontiers un effort comme celui-ci. (On scande : Solidarité nationale ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Vous ne remettrez pas en cause les politiques communales, pas plus que les politiques départementales et régionales. Mais j'aimerais que l'on parvienne un jour à attribuer aux collectivités des compétences clairement définies.

Notre collègue François Patriat notamment a indiqué tout à l'heure que l'État avait abandonné les services qu'il pouvait apporter aux collectivités locales en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Il faut, dites-vous, des agences techniques, parce qu'elles sont là pour conseiller. Mais on sait bien que ces agences ont un rôle politique (Mme la rapporteure générale s'exclame.) et qu'elles défendent les politiques des départements.

En matière de maîtrise d'ouvrage, il existe des cabinets d'assistance, et les petites communes ont la possibilité de passer une convention avec l'État pour disposer d'une assistance dite « ATESAT », l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire

M. Bernard Piras. Personne n'est disponible ! Il n'y a plus personne !

M. Jean-Paul Emorine. Mes chers collègues, avec les agences techniques, vous voulez prendre la main pour faire de la politique !

Mais, de grâce, pour 200 millions d'euros, je ne puis vous suivre. Vous l'aurez compris, je ne voterai pas de tels amendements.

M. le président. La parole est à M. Louis Pinton, pour explication de vote.

M. Louis Pinton. Mes chers collègues, j'ai écouté vos interventions avec beaucoup d'intérêt, et je remarque que toutes, quelle que soit votre appartenance politique, font état de problèmes financiers rencontrés par les départements et des rapports difficiles avec l'État eu égard à sa participation financière. Tout cela est vrai, et vous avez tous raison, mes chers collègues.

Permettez-moi cependant une observation.

Tous les départements sont soumis aux mêmes pressions et aux mêmes difficultés. Cela signifie que tous les départements devraient être dans la même situation. Ainsi, un département rural moyen - je connais bien cet exemple, pour être président du conseil général d'un département rural - a une population de 300 000 habitants, pour un budget de 300 millions d'euros. Mais certains de ces départements ruraux ont une dette de 350 millions d'euros, alors que d'autres ne sont pas du tout endettés. Or, lorsque je traverse ces départements, je ne vois pas de différence. (M. François Marc s'esclaffe.)

La représentation nationale devrait plutôt s'interroger sur la qualité de la gestion des départements, car, encore une fois, nous vivons tous les mêmes conditions. (M. Joël Bourdin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je ne pensais pas intervenir dans ce débat parce que tous mes collègues ont déjà avancé avec force leurs arguments, mais, avec tout le respect que je lui dois, je me dois de répondre à notre collègue Jean-Paul Emorine.

Concernant les allocations transférées aux collectivités, peu m'importe ce qui a été voté à un moment par un gouvernement de gauche et ensuite par un gouvernement de droite, qu'il s'agisse du transfert du RMI,...

M. Albéric de Montgolfier. Pas nous !

M. Éric Doligé. On le paie !

M. Yves Daudigny. ... ou de la PCH. Ce qui compte, c'est la situation actuelle. Or les chiffres officiels de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, démontrent que l'APA est compensée par l'État à hauteur de 27 %, une compensation qui est, chaque année, en diminution constante. L'État n'assure donc même pas le tiers du financement global de l'APA ! Or les départements voient leurs dépenses au titre de la PCH s'accroître et ils sont également amenés à participer aujourd'hui - heureusement dans une moindre proportion ! - au financement du RSA de base, ce qu'ils ne faisaient pas avant le transfert.

Telle est la situation actuelle, et c'est sur ces données que nous devons fonder notre jugement et délibérer.

Concernant l'ingénierie et l'ATESAT, je ne puis laisser passer de telles affirmations sans réagir.

Tout le monde le sait, l'ATESAT est en voie d'extinction dans nombre de départements. (M. Jean-Paul Emorine fait un signe de dénégation.) Dans les départements ruraux, le secteur privé ne peut apporter son soutien, faute de modèle économique pertinent. C'est que, dans ce cas, l'ingénierie suppose beaucoup de déplacements et des coûts élevés : ou bien les sociétés privées ne répondent pas ou bien elles proposent des projets qui n'ont rien à voir avec la réalité de la ruralité.

Nous avons besoin aujourd'hui de remettre en place de l'ingénierie publique dans les départements ruraux pour compenser la disparition des fameuses et historiques DDE, les directions départements de l'équipement, et DDAF, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, qui accomplissaient remarquablement ce travail dans des conditions économiques acceptables et supportables par les communes.

Alors, oui, chers collègues, nous créons des agences, conformément à la possibilité qui nous est offerte par les directives européennes et la législation en vigueur.

Quant à l'éternel millefeuille ou « mille et une feuilles », combien de fois avons-nous dit qu'il s'agissait plutôt d'un « mille et deux feuilles » avec la création par la loi des métropoles et des pôles métropolitains ? Mais tel n'est pas le sujet.

La question du département et de la région revient sans cesse, mais permettez-moi de rappeler deux vérités.

Tout d'abord, il existe dans tous les pays européens deux niveaux intermédiaires, comme en France, avec, bien sûr, des répartitions de compétences très différentes. Toutefois, l'Allemagne et l'Espagne, qui ont été citées, sont des États fédéraux ; la comparaison n'a donc pas de sens ici.

Ensuite, cessons de penser qu'un seul niveau de compétences coûtera moins cher.

M. Éric Doligé. Bien sûr que si ! C'est évident !

M. Yves Daudigny. Aujourd'hui, les départements entretiennent les collèges et les régions, les lycées. Si, demain, il revient à la seule région d'entretenir les collèges et les lycées, en quoi le coût sera-t-il moindre pour chauffer les collèges ou les repeindre ? Je voudrais que l'on m'explique...

Il en est de même pour l'entretien des routes. Le kilomètre d'enrobé coûtera-t-il moins cher si l'on supprime un échelon ? Évidemment non !

Il est certain, en revanche, qu'il faudra créer une administration régionale, qui sera ensuite disséminée dans les départements, ce qui coûtera plus cher.

Là où l'on pourrait avoir de moindres dépenses, c'est dans le domaine des associations, de la culture, par exemple. Or, bizarrement, la loi qui a été votée a prévu, dans son texte initial, que les départements, les régions et d'autres collectivités pourraient continuer d'intervenir conjointement sur plusieurs niveaux, dont celui de la culture.

Arrêtons de dire des contrevérités et cessons de considérer que les collectivités territoriales sont des variables d'ajustement, ainsi que certains l'ont affirmé à droite de cet hémicycle. Ce qui est en jeu, c'est non pas l'avenir des collectivités, mais bien l'action publique et l'investissement dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au vote !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je remercie tous nos collègues de part et d'autre de l'hémicycle d'avoir participé à ce débat important. Mais, de grâce, n'opposons pas ceux qui seraient vertueux à ceux qui seraient irresponsables, n'opposons pas les communes aux départements, n'opposons pas les départements entre eux. Ce qui est en cause ici, c'est le pacte de confiance entre l'État et les collectivités. Et ce problème se posera quelle que soit la majorité qui sortira des urnes aux prochaines élections.

Pour ma part, j'approuve pleinement avec, je l'espère, tous mes collègues ici rassemblés, le travail que va réaliser le président Bel en ouvrant les assises des collectivités locales : le Sénat s'honorera d'accueillir ces débats que nous pourrons reprendre.

Pour en revenir aux chiffres, je veux dire à nos collègues - cela ne va certainement pas les rassurer ! -, que les députés ont pris ces 200 millions d'euros à tous les niveaux. Bien sûr, il a été demandé aux parlementaires de se trancher en quelque sorte la tête, mais les communes ne sont pas, elles non plus, exemptées de l'effort qui est demandé par le Gouvernement, bien au contraire !

En d'autres termes, mes chers collègues, tout le monde y a droit !

M. Bernard Piras. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les seules qui, paradoxalement, s'en sortent moins mal que les autres, ce sont les régions. Mais on leur avait déjà tout pris avec la perte d'autonomie financière,...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oh !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... alors que ce sont des collectivités stratégiques, de par la loi.

Madame la ministre, pour illustrer mon propos et vous montrer que les communes vont être très fortement mises à contribution, je prendrai un exemple qui va sans doute vous rappeler quelque chose, celui de Chelles, en Seine-et-Marne.

J'ai fait le compte, madame la ministre : sur dix ans, le transfert de charges représente peu ou prou 600 000 euros par an et la perte de pouvoir d'achat de la dotation globale de fonctionnement par rapport à l'indice des prix de l'INSEE est de 4 millions d'euros sur la période. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Piras. C'est ce que j'ai aussi chez moi !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Faites le calcul !

Mme Marie-France Beaufils avait raison de le dire. Il s'agit pourtant d'une ville de 50 000 habitants, la première du département ! Et ces comptes sont bien réels et non pas inventés. Or des efforts supplémentaires vont être demandés à cette commune. Voilà la réalité !

L'un d'entre vous a dit, à propos de l'amendement de la commission, que nous voulions plus. Non, nous ne voulons pas plus, mais nous ne voulons pas moins non plus ! Madame la ministre, nous voulons revenir au texte initial du Gouvernement, celui de 28 septembre.

Vous avez parlé de la crise,...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... qui vous a obligée à faire ces économies. Mais que ne les avez-vous proposées le 28 septembre ? Qu'est-ce qui a changé depuis ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Regardez la télévision !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout le monde sait que la France est dans une position critique, et vous savez pourquoi maintenant ! La vérité se fait jour petit à petit. C'est parce que personne ne croit à l'hypothèse de croissance que vous avez maintenue pendant des mois contre vents et marées. Vous la révisez au fur et à mesure, mais le compte n'y est toujours pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

La Commission européenne l'a encore dit la semaine dernière.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est inexact !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce qui est vrai aujourd'hui l'était voilà deux mois.

Vous avez dit qu'il fallait agir sur les dépenses. Je souhaite vous rappeler le rapport d'information du 26 octobre 2011 que j'ai présenté au nom de la commission des finances sur les prélèvements obligatoires, le débat que nous avons eu sur ces prélèvements obligatoires et leur évolution le 2 novembre 2011 ainsi que le rapport général sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2012.

Avec l'appui de la commission des finances, j'ai bâti un scénario pluriannuel qui concerne les dépenses de 2012 à 2017, et qui repose sur l'hypothèse d'une progression des dépenses publiques de 1 % en volume, alors qu'au cours de la période allant de 2008 à 2012 le Gouvernement n'a jamais fait mieux que 1,4 %. De plus, pour l'après-2012, vous prévoyez 0,5 %, ce qui est complètement irréaliste !

Alors ne dites pas que l'effort sur les dépenses est uniquement programmé par ceux qui siègent du côté droit de l'hémicycle, car ce n'est pas vrai ! Tout le monde sait qu'il faudra faire un effort sur les dépenses et un effort aussi sur les recettes.

L'effort doit être collectif, bien sûr, mais encore faut-il qu'il soit fondé sur un pacte de confiance. Quelqu'un a fait référence, M. Roger Karoutchi je crois, à l'Allemagne. Précisément, la commission des finances s'y est rendue au mois d'avril ; nous y étions avec le président Marini.

Concernant notamment l'effort de réduction du déficit et donc de la dette, on nous a bien montré qu'en Allemagne tout se règle par la négociation ! Les trajectoires sont vérifiées par une négociation annuelle au sein des Länder . Voilà ce qui manque à la France, où l'on impose tout sans négocier.

Depuis deux ou trois ans, toutes les conférences des exécutifs qui ont eu lieu se sont déroulées sous la même forme : un discours, et c'est tout. Il n'existe pas, en France, cette tradition de la négociation qui est pourtant si importante et que nous devrions adopter.

C'est tout l'enjeu du débat sur l'acte III de la décentralisation ! C'est à partir de là que nous mesurerons les efforts des uns et des autres, et non à partir de ce projet de loi de finances dans lequel vous voulez acter que les collectivités territoriales participent, à hauteur de 20 %, au milliard d'euros d'économies que vous proposez.

Quand j'examine la trajectoire que vous avez définie pour après 2012, je ne trouve pas, dans les documents budgétaires, trace d'une documentation. Comment faites-vous pour arriver à 0,5 % en volume ? Nous avons cherché, les administrateurs de la commission et moi-même, mais nous n'avons pas trouvé.

Il est trop facile d'affirmer que l'on agit sur la dépense alors que l'on n'en trouve aucune trace dans les documents budgétaires qui sont soumis au Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec grande attention les uns et les autres, en particulier en dernier lieu le rapporteur général, et je ne peux pas ne pas réagir sur plusieurs points.

Madame le rapporteur général, vous mettez en cause notre façon de procéder en la comparant à celle qui prévaut en Allemagne, mais vous ne pourrez certainement pas prétendre qu'en France l'État peut négocier avec les collectivités territoriales comme cela est possible en Allemagne fédérale ! Nous ne sommes pas un pays fédéral.

Vous avez évoqué les conférences des exécutifs. J'ai le souvenir de ces premières grands-messes. J'ai toujours trouvé qu'elles étaient assommantes, car les collectivités y sont représentées par des associations nationales qui, naturellement, ne sont aucunement mandatées pour prendre des engagements au nom de leurs membres.

Ce ne sont que des associations, des groupements d'intérêt aux niveaux communal, intercommunal départemental, régional.

Comment voulez-vous que, face à l'exécutif, les présidents de ces associations entrent dans une négociation ? Ils ne sont pas mandatés pour cela et leurs statuts ne le permettent pas. Face à l'exécutif, ils ne peuvent qu'exprimer les intérêts dont ils sont porteurs, c'est-à-dire qu'ils sont contraints de se placer dans une logique de groupe d'intérêt face à l'État central.

Et comment voulez-vous que l'État négocie individuellement avec chaque collectivité territoriale de ce pays ? À la vérité, l'État est dans son rôle lorsque, par exemple, animant sous ses différentes formes le comité des finances locales, il met sur la table les données économiques, financières et budgétaires qui s'imposent à tous.

Vous ne pouvez donc pas faire ce parallèle entre l'Allemagne fédérale et la France.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n'est pas moi qui ai fait la comparaison la première !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous n'avons pas la même organisation, tant institutionnelle que locale, et ce n'est absolument pas une comparaison utile en ce qui concerne notre monde local.

Quand on parle de convergence franco-allemande, on parle des enjeux généraux des finances publiques, en particulier de fiscalité. Mais comment voulez-vous comparer la démarche de la France, forcément marquée par la présence de l'État central, de par sa structure étatique, à la culture de la négociation telle qu'elle est susceptible d'être pratiquée en République fédérale, chez nos voisins d'outre-Rhin ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n'est pas moi qui ai pris cet élément de comparaison, c'est Roger Karoutchi !

M. Edmond Hervé. Rien ne vous empêche de la mettre en place, cette négociation ! Un article de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République vous le permet !

M. le président. Monsieur Hervé, je vous prie de laisser parler M. le président de la commission des finances, qui a la parole et lui seul.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais je suis très intéressé par l'interruption d'Edmond Hervé et je suis prêt à en débattre avec lui.

Je tiens tout de même à rappeler que nous sommes dans une République unitaire et non fédérale, qu'il faut à chacun prendre ses responsabilités et que c'est la mission de l'État de faire partager la contrainte commune.

La décentralisation existe, mais il ne faut pas oublier que, pour une large part, les ressources de nos collectivités territoriales sont des dotations qui prennent naissance dans le budget de l'État. Il est vrai que nous appliquons la règle d'or dans chacune de nos collectivités. Mais comment et avec quoi ? Avec les dotations destinées à financer nos sections de fonctionnement !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est vrai !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, restons raisonnables !

Nous sommes dans une période difficile ; personne n'y échappe et personne n'y échappera. On ne peut pas entretenir la fiction selon laquelle, communes, intercommunalités, départements, régions pourraient être tenus à l'écart des difficultés de l'heure.

Dans notre monde local, nous avons, c'est vrai, un problème de clarté dans la distribution des responsabilités. C'est le vrai sujet, car chacun peut présenter la réalité à sa façon ; elle est tellement complexe qu'il faut être, comme la plupart d'entre nous, d'excellents gestionnaires locaux pour s'y retrouver.

Comment alors éviter l'instrumentalisation de ce sujet ?

Mais, chers collègues, est-il responsable de dire que les 200 millions d'euros d'économies seraient un « coup de poignard » dans le dos des gestionnaires de collectivités territoriales ? Personne ne nie les difficultés ; on en rencontre partout. Mais, quand on sait ce que représentent 200 millions d'euros par rapport aux masses totales des transferts financiers aux collectivités territoriales, on doit garder le sens de la mesure !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est évident que notre système local n'est pas sans reproche. Il est non moins évident qu'il est difficile de s'y retrouver dans cette réforme réalisée de bonne foi, mais exagérément complexe, tant elle comporte d'atténuations et de méandres. Et la réforme de la taxe professionnelle n'arrange rien, ne simplifie rien. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Bernard Piras. Bravo !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce que je dis n'est pas nouveau ! J'ai rapporté cette réforme et, avec la commission des finances, je me suis efforcé de la rendre supportable, acceptable, afin qu'elle atteigne ses objectifs économiques et que les collectivités territoriales, notamment le bloc communal, qui était très mal traité dans le projet initial, puissent s'en sortir correctement.

Le travail particulièrement difficile que nous avons accompli était justifié par les enjeux économiques. Mais il est vrai qu'à la sortie ce n'est pas plus de simplicité ; c'est plus de complexité.

Madame le ministre, nous aurons à en reparler, sur la base de simulations je l'espère, pour réfléchir, au regard du couple territorialisation/péréquation, à la façon de tirer vers le haut toutes les collectivités territoriales de ce pays, compte tenu des missions qui sont les leurs.

Mes chers collègues, les choses n'étant déjà pas simples, de grâce, n'instrumentalisons pas ce débat ! Ne faisons pas entrer trop de représentations exagérément corporatives dans nos délibérations ! Les missions qui nous sont imparties par la période que nous vivons sont d'un autre ordre que cette défense pied à pied de chaque élément de l'organisation existante ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat extrêmement riche, je vous invite à ne pas tomber dans le simplisme, ni dans la caricature.

Contrairement à ce que vous avez dit sur les travées de la gauche, le Gouvernement n'a nullement stigmatisé les collectivités territoriales. (M. Bernard Piras s'exclame.) Il dit seulement qu'un effort très important est consenti par l'État sur ses dépenses.

M. Bernard Piras. Vous avez la mémoire courte !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec une diminution de 1,5 milliard d'euros, la progression de la dépense publique est limitée à 0,6 %. C'est un budget historique de ce point de vue, car, depuis 1945, jamais les dépenses de l'État n'avaient baissé d'une année sur l'autre !

Si Mme Nicole Bricq ne trouve pas une croissance de 0,8 % des dépenses entre 2010 et 2012,...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En 2008 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais depuis la crise, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Justement, la crise, c'est 2008 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est l'été 2008, donc le budget 2009. C'est là que s'est creusé le déficit !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais il y a eu des lois de finances rectificatives !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette année-là, le déficit a atteint 7,5 % du PIB. Nos filets sociaux et notre plan de relance ont amorti une croissance en récession.

M. Jean-Marc Todeschini. Il n'y avait pas que cela !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne revenons pas sur le passé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Voulez-vous vraiment un petit cours sur la question ? J'y suis prête. Nous avons toute la nuit, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Sourires.) Mais j'aimerais mieux que nous dépassions ces querelles stériles et que l'on cesse de chercher toujours qui a été responsable de quoi.

L'État va faire diminuer ses dépenses de 0,6 % cette année. De son côté, la sécurité sociale, dont les dépenses devaient croître naturellement de 4,4 %, fera un effort en concédant une hausse de seulement 2,5 %, soit 2 % de moins que ce qui était attendu en tendance. Chacun fait donc des économies.

Oui, certaines collectivités locales sont soumises à de fortes contraintes financières, et je ne dis pas le contraire, mais sachez reconnaître aussi que d'autres ont su anticiper et ont d'ores et déjà commencé à réduire leurs dépenses.

D'une manière générale, il est selon moi abusif de parler des collectivités locales dans leur ensemble, chaque situation étant différente.

Qu'y a-t-il en effet de commun entre la situation décrite par Roger Karoutchi d'une région d'Île-de-France qui, dans la perspective du Grand Paris, devrait percevoir 130 millions d'euros de recettes supplémentaires, et un département rural - je n'en citerai aucun ! - qui n'a pas vu ses droits de mutation à titre onéreux retrouver son niveau d'avant 2008 ?

Qu'y a-t-il de commun entre le département de Paris, qui enregistre cette année plus de un milliard d'euros de recettes de DMTO - une manne providentielle due à l'augmentation de la valeur de l'immobilier entre 2011 et 2012 dont le département profite sans avoir eu véritablement à agir - et un département qui doit trouver ses propres ressources pour faire face aux nouveaux services qu'implique le vieillissement de sa population ?

Les communes, quant à elles, sont totalement épargnées par le coup de rabot que je vous propose,...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah bon ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. ... puisque, dans le projet initial du Gouvernement comme dans celui dont parle Mme Bricq, la dotation globale de fonctionnement des communes est stabilisée en valeur.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et la « TGAP granulats » ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous le savez bien, madame Bricq, on n'a jamais réussi à la mettre en place ! On supprime le prélèvement sur recettes concernant cette taxe, parce qu'il n'était pas consommé.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est parce qu'on n'a pas voulu le faire !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et le prélèvement sur recettes « Flipper », il ne concerne pas les communes ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont de toutes petites recettes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour l'essentiel, c'est évident, les communes sont épargnées !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous remercie, monsieur le président de la commission, de le reconnaître, avec l'objectivité et la liberté d'esprit qui vous caractérisent.

Mais à quoi bon entrer dans ce genre de détails ! Il n'existe pas de collectivité locale emblématique qui réunisse toutes les caractéristiques que vous venez de décrire. Chaque collectivité est un cas singulier.

C'est vrai, il y a eu des transferts de compétences. C'est vrai, la charge que représentent certaines de ses compétences transférées s'est mise à croître. Mais, c'est vrai aussi, l'État travaille à la solution du problème.

Madame Bricq, il n'est pas exact de dire, comme vous le faites, qu'il n'y a pas eu de négociation entre l'État et les collectivités territoriales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Bernard Piras. Tout se fait de façon autoritaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Lorsque les départements se sont tournés vers l'État pour dénoncer la hausse des dépenses sociales, nous les avons écoutés !

L'année dernière, lorsque mon prédécesseur a plaidé, dans le cadre du Comité des finances locales, en faveur du gel en valeur des dotations de l'État aux collectivités locales, nous avons obtenu l'accord de ces dernières. Il y a donc bien eu négociation ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Bernard Piras. Vous l'avez imposé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons négocié et obtenu un gel en valeur des dotations des collectivités locales. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.) Et moi qui m'apprêtais à vous complimenter d'avoir accepté de négocier avec l'État sur cette question ! Quel dommage ! J'allais vous faire un formidable compliment ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Je reprends donc mon compliment, et nous dirons plutôt que l'État vous a imposé une politique de gestion économe parce que la situation, aujourd'hui, est très grave.

Mme Christiane Demontès. La faute à qui ?

M. Bernard Piras. Oui, la faute à qui ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Permettez-moi de citer de nouveau Roger Karoutchi, l'État n'a pas répercuté sur les collectivités locales les difficultés financières qui ont été les siennes, ce qui est tout de même extraordinaire. Je vous rappelle que, dans le cadre du plan de relance, nous avons débloqué par anticipation le Fonds de compensation pour la TVA, de façon à vous aider à investir.

M. Bernard Piras. C'est nous qui finançons 75 % des dépenses !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est votre rôle et c'est tout à votre honneur.

M. Bernard Piras. Merci !

M. le président. Mes chers collègues, laisser Mme la ministre s'exprimer, je vous en prie.

Mme Valérie Pécresse, ministre. L'investissement se fait au niveau des collectivités territoriales. Simplement, j'aimerais que, dans toutes les régions de France, le ratio entre fonctionnement et investissement soit au bénéfice du second, ce qui n'est malheureusement pas le cas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Allons le vérifier ensemble, si vous voulez !

L'année dernière, le Fonds de compensation pour la TVA a diminué, ce qui signifie que les dépenses d'investissement des collectivités territoriales ont été moins importantes.

M. Bernard Piras. Que voulez-vous que nous fassions, avec la crise ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons continuer à investir et nous devons réaliser des économies sur les dépenses de fonctionnement.

M. Bernard Piras. Et comment réalise-t-on l'ingénierie ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il faut que vous acceptiez d'adopter la même logique que l'État : recruter moins ; faire mieux avec moins d'argent ; investir le surplus dans l'avenir. Telle est la discipline que l'État s'impose. Je sais qu'un grand nombre de collectivités locales se l'imposent aussi.

M. Bernard Piras. Ce n'est pas une discipline, c'est la répercussion d'une situation !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je le reconnais, l'État doit veiller, monsieur Doligé, monsieur Montgolfier, à ne pas imposer de charges nouvelles par le biais de modifications législatives, de réglementations nouvelles, qui ne seraient pas compensées par des dotations spécifiques. Les collectivités ne doivent pas avoir à gérer des charges qu'elles n'ont pas pu anticiper du tout et qui exigent des moyens supplémentaires, ce qui se produit notamment quand la règle devient plus stricte.

Pour ma part, je souhaite que le rapport et la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales d'Éric Doligé, ne restent pas lettre morte. (M. Albéric de Montgolfier applaudit.) Je le dis aux sénateurs qui siègent sur les travées de gauche de cet hémicycle : si vous souhaitez que les normes qui s'imposent aux collectivités locales soient allégées, ce qui leur permettrait de réaliser des économies, inscrivez cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat, dont vous avez maintenant la maîtrise. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Le Gouvernement sera extrêmement heureux de vous aider dans cette perspective.

Monsieur de Montgolfier, il y a parfois, bien sûr, des impératifs de solidarité nationale qui exigent la participation des collectivités territoriales. En tant que ministre du budget, je veillerai, dans de telles situations, à prévoir les recettes qui s'imposent.

J'évoquerai un dernier point, qui n'a pas été abordé. Quelle est la grande innovation de ce projet de budget, mesdames, messieurs les sénateurs ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Se serrer la ceinture !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les fonds de péréquation augmentent ! L'année dernière, c'était le cas du fonds de péréquation départemental ; cette année, c'est au tour du fonds de péréquation intercommunal ! Quelle est la logique de tout cela ? Il s'agit de mettre en place une véritable solidarité entre les collectivités les plus riches et celles qui sont les moins favorisées. Voilà un formidable progrès !

Depuis combien de temps vous battez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour une péréquation plus juste ?

Eh bien, aujourd'hui, nous mettons en place un fonds de péréquation de 440 millions d'euros pour les départements, et un autre, qui atteindra à terme un milliard d'euros, pour les communes. Ce sont de vraies recettes ; c'est une vraie solidarité et une vraie coresponsabilité entre l'État et les collectivités locales. Vous le voyez, l'État n'est pas indifférent à votre sort et prend en compte vos difficultés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° I-72 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-France Beaufils. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-72 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-18.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 51 :

Nombre de votants

322

Nombre de suffrages exprimés

322

Majorité absolue des suffrages exprimés

162

Pour l'adoption

178

Contre

144

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'amendement n° I-178 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article 6. - Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées de l'UMP).

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Plus de DGF ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)