II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 16 bis (nouveau)

I. - Il est opéré en 2012, au profit du budget général, un prélèvement de 96,8 millions d'euros sur les deux établissements suivants :

1° L'office mentionné à l'article L. 213-2 du code de l'environnement, à raison de 55 millions d'euros ;

2° L'agence créée par le décret n° 2007-240 du 22 février 2007 portant création de l'Agence nationale des titres sécurisés, à raison de 41,8 millions d'euros.

II. - Le versement de ce prélèvement est opéré avant le 31 mars 2012. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces prélèvements sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

III. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, opère un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article additionnel a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement , sur avis favorable de la commission des finances. Dans le cadre du milliard d'euros d'économies supplémentaires annoncé par le Gouvernement, un prélèvement exceptionnel est opéré, au profit du budget général, sur le fonds de roulement de deux opérateurs.

A. LE PRÉLÈVEMENT SUR L'ONEMA

55 millions d'euros sont prélevés sur le fonds de roulement de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), estimé à 70 millions d'euros à fin 2011. Cet établissement public administratif est un opérateur de l'Etat rattaché à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », placé sous la tutelle du ministre chargé de l'écologie.

Créé le 25 mars 2007 et se substituant au Conseil supérieur de la pêche, l'ONEMA exerce des missions en matière de police de la pêche et de connaissance des populations de poissons en eau douce, de coordination et d'impulsion des actions de recherche et développement dans le domaine de l'eau en France et en Europe, de mise en place du système d'information sur l'eau et de financement de travaux d'investissement pour l'assainissement des eaux usées dans les départements d'outre-mer (DOM). L'ONEMA assure également un appui technique à plusieurs plans d'action nationaux, notamment les plans « Anguilles », « PCB », « Continuité écologique », « Trame verte et bleue » et « Ecophyto 2018 ».

L'ONEMA n'est pas financé par crédits budgétaires, mais par des contributions des agences de l'eau . Celles-ci procèdent, au profit de l'office, à deux types de versements :

1) une dotation de fonctionnement annuelle , prélevée sur les recettes des agences, pour un montant forfaitairement fixé à 108 millions d'euros par l'article 83 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ;

2) une dotation complémentaire constituée par le surplus de redevance pour pollutions diffuses annuellement encaissé par les agences par rapport aux recettes de 2008 1 ( * ) . Ce reversement devrait représenter 50 millions d'euros en 2012 environ. Il est affecté à la mise en oeuvre du Plan Ecophyto 2018 visant à la réduction de l'usage des pesticides dans l'agriculture et à la maîtrise des risques y afférents. Pour ce faire, l'ONEMA s'est doté, à compter de 2011, d'un service à comptabilité distincte permettant d'assurer la traçabilité de l'emploi des recettes de la redevance pour pollutions diffuses.

B. LE PRÉLÈVEMENT SUR L'ANTS

41,8 millions d'euros sont prélevés sur le fonds de roulement de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), estimé à 79,6 millions d'euros à fin 2011 2 ( * ) , soit 185 jours de fonctionnement. Cet établissement public administratif est placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur et rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Il définit les normes techniques et les dispositifs en matière de titres sécurisés, vérifie et assure le développement, la maintenance et l'évolution des systèmes et des réseaux informatiques permettant la gestion de ces titres et la transmission des données correspondantes, acquiert et met à disposition des administrations de l'Etat les matériels et équipements nécessaires à la gestion, à la maintenance et au contrôle de l'authenticité et de la validité des titres sécurisés.

A ce titre, l'ANTS gère le passeport biométrique, le certificat d'immatriculation des véhicules, le titre de séjour électronique et le visa biométrique. Elle est également en charge du développement du projet de carte nationale d'identité électronique (CNIE) et du projet visant à doter les agents de l'Etat de cartes professionnelles. Ses missions devraient prochainement être étendues au feuillet pour l'apposition d'un visa délivré par les autorités françaises compétentes aux titulaires d'un document de voyage non reconnu par la France, ainsi qu'au titre de voyage délivré aux réfugiés et aux apatrides titulaires d'une carte de résident ou d'une carte de séjour. Enfin, l'évolution envisagée du permis de conduire à points (projet FAETON) relèvera également de l'ANTS.

Les ressources de l'ANTS sont intégralement constituées par des taxes affectées, dont le produit 2012 est attendu à 205,1 millions d'euros .

Ressources de l'ANTS

Taxe

Base juridique

Produit attendu (en M€)

2011

2012

Droit de timbre sur le passeport biométrique

Art. 953-I du CGI

Art. 46 LFI pour 2006

107,5

107,5

Droits de timbre et taxe sur les titres de voyage et de séjour pour étrangers ("taxe TSE")

Art. 953-IV et V du CGI

Art. L.311-16 du CESEDA

Art. 46 LFI pour 2006

8,05

16,1

Droit de timbre sur la carte nationale d'identité (en cas de non-présentation de l'ancienne carte) ("taxe CNI")

Article 1628 bis du CGI

12,5

12,5

Droit de timbre dit "taxe pour la gestion des certificats d'immatriculation des véhicules" ("taxe SIV")

Article 1628-0 bis du CGI

43

43

Redevance acheminement cartes grises ("redevance SIV")

Décret n°2008-850 du 26 août 2008

26

26

TOTAL

197,05

205,1

Source : projet annuel de performances 2012 de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »

Pour l'ONEMA comme pour l'ANTS, l'article dispose que les versements sont opérés avant le 31 mars 2012 . Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions y afférents sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les initiatives visant à « rapatrier » sur le budget général des fonds de roulement accumulés par des opérateurs ne sont pas contestables dans leur principe. Il serait en effet difficilement compréhensible que l'Etat s'endette 3 ( * ) toujours davantage pendant que ses démembrements conservent des disponibilités excédentaires. Ces prélèvements doivent néanmoins s'opérer sans nuire à l'équilibre financier des opérateurs concernés et sans porter atteinte à la conduite de leurs missions .

A. LE DÉCALAGE ENTRE PERCEPTION DES RESSOURCES ET PRODUCTION DES TITRES SÉCURISÉS

S'agissant de l' ANTS , la constitution et la croissance du fonds de roulement excédentaire (27,6 millions d'euros en 2008, 53,9 millions d'euros en 2009, puis 78,9 millions d'euros en 2010) s'expliquent par le décalage entre l'attribution de ressources affectées destinées à la production de certains titres sécurisés d'une part et, d'autre part, la prise en charge effective par l'ANTS de la production et de l'acheminement de ces titres . En effet, les ressources affectées à l'ANTS devaient initialement lui permettre de financer, à compter de 2009, la production de la carte nationale d'identité électronique (CNIE). Toutefois, la production de cette carte étant subordonnée à une modification de la loi, le calendrier de déploiement de ce projet reste à ce jour largement inconnu 4 ( * ) .

Votre rapporteure générale relève que la constitution de ce fonds de roulement n'a guère été commentée par l'ANTS et s'associe aux interrogations de notre collègue Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », qui « s'inquiète de la sincérité des comptes présentés à la Représentation nationale s'agissant de cet opérateur : ni les projets annuels de performance (PAP), ni les rapports annuels de performance (RAP), ni les réponses aux questionnaires budgétaires adressés au ministère en application de la LOLF, ni les auditions du responsable du programme "Administration territoriale" n'ayant, au cours des exercices précédents, permis de détecter cet accroissement très conséquent du fond de roulement » 5 ( * ) .

B. LE NÉCESSAIRE AMÉNAGEMENT DU PRÉLÈVEMENT SUR L'ONEMA

La constitution du fonds de roulement excédentaire de l'ONEMA s'explique, quant à elle, par les modalités de mise en oeuvre du plan Ecophyto 2018. Cette mise en oeuvre se traduit en effet par des engagements substantiels (qui ont triplé entre 2009 et 2011, passant de 7 à 20 millions d'euros), mais par des décaissements moins importants que prévu 6 ( * ) , cependant que les recettes tirées de la fraction de redevance pour pollutions diffuses sont beaucoup plus dynamiques qu'anticipé . Les recettes réelles sur 2009-2011, sont ainsi estimées à 102 millions d'euros, contre 60 à 70 millions d'euros attendus.

Ces effets combinés se sont traduits par la constitution d'un fonds de roulement sans emploi d'environ 60 millions d'euros au titre du seul plan Ecophyto 2018, soit cinq mois de fonctionnement.

Le prélèvement prévu par le présent article est sans conséquence sur le financement des agences de l'eau et sur les modalités d'abondement du budget de l'ONEMA par ces dernières. Par ailleurs, l'ONEMA ne conteste pas le bien-fondé du prélèvement et y voit l'occasion d'accroître la sélectivité de ses interventions, de mieux mesurer leur efficacité et de supprimer certains effets d'aubaine .

Une note émanant de la direction du contrôle des usages et de l'action territoriale de l'office considère ainsi qu'il est « tout à fait normal que le fond de roulement excédentaire Ecophyto de l'ONEMA participe à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat et que le produit excédant les prévisions de recettes soit reversé au budget général pour réduire les déficits publics. Cela conduira logiquement à gérer distinctement les ouvertures d'autorisations d'engagements(AE) et de crédits de paiement (CP). Il sera tout aussi indispensable d'être beaucoup plus sélectif sur les actions retenues, en évitant les effets d'aubaine et en évaluant leur efficacité au moyen d'indicateurs pertinents (qui restent à construire) » .

Il apparaît néanmoins qu'un prélèvement unique opéré avant le 31 mars 2012 poserait une difficulté temporaire de trésorerie à l'ONEMA, dans la mesure où l'office perçoit la fraction de la redevance qui lui est affectée, au plus tard au début septembre, lorsque l'agence de l'eau Artois-Picardie a elle-même perçu les redevances par les distributeurs de produits phytosanitaires 7 ( * ) . Un prélèvement unique avant le 31 mars induirait donc, selon l'office, une trésorerie négative de près de 18 millions d'euros jusqu'en septembre, qui empêcherait d'honorer les paiements sur le solde des actions de l'année 2011 et d'engager une partie des actions nouvelles de l'année 2012.

Afin de se prémunir contre cette difficulté, votre commission des finances vous propose un amendement prévoyant que les prélèvements prévus par le présent article, qui lui apparaissent justifiés, soit néanmoins opérés en deux fois , pour moitié avant le 31 mars 2012, et pour l'autre moitié avant le 31 octobre.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 En vertu du V du L. 213-10-8 du code de l'environnement, qui dispose que : « La fraction du produit annuel de la redevance, comprenant le montant dû au titre de l'année précédente et l'acompte versé au titre de l'année en cours, excédant le montant de la redevance perçue à raison des ventes réalisées au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, est affectée à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques au plus tard le 1er septembre de chaque année, afin de mettre en oeuvre le programme national arrêté par le ministre chargé de l'agriculture, visant à la réduction de l'usage des pesticides dans l'agriculture et à la maîtrise des risques y afférents, en particulier à travers des actions d'information des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, des actions de mise au point et de généralisation de systèmes agricoles permettant de réduire l'utilisation des pesticides, des programmes et réseaux de surveillance sur les bio-agresseurs et sur les effets non intentionnels de l'utilisation des pesticides, notamment en zone agricole. »

* 2 Ce chiffrage résulte des réponses au questionnaire de votre rapporteure générale. On observe néanmoins que le montant estimatif communiqué à notre collègue Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », par Michel Bart, secrétaire général du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration (audition du 26 octobre 2011), et Bertrand Maréchaux, directeur de l'ANTS (audition du 25 octobre 2011) était plus proche de 100 millions d'euros.

* 3 Rappelons que l'Etat s'apprête à lever 179 milliards d'euros de fonds sur les marchés en 2012, afin de financer son déficit et l'amortissement des titres déjà émis.

* 4 Compte tenu des délais nécessaires à l'adoption définitive de la loi et à la publication du décret d'application, la délivrance de la CNIE ne pourrait au mieux intervenir que fin 2012. Déposés par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel, la proposition de loi relative à la protection de l'identité a été adoptée en premier lecture le 31 mai 2011 au Sénat et le 7 juillet 2011 à l'Assemblée nationale. La deuxième lecture au Sénat est prévue courant novembre 2011.

* 5 Note de présentation de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » examinée par votre commission des finances le 3 novembre 2011.

* 6 Notamment en raison de la mise en place tardive du comité consultatif de gouvernance, dont la composition n'a été publiée que le 27 novembre 2009, ce qui n'a laissé qu'un mois au conseil d'administration de l'ONEMA pour engager le programme 2009.

* 7 Cette agence intervient pour l'ensemble des agences de l'eau et n'a pas la possibilité d'avancer ces sommes à l'ONEMA.