ARTICLE  5 BIS H (NOUVEAU) : APPLICATION DU TAUX RÉDUIT DE TVA AUX TRAVAUX D'AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-83 est présenté par Mmes Keller et Sittler.

L'amendement n° I-156 est présenté par M. Placé, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Desessard, Dantec, Gattolin, Labbé et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après la première phrase du 3 de l'article 279-0 bis du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il est également applicable dans les mêmes conditions aux travaux réalisés par l'intermédiaire d'un opérateur tiers-financeur. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-83 n'est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour présenter l'amendement n° I-156.

M. Jean-Vincent Placé. À l'heure actuelle, les travaux visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments bénéficient d'un taux réduit de TVA, dès lors qu'ils sont réalisés par le propriétaire ou l'occupant de l'édifice en question.

Cet amendement vise à étendre l'application de ce taux réduit aux cas où les chantiers sont financés via un mécanisme de tiers investissements.

Les travaux d'amélioration de la performance énergétique se caractérisent généralement par un investissement initial important, par exemple la réfection de l'isolation du bâtiment concerné ; cet investissement n'est ensuite rentabilisé que lentement, par les économies d'énergie dégagées année après année.

Toutefois, dans le cas de copropriétés ou de logements sociaux, il peut être difficile de mobiliser les fonds nécessaires à l'investissement. Il peut alors devenir opportun de recourir à un tiers investisseur, prenant les frais de travaux à sa charge et se remboursant lui-même sur les économies d'énergie.

Le tiers investisseur assume également le risque lié aux gains énergétiques effectivement réalisés ainsi qu'aux fluctuations des prix de l'énergie. Une fois ce tiers investisseur remboursé et rétribué à hauteur du risque qu'il a encouru, les économies d'énergie bénéficient enfin au commanditaire des travaux.

Les rendements financiers de ces opérations restent relativement modestes et nous n'avons pas l'impression qu'il y ait un risque que ces tiers financeurs réalisent des profits indus tout en bénéficiant d'une TVA allégée.

Ce schéma de financement de rénovation du bâti - incontournable dans nombre de situations - reste assez peu utilisé en France, contrairement à la Belgique par exemple. Mes chers collègues, il nous appartient donc de favoriser le développement de ce secteur : en effet, réaliser des économies d'énergie est à la fois un bon calcul économique et une absolue nécessité écologique. C'est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.

M. François Marc. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui répond à une véritable logique économique, notamment pour les copropriétés. En effet, les travaux y présentent souvent une ampleur telle qu'ils nécessitent l'accord de tous les propriétaires.

Ainsi, les copropriétés sont souvent beaucoup plus dégradées que les logements sociaux, lesquels disposent de procédures spécifiques, de consultation par exemple.

Le coup de pouce que cet amendement propose d'apporter aux investisseurs pourrait favoriser les travaux de rénovation, ce qui serait bénéfique tant sur le plan économique qu'au regard des enjeux du Grenelle de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il va sans dire que le Gouvernement partage votre volonté de préserver la qualité de l'environnement et de favoriser le développement des dispositifs innovants permettant d'atteindre cet objectif.

Toutefois, les propos de M. Placé et de Mme la rapporteure générale me surprennent quelque peu : en effet, l'objet de cet amendement est d'ores et déjà satisfait par une instruction fiscale datant de 2006 ! Cette norme opposable permet aux tiers investisseurs, ou tiers financeurs, de disposer de ce taux réduit de TVA dans le cadre de divers schémas de financement, et notamment des partenariats public-privé.

Madame la rapporteure générale, je ne comprends donc pas plus votre argument que celui de M. Placé ! Le texte que vous soumettez à l'approbation du Sénat existe depuis cinq ans et il peut être mis en oeuvre à tout instant !

Mme Chantal Jouanno. Exact !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. La sagesse serait là encore de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'État, l'instruction fiscale n'est tout de même pas la norme la plus élevée qui soit...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais c'est le summum de la hiérarchie des normes fiscales ! Elle est au degré le plus élevé !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Quoi qu'il en soit, pour n'être pas entrée en vigueur depuis cinq ans, cette disposition souffre sans nul doute d'un problème d'application !

Malheureusement, l'existence d'une instruction fiscale ne résout pas tous les problèmes...

M. le président. Monsieur Placé, l'amendement n° I-156 est-il maintenu ?

M. Jean-Vincent Placé. J'ai entendu les arguments de Mme la rapporteure générale qui, comme souvent, sont très pertinents. Ce secteur a besoin d'une impulsion forte et notamment politique.

Monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez vous abriter derrière toutes les instructions fiscales possibles et imaginables, ces textes peuvent toujours être modifiés par le Gouvernement ! Ainsi, dans des secteurs comme les éoliennes, semaine après semaine, mois après mois, année après année, il a détricoté toutes les dispositions du Grenelle pour satisfaire les différents lobbies industriels qui lui accordent leur soutien !

Il aurait certes été possible de discuter avec un Gouvernement de bonne foi. (M. le secrétaire d'État manifeste son indignation .) Néanmoins, tel n'est pas le cas : je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. J'éprouve d'autant plus de respect pour le travail législatif que je suis moi-même un vieux parlementaire, et j'ai toujours plaisir à débattre, monsieur Placé. Eh bien, débattons ! Comme je viens de vous l'indiquer, cette disposition existe déjà en droit français...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Peut-être !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Madame la rapporteure générale, vous employez un curieux argument en disant qu'il existe sans doute un problème d'application. Mais lequel ? Si tel est le cas, portez-le à notre connaissance !

Le texte réglementaire est très clair : il s'agit de l'instruction fiscale 3 C-7-06 du 8 décembre 2006, publiée au Bulletin officiel des impôts, qui précise que « le taux réduit s'applique, toute autre condition remplie par ailleurs, quelle que soit la qualité du preneur des travaux, qu'il soit une personne physique ou morale pour autant que les prestations rendues correspondent à des travaux éligibles ». Ce texte répond exactement à la préoccupation qu'exprime M. Placé !

Cette disposition va dans le sens du Grenelle et concourt ainsi à la protection de l'environnement ! Le droit actuel satisfait donc l'objet de cet amendement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été formé à l'école de Pierre Mazeaud : pourquoi surlégiférer lorsque le droit satisfait déjà aux besoins de la communauté nationale ? Voilà la question que je me permets de vous poser aujourd'hui en tant que membre du Gouvernement certes, mais aussi en tant que parlementaire de coeur...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-156.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.

II. TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (PETITE LOI)

Article 5 bis H (nouveau)

I. - Après la première phrase du 3 de l'article 279-0 bis du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il est également applicable dans les mêmes conditions aux travaux réalisés par l'intermédiaire d'un opérateur tiers-financeur. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.