Mercredi 12 décembre 2007

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente. -

Orientation et insertion professionnelles - Table ronde

La délégation a procédé à l'audition, dans le cadre d'une table ronde, de Mme Marie-Jeanne Campana, présidente de l'Association française des femmes juristes, accompagnée de Mme Béatrice Castellane, vice-présidente, du Dr. Marie-Dominique Ghnassia, présidente de l'Association française des femmes médecins, accompagnée du Dr. Cécile Renson, membre du conseil d'administration de l'association, de Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques, de Mme Nathalie Tournyol du Clos, présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires, et de Mme Tita Valade, présidente de l'Association française des femmes diplômées d'université, accompagnée de Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie, trésorière nationale de l'association.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est déclarée très sensible à la forte mobilisation des associations ayant accepté de participer à cette audition commune sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelles, qui constitue le sujet de réflexion de la délégation cette année. Elle a indiqué que, lorsqu'elle avait eu l'occasion de participer, aux côtés de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, aux travaux de la Conférence sociale sur l'égalité professionnelle, elle avait constaté que la dimension, pourtant essentielle à ses yeux, de l'orientation professionnelle, n'avait pas été véritablement prise en compte, alors que subsiste une répartition inégale des hommes et des femmes dans de nombreux métiers. Certes, il existe de plus en plus de femmes médecins, mais elles sont en revanche peu nombreuses dans les professions d'ingénieur ; quant aux femmes journalistes, elles n'accèdent que rarement aux postes de décision malgré leur importance numérique.

Mme Tita Valade, présidente de l'Association Française des Femmes Diplômées d'Université (AFFDU), a rappelé que son association avait été créée en 1920, peu après la Première Guerre mondiale, dans le prolongement d'un mouvement lancé par des femmes anglo-saxonnes qui considéraient que l'éducation des filles constituait le meilleur moyen de prévenir un autre conflit. Elle a souligné que l'association française, rattachée à la Fédération Internationale des Femmes Diplômées d'Université (FIFDU), n'avait jamais cessé d'exister et qu'elle avait été déclarée d'utilité publique en 1962. Elle a indiqué que l'association participait aux réunions de la fédération, ainsi qu'à celles d'un Groupement Européen de Femmes Diplômées des Universités (GEFDU) qu'elle a contribué à créer. Elle a précisé que l'association était constituée de 21 groupes répartis dans toute la France, dans les principales villes universitaires, et qu'elle organisait régulièrement des conférences et des colloques, auxquels étaient régulièrement conviés les sénateurs. Elle a ajouté que l'association distribuait chaque année des bourses à des jeunes femmes créatrices d'entreprise et organisait dans toute la France, avec le soutien du ministère de l'Education nationale, des concours dans les établissements scolaires  (« les Olympes de la parole »), qui ont pour but de faire réfléchir les élèves sur l'égalité filles-garçons et de favoriser la prise de parole des filles en public.

Résumant les objectifs de l'AFFDU, elle a indiqué que celle-ci s'attachait principalement à promouvoir l'accès des femmes à l'enseignement supérieur dans toutes les filières, et à oeuvrer en faveur de la paix et contre les violences par la solidarité des femmes du monde entier.

Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie, trésorière nationale de l'AFFDU, a indiqué qu'elle présidait, en outre, le groupe d'Ile-de-France.

Mme Nathalie Tournyol du Clos, présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires (AFHF), ancienne élève de l'école nationale d'administration (ENA), a précisé qu'elle était actuellement directrice des services administratifs du Conseil économique et social, dont elle a rappelé qu'il comprenait aussi une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes. Elle a indiqué que l'association avait été créée en 1997, d'abord au sein du ministère des finances, avec le double souci de réfléchir à un certain immobilisme qui paralysait la réforme de l'Etat, et à l'existence d'un « plafond de verre » qui empêchait les femmes d'accéder aux échelons de direction, et qu'elle s'était ensuite étendue par capillarité, et regroupait aujourd'hui 120 membres, issues de l'école nationale d'administration, de l'école nationale de la magistrature, ou du « concours d'Orient » du ministère des affaires étrangères. Elle a ajouté que, membre fondatrice de l'association, elle la présidait depuis deux ans.

Elle a indiqué que les travaux de l'association abordaient le thème des trajectoires professionnelles, celui des stéréotypes de genre, ainsi que le problème des rémunérations, et qu'elle oeuvrait pour que la haute administration soit davantage à l'image des diverses composantes de la société.

Elle a ajouté que l'association faisait partie du réseau « Du rose dans le gris », dont elle a évoqué le site Internet.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est réjouie de la contribution apportée par cette association au renouvellement de l'image de la fonction publique.

Mme le Docteur Cécile Renson, membre du conseil d'administration de l'association des femmes médecins, a indiqué que, médecin de profession, elle avait assuré un temps la présidence de l'association « Femmes-avenir », et qu'elle avait récemment réadhéré à l'Association française des femmes médecins, à laquelle elle avait déjà participé quelques années plus tôt. Elle a précisé qu'elle s'intéressait plus particulièrement aux conditions de l'exercice de la médecine par les femmes, notant que celles-ci exerçaient moins souvent que les hommes ce métier à titre libéral, et que celles qui choisissaient la voie hospitalière accédaient plus rarement aux postes universitaires.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia, présidente de l'Association française des femmes médecins, a rappelé que cette dernière avait été fondée en 1923, à l'issue d'une réunion de femmes médecins qui s'était tenue à New York après la Première Guerre mondiale. Evoquant les difficultés alors rencontrées par les femmes pour accéder à cette profession, elle a rappelé qu'on avait dû faire garder par des gendarmes la salle d'examen où la première femme avait passé le concours de l'internat, tant était forte l'hostilité de ses futurs collègues masculins.

Elle a indiqué que, même si les choses avaient heureusement évolué depuis, l'association continuait d'oeuvrer pour favoriser l'accès des femmes à la profession de médecin et qu'elle était en liaison avec les instances européennes et internationales actives dans ce domaine, ainsi qu'avec le Conseil national des femmes françaises.

Elle a ajouté que l'association réfléchissait aussi à des thèmes généraux de santé publique et, en particulier cette année, à celui du maintien des personnes âgées à domicile, dans la perspective de mieux informer les médecins généralistes de ce qu'ils peuvent faire pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées, qui doivent ou veulent rester chez elles. Elle a précisé que l'association comportait cinq sections locales.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques, a indiqué qu'après avoir exercé pendant cinq ans la présidence de cette association, elle en était maintenant vice-présidente. Elle a rappelé que cette association avait été créée en 1987, à la suite de l'ouverture à la mixité des Ecoles normales supérieures (ENS), ou plutôt, comme l'a précisé Mme Christiane Hummel, de leur retour à la mixité, puisqu'elles avaient été mixtes à l'origine, pour remédier aux effets pervers de cette réforme. Alors que l'existence d'écoles distinctes pour les filles et pour les garçons aboutissait en pratique à garantir un quota pour chaque sexe, la fusion s'est traduite par une forte diminution du nombre de femmes reçues au concours en mathématiques et en physique.

Sans regretter l'existence de ces écoles distinctes, et la condescendance qui accompagnait cette ségrégation, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a néanmoins reconnu que, vingt ans après cette fusion, le bilan de cette réforme était plutôt négatif, les travaux les plus récents ayant confirmé qu'elle s'était accompagnée d'une diminution du nombre de postes occupés par des femmes au Centre national de la recherche scientifique ou dans les universités. Elle a proposé de remettre à la délégation les documents réalisés par Mme Laurence Broze, professeure à l'université de Lille 3, pour les vingt ans de l'association, le 2 juin dernier.

Elle a expliqué que l'association femmes et mathématiques se fixait pour but de favoriser les rencontres entre femmes mathématiciennes, notamment à travers l'organisation d'un forum, tous les deux ans, ce qui permet à des jeunes mathématiciennes de trouver conseil auprès de mathématiciennes confirmées.

Elle a ajouté que l'association s'était également attachée à diversifier ses actions en direction de l'enseignement secondaire, de façon à encourager l'accès des filles aux filières scientifiques, ce qui répond aux préoccupations du Gouvernement et des entreprises qui s'inquiètent de la désaffection des jeunes, filles et garçons, pour les études scientifiques universitaires.

Elle a cité en exemple l'opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences à Paris », menée conjointement avec les associations « Femmes et Sciences » et « Femmes Ingénieurs », qui devrait être reprise dans certaines régions, et qui consiste à envoyer dans les écoles des « trinômes » constitués d'une jeune étudiante d'une université scientifique, d'une jeune étudiante d'une grande école d'ingénieurs ou d'une ENS et d'une scientifique confirmée, qui représentent des modèles auxquels les lycéennes peuvent s'identifier. L'association exerce également une mission de veille en France, comme dans le reste du monde, et collabore avec d'autres associations, comme « Femmes et sciences » ou « Femmes Ingénieurs ». Elle organise, en outre, des « Journées régionales », pour étendre son action en région, la prochaine édition de ces « Journées » devant se tenir en 2008 à Toulouse.

Elle a rappelé que l'Association femmes et mathématiques et les associations amies accomplissaient un lourd travail de vigilance, qu'il s'agisse de la représentation des femmes au conseil d'administration du CNRS, dans les jurys de l'Institut universitaire de France, ou encore de la publicité intitulée « I love techno » sur le site du conseil général des Yvelines...

Evoquant les sujets de préoccupation actuels de l'association, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a insisté sur la nécessité de former les enseignant(e)s, comme l'ensemble des personnels de l'Education nationale, à la problématique de l'égalité hommes/femmes, de façon à ce que celle-ci soit prise en compte dans l'ensemble des formations. Elle a déploré que celle-ci ne fasse l'objet que de projets ponctuels dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), abandonnés dès que la personne porteuse du projet quitte l'IUFM, et a estimé que des formations trop courtes pouvaient s'avérer souvent contreproductives, en réveillant des susceptibilités ou des « failles enfouies ».

Elle a également insisté sur l'importance de la formation continue à cette problématique pour les enseignant(e)s déjà en exercice, estimant qu'elle gagnerait à être généralisée.

Mme Marie-Jeanne Campana a ensuite présenté l'association française des femmes juristes (AFFJ), qui a été créée en 2001 et comprend 130 adhérentes. Elle a évoqué les liens de l'AFFJ avec l'association européenne des femmes juristes (EWLA) et précisé que l'association se donnait pour mission de rester attentive à tous les problèmes de société, en y apportant un regard de juriste.

Elle a évoqué divers travaux et colloques organisés par l'AFFJ, en insistant sur celui qui a été récemment consacré à faire apparaître le décalage entre l'égalité de droit, qui est aujourd'hui affirmée de façon satisfaisante dans les textes, et l'inégalité de fait, qui perdure dans les professions juridiques et judiciaires, comme ailleurs. Elle a illustré son propos en rappelant que beaucoup de femmes étaient collaboratrices d'un cabinet d'avocats, alors que peu en dirigeaient un. Elle a également évoqué un colloque tenu en collaboration avec l'association française des femmes médecins sur le thème « Femmes, violence et santé ».

Elle a par ailleurs indiqué qu'elle était également membre de l'association des femmes de l'Europe méridionale (AFEM). Après avoir rendu hommage à l'action menée au sein de cette association par Michèle Galabert, récemment disparue, elle a rappelé que l'AFEM était à l'origine de la mention explicite du principe d'égalité entre hommes et femmes dans le projet de Constitution européenne.

Constatant que l'ensemble des présidentes d'associations présentes étaient diplômées des universités, Mme Tita Valade a alors fait observer que l'Association Française des Femmes Diplômées d'Université était quelque peu concurrencée par la multiplication des associations regroupant des femmes diplômées dans un secteur d'activité professionnelle.

Après s'être associée à l'hommage rendu à Michèle Galabert, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné la nécessité et l'efficacité, pour les femmes, du travail en réseau. Puis, manifestant son inquiétude à l'égard de la faiblesse, voire de la régression de la place des femmes dans les carrières scientifiques, signalée par Mme Véronique Slovacek-Chauveau, elle a souhaité que soient recherchées des solutions de nature à favoriser une meilleure orientation scolaire et professionnelle, pour permettre un rééquilibrage entre hommes et femmes dans les différents métiers.

Mme Béatrice Castellane a confirmé que toutes les adhérentes de l'AFFJ étaient diplômées des universités, et a indiqué qu'à travers la diversité des professions juridiques représentées (magistrates, avocates, notaires, huissières, juristes du secteur public ou privé), cette association mettait en pratique le principe du fonctionnement en réseau et avait bien conscience de ses vertus.

Après avoir rappelé son engagement personnel ancien en matière de parité, M. Yannick Bodin a évoqué le problème de la féminisation de la magistrature et de l'enseignement. A cet égard, il a souhaité que les jeunes élèves ne soient pas formés uniquement par des femmes, en citant l'exemple d'un élève qui avait découvert pour la première fois des professeurs hommes en arrivant en classe de 5e. Rappelant ensuite les travaux de la commission des affaires culturelles consacrés à la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles, il a souligné que le problème particulier de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires était revenu de façon récurrente au cours de ces travaux. Il a souhaité que soit mis fin à un certain déterminisme de l'orientation, destinant systématiquement les filles à des études courtes ou à des filières littéraires, tout en insistant sur les obstacles de caractère social ou culturel auxquels sont tout particulièrement confrontées les jeunes filles pour l'accès à certaines professions.

A propos des critiques adressées à la féminisation des professions de la justice ou de l'enseignement, Mme Gisèle Printz a fait observer que personne n'avait rien trouvé à redire tant que les hommes y avaient été majoritaires. Elle a ensuite souhaité que les travaux de la délégation ne se limitent pas aux seules femmes diplômées, avec l'assentiment de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Concernant la féminisation de l'éducation nationale, Mme Christiane Hummel a estimé qu'il conviendrait plutôt de se demander pourquoi les hommes n'étaient plus attirés par l'enseignement. Rappelant son parcours de « normalienne », elle a précisé qu'elle était actuellement la seule sénatrice de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et s'est dite prête, notamment au plan local, à apporter une aide concrète et un soutien aux associations représentées dans cette table ronde.

Puis, en réponse à une question de Mme Christiane Hummel, Mmes Béatrice Castellane et Marie-Jeanne Campana ont confirmé que les personnels de la fonction publique territoriale pouvaient adhérer à l'AFFJ, à condition qu'elles exercent leur métier dans le domaine juridique.

Mme Anne-Marie Payet a évoqué le rôle du conseiller d'orientation, qu'elle a considéré comme parfois trop directif à l'égard des jeunes filles. Par ailleurs, elle a témoigné du problème posé par des orientations conseillées, voire imposées, par les familles, qui peuvent amener des jeunes ayant réussi leur parcours scolaire et universitaire à finalement renoncer à exercer un métier pour lequel ils ont été formés, mais pour lequel ils n'ont pas la vocation.

Mme Gisèle Printz a demandé aux intervenantes si leurs associations menaient des actions pour présenter leurs métiers aux élèves ou aux étudiantes.

Mme Tita Valade a rappelé les efforts conduits auprès des élèves par l'AFFDU dans le cadre des concours des « Olympes de la parole », avant de souligner, d'une manière générale, l'importance de l'information et de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a interrogé les intervenantes sur les liens entre le monde économique et le monde de l'enseignement, sur la formation des enseignants et des conseillers d'orientation en matière de parité professionnelle, ainsi que sur l'âge auquel il paraissait opportun de faire découvrir les métiers aux enfants.

A propos de la féminisation croissante des métiers de l'enseignement et de la justice, Mme Marie-Jeanne Campana a fait observer qu'il s'agissait là d'une conséquence directe de la réussite des femmes dans les études supérieures et de leur arrivée sur le marché du travail, tout en indiquant que les femmes étaient souvent amenées à choisir des métiers qui assurent une certaine sécurité, mais qui ne sont pas très bien rémunérés et qui, de ce fait, n'apparaissent pas suffisamment valorisants aux yeux des hommes. M. Yannick Bodin a marqué son plein accord avec ces propos.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a rappelé que les trois fonctions publiques employaient 46 % des femmes qui travaillent en France et que 55 % des fonctionnaires étaient des femmes, cette proportion atteignant 59 % pour la fonction publique de l'Etat. En outre, elle a constaté que les fonctionnaires femmes de catégorie C étaient souvent surdiplômées, avec parfois un titre de niveau Bac+5, ce qui témoigne d'une « ségrégation violente » du marché du travail.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a précisé, en ce qui concerne les médecins, que les femmes choisissaient plus fréquemment que les hommes d'exercer leur métier sous un statut de salarié, et que 25 % d'entre elles choisissaient le temps partiel, contre 2 % des hommes. Elle a ajouté que de nombreuses femmes privilégiaient également les remplacements, ce qui constitue une certaine forme de précarité, mais leur permet de mieux gérer leurs diverses contraintes, notamment familiales.

Mme Marie-Jeanne Campana a estimé que le travail à temps partiel, que l'on considère parfois comme « choisi » par les femmes, leur était en réalité socialement imposé, en raison du « double métier » qu'elles doivent en pratique exercer, à la maison et à l'extérieur.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a alors signalé que, dans la fonction publique, de nombreuses femmes qui travaillent « à 80 % » pour pouvoir consacrer la journée du mercredi à s'occuper de leurs enfants, étaient en fait amenées à accomplir une quantité de tâches équivalente à celle effectuée par leurs collègues masculins employés à temps plein.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a fait observer que parmi les médecins, on comptait 13 % de femmes célibataires, contre 6 % d'hommes, et a souligné le poids des contraintes horaires auxquelles sont soumises les femmes médecins exerçant à titre libéral ou dans les services hospitaliers, estimant que les femmes menant leur carrière dans le monde hospitalo-universitaire étaient souvent amenées à faire des sacrifices dans leur vie familiale.

Evoquant l'expérience récente des « Ambassadrices des sciences », Mme Véronique Slovacek-Chauveau a relevé que, parmi les jeunes femmes scientifiques qui s'étaient portées volontaires pour présenter leur métier dans les lycées, une seule avait déclaré que son mari avait pris un temps partiel, ce qui avait d'ailleurs suscité une réaction d'incompréhension.

A partir d'un exemple précis, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a témoigné de la difficulté de faire accepter les contraintes professionnelles, et notamment les horaires d'un bloc opératoire, à certaines mères de famille qui ne bénéficient pas du soutien de leur conjoint, pourtant indispensable pour leur permettre d'assumer ces contraintes.

Prolongeant ce propos, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a souligné l'importance du partage des rôles entre les parents et la diversité des conceptions au sein des couples en la matière, en soulignant qu'aucune évolution positive concernant les carrières des femmes ne pourrait se produire si les pères ne s'occupaient pas davantage des jeunes enfants.

M. Yannick Bodin a cependant constaté, au fil des générations, une évolution des rôles masculins et un investissement accru des pères dans les tâches familiales.

Mme Tita Valade a observé qu'en France, l'existence de différents modes de garde permettait tout de même à certaines mères d'occuper un emploi, alors que dans certains pays, comme le Japon, elles devaient choisir entre élever leurs enfants et exercer un métier.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a évoqué le cas des jeunes normaliens de sexe masculin, qui sont nombreux à se détourner de l'enseignement pour préparer des concours administratifs, comme celui de l'ENA, car l'enseignement supérieur ne leur apparaît plus être suffisamment valorisant.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a ensuite, sur des bases chiffrées, démontré l'existence d'un « plafond de verre » dans les carrières hospitalo-universitaires, où l'on dénombre moins de 20 % de femmes parmi les professeurs d'université, en observant que ce phénomène témoignait de l'intérêt persistant des hommes pour ce secteur d'activité.

Mme Marie-Jeanne Campana a insisté sur la difficulté, pour les femmes qui accèdent à des métiers prestigieux, de les exercer, faute de disposer de moyens de garde suffisants pour leurs enfants. En particulier, elle a souligné l'insuffisance du nombre de places de crèche.

Mme Christiane Hummel a rappelé que les crèches étaient le plus souvent gérées par les collectivités territoriales, avant d'évoquer l'éternelle culpabilisation des femmes qui confient à d'autres le soin de garder leurs enfants.

M. Yannick Bodin a souligné l'importance primordiale de la question des crèches, tout en rappelant les inégalités de moyens entre les collectivités territoriales et en plaidant pour la création d'un service public de l'enfance avant l'entrée en maternelle.

A la suite d'une remarque de M. Yannick Bodin au sujet du « mandarinat » masculin en médecine, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a déploré l'absence de solidarité avec les autres femmes dont font souvent preuve les femmes médecins qui ont accédé à des fonctions de responsabilité.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé nécessaire de faire prévaloir la solidarité entre les femmes, Mme Gisèle Printz témoignant du fait que tel n'est pas toujours le cas, notamment en politique.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau a considéré qu'il ne fallait pas pour autant stigmatiser les femmes à ce sujet, car la société véhicule un certain nombre de stéréotypes puissants que femmes, comme les hommes, sont parfois amenées à relayer. Elle a fait observer que les enseignants et les conseillers d'orientation avaient également tendance à reproduire certains stéréotypes, au détriment de l'orientation des filles vers des filières scientifiques, alors que celles-ci ont des résultats comparables à ceux des garçons dans les matières scientifiques comme les mathématiques et la physique. En outre, elle a regretté que la présence des femmes dans le secteur de l'informatique connaisse aujourd'hui une régression par rapport à une période antérieure où l'informatique n'était pas valorisée.

Rejoignant ce propos, Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que les sciences étaient associées à des images de rigueur, de logique, de sélection et de compétition, qui ne correspondent pas, en l'état actuel de certains stéréotypes, à des images féminines. A cet égard, elle a souligné la nécessité, en matière d'orientation, de mieux former les personnels, et notamment les conseillers d'orientation. Puis elle a de nouveau interrogé les intervenantes sur le rapprochement entre le monde économique et le monde enseignant.

Constatant que 80 % des jeunes femmes ayant joué le rôle d'« ambassadrices des sciences » avaient découvert leur vocation tardivement, à l'issue d'un stage, Mme Véronique Slovacek-Chauveau en a souligné l'importance fondamentale pour décider de l'orientation professionnelle et cité des actions concrètes menées par son association et les associations amies dans ce domaine à travers leur site commun « Elles en Sciences ». Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a également souligné l'intérêt des stages pour découvrir concrètement les métiers.

Puis Mme Béatrice Castellane a fait observer que l'AFFJ avait été créée par Mme Dominique de La Garanderie, première femme à être devenue bâtonnier du Barreau de Paris, à la suite des difficultés qu'elle avait rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, et s'est félicitée du rééquilibrage favorisé par la création de cette association, grâce à son fonctionnement en réseau.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a constaté que les jeunes filles, et notamment celles qui sont issues de l'immigration, réussissaient de manière satisfaisante aux concours de la fonction publique. Par ailleurs, elle a évoqué la persistance d'un « syndrome de la bonne élève » faisant confiance à ses professeurs, qui conduit trop souvent les femmes à accepter un certain ordre établi, plutôt que de revendiquer fermement l'équité. Constatant que les hommes avaient tendance à se coopter entre eux, elle a souligné l'intérêt pour les femmes de s'organiser en réseau pour échanger des informations. Enfin, elle a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes dans l'exercice des fonctions d'autorité.

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est interrogée sur le degré de féminisation des cabinets des femmes ministres.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a indiqué qu'il y avait seulement une femme directeur de cabinet en 2005, et cinq aujourd'hui.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué qu'elle interrogerait le gouvernement sur les résultats de la mise en oeuvre du « plan crèches », qui avait prévu l'ouverture de 10 000 places supplémentaires par an. Puis elle s'est félicitée de la sincérité et de l'utilité des témoignages des intervenantes, en précisant qu'ils permettraient de nourrir un rapport dont elle a espéré que les propositions ne restent pas lettre morte. Elle a enfin insisté sur les vertus du « lobbying » et des réseaux de femmes, y compris au niveau international, en évoquant l'universalité des problèmes de l'inégalité salariale et des violences à l'égard des femmes.