ARTICLE  6 BIS (NOUVEAU) : INSTAURATION D'UNE DOTATION DE SOLIDARITÉ TERRITORIALE

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 22 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° I-138, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est institué, en 2012, un prélèvement sur les recettes de l'État intitulé « Dotation exceptionnelle de solidarité territoriale », de 350 millions d'euros.

À hauteur de 250 millions d'euros, la dotation mentionnée au premier alinéa est répartie au prorata des montants respectifs, en 2012, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, de la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation visées à l'article L. 2334-13 du code général des collectivités territoriales, de la dotation de péréquation urbaine visée à l'article L. 3334-6-1 du même code, de la dotation de fonctionnement minimale visée à l'article L. 3334-7 dudit code et de la dotation de péréquation visée à l'article L. 4332-8 du même code.

À hauteur de 100 millions d'euros, la dotation mentionnée au premier alinéa est répartie au prorata des montants respectifs, en 2012, de la dotation de développement urbain et de la dotation d'équipement des territoires ruraux visées respectivement aux articles L. 2334-40 et L. 2334-32 du même code.

Un décret précise les modalités d'application du présent I.

II. - Le prélèvement sur recettes créé par le I est exclu du périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales stabilisés en valeur en application de l'article 7 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

III. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Au travers de cet amendement, dont les dispositions revêtent une importance particulière à nos yeux, nous entendons tirer quelques enseignements des dernières élections sénatoriales.

En effet, ce scrutin a été pour beaucoup d'entre nous l'occasion de sillonner nos départements et d'aller à la rencontre des élus locaux.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est toujours un plaisir !

M. François Marc. Ces élus nous ont fait part de leur malaise et nous ont délivré un message clair, que nous entendons prendre en considération.

Les collectivités, nous ont-ils dit, disposent de ressources qui sont d'un montant très variable selon les cas et qui déterminent leur capacité de financement. Le malaise que ressentent les élus locaux est d'autant plus fort dans le cas des communes ou des départements dont les ressources sont modestes. C'est pourquoi nous estimons qu'un effort doit être fait en faveur de la péréquation.

D'aucuns nous expliqueront que la péréquation horizontale a précisément pour vocation de contrecarrer les effets pervers de la réforme de la taxe professionnelle. Nous n'en disconvenons pas, mais, pour autant, nous considérons qu'il est nécessaire qu'elle repose sur des mécanismes plus adaptés. De fait, les 200 millions d'euros consacrés à la péréquation horizontale entre collectivités n'exonèrent pas l'État de sa responsabilité en matière de péréquation verticale ; celui-ci doit clairement avoir pour objectif de consacrer davantage de moyens à cette politique.

Les dispositions des différents amendements que nous avons fait voter ces derniers jours permettront à l'État de percevoir plusieurs milliards d'euros de recettes supplémentaires. Ce surcroît de ressources doit servir à augmenter, certes de manière modeste, les moyens consacrés à la péréquation verticale. Tel est précisément l'objet de cet amendement.

Notre proposition se justifie d'autant plus que, comme nous l'avons expliqué longuement voilà quelques instants, le gel en valeur des dotations a entraîné pour les collectivités locales un manque à gagner considérable, réduisant d'autant les moyens que ces dernières ont pu dégager pour maintenir un service public de proximité.

Pourtant, les collectivités locales ont répondu positivement à la demande qui leur a été faite de participer à l'effort d'investissement lorsqu'est survenue la crise financière. Ainsi, 19 0000 d'entre elles ont signé avec l'État une convention pour plus de 53 milliards d'euros d'investissements.

Malgré la situation complexe dans laquelle nous nous trouvons, les collectivités locales sont toujours animées par une forte volonté d'agir. Pour notre part, nous estimons qu'il faut soutenir cette volonté. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de rendre des marges de manoeuvre aux collectivités, à hauteur de 350 millions d'euros, qui se répartissent comme suit : d'une part, 250 millions d'euros en faveur des dotations de péréquation verticale de chaque niveau de collectivités territoriales, soit une augmentation d'environ 6 % de ces dotations - l'objectif est de redonner à l'État un rôle moteur dans la péréquation verticale - ; d'autre part, 100 millions d'euros en faveur des dotations d'équipement à destination des communes.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, la création de ce prélèvement sur recettes tel que nous le proposons à travers cet amendement a pour objet de soutenir l'investissement local.

Nous reviendrons, dans la seconde partie du projet de loi de finances, sur les modalités de redistribution de ces 350 millions d'euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le groupe socialiste entend ici donner aux collectivités une nouvelle respiration financière.

La mesure qu'il propose est non seulement raisonnable, mais encore supportable sur un plan budgétaire, compte tenu de la suppression, dans le volet « recettes », de nombreuses facultés d'optimisation fiscale. En outre, ciblée sur la péréquation et sur l'investissement, elle est circonscrite dans le temps puisqu'elle est limitée à l'année 2012.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Au sein de la DGF, 3 milliards d'euros sont consacrés à la péréquation en faveur des communes. La péréquation verticale augmentera de 144 millions d'euros cette année et nous créons un nouvel outil de péréquation horizontale, qui sera doté de 250 millions d'euros dès 2012, ce montant devant atteindre 1 milliard d'euros en 2016.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Le groupe CRC votera cet amendement. En effet, par le passé, il a été montré combien il était important pour les collectivités que soient augmentés les fonds de péréquation dont il est question ici.

Mme la ministre nous explique que la péréquation verticale augmentera de 144 millions d'euros cette année et qu'un nouvel outil de péréquation horizontale est créé, doté de 250 millions d'euros. En réalité, il s'agit d'une auto-péréquation, puisque ces fonds sont simplement répartis différemment au sein d'une même enveloppe budgétaire destinée aux collectivités. Aussi, il est inexact de dire que l'État consent un effort supplémentaire en leur faveur. La réalité doit être décrite avec une rigoureuse exactitude !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-138.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 52 :

Nombre de votants

317

Nombre de suffrages exprimés

317

Majorité absolue des suffrages exprimés

159

Pour l'adoption

177

Contre

140

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 6.