III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (VENDREDI 21 OCTOBRE 2011)

L'article 19 est adopté.

IV. TEXTE ADOPTÉ CONFORME PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 19

Conforme

V. RAPPORT SÉNAT N°107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : afin de remédier à certaines difficultés rencontrées dans le fonctionnement du compte d'affectation spéciale afférent à la nouvelle mission de l'Etat d'autorité organisatrice de transport, le présent article propose d'élargir le champ des dépenses de ce compte, d'aligner les délais de déclaration et de liquidation de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) et de la contribution de solidarité territoriale (CST) et de relever le produit perçu de la TREF.

I. LE NOUVEAU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉ DE VOYAGEURS »

A. UNE CONVENTION ET UN COMPTE DÉDIÉS À L'EXPLOITATION DE QUARANTE LIGNES D'ÉQUILIBRE DU TERRITOIRE

1. Des lignes structurellement déficitaires désormais conventionnées avec l'Etat

Le 13 décembre 2010, l'Etat, représenté par Thierry Mariani, ministre chargé des transports, et la SNCF ont signé une convention triennale relative à l'exploitation des trains dits « d'équilibre du territoire » (TET), tendant à garantir l'avenir de quarante liaisons ferroviaires Corail, Intercité, Téoz et Lunéa structurellement déficitaires . Par cette convention, l'Etat assumait sa compétence d'autorité organisatrice du premier service national de transport conventionné de voyageurs.

Ces lignes, exploitées par les branches d'activité « SNCF Proximités » et « SNCF Voyages », représentent chaque jour 340 trains transportant environ 100 000 voyageurs. En raison de leur niveau de fréquentation, l'exploitation de la plupart de ces lignes est déficitaire depuis plus de vingt ans , à hauteur de 190 millions d'euros en 2009 2 ( * ) hors rémunération de l'exploitant.

Les besoins d'investissements nécessaires au renouvellement du matériel roulant s'élèveraient, selon la SNCF, à 1,5 à 2 milliards d'euros pendant quinze ans , mais n'apparaissent nécessaires qu'à compter de 2015.

L'équilibre financier de ces lignes était jusqu'en 2010 assuré par une péréquation interne à la SNCF entre les produits et les charges de l'ensemble des lignes exploitées, en particulier des lignes à grande vitesse (LGV), globalement excédentaires, vers les lignes Corail. Ce système ne garantissait cependant pas le maintien de toutes les dessertes de TET, dont certaines étaient menacées de disparition.

En outre, le règlement européen (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit « règlement OSP » (obligations de service public), entré en vigueur le 3 décembre 2009, a conduit à assimiler les lignes d'équilibre du territoire à une obligation de service public, susceptible d'être contractualisée et de faire l'objet d'une compensation par l'Etat .

La convention fixe donc les obligations de service public que la SNCF doit assurer pour l'ensemble des TET, en matière de desserte des gares, de fréquence, de maintenance et de régénération du matériel roulant existant 3 ( * ) . Ces objectifs sont suivis par des indicateurs de résultat et sanctionnés par un système de bonus/malus , comme c'est le cas pour la convention liant la RATP au STIF. En contrepartie de la réalisation de ces obligations, la SNCF reçoit une compensation de l'Etat afin de contribuer au financement du déficit d'exploitation.

2. Le choix d'un compte d'affectation spéciale pour matérialiser la compensation

Sur le plan budgétaire, ce conventionnement s'est traduit par la création, par l'article 65 de la loi de finances pour 2011 4 ( * ) , d'un nouveau compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Ce compte est apparu comme la solution la plus appropriée pour :

- permettre d'intégrer dans le budget de l'Etat le financement de l'obligation de service public tout en perpétuant la logique de péréquation ;

- garantir la mesure de la performance et la transparence du financement des TET, donc le contrôle démocratique du Parlement ;

- préserver la soutenabilité budgétaire du dispositif et permettre de réguler les dépenses en maintenant l'incitation vertueuse à un meilleur contrôle de l'évolution des déficits de ces lignes 5 ( * ) .

Ce compte perçoit trois types de recettes , décrites infra : la contribution de solidarité territoriale (CST), une fraction de la taxe d'aménagement du territoire, et le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF).

Il retrace en dépenses , dans deux programmes 785 et 786 :

- les contributions liées à l'exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l'Etat ;

- les contributions au matériel roulant de ces services conventionnés ;

- et - en application des dispositions du présent article - les dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d'études et de missions de conseil juridique, financier ou technique, directement liés à l'exercice par l'Etat de ses responsabilités d'autorité organisatrice de transport.

La création de ce CAS a donné lieu à une modification du cahier des charges de la SNCF par un décret du 29 juillet 2011 6 ( * ) , qui a également assoupli l'encadrement des tarifs des TGV . S'agissant de la nouvelle compensation, le décret détermine les conditions dans lesquelles l'Etat exerce son rôle d'autorité organisatrice des TET, expose les principaux points qui doivent être traités dans la convention, et prévoit que la SNCF doit établir un budget et des comptes séparés 7 ( * ) pour l'exploitation des TET.

C. LES RECETTES AFFECTÉES AU COMPTE

Le financement du CAS est assuré par trois taxes , dont deux nouvelles, créées par l'article 65 de la loi de finances pour 2011, précité :

1) La contribution de solidarité territoriale (CST), codifiée à l'article 302 bis ZC du code général des impôts et due par les entreprises de service de transport ferroviaire national et international de voyageurs, soit aujourd'hui la SNCF.

Cette taxe est assise sur le montant total, déduction faite des contributions versées par l'Etat en compensation des tarifs sociaux et conventionnés, du chiffre d'affaires de la SNCF relatif aux prestations de transport ferroviaire de voyageurs non conventionnés, et aux prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées entre deux gares du réseau ferré national. Sont donc exclus de l'assiette les services de transport ferroviaire conventionnés par les régions (pour les TER), le Syndicat des transports d'Ile-de-France (pour les RER) ou l'Etat, ce qui revient à ce que la CST soit essentiellement supportée par l'activité grande vitesse .

La fourchette de taux a été établie entre 2 % et 5 %, un arrêté du 13 avril 2011 ayant fixé ce taux à 2,279 % .

2) La taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), codifiée à l'article 235 ter ZF du même code, est due par les entreprises de service de transport ferroviaire de voyageurs ayant des activités de transport de voyageurs. Afin de ne pas pénaliser les nouveaux entrants, seules sont redevables les entreprises ferroviaires réalisant un chiffre d'affaires soumis à la CST supérieur à 300 millions d'euros.

La fourchette de taux est située entre 5 % et 20 % et le montant de la taxe est plafonné à 75 millions d'euros . Un arrêté du 29 juillet 2011, pris conjointement par les ministres en charge des transports, de l'économie et du budget, a établi le taux de la TREF à 13 % .

3) Une fraction de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), prévue à l'article 302 bis ZB du code général des impôts et acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. L'article 66 de la loi de finances pour 2011 a ainsi relevé le tarif de la TAT, qui est passé de 6,86 euros (pour mille kilomètres parcourus) à 7,32 euros, et fixé la quote-part affectée au CAS à 35 millions d'euros par an.

En 2011, l'équilibre en emplois et ressources du CAS s'élève à 210 millions d'euros, dont 35 millions d'euros au titre de la TAT, 100 millions d'euros de CST et 75 millions d'euros de TREF , ces deux dernières étant actuellement acquittées par la seule SNCF.

C. LES TROIS DIFFICULTÉS IDENTIFIÉES

Le présent article a pour objet de remédier à trois difficultés.

En premier lieu, les articles précités du code général des impôts prévoient aujourd'hui des délais différents de déclaration et de recouvrement pour la CST et la TREF . Cette différence se traduit concrètement par la nécessité de prendre deux arrêtés successifs et crée des lourdeurs administratives, d'autant que la compensation de l'Etat n'est versée à la SNCF qu'après recouvrement de chacune des deux taxes .

Ensuite, l'article 65 de la loi de finances pour 2011 ne prévoit pas la possibilité pour le CAS de financer des dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service, ou aux frais d'études et de conseil juridique, financier ou technique directement liés à la mission d'autorité organisatrice de transports.

Le Gouvernement considère que de telles études et enquêtes sont nécessaires pour garantir le plein exercice par l'Etat de cette mission . Elles lui permettraient, en effet, de mesurer régulièrement la demande de transport et la satisfaction des voyageurs au regard des dessertes proposées, et de faire face à la définition des conditions dans lesquelles le renouvellement du matériel roulant interviendra, à compter de 2014. Il importe toutefois de relever que c'est généralement le prestataire - en l'espèce la SNCF - qui commande les enquêtes de satisfaction , selon une périodicité préalablement convenue avec l'autorité organisatrice de transports.

Enfin, suite à l'avis n° 2011-002 rendu le 2 février 2011 par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) sur le document de référence du réseau ferré national pour 2012, et notamment son avis conforme sur le projet de tarification correspondant, les péages acquittés par les TET connaîtront une augmentation de 70 millions d'euros en 2012 , cette évolution étant compensée par la baisse des péages sur les lignes à grande vitesse. Les trajectoires financières prévisionnelles de la convention passée entre l'Etat et la SNCF ont donc été sensiblement modifiées.

Le Gouvernement considère que l'équilibre économique de cette activité pourrait être maintenu par un relèvement d'un montant équivalent de la contribution versée par l'Etat à la SNCF . Le financement de cette augmentation pourrait également contribuer à rééquilibrer le financement du CAS entre les différentes activités ferroviaires, afin de ne pas fragiliser l'équilibre économique des TGV.

Il s'agit donc de simplifier la gestion du CAS, d'élargir le champ des dépenses qu'il peut financer et d'assurer le financement de la charge supplémentaire de 70 millions d'euros facturée aux TET à partir de 2012.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de remédier aux trois difficultés précitées par :

- une augmentation de la fourchette de taux et du plafond du produit de la TREF et une diminution de la fourchette de taux de la CST (A et 1° du B du I du présent article) ;

- un alignement des échéances de déclaration et de recouvrement de la CST sur celles de la TREF (2° du B du I ) ;

- une extension des dépenses éligibles du CAS « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » ( II ).

Le A du I du présent article modifie ainsi l'article 235 ter ZF du code général des impôts, relatif à la TREF , pour :

- introduire une nouvelle fourchette de taux, actuellement de 5 % à 20 % et qui sera donc de 15 % à 35 % . Un nouvel arrêté devra donc être pris pour fixer le nouveau taux, qui sera supérieur à l'actuel (13 %) ;

- augmenter substantiellement le plafond de la taxe, qui est plus que doublé pour atteindre 155 millions d'euros . Le plafond initialement envisagé était de 145 millions d'euros.

Le B du I modifie l'article 302 bis ZC du même code, relatif à la CST , pour :

- abaisser le premier seuil de la fourchette de taux, qui passe ainsi de 2 % à 1,5 % . Un nouvel arrêté devrait en tirer les conséquences en abaissant le taux applicable ;

- établir à six mois à compter de son exigibilité, au lieu de trois mois actuellement, le délai de déclaration et de liquidation de la contribution, qui est ainsi aligné sur celui de la TREF.

Enfin le II complète l'article 65 de la loi de finances pour 2011, précité, pour élargir les dépenses éligibles du CAS au « financement des frais exposés par l'Etat, dans l'exercice de sa responsabilité d'autorité organisatrice de services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, au titre de la réalisation d'enquêtes de satisfaction sur la qualité de service, d'études et de missions de conseil juridique, financier ou technique ».

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L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le financement de la hausse des péages comme des nouvelles dépenses d'enquêtes et d'études repose intégralement sur la TREF , tandis que le taux de la CST serait abaissé. Il en résultera une augmentation de la contribution des filiales et activités les plus rentables de la SNCF , et, à terme, des entreprises concurrentes qui réaliseront un chiffre d'affaires en France supérieur à 300 millions d'euros.

Le nouvel équilibre du CAS prévoit ainsi 280 millions d'euros de dépenses en 2012 , contre 210 millions d'euros en 2011, financées par le maintien des recettes de la fraction de la TAT, soit 35 millions d'euros, une diminution de 10 % du produit de la CST (90 millions d'euros), et une saturation du nouveau plafond de la TREF, à 155 millions d'euros. Les frais d'enquêtes, d'études et de conseil - répartis sur les deux programmes du compte - seraient limités à 500 000 euros , et la contribution à la régénération du matériel roulant des TET augmenterait de près de 10 millions d'euros, pour atteindre 92,3 millions d'euros.

La diminution de la CST contribue donc à préserver davantage la rentabilité des TGV , considérée - parfois abusivement compte tenu de sa diminution tendancielle - comme la « vache à lait » du groupe SNCF.

Il importe toutefois de rappeler que la SNCF a obtenu du Gouvernement, fin 2010, que l'encadrement des tarifs du TGV soit sensiblement assoupli , ce qui a été traduit dans le décret précité du 29 juillet 2011. L'innovation majeure réside dans la suppression de la distinction entre périodes normale et de pointe.

A compter de 2012, la SNCF pourra donc recourir davantage au « yield management » 8 ( * ) , qu'elle pratique déjà depuis plusieurs années mais dans une moindre mesure que ses concurrents du transport aérien. Il en résultera pour les voyageurs un élargissement de l'amplitude et une plus grande variabilité des tarifs , et en particulier un renchérissement du tarif moyen des billets des TGV les plus fréquentés 9 ( * ) . Cette optimisation par le yield management nuira également à la lisibilité de la politique tarifaire de la SNCF.

Le Gouvernement avait présenté cette nouvelle liberté tarifaire comme justifiée par la nécessaire adaptation à l'ouverture progressive du marché ferroviaire. Elle représente surtout une concession faite à la SNCF en vue de consolider son modèle économique , la rentabilité du TGV venant compenser le maintien des lignes d'équilibre du territoire et la hausse des péages versés à Réseau ferré de France pour l'entretien et le renouvellement du réseau. En tout état de cause, il importe que cette liberté tarifaire ne s'exerce pas au détriment des familles et des ménages modestes ou vulnérables .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 Selon l'audit mené conjointement par l'Etat et la SNCF en 2010. Seules quatre lignes seraient rentables : Paris-Clermont, Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Caen-Cherbourg.

* 3 La convention prévoit ainsi un investissement de la SNCF de près de 302 millions d'euros sur 2011-2013, qui devrait permettre de prolonger la durée de vie des trains jusqu'en 2015.

* 4 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

* 5 Dans la mesure où, en cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées sur un CAS ne peut excéder le total des recettes constatées (sauf pendant les trois mois suivant sa création), conformément au II de l'article 21 de la LOLF.

* 6 Décret n° 2011-914 du 29 juillet 2011 portant approbation de modifications du cahier des charges de la Société nationale des chemins de fer français.

* 7 Les règles de séparation des comptes doivent être soumises à l'approbation de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).

* 8 Cette expression désigne un mode de gestion et d'optimisation du chiffre d'affaires de plus en plus répandu, dans lequel la tarification est établie quasiment en temps réel en fonction des capacités disponibles et donc de l'antériorité des réservations.

* 9 La SNCF s'est toutefois engagée à vendre la moitié de ses billets à un prix inférieur ou égal au plein tarif actuel des billets de seconde classe en période normale.