V. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU LUNDI 5 DÉCEMBRE 2011

Article 3 bis E

M. le président. Mes chers collègues, en application de l'article 95 du règlement, la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire demande la réserve de la discussion de l'article 3 bis E.

La réserve étant de droit.

Article 3 bis E

(précédemment réservé)

M. le président. L'amendement n° 106 présenté par M. Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances et M. Chartier, est ainsi libellé :

Substituer aux alinéas 2 et 3 les cinq alinéas suivants :

« 1° Au premier alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par les mots : « 2 % pour la fraction d'assiette correspondant à une valeur de cession d'au plus 250 000 euros et à 1 % pour la fraction d'assiette excédant cette valeur : » ;

« 2° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque les cessions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas s'opèrent par acte passé à l'étranger et qu'elles portent sur des actions ou parts de sociétés ayant leur siège en France, ces cessions sont soumises au droit d'enregistrement dans les conditions prévues au présent 1° du I, sauf imputation, le cas échéant, d'un crédit d'impôt égal au montant des droits d'enregistrement effectivement acquittés dans l'État d'immatriculation ou l'État de résidence de chacune des personnes concernées, conformément à la législation de cet État et dans le cadre d'une formalité obligatoire d'enregistrement de chacune de ces cessions. Ce crédit d'impôt est imputable sur l'impôt français afférent à chacune de ces cessions, dans la limite de cet impôt. » ;

« 3° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° bis À 3 % : ».

Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement n° 341, présenté par M. Carrez, ainsi libellé :

I. - Au deuxième alinéa, substituer aux mots :

« 2 % pour la fraction d'assiette correspondant à une valeur de cession d'au plus 250 000 euros et à 1 % pour la fraction d'assiette excédant cette valeur »

les mots :

« 3 % pour la fraction d'assiette inférieure à 200 000 euros, 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 000 euros et 500 000 000 euros et 0,25 % pour la fraction excédant 500 000 000 euros ».

II. - Compléter l'amendement par les six alinéas suivants :

« L'alinéa 4 est complété par les cinq alinéas suivants :

« Les perceptions mentionnées aux 1° et 1° bis du I ne sont pas applicables :

« - aux acquisitions de droits sociaux réalisées dans le cadre du rachat de ses propres titres par une société ou d'une augmentation de capital ;

« - aux acquisitions de droits sociaux de sociétés placées sous procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire ;

« - aux acquisitions de droits sociaux dont la société cédante est membre du même groupe, au sens de l'article 223 A, que l'acquéreuse ;

« - aux opérations entrant dans le champ de l'article 210 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour présenter l'amendement n° 106.

M. Jérôme Chartier. Nous avons entamé, il y a trois ans de cela, un travail sur les droits applicables aux cessions de titres. La majorité, avec le Gouvernement, a mis en place un dispositif doté d'un plafond de 5 000 euros.

Cet amendement propose d'améliorer ce système en faisant en sorte que la taxation des cessions de titres soit progressive et acceptable, et en obligeant les transactions à se réaliser sur le territoire national, afin d'être certains que cette taxe rapporte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter le sous-amendement n° 341.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je laisse également à M. Chartier le soin de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. M. le rapporteur général et moi-même proposons d'améliorer le dispositif en instaurant une progressivité. Jusqu'à 200 000 euros, la taxe serait de 3 % ; entre 200 000 et 500 millions d'euros, elle serait de 0,5 %, et au-dessus, de 0,25 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission est tout à fait favorable. Notre collègue Jérôme Chartier avait, il l'a rappelé, abordé ce sujet il y a quatre ans ; il estimait, à juste titre, que le plafonnement à 5 000 euros des droits d'enregistrement était probablement trop généreux : nous parlons de transactions qui peuvent se chiffrer en centaines de millions d'euros, voire en milliards ! Nous avions à l'époque recherché une solution, que nous n'avons pas pu trouver.

Nos collègues sénateurs ont proposé un dispositif qui a le mérite de la simplicité : la taxe serait ramenée de 3 à 2 % ; en revanche, elle ne serait plus plafonnée. Mais cela conduirait à une taxation très excessive au regard de ce que font nos voisins : un grand nombre d'entre eux ne taxent pas du tout ces transactions, ou alors à un taux très faible.

Le sous-amendement que Jérôme Chartier et moi-même proposons consiste à plafonner la taxe : elle serait de 3 % jusqu'à 200 000 euros ; ensuite, un peu comme pour le barème de l'impôt sur le revenu, nous créons des tranches supplémentaires, mais avec un taux tout à fait raisonnable : 0,5 % pour la tranche comprise entre 200 000 et 500 millions d'euros, et de 0,25 % au-delà de 500 millions d'euros.

Nous avons là, je crois, un bon équilibre, sur un sujet que nous connaissons bien depuis un certain nombre d'années.

Toutefois, il semble qu'il faille rectifier ce sous-amendement : la rédaction présente en effet des problèmes de références juridiques. J'ai eu beau répéter, plus longuement, ce qu'avait parfaitement expliqué Jérôme Chartier, nous n'avons pas eu le temps d'apporter les corrections nécessaires. (Sourires.) Peut-être, monsieur le président, pourrions-nous suspendre la séance pour quelques minutes : c'est un sujet important.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, avant de poursuivre le débat, je vais donner lecture du sous-amendement à l'amendement n° 106 de la commission, qui portera le n° 341 rectifié.

« I. - Au deuxième alinéa, substituer aux mots :

« 2 % pour la fraction d'assiette correspondant à une valeur de cession d'au plus 250 000 euros et à 1 % pour la fraction d'assiette excédant cette valeur »

les mots :

« 3 % pour la fraction d'assiette inférieure à 200 000 euros, 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 000 euros et 500 000 000 euros et 0,25 % pour la fraction excédant 500 000 000 euros ».

« II. - Compléter l'amendement par les sept alinéas suivants :

« Après l'alinéa 3, insérer les six alinéas suivants :

« I bis. - Le II de l'article 726 est complété par les cinq alinéas suivants :

« Les perceptions mentionnées aux 1° et 1° bis du I ne sont pas applicables :

« - aux acquisitions de droits sociaux réalisées dans le cadre du rachat de ses propres titres par une société ou d'une augmentation de capital ;

« - aux acquisitions de droits sociaux de sociétés placées sous procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire ;

« - aux acquisitions de droits sociaux lorsque la société cédante est membre du même groupe, au sens de l'article 223 A, que la société qui les acquiert ;

« - aux opérations entrant dans le champ de l'article 210 B du code général des impôts. »

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 106 et le sous-amendement n° 341 rectifié ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Si l'articulation des droits d'enregistrement entre la taxation des cessions de parts de sociétés anonymes, les autres cessions de parts et les cessions de fonds de commerce méritent sans aucun doute une réflexion, l'option proposée dans votre amendement, monsieur Chartier, présente de multiples difficultés.

Pour commencer, cette taxe est sans équivalent à l'étranger.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Seul le Royaume-Uni taxe les cessions de titres. Le taux est aux États-Unis de 0,5 %. Encore existe-t-il de très nombreuses exceptions et le contexte fiscal global est beaucoup plus favorable aux entreprises.

La France se singulariserait, une fois de plus, par une taxation défavorable aux entreprises, au moment où nous avons besoin plus que jamais d'investisseurs. Car ce sont eux qui paieront cette fiscalité supplémentaire : or beaucoup d'entreprises cherchent à faire venir des investisseurs à leur capital, notamment les entreprises en redressement ou en difficulté.

Notre priorité absolue est de maintenir les activités industrielles sur notre territoire. Ce sera l'absolue priorité de l'année qui vient.

Cette taxe pèserait lourdement sur les entreprises. Vous en attendiez avec l'ancien taux, avant le dépôt du sous-amendement, plus de 400 millions d'euros ; en réalité, cette somme se récupérera sur un nombre très limité d'opérations. Je n'ai pas d'étude d'impact à ma disposition.

Non seulement cet amendement créerait un risque de délocalisation de cession existe, mais surtout - et c'est plus important - il poserait un problème pour les reprises d'entreprises en difficulté. Or les freins à la croissance de nos entreprises et les difficultés de reprise seront les sujets majeurs de politique économique, à partir du mois de janvier.

Nous regrettons et nous luttons, à juste titre, contre la désindustrialisation du pays. Nous devons prendre garde à ne pas voter une nouvelle taxe qui frappe les investisseurs.

Qui plus est, cette taxe pénalisera malheureusement dans les faits, même si je sais que ce n'est pas votre objectif, essentiellement les sociétés non cotées : les PME, les ETI, celles qui réalisent leurs transactions hors marchés, celles qui ne peuvent pas faire d'échanges de titres ou celles qui ne peuvent pas céder leurs titres dans une holding à l'étranger. Il y a quelques années, vous aviez adopté, avec une grande sagesse, les dispositifs Dutreil, qui reconnaissaient la nécessité de favoriser la transmission des entreprises. C'était un enjeu majeur pour tous nos territoires et notre économie, que viendrait contredire la taxe que vous proposez d'instituer aujourd'hui. Le souhait du Gouvernement serait plutôt de taxer les transactions financières spéculatives, au travers d'un projet de taxes sur les transactions financières, dont François Baroin vous a annoncé cet après-midi qu'il serait présenté dès le mois de janvier au Conseil européen.

Je dois néanmoins reconnaître, monsieur Chartier, que votre sous-amendement n° 341 rectifié améliore considérablement l'amendement n° 106 dès lors que les taux sont fixés beaucoup plus bas : 0,5 et 0,25 % c'est bien moins élevé que 1 % ou 2 %. Mais cela n'enlève pas le risque que nous ferions peser sur les entreprises, particulièrement cette année.

Si la commission, monsieur le rapporteur général, veut persévérer, le Gouvernement souhaite a minima que l'amendement soit adopté sous-amendé.

M. Jean-Pierre Brard. Dernier prix !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais, en tout état de cause, il ne saurait y être favorable.

M. le président. À l'amendement ou au sous-amendement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. L'amendement est moins pire si l'on baisse les taux...

Soyons clairs : les rachats d'entreprises en difficulté, les augmentations de capital, les échanges d'actions en numéraire, où personne ne verse de cash - cela existe aussi -, toutes ces opérations risquent vraiment d'être taxées, surtaxées. Au moment où de nombreuses entreprises en difficulté demandent à des investisseurs de venir, où les collectivités locales et territoriales se mobilisent énormément pour recueillir des subventions et décider les investisseurs à boucler les tours de table, il serait préférable, monsieur Chartier, de prendre le temps de la réflexion.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Madame la ministre, je voudrais vous rassurer. Le sous-amendement n° 341 rectifié répond à bon nombre de vos objections.

Pour commencer, les acquisitions de droits sociaux des entreprises en difficulté placées en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire seraient purement et simplement exonérées : elles ne paieraient même plus le droit de 5 000 euros qui leur est actuellement réclamé.

Par ailleurs, toutes les acquisitions de droits sociaux, lorsque la société cédante est membre du même groupe - autrement dit lorsqu'on est à l'intérieur d'un groupe qui bénéficie du régime dit de l'intégration fiscale - seront également exonérées.

S'agissant des montants de fiscalité, pourquoi avons-nous exonéré les plus-values sur titres de participation - la fameuse niche Copé - à l'exemple de ce qui se fait dans la plupart des pays européens ? Parce que nous avions en France un taux à 19 %, quand il était ailleurs à zéro. Ce qui posait naturellement un gros problème.

Vous avez évoqué l'idée de loger ces actions dans une holding à l'étranger. Encore faudra-t-il, pour transférer ces actions dans cette nouvelle structure, acquitter la quote-part de 10 % au titre des plus-values sur titres de participation. Qui, appliqué au taux de l'impôt sur les sociétés à 33 %, fait 3,33 %.

En fait, que nous propose notre collègue Jérôme Chartier ? Premièrement, de maintenir le dispositif actuel pour les petites transactions, puisque, entre zéro et 200 000 euros, on reste au taux de 3 %. Ce qui représente donc au maximum 6 000 euros - à comparer aux 5 000 euros actuels, dont le montant n'a pas été actualisé depuis une quinzaine d'années. Les choses restent donc les mêmes.

C'est seulement au-delà qu'interviennent deux barèmes : pour la tranche comprise entre 200 000 euros et 500 millions euros, le taux serait de 0,5 % - c'est très inférieur aux prélèvements opérés au titre de la quote-part s'il fallait transférer les titres sur une autre structure juridique de type holding à l'étranger - et de 0,25 % au-delà de 500 millions d'euros. Certes, ce type de taxation n'existe pas dans un certain nombre de pays, mais il est à 0,5 % au Royaume-Uni. Et les exonérations prévues dans le sous-amendement correspondent à celles pratiquées au Royaume-Uni. Ce dispositif me paraît opérationnel.

L'enjeu budgétaire n'est que de 150 ou 200 millions d'euros. Mais nous avons l'occasion de corriger une anomalie alors que nous avons su passer des dizaines d'heures de discussions ardues sur une taxe que je ne citerai pas, pour un produit de quelques dizaines de millions d'euros...

M. Pierre-Alain Muet. Une taxe très sucrée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Prenons le cas, devenu très habituel, d'une transaction de fusion-acquisition de quelques centaines de millions d'euros : elle est taxée à 5 000 euros. Je vous laisse imaginer ce que représentent les frais d'avocats sur une telle opération : de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros... Gardons à l'esprit les rapports entre les chiffres et les taux de taxes. Je suis le premier à avoir reconnu, à de nombreuses reprises à cette tribune, que nous avons une fâcheuse tendance, pour résoudre nos problèmes de court terme de réduction de déficit, à inventer plus spontanément de nouvelles taxes ou à augmenter les impôts, parce que cela rapporte plus rapidement, plutôt que de nous tourner vers des recherches d'économies possibles mais qui nécessitent la durée. Cela ne fait plaisir à personne. Mais cette fois-ci, je crois que nous avons mis au point une proposition soutenable et sans trop d'effets pervers.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Grâce à la nouvelle rédaction du sous-amendement par la commission des finances, les choses me paraissent plus simples : les exceptions prévues sont de nature à atténuer mon avis défavorable.

M. le président. Si je comprends bien, vous seriez favorable au sous-amendement n° 481 rectifié ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, monsieur le président. Je suis défavorable à l'amendement n° 106 qui risque de faire peser une nouvelle taxe sur les entreprises. Mais si, par malheur, l'Assemblée décidait de suivre le rapporteur général et Jérôme Chartier dans une démarche qui ne me paraît pas opportune cette année,...

M. le président. Autant qu'elle adopte le sous-amendement.

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...je leur demande instamment d'adopter le sous-amendement n° 341 rectifié.

M. le président. C'est bien ce que j'avais compris.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je ne suis pas favorable à cet amendement, même si le sous-amendement n° 341 rectifié atténue un peu le dispositif. Je n'y suis pas opposé sur le principe, mais économiquement, que va-t-il se passer ? On va revenir au vieux dispositif qui existait dans beaucoup de grands groupes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Non.

M. Charles de Courson. Il leur suffira de faire porter leur participation dans une holding aux Pays-Bas ou en Belgique où l'on ne paie rien.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cela coûte fiscalement plus cher de délocaliser.

M. Charles de Courson. J'y reviendrai, monsieur le rapporteur général. Les grands groupes auront adopté un montage juridique qui leur permet de contourner la loi. Dès lors, qui va-t-on accrocher dans cette affaire ? Les petits groupes familiaux français.

M. Jérôme Chartier. Mais non !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si.

M. Jérôme Chartier. Le rapporteur général a très bien expliqué la situation. Écoutez-le !

M. Charles de Courson. Les petits groupes n'ont pas de holding aux Pays-Bas.

M. Jérôme Chartier. Mais non !

M. Charles de Courson. Au lieu de dire non, que répondez-vous à mon argument ? Si j'étais le patron d'un grand groupe internationalisé, je mettrais toutes mes participations dans une holding en Belgique, en Allemagne...

M. Jérôme Chartier. Sur le plan fiscal, ce serait insupportable.

M. le président. Laissons M. de Courson développer son argumentation. M. Chartier pourra s'exprimer ensuite.

M. Charles de Courson. Cet amendement frappera les petits groupes familiaux, les groupes franco-français. Nous avons d'ailleurs déjà eu ce débat à propos de l'amendement Copé et beaucoup d'autres.

Se pose également un problème juridique, que les notaires nous ont signalé il y a quelque temps déjà. L'amendement n° 106 mentionne les cessions qui s'opèrent par acte passé à l'étranger. Soit. Mais comment pourra-t-on savoir que l'acte a été passé à l'étranger ? Il n'y a aucune obligation de notification... Vous ne pouvez vous en sortir que si vous renégociez les conventions avec un maximum d'États pour y réintroduire un dispositif d'information réciproque, ce qui n'existe pas en l'état actuel. Une nouvelle fois, on va prendre les petits mais les grands groupes y échapperont.

C'est pourquoi j'appuie le Gouvernement dans cette affaire. Certes, l'idée est sympathique, mais le débat n'est pas là. Le problème est que si l'on vote ce texte, on frappera uniquement les petits groupes familiaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. La compassion de Charles de Courson est tout à fait sympathique, mais les grands groupes font déjà leurs affaires avec la bénédiction du Gouvernement. Cela ne changerait donc pas grand-chose !

Deuxièmement, vous avez parlé, madame la ministre, d'une taxe qui frapperait les investisseurs. Quelle horreur ! Mais si je ne me trompe pas, la France est la troisième ou la deuxième destination mondiale des investissements. Je ne pense donc pas que notre système fiscal serve d'épouvantail pour les investisseurs. En tout cas, cela ne se voit pas beaucoup.

M. Jean-Pierre Gorges. Il ne faut pas le dégrader

M. Jean-Pierre Brard. Vous pensez que c'est avec ce que vous proposez que cela va le dégrader ? Jean-Pierre Gorges, vous êtes un collègue sérieux ; ne galéjez pas à cette heure. (Sourires. )

Troisièmement, Jérôme Chartier a dit quelque chose qui n'est plus exact en parlant de progressivité. À 499 millions d'euros, on paie 0,5 %, et à 501, on paie 0,25 %... On est dans l'arnaque. Une fois encore, plus on en a, moins on paie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général et M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Là, vous faites erreur.

M. Jean-Pierre Brard. Je veux bien me tromper, mais démontrez-le. J'ai bien compris qu'il y a le barème : je n'ai pas dit que le pourcentage de 0,25 s'appliquait aux 500 premiers millions. Il n'empêche que vous réduisez le taux pour tout ce qui est au-delà.

Enfin, je n'ai pas le sentiment qu'il y ait de vrais risques de délocalisations pour ce genre de cessions, ou alors démontrez-le.

Quant à vous, madame la ministre, vous êtes extraordinaire... (Sourires) Tout le monde s'en était déjà rendu compte. Mais là, vous faites appel à l'exemple des États-Unis en disant que c'était moins cher.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non. J'ai parlé du Royaume-Uni, ce n'est pas tout à fait pareil. Il y a l'Atlantique entre les deux.

M. le président. Il faut conclure mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Je conclus, monsieur le président.

Or lorsque j'ai parlé tout à l'heure de la fiscalité sur les hauts revenus en partant de Roosevelt, je ne vous ai inspiré aucune réflexion et je le déplore.

Vous avez effectivement parlé du Royaume-Uni, mais également des États-Unis, sauf erreur de ma part.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il y a erreur de votre part.

M. Jean-Pierre Brard. Nous verrons ce que dira le Journal officiel ...

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Avec tout le respect que je lui dois, Charles de Courson se trompe.

Premier élément sur la cession et les précisions que l'on a apportées dans cet amendement comme nous l'avions fait s'agissant des transactions immobilières à l'étranger : le principe de l'attachement au territoire. Lorsqu'il y a une cession d'entreprise, il est très rare qu'un journal ou un média ne le sache pas.

Je ne sais pas comment cela se passe dans la Marne, mais dans le Val-d'Oise, je suis au courant de tout ce qui se passe en termes de cessions en lisant le journal. Et si je le sais, la Direction départementale des impôts le sait aussi. Par conséquent, l'argument selon lequel personne ne serait au courant d'une transaction ne vaut pas. Tout le monde en a connaissance et les salariés au premier chef, qui seraient bien inspirés d'en informer les directions compétentes.

Dès lors que tout est clair sur le plan juridique, ce qui n'était pas le cas, et que la loi précise que la transaction doit avoir lieu sur le territoire national, nous avons notre assiette fiscale.

Deuxième argument : la possibilité d'une délocalisation via des holdings . Sur ce point, Gilles Carrez a parfaitement répondu : cela coûterait mille fois plus cher à une personne de tenter la délocalisation que d'acquitter la taxe lors de la transaction. À l'inverse, si une entreprise étrangère achète une entreprise dans la Marne, elle paie 5 000 euros au moment de la cession des titres. On frise le ridicule... Regardez les honoraires des différents prestataires qui interviennent lors d'une opération de cession, quel que soit le montant : 100, 150, 200 millions d'euros ! Le seul à ne pratiquement rien prélever par le biais d'une taxe, c'est l'État français. Est-ce bien normal ? Nous ne le pensons pas. Au moment où nous devons réduire le déficit public, il faut rechercher des ressources, qui viennent généralement d'un flux. Il y a un flux constitué, à nous de le taxer de façon juste, progressive, comme le proposent l'amendement et surtout le sous-amendement. Nous avons là un véritable outil fiscal performant qu'il nous faut observer. Il est donc utile de l'adopter.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour une très brève intervention.

M. Charles de Courson. Pour ma part, monsieur Chartier, je ne sais pas, même en lisant le journal, quelles sont les transactions d'actions de sociétés implantées dans la Marne ou n'importe où ailleurs sur le territoire. Il n'y a aucune obligation de publicité.

M. Jérôme Chartier. C'est partout !

M. Charles de Courson. Donc, je ne vois pas comment on peut le savoir. Notre collègue Chartier a peut-être des dons de divination ! Ce n'est pas mon cas.

M. Jérôme Chartier. Il suffit de lire les annonces légales.

M. Charles de Courson. Il n'y a aucune obligation, mon cher collègue.

Deuxièmement, monsieur le rapporteur général, admettons que je sois responsable d'un groupe qui a une filiale en France et que je veuille racheter une autre entreprise. Au lieu de la faire racheter par ma filiale française, je la fais racheter par la société holding . ; du coup, tout votre dispositif sera contourné. C'est pour cela que je dis que cet amendement est sympathique, mais il ne tient pas la route et il aboutira à taxer uniquement les petits groupes franco-français.

M. Jérôme Chartier. Ce ne sont pas de bons arguments !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Monsieur de Courson, croyez-vous que ce groupe fera acquérir une entreprise par le biais de sa filiale à l'étranger ? Bien sûr que non ! S'il le faisait, il ne bénéficierait pas du havre fiscal français au titre d'un sujet que vous connaissez bien : la déductibilité totale des intérêts des emprunts !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour conclure le débat.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Monsieur Brard, il n'y a absolument aucune entourloupe ou arnaque, quel que soit le mot que vous ayez employé. Il s'agit d'un barème marginal, il n'y a donc pas d'entourloupe.

Monsieur de Courson, la défense des petits est un thème auquel nous sommes toujours sensibles. En l'espèce, ni les petits, ni les moyens, ni les gros n'ont à être défendus, puisque la taxation qui est proposée ne créera aucun frottement fiscal de nature à pénaliser les petits qui ne peuvent partir et exonérer d'autres qui le pourraient, à supposer qu'ils le souhaitent. Ne comparons pas ce projet de taxation avec celui qui prévalait il y a encore quelques années à 19 % : cela n'a rigoureusement rien à voir. L'argument du rapporteur général est à cet égard frappé au coin du bon sens.

J'indique enfin à l'ensemble de la représentation nationale qu'il s'agit d'un sujet sur lequel la commission des finances travaille depuis plus de deux ans, à l'initiative d'ailleurs de Jérôme Chartier. Nous sommes arrivés à un réel consensus dans l'esprit - nous savions qu'il fallait faire quelque chose - comme dans les faits puisque le texte qui vous est proposé, et qui, je l'espère, sera adopté, a rencontré un accord sinon quasi unanime, en tout cas très majoritaire au sein de la commission des finances, puisque seuls nos collègues du Nouveau Centre n'ont pas souhaité s'y associer. Voilà ce que je peux dire sans crainte d'être démenti.

(Le sous-amendement n° 341 rectifié est adopté.)

(L'amendement n° 106, sous-amendé, est adopté.)

(L'article 3 bis E, amendé, est adopté.)