III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 21 OCTOBRE 2011)

M. le président. Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement n° 356 présenté par M. Carcenac, ainsi rédigé :

Rédiger ainsi cet article :

« I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

« 1° L'article L. 3334-16-2 est abrogé ;

« 2° L'article L. 3334-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2012, la dotation forfaitaire est complétée d'une dotation annuelle représentant la différence entre les dépenses engagées par le département au titre de la dépense d'allocation du revenu de solidarité active dans les derniers comptes administratifs connus et le montant perçu, pour chacun des départements métropolitains, au titre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Si cette différence est négative, elle s'impute sur la dotation générale de fonctionnement du département. ».

« II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.

M. Jean Launay. Le Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion a été créé par la loi de finances pour 2006. Cet amendement a pour but de supprimer ce fonds et de rétablir le principe de compensation intégrale des transferts de charges : chacun des départements reçoit, en plus de l'affectation de TIPP, une dotation couvrant la réalité des dépenses engagées pour l'allocation obligatoire au titre du RSA dont il a la charge.

Cette disposition devrait permettre un lissage pour les départements, la baisse de la DGF en cas de trop-perçu n'intervenant qu'avec un décalage au fil des années.

(L'amendement n° 356, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 8 est adopté.)

IV. TEXTE ADOPTÉ CONFORME PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

V. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article propose de reconduire le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion pour l'année 2012 et d'adapter son fonctionnement à la généralisation du revenu de solidarité active dans les départements d'outre-mer.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN SURCROÎT DE COMPENSATION VERSÉ AUX DÉPARTEMENTS DEPUIS 2006

L'article 37 de la loi de finances initiale pour 2006 1 ( * ) , issu d'un amendement de votre commission des finances, avait prévu la création du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI). Ce fonds, doté de 100 millions d'euros en 2006 , devait permettre aux départements de mener à bien des projets ambitieux en matière d'insertion des allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) .

Cependant, le FMDI, tel que prévu par la loi de finance initiale pour 2006, n'a pas été mis en place .

La question du FMDI s'est ensuite insérée dans le champ plus vaste du transfert par l'Etat de la gestion du RMI aux départements. Conformément à la loi de décentralisation de décembre 2003 2 ( * ) , la décentralisation du revenu minimum d'insertion/revenu minimum d'activité (RMI/RMA) à compter du 1 er janvier 2004 a été compensée par l'attribution aux départements d'une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), selon les modalités prévues par l'article 59 de la de la loi de finances initiale pour 2004 3 ( * ) .

En application de l'article 72-2 de la Constitution et des dispositions législatives présidant à la détermination du droit à compensation, le montant de la compensation financière a été déterminé à partir de celui des dépenses exécutées par l'Etat l'année précédant le transfert, soit 2003. Depuis 2004, du fait d'un dynamisme insuffisant de l'assiette de la taxe par rapport à l'évolution des dépenses, l'Etat a mis en oeuvre une garantie issue de la jurisprudence constitutionnelle selon laquelle les départements doivent au minimum percevoir le montant des sommes consacrées par l'Etat aux dépenses transférées avant leur décentralisation.

Le FMDI, tel que créé par la loi de finances pour 2006, a été fortement réorienté suite à la décision du Gouvernement d'accroître l'effort de l'Etat en matière de compensation du RMI aux départements, en portant son montant à 500 millions d'euros durant trois ans .

Votre rapporteure générale rappelle ici que l'essentiel des compensations aux départements, notamment celles prévues au titre des politiques d'insertion, résulte de fiscalité transférée .

L'article 14 de la loi de finances rectificative pour 2006 4 ( * ) a ainsi modifié les règles de fonctionnement du FMDI et étendu son application aux années 2006 à 2008. Puis, la loi de finances pour 2009 5 ( * ) l'a étendu à l'exercice 2009, la loi de finances pour 2010 6 ( * ) à l'année 2010, en l'adaptant à la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), en remplacement du RMI et, enfin, la loi de finances pour 2011 7 ( * ) à l'année 2011 en adaptant son fonctionnement à l'entrée en vigueur du contrat unique d'insertion.

B. LES TROIS PARTS DU FMDI

Le FMDI se compose de trois parts, dont la répartition sur les cinq années est indiquée dans le tableau ci-après.

Répartition du FMDI pour les années 2006 à 2011

(en millions d'euros)

2006

De 2007 à 2011

Part

Montant

Part

Montant

Part 1 « compensation »

50 %

250

40 %

200

Part 2 « péréquation »

30 %

150

30 %

150

Part 3 « insertion »

20 %

100

30 %

150

Total

100 %

500

100 %

500

Source : commission des finances

La première part du FMDI est destinée à assurer une compensation pour les départements qui auraient des dépenses de RSA supérieures au droit à compensation qui leur est versé , en application des dispositions précitées.

La seconde part du FMDI poursuit un objectif de péréquation entre les départements .

Dans un premier temps, une quote-part est prélevée sur cette deuxième part au profit des départements d'outre-mer. Cette quote-part est calculée en fonction du rapport entre le nombre de bénéficiaires du RMI 8 ( * ) dans les départements d'outre-mer rapporté au nombre total de bénéficiaires du RSA constatés l'année précédente. Dans un second temps, le solde de la part « péréquation » est réparti au profit des départements métropolitains.

La répartition de la part « péréquation » est effectuée de manière relativement complexe. Elle est conçue de telle manière que soient pris en compte, avec différents degrés de pondération, trois éléments :

- le surcroît de dépense occasionné par le transfert de la gestion du RMI devenu RSA ;

- la proportion relative des allocataires dans la population du département ;

- enfin, la richesse du département, mesurée par le potentiel financier.

La pondération de ces trois critères permet de prendre en compte la diversité des situations départementales.

Enfin, la troisième et dernière part du FMDI vise à apporter une forme de « prime » aux départements les plus engagés dans la lutte contre l'exclusion. Elle donne également lieu à l'établissement d'une quote-part au profit des départements d'outre-mer. L'enveloppe est répartie proportionnellement au nombre de contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et de contrats initiative-emploi (CIE) signés dans chaque département.

Ces éléments permettent de mesurer l'implication du département dans les politiques de réinsertion des allocataires du RSA.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA RECONDUCTION DU FMDI POUR 2012

Le présent article propose de reconduire le FMDI pour l'année 2012 . A cette fin, il remplace, dans l'article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales, relatif au FMDI, la référence aux années 2006 (ou 2007) à 2011 par une référence aux années 2006 (ou 2007) à 2012.

Le montant du FMDI serait inchangé et s'élèverait donc à 500 millions d'euros en 2012 . Cette extension permettra aux départements de continuer à recevoir les versements correspondant au FMDI en 2012, au titre des dépenses de RSA engagées par eux en 2011. En effet, l'ensemble des versements au titre du FMDI est opéré sur la base des dépenses constatées l'année précédente .

B. L'EXCLUSION DE MAYOTTE DU BÉNÉFICE DU FMDI

Le 1° du présent article vise par ailleurs à exclure Mayotte du bénéfice des attributions du FMDI . Cette exclusion s'explique par le fait que, conformément au pacte de départementalisation, le RSA ne sera applicable à Mayotte qu'à compter du 1 er janvier 2012, pour un montant équivalent à environ le quart de ce qu'il est en métropole ou dans les autres départements d'outre-mer.

L'article 13 du présent projet de loi de finances prévoit d'ailleurs les modalités spécifiques de compensation au département de Mayotte de la charge de la mise en place du RSA. D'après son exposé des motifs, la généralisation du RSA au 101 e département français devrait être opérée par une ordonnance qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2012.

S'agissant des attributions au titre du FMDI, celles-ci sont opérées, comme il a été rappelé ci-dessus, en fonction du nombre d'allocataires de l'année précédente, les données de l'année en cours ne pouvant être disponibles suffisamment tôt pour opérer une répartition. Il en résulte qu'en 2012, première année d'application du RSA à Mayotte, aucune attribution au titre du FMDI ne pourra être calculée .

Toutefois, en cas de reconduction du FMDI en 2013, à ce que Mayotte devra bénéficier, comme les autres départements d'outre-mer, d'attributions au titre du FMDI sur la base des dépenses constatées en 2012 .

C. L'ADAPTATION DU DISPOSITIF À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU RSA ET DU CONTRAT UNIQUE D'INSERTION DANS LES DOM

Outre la prorogation du FMDI pour l'année 2012, le présent article vise à tirer les conséquences de la généralisation du RSA dans les départements d'outre-mer au 1 er janvier 2011 par l'ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010.

Cette généralisation implique tout d'abord (alinéa 6 du présent article) de mentionner l'ordonnance précitée du 24 juin 2010 dans la détermination du montant auquel peut prétendre chaque département au titre de la première part du FMDI .

Cette généralisation implique par ailleurs de modifier la rédaction du dispositif déterminant le montant de la quote-part réservée aux départements d'outre-mer dans la deuxième part du FMDI (alinéas 8 et 9 du présent article). Ainsi, les anciennes références au RMI sont supprimées et une référence à l'ordonnance précitée du 24 juin 2010 est ajoutée. Sur le fond, le mode de calcul de cette quote-part n'est toutefois pas modifié.

Enfin, l'application du RSA dans les départements d'outre-mer nécessite de modifier la rédaction du dispositif de détermination de la quote-part dont ils bénéficient au titre de la troisième part du FMDI . En effet, cette part est calculée en référence aux contrats d'insertion passés dans chaque département d'outre-mer. Ces contrats, d'une part, ont été modifiés par la généralisation du RSA et, d'autre part, conservent des spécificités en outre-mer par rapport aux contrats métropolitains qui nécessitent de prévoir un mode de calcul spécifique de la quote-part ultramarine. Ainsi, les références aux anciens contrats d'insertion disparaissent au profit des contrats d'insertion par l'activité (art. L. 522-8 du code de l'action sociale et des familles), des contrats d'accompagnement dans l'emploi (art. L. 5134-20 du code du travail) et des contras d'accès à l'emploi (art. L. 5522-5 du même code). Comme pour la quote-part de la deuxième part du FMDI, les modalités de calcul de cette quote-part ne sont pas modifiées sur le fond.

D. PRENDRE ACTE LA REQUALIFICATION DE LA CRÉATION DU RSA EN TRANSFERT DE COMPÉTENCE

Plusieurs dispositions du présent article (alinéas 4, 5, 10 et 15) visent à prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel , rendue le 30 juin 2011 9 ( * ) , jugeant que la création du RSA ne pouvait s'analyser uniquement en une « extension » de compétence des départements, comme l'avait prévu le législateur . Il estime ainsi que « l'institution du revenu de solidarité active doit être regardée, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, d'une part, comme un transfert de compétences en tant qu'il remplace l'allocation de revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé et, d'autre part, comme une création ou extension de compétences en tant qu'il remplace le revenu minimum d'activité ».

Cette décision du Conseil constitutionnel n'entraîne toutefois, s'agissant du fonctionnement du FMDI, que des modifications rédactionnelles sans conséquences financières 10 ( * ) .

E. LA CRÉATION D'UNE PROCÉDURE DE RÉGULARISATION DU VERSEMENT DU FMDI

Enfin, les alinéas 16 à 18 du présent article créent une procédure de régularisation des versements opérés au profit de chaque département au titre d'un exercice antérieur « lorsque les données prises en compte pour répartir les crédits de cet exercice sont ultérieurement rectifiées, notamment en application d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ».

Ainsi, en cas de besoin, les sommes nécessaires pour accroître le montant versé à un département du fait d'une régularisation au titre d'une année « n » ne seraient pas prélevées sur les dotations versées aux autres départements au titre de la même année « n » . Cela aurait eu pour conséquence de maintenir les départements dans un état préjudiciable d'insécurité juridique et financière. Les crédits nécessaires seront donc prélevés sur les crédits de l'exercice en cours, sur les parts sur lesquelles porterait l'éventuelle régularisation.

Il semblerait que la création de cette procédure de régularisation par le Gouvernement vise à répondre aux contentieux introduits récemment par les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise suite à la diminution de leur dotation au titre du FMDI entre les exercices 2009 et 2010. Ces recours pourraient, le cas échéant, donner lieu à régularisation.

*

* *

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La prorogation, pour l'année 2012, du dispositif de 500 millions d'euros du FMDI contribue à améliorer la compensation aux départements du coût des compétences transférées en matière d'insertion.

Toutefois, le FMDI est loin de suffire à compenser aux départements les charges effectives résultant pour eux du transfert du RMI . En effet, d'après les derniers chiffres disponibles, en 2009, le montant de la compensation versée par l'Etat aux départements s'est élevé, en incluant les 500 millions d'euros du FMDI, à 5,76 milliards d'euros. Or, les dépenses des départements au titre du RMI (intégré dans le RSA) étaient de 6,47 milliards d'euros, soit un reste à charge non compensé par l'Etat de 708,6 millions d'euros, correspondant à un taux de couverture de 89 % .

Cette sous-compensation s'inscrit dans un contexte financier structurellement difficile pour les départements, qui subissent un « effet ciseaux » entre le coût des prestations de solidarité individuelle qu'ils versent (RSA, allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation du handicap) et la réduction de leurs marges de manoeuvre fiscales du fait principalement de la réforme de la taxe professionnelle. Certes, en 2010, le regain du marché immobilier a permis aux départements de disposer de ressources fiscales supplémentaires grâce aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui ont progressé de 34,6 % entre 2009 et 2010, passant de 5,4 à 7,2 milliards d'euros, hausse qui devrait se poursuivre en 2011. Mais l'évolution du produit des DMTO reste extrêmement variable, alors que les dépenses d'intervention à la charge des départements augmentent à un rythme soutenu et stable d'environ 5 % par an depuis 5 ans.

C'est donc à un vrai problème structurel que sont confrontées les finances départementales aujourd'hui, auquel les réponses apportées par le Gouvernement ne sont pas satisfaisantes . A cet égard, le fonds de 150 millions d'euros créé par l'article 83 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010 11 ( * ) apparaît comme une réponse insuffisante est conjoncturelle. Le report sine die de la réforme du financement de la dépendance, pourtant attendue, est également regrettable car elle seule pourrait, à terme, résoudre le problème budgétaire auquel les départements sont confrontés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005.

* 2 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 3 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2004.

* 4 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

* 5 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 6 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 7 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 8 Le RSA n'ayant été étendu en outre-mer qu'au 1 er janvier 2011.

* 9 Décision n° 2001-142/145 QPC du 30 juin 2011.

* 10 Sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, voir le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi de finances.

* 11 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010.