Jeudi 11 février 2016

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Désignation de rapporteurs

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Au premier point de notre ordre du jour figure la désignation de rapporteurs pour nos travaux à venir, d'une part sur le sujet « Femmes et voiture » et, d'autre part, sur les enfants à l'identité sexuelle indéterminée. À cet égard, une table ronde est prévue le jeudi 12 mai puis notre rapport d'information, qui sera publié avant l'été, fera un état des lieux des difficultés auxquelles sont confrontés les intéressés et des solutions envisageables.

Pour ce second rapport, j'ai reçu les candidatures de nos collègues Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux. Christiane Hummel m'a fait part de son intérêt pour le rapport « Femmes et voitures » ; j'aimerais me joindre à elle pour ce travail auquel j'attache beaucoup d'importance.

En l'absence d'opposition, nous pouvons considérer que ces quatre rapporteures sont désignées. Le secrétariat vous enverra dès que possible un calendrier des auditions sur le sujet « Femmes et voiture ».

Bilan des mesures de lutte contre les violences au sein des couples - Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de Mmes Corinne Bouchoux, Laurence Cohen, M. Roland Courteau, Mmes Chantal Jouanno, Christiane Kammermann et Françoise Laborde

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous abordons maintenant l'examen du rapport du groupe de travail sur le suivi des mesures de lutte contre les violences au sein des couples, qui a été constitué sur la base d'un co-rapporteur par groupe : Roland Courteau, Corinne Bouchoux, Laurence Cohen, Christiane Kammermann, Françoise Laborde et moi-même.

Cette pluralité est le gage d'un travail collectif particulièrement adapté au sujet des violences au sein des couples, dont la gravité appelle de notre part à tous et à toutes l'unanimité indispensable au succès de la lutte contre ce fléau, par-delà les appartenances politiques qui peuvent parfois nous opposer - mais pas dans ce domaine !

Roland Courteau va nous présenter le résultat des investigations de ce groupe, qui a travaillé essentiellement par des réunions dites de rapporteurs, et qui a effectué le 17 décembre 2015 un déplacement avec l'Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Ce rapport est assorti de 13 recommandations.

Roland Courteau, vous avez la parole, puis chaque co-rapporteure souhaitera préciser certains points.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Je vous remercie, Mme la Présidente.

Chaque 25 novembre, lors de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les statistiques rappellent tragiquement le bilan implacable des violences au sein des couples en France :

- tous les deux jours et demi en France, un homicide est commis au sein des couples ;

- en 2014, 143 personnes sont mortes en France, victimes de leur conjoint ou ex conjoint ;

- en incluant les suicides des auteurs et les autres victimes, ces violences ont causé la mort de 202 personnes en 2014.

Autrement dit, un meurtre sur cinq est le résultat de violences au sein du couple en France qui constitue une question politique centrale, comme le rappelait le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh) dans son communiqué de presse du 25 novembre 2015.

En dépit des conséquences tragiques de ces violences, il a fallu attendre les années 1970 en France pour que se produise une prise de conscience de leur gravité.

Aujourd'hui, la lutte contre les violences faites aux femmes dans leur globalité fait l'objet d'une véritable politique publique, qui intègre la lutte contre les violences conjugales ; à ce jour, depuis 2005, quatre plans d'action pluriannuels ont été adoptés.

Trois lois sont intervenues pour donner à la justice les moyens d'intervenir : la loi du 4 avril 2006 a été complétée par la loi 9 juillet 2010 puis par celle du 4 août 2014 pour prévoir l'ordonnance de protection, généraliser le téléphone grave danger (TGD) et inscrire dans la loi les stages de responsabilisation pour les auteurs de violences.

En dépit d'une mobilisation incontestable des services publics - en particulier de police et de gendarmerie, et d'un renforcement des dispositifs légaux visant à prévenir ces violences, on n'observe malheureusement pas de diminution significative du nombre de femmes déclarant être victimes de violences de la part de leur conjoint. Ce constat nous a incités à effectuer un bilan de la mise en oeuvre des dispositifs destinés à lutter contre les violences au sein des couples.

Je remercie mes collègues du groupe de travail pour la collaboration confiante que nous avons su instituer sur un sujet aussi grave. D'octobre 2015 à janvier 2016, les membres de notre groupe du travail ont entendu :

- la responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, également coordinatrice nationale de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de la MIPROF, le Procureur de Paris, des représentants des deux principaux syndicats de la magistrature, des associations de défense des droits des femmes, une avocate spécialisée dans les violences faites aux femmes ainsi que des médecins et psychologues. Vous rappeliez également, madame la présidente, le déplacement en Seine-Saint-Denis effectué à l'invitation de la responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de ce département.

Ces contacts ont confirmé que la lutte contre les violences au sein des couples constitue aujourd'hui une politique publique à part entière, clairement identifiée au sein des violences faites aux femmes.

L'ensemble de nos interlocuteurs l'ont relevé : une pause législative est souhaitable actuellement car les acteurs de la lutte contre ces violences disposent d'outils pour mener leurs missions parmi lesquels l'ordonnance de protection, le téléphone grave danger et la mesure d'accompagnement protégé sont probablement les plus emblématiques. Il faut laisser aux professionnels, magistrats, responsables associatifs, et auxiliaires de justice et de police le temps de se les approprier et de leur permettre d'atteindre leur pleine efficacité.

L'ordonnance de protection justifie un développement particulier car c'est le besoin d'un bilan de ce dispositif, cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi de 2010, qui se trouve à l'origine de la constitution du groupe de travail.

La délivrance de l'ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales implique un changement complet de mentalité car l'ordonnance ne suppose pas le dépôt d'une plainte par la victime, ce qui constitue une innovation importante.

Dans l'esprit du législateur, cette nouvelle mesure visait des objectifs très ambitieux : elle devait permettre de mettre à l'abri rapidement (en 72 heures dans l'esprit du rapporteur du Sénat) une femme en danger à l'intérieur de son foyer, sans présager de la culpabilité de l'auteur, et d'organiser la séparation de manière provisoire (six mois renouvelables).

Le caractère novateur de cette nouvelle procédure consistait à conférer au juge civil, en dehors de toute procédure pénale, le pouvoir de prendre des décisions dans l'urgence concernant la garde des enfants, de faire attribuer des papiers aux victimes en situation irrégulière, d'accorder l'aide juridictionnelle provisoire et de faire arrêter l'auteur présumé quand il enfreint les prescriptions de l'ordonnance.

Cette novation complète suscite, vous vous en doutez, certaines réticences, voire résistances parmi les magistrats, formés à une culture de la conciliation, et explique en grande partie une montée en puissance relative et inégale selon les juridictions.

Sur un plan quantitatif, derrière une augmentation constante du nombre d'ordonnance de protection (OP) délivrées en France, se dessine une grande disparité selon les départements et les 200 OP prononcées chaque année en Seine-Saint-Denis ne valent pas pour tous les départements.

Sans en sous-estimer les difficultés d'application, le groupe de travail estime que l'objectif d'efficacité, qui fonde la spécificité de l'ordonnance de protection, justifie le caractère hybride de la procédure (à la marge entre la procédure civile et la procédure pénale).

Sa montée en puissance doit s'accompagner d'un travail de formation et d'accompagnement, tant du juge qui prend la décision de délivrer l'ordonnance, que des avocats qui formulent les requêtes des parties demanderesses. Nous reviendrons sur l'importance de la formation de l'ensemble des professionnels qui interviennent au cours de la procédure de l'OP.

Je souhaite ensuite souligner les avancées réelles de la politique pénale de lutte contre les violences au sein des couples : même si des progrès restent à réaliser, certains procureurs ont mis en place des politiques exemplaires. C'est le cas à Paris.

Je vous rappelle que le juge pénal ne peut prononcer de mesures de protection et engager des poursuites judiciaires contre l'auteur des violences que si un signalement a été effectué, soit auprès de la police ou de la gendarmerie, soit auprès du procureur de la République.

Même si l'on rencontre encore des cas où des femmes n'ont pas reçu au commissariat l'accueil et l'écoute qu'elles sont en droit d'attendre, il est ressorti de nos entretiens que, dans toute la France, les parquets ont mis en place des réseaux de réflexion visant à améliorer l'accueil des victimes, à assurer une réception plus effective des dépôts de plainte (trop souvent requalifiés par le passé en mains courantes) et à mieux apprécier les priorités en matière de traitement des dépôts de plainte pour violences au sein des juridictions. La présence d'intervenants sociaux dans les commissariats, dont le nombre a été multiplié par deux, participe de la même volonté.

À Paris, l'objectif défini est d'apporter une réponse ferme aux cas déclarés de violence au sein des couples : je veux insister sur le fait que la médiation pénale, parce qu'elle ne met pas en présence les deux parties à égalité, y est proscrite dans les affaires de violence conjugale.

La concertation au sein des juridictions entre les juges du pénal et le juge civil, éventuellement saisi d'une ordonnance de protection nous a paru une procédure à généraliser et nous proposerons une recommandation en ce sens.

Nous le savons bien, la formation de l'ensemble des intervenants chargés du traitement des violences est un facteur clé de réussite. Dans ce domaine, nous avons identifié deux priorités, qui ont trait non seulement à la poursuite de l'effort de formation de l'ensemble des professionnels (magistrats, avocats, policiers et gendarmes, personnels de santé) mais aussi à la mise en place d'un maillage partenarial de lutte contre les violences au sein des couples sur l'ensemble du territoire, sur le modèle de ce que nous avons observé en Seine-Saint-Denis, véritable laboratoire d'innovations et d'expérimentations. Je voudrais souligner l'intérêt des expérimentations qui y sont actuellement conduites, s'agissant notamment de la mesure d'accompagnement protégé des enfants et de la prise en charge des enfants mineurs orphelins, lorsqu'un des parents est tué par son conjoint, dans le cadre du protocole dit « féminicide ». Chaque expérimentation fait l'objet d'une convention qui installe un comité de pilotage de l'expérimentation.

Concernant la formation, rappelons que l'article 51 de la loi d'août 2014 fixe l'objectif de former tous les professionnels en lien avec les violences, notamment sur la nécessité de veiller à ne pas mettre en présence l'auteur et la victime. Plusieurs guides d'information ont déjà été réalisés par la MIPROF et sont à l'heure actuelle diffusés. Il faut plaider pour une meilleure diffusion encore de ces documents. Nous avons également constaté que la connaissance des conséquences psycho-traumatiques des violences au sein des couples pourrait être améliorée. Une recommandation sera formulée en ce sens. À cet égard, il est important de relever que, en partenariat avec le centre de psycho-traumatologie de l'Institut de victimologie de Paris, le département de la Seine-Saint-Denis propose aujourd'hui 17 consultations de psycho-traumatologie, ce qui est exemplaire.

Bien entendu, la réussite de la mobilisation dans ce département repose essentiellement sur l'impulsion et la coordination de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes.

Eu égard à son rôle déterminant, notre groupe de travail propose la généralisation de tels observatoires sur tout le territoire.

Avant de vous présenter les recommandations du groupe de travail, j'en viens aux insuffisances que nous avons détectées.

Nous estimons nécessaire de traiter la violence à la source et d'anticiper les dégâts psychologiques qui en sont la conséquence et qui trop souvent font le lit des violences futures. C'est dans cet esprit que nous avons consacré un chapitre de notre rapport à la nécessité d'« enrayer le cycle de la violence » et que nous jugeons souhaitable de s'intéresser tant au traitement des auteurs qu'à la prise en charge des conséquences traumatiques de la violence sur les victimes, et tout particulièrement sur les enfants.

En ce qui concerne le traitement des auteurs, nous avons remarqué avec intérêt qu'au Canada, les centres d'accueil pour les hommes violents existent depuis 1982. En France, il a fallu attendre 2005 pour que le Plan global de lutte contre les violences au sein du couple intègre dans ses composantes la prise en compte des auteurs de violences, pour renforcer les sanctions à leur encontre et leur prise en charge thérapeutique. Notre pays accuse donc du retard sur ce point.

Quand on sait que la majorité des auteurs continuent de vivre avec le conjoint qui subit leur violence, la prise en charge psychologique de l'auteur apparaît tant comme un élément de lutte contre la récidive que comme une mesure de protection de la victime et des enfants.

L'audition du Docteur Louvrier, président de l'association Le cheval bleu, centre d'hébergement situé à Lens a été très constructive sur ce point. Elle a renforcé la conviction acquise lors du déplacement de membres de notre délégation à Arras le 25 novembre 2014, au Home des Rosati, qui dispose d'une dizaine de places pour accueillir les hommes auteurs de violences. Le groupe de travail vous proposera, par conséquent, l'institution d'un label qui permettrait de distinguer des structures pilotes proposant l'accueil et la prise en charge des auteurs de violences conjugales, afin de pouvoir diffuser les bonnes pratiques sur l'ensemble du territoire.

S'agissant de l'insuffisante prise en compte des conséquences psycho-traumatiques de ces violences sur les victimes, et en particulier sur les enfants, il semble que dans notre pays ces conséquences soient sous-estimées, tant de la part des professionnels que du public : or ce retard est d'autant plus préoccupant qu'une prise en charge précoce est véritablement indispensable au rétablissement des victimes, comme l'ont démontré les psychologues interrogés.

Or il n'existe pas en France à proprement parler de centres spécialisés dans la prise en charge spécifique des conséquences posttraumatiques des violences intrafamiliales. Le groupe de travail estime qu'il faudrait publier un répertoire des centres de prise en charge spécialisés des conséquences traumatiques des violences intrafamiliales et que mission pourrait être confiée à la MIPROF. Une recommandation sera formulée en ce sens.

De nombreuses prises en charges psychothérapiques sont efficaces et des outils de soins existent, il faut le souligner. Les 17 consultations en Seine-Saint-Denis le prouvent. L'idéal serait la mise en place d'un centre de psycho-trauma par bassin de 200 000 habitants ou par département, après expérimentation dans des départements pilotes à identifier. Une recommandation sera formulée en ce sens.

J'en viens maintenant au délit de harcèlement psychologique au sein du couple, défini par l'article 31 de la loi du 9 juillet 2010 et qui reste difficile à détecter et à prouver. En effet, il est impossible de savoir précisément combien de requêtes déposées visent cette disposition du code pénal car les cas de violences sont enregistrés globalement. Le délit de harcèlement psychologique au sein du couple est peu connu, notamment des magistrats, même si le fait qu'un cas ait été poursuivi à Paris montre que la constitution de ce délit peut être prouvée. Le groupe de travail souhaite donc qu'une circulaire du Garde des Sceaux rappelle le contenu de l'article 222-33-2-1 du code pénal et attire l'attention des magistrats sur ce délit.

Parallèlement, le logement est, c'est évident, une question centrale de la lutte contre les violences conjugales. Le droit de bénéficier d'un logement, que ce soit dans l'urgence ou de façon plus pérenne, après un jugement, constitue une étape essentielle pour la victime et pour les enfants.

Certes, l'article 35 de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes a affirmé le principe de l'éviction du conjoint violent du logement du couple et le maintien de la victime dans celui-ci.

L'article 19 de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants avait modifié les articles 4 et 5 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, afin de favoriser l'accès à un logement social des femmes victimes de violences.

Le groupe de travail vous propose de recommander le renforcement des financements des associations mettant à la disposition des victimes de violences des hébergements spécifiques permettant un parcours vers l'autonomie et de demander au ministère en charge du logement des statistiques précises du nombre de logements sociaux attribués pour le motif « violences familiales ».

J'aborde maintenant la situation des enfants, encore trop souvent considérés comme des témoins et non comme des victimes à part entière de la violence intrafamiliale.

Les professionnels qui travaillent avec les enfants nous ont beaucoup émus, tant par leur bienveillance que par leur dévouement admirable.

À cet égard, la mesure d'accompagnement protégé, qui consiste à encadrer le droit de visite du père, nous a semblé intéressante. Expérimentée en Seine-Saint Denis, nous souhaitons qu'elle puisse être diffusée à l'ensemble du territoire. Une recommandation vous sera proposée en ce sens.

Enfin, la question de l'autorité parentale et de son éventuel retrait visant le père violent qui aurait commis un acte grave envers la mère des enfants a fait l'objet d'un débat long et complexe entre les membres du groupe. Interrogé sur le sujet, le procureur de la République de Paris a estimé que le juge devait pouvoir apprécier au cas par cas la pertinence d'une mesure de retrait. Le groupe de travail a été sensible à ces arguments mais il nous a semblé contestable que, dans les cas les plus extrêmes comme celui de l'assassinat, un juge puisse confier l'autorité parentale au conjoint meurtrier, car cela nous a paru en contradiction avec toutes les analyses produites par les pédopsychiatres sur le sujet.

L'article 20 de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, déposée au Sénat par Michelle Meunier, Muguette Dini et plusieurs de leurs collègues le 11 septembre 2014 visait à modifier l'article 378 du code civil afin, notamment, de rendre automatique le retrait total de l'autorité parental par une décision expresse du jugement pénal, à l'encontre des père ou mère qui auraient été condamnés comme auteurs, co-auteurs ou complices d'un crime sur la personne de l'autre parent. Au cours de l'examen en séance, le 28 janvier 2015, cet article a été supprimé. Conscient des difficultés soulevées par cette modification, le groupe de travail souhaite néanmoins que le ministère de la justice travaille sur la question du retrait de l'autorité parentale quand le père ou la mère aurait été condamné comme auteur, co-auteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent.

Je vous remercie de votre écoute.

M. Alain Gournac. - Depuis que je fais partie de cette délégation, je m'emploie à rappeler que les hommes aussi sont, parfois, la cible de ces violences. Or leur parole est peu audible, pour des raisons faciles à comprendre. Je pense qu'il faudrait rappeler ce point dans le rapport.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Notre délégation est par définition très sensible aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes. Je comprends votre démarche.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - En effet, si dans 95 % des cas, les victimes des violences intrafamiliales sont des femmes, il n'en reste pas moins que dix à quinze hommes meurent chaque année sous les coups de leur compagne. C'est un fait, il existe aussi des femmes violentes, même si elles ont extrêmement peu nombreuses. Mais il faut dire aussi que souvent, ces faits surviennent lorsque la femme se défend...

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Ce rapport est fidèle à ce que notre groupe de travail a constaté et aux idées qu'il souhaite porter. C'est un travail collectif qui a nécessité un investissement considérable. Au vu de l'actualité et des « affaires » de violences qui ont trouvé un écho médiatique fort, ne pourrait-on pas demander l'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'un débat sur ce rapport ? Je m'étonne qu'à chaque tentative de faire avancer la protection des droits des femmes, beaucoup de nos collègues s'abritent derrière l'argument de la cohérence du code pénal pour repousser certaines dispositions qu'ils présentent comme inutiles ou redondantes. Cela a été le cas lors de l'examen de la proposition de loi sur la protection de l'enfance ou de l'article 14 de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, concernant les violences sexistes.

Sur un sujet comme les violences conjugales, il faudrait que nos recommandations soient portées par l'ensemble du Sénat. Il serait bien que, à titre symbolique, la séance publique consacrée à ce débat soit présidée par notre président, Gérard Larcher.

Je pense que nous pouvons obtenir l'attention du Sénat à cet égard, ce qui ne me semble pas exclu si j'en juge par les nombreux applaudissements qui ont conclu ma question d'actualité sur « l'affaire » Jacqueline Sauvage, posée d'ailleurs devant un hémicycle très attentif.

S'agissant des violences sur les hommes évoquées par notre collègue Alain Gournac, convenons tout de même qu'il s'agit de situations isolées et que faire un parallèle entre ce que subissent les femmes et les quelques cas de violences faites aux hommes, même au nom de l'égalité, me semble excessif.

Le sujet qui me tient personnellement à coeur concerne plutôt la médiation pénale, dont on connait les effets négatifs dans les situations de violences : ne faudrait-il pas réfléchir à une interdiction pure et simple de la médiation dans ces cas-là ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Je retiens votre idée de consacrer une séance publique à notre rapport et j'écrirai au Président du Sénat pour le lui suggérer. Hier, lors de la réunion de la conférence des présidents à laquelle j'avais été conviée, la question des débats en séance publique prolongeant des travaux de contrôle a justement été évoquée.

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - Merci de cette présentation complète et fidèle à l'esprit qui a présidé à nos travaux.

Je voudrais insister sur la nécessité de considérer la réponse judiciaire aux violences de manière globale. Dans le rapport d'information que j'établissais au nom de notre délégation le 10 juin 2010 sur le texte qui allait devenir la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, déjà, je faisais déjà observer : « Sans aucunement minimiser la portée de la nouvelle ordonnance de protection des victimes, il convient de rappeler aux victimes que le droit pénal en vigueur permet d'aboutir à des solutions plus énergiques, ce qui nécessite le dépôt d'une plainte par la victime. »

Je crois en effet qu'il est essentiel de rappeler aux victimes l'efficacité de la voie pénale pour les violences graves qui accompagnent certaines séparations : elle permet un constat objectif des violences et le juge pénal dispose de pouvoirs étendus pour sanctionner leurs auteurs. Face aux réticences de certains juges civils que nous avons rencontrés à prononcer l'ordonnance de protection, je crois qu'il est extrêmement utile de le rappeler.

Déposer plainte est aussi pour la victime une manière de commencer à entrer dans un processus de reconstruction. Notre collègue Roland Courteau a rappelé la récurrence des situations qui amènent la victime à reprendre la vie commune avec l'auteur des violences. Dans ce contexte, porter plainte est la première étape vers la sortie de l'emprise.

Bien entendu, ce parcours nécessite un accompagnement fort et structurant : c'est la raison pour laquelle je me félicite que nous ayons consacré un chapitre entier du rapport à la prise en charge des conséquences posttraumatiques de la violence et à la stabilisation de la victime dans un logement permanent.

Mme Corinne Bouchoux, co-rapporteure. - Ce constat me conduit à insister sur la nécessité de former les professionnels, au premier titre desquels les magistrats, bien sûr, mais aussi les professionnels de l'enfance - et plus globalement l'ensemble des professionnels en contact avec cette problématique des violences au sein des couples. Cette recommandation, qui figure dans notre rapport, reste essentielle malgré les progrès accomplis.

Je me réjouis que nous soyons si nombreux aujourd'hui, pour montrer l'unanimité des groupes politiques sur cette nécessité et je me joins à l'idée de demander une séance publique consacrée au sujet à l'occasion de la publication de notre rapport.

Par ailleurs - je reviens sur la réunion de la conférence des présidents d'hier - il me semble qu'il serait important que, tous groupes politiques confondus, nous prenions soin d'orienter les questions d'actualité qui feront l'objet de la séance du 8 mars prochain sur des sujets concernant les droits des femmes.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Absolument, j'en ai déjà parlé au Président du Sénat et il faut sensibiliser les groupes à ce sujet. Il en va de l'image du Sénat, pour une fois que les questions d'actualité « tombent » un 8 mars ! Il y a un précédent, à l'Assemblée nationale, le 8 mars 2011...

Par ailleurs, mes chers collègues, Christiane Kammermann, qui fait partie du groupe de travail et qui a participé au déplacement en Seine-Saint-Denis, en janvier dernier, me charge de vous prier d'excuser son absence, due à un empêchement de dernière minute, et de vous faire part de ses réflexions sur notre rapport. Je vous donne lecture de son propos.

« Je voudrais aussi, pour ma part, me féliciter comme Roland Courteau que les violences au sein des couples fassent partie des sujets prioritaires de nos politiques publiques.

Je tiens à rappeler qu'en 2010, François Fillon, Premier ministre, a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une « grande cause nationale ». Il a très bien défini à l'époque les violences conjugales en disant qu'elles « se manifestent à l'écart des regards, et la douleur qu'elles provoquent est souvent difficile à partager parce que la honte réduit au silence ».

En 2011, Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a mis en place le 3ème plan interministériel de lutte contre les violences qui prenait en compte les violences faites aux femmes dans leur globalité, dans une logique de protection, de prévention et de solidarité.

Je voudrais aussi insister sur deux aspects majeurs des violences au sein des couples : les conséquences pour les enfants et l'indispensable renforcement de la formation des magistrats.

Comme cela est souligné dans le rapport, les enfants sont, eux aussi, des victimes à part entière de ces violences. Les statistiques publiées chaque année par la Délégation aux victimes du ministère de l'intérieur sont effroyables ; son rapport de 2014 fait état de sept enfants mineurs tués par leur père en même temps que leur mère et de neuf affaires de meurtre ayant eu lieu sous les yeux des enfants. Onze enfants ont été témoins de scènes de crime, comme on dit dans le langage de la police ou de la gendarmerie, qu'ils aient été présents à la maison au moment des faits ou qu'ils aient découvert les corps en rentrant chez eux. C'est considérable !

À ces chiffres s'ajoute le traumatisme vécu par les enfants qui, sans subir le décès d'un de leurs parents, sont témoins pendant toutes leurs jeunes années de scènes de violence entre leurs parents qui vont avoir des conséquences évidentes sur le développement de leur personnalité.

Ensuite, la formation des magistrats est un élément essentiel de la lutte contre les violences au sein des couples, nous en sommes tous convaincus.

Même si les magistrats sont conscients de la priorité qu'il faut attacher à la lutte contre ces violences, l'effort en matière de formation doit être soutenu : il n'est pas facile, pour un juge, de comprendre la victime de ces violences.

Souvent, les victimes de violences conjugales déroutent les professionnels insuffisamment avertis, notamment par cette tendance qu'elles ont à retourner auprès de leur bourreau. Ce point se comprend, d'ailleurs, quand on étudie les phénomènes d'emprise. Cette tendance s'explique aussi parce que les mères hésitent longtemps à séparer les enfants de leur père...

Nous le savons, dans notre pays, les magistrats ont énormément de travail et il est souhaitable, comme le propose notre recommandation n° 3, que se développent des formations spécialisées au plus près des juridictions, afin d'éviter aux magistrats des déplacements difficilement compatibles avec leur charge de travail.

Voilà ce que notre collègue souhaitait ajouter à l'exposé de M. Courteau.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je souhaite tout d'abord appuyer la proposition de Laurence Cohen : une séance publique sur les violences au sein des couples contribuera à libérer la parole et à inciter l'ensemble de la société à sortir du tabou qui persiste encore sur le sujet. Je suis également favorable au fait de mentionner les hommes parmi les victimes de ces violences, dans un souci d'égalité.

Par ailleurs, pour mieux faire connaître les travaux de notre délégation, je pense qu'il serait très utile de permettre la traduction de nos rapports dans d'autres langues. Bien entendu, la traduction de l'intégralité peut sembler fastidieuse, mais pourquoi ne pas diffuser un communiqué de presse en anglais ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous avions fait traduire la version courte de nos travaux consacrés à la justice climatique, à l'occasion de la COP 21.

Mme Maryvonne Blondin. - Il me semble qu'il serait intéressant que nous transmettions ce rapport aux procureurs de nos départements. Dans mon département, l'un d'eux me rappelait l'insuffisance des effectifs pour faire face aux tâches grandissantes des parquets.

Ce rapport relève de l'évaluation de l'application des lois et je m'en félicite. Je profite de l'examen de notre rapport aujourd'hui pour revenir sur un sujet qui me semble insuffisamment abordé dans l'actuelle discussion en séance publique du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : le nombre de femmes titulaires de postes à responsabilité au sein des institutions culturelles. Ne serait-il pas opportun de faire procéder à une évaluation des progrès réalisés en ce domaine ? Je poserai la question à la présidente de la commission des affaires culturelles.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Je suis entièrement d'accord avec votre idée de transmettre ce rapport aux procureurs, et j'ajouterais les bâtonniers des ordres des avocats, car cette profession est en première ligne en matière de lutte contre les violences au sein des couples.

Mme Michelle Meunier. - Comme mes collègues, je me joins aux félicitations, tout en déplorant que nous fassions année après année toujours les mêmes constats, accablants d'ailleurs ! Face à la permanence des cas de violences, il faut continuer à travailler ensemble et à constituer des réseaux. Je rajouterais l'Éducation nationale aux secteurs professionnels à mobiliser, car il me semble que c'est à ce niveau que doit commencer le repérage des victimes.

Concernant la question du retrait de l'autorité parentale pour le parent violent, je vous rappelle que l'article 20 initial de la proposition de loi sur la protection de l'enfance, dont je suis co-signataire, proposait l'automaticité du retrait en cas de violences. Il a été supprimé car l'automaticité des peines est exclue en droit. Des considérations tenant à l'intérêt de l'enfant ont également été prises en compte dans le débat. Toutefois, la rédaction actuelle de l'article 6 quater satisfait partiellement notre exigence en se référant à la faculté du juge de décider le retrait total de l'autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, « lorsque l'enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre ». J'ai bon espoir que cet article puisse figurer dans le texte final qui devrait être prochainement adopté. Sur ces sujets, notre vigilance et notre ténacité aboutissent parfois.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Je suis entièrement d'accord avec votre souci d'associer et de former l'ensemble du personnel enseignant au repérage des enfants victimes de violences intrafamiliales, et nous consacrons une partie du rapport à ce sujet.

Mme Maryvonne Blondin. - Normalement, ce point est déjà prévu par les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), mais il faudrait probablement insister sur cette exigence, je suis d'accord avec vous.

Mme Christiane Hummel. - En tant que maire d'une commune du Var, je souhaite témoigner ici d'un cas auquel j'ai été confronté sur le terrain. J'ai reçu dans mon bureau une femme qui est venue témoigner du calvaire que son mari faisait vivre à toute la famille - y compris à ses enfants - par un comportement sexuel totalement inapproprié. Toute la famille était tenue dans la terreur par ce pervers. Il est apparu par la suite que cette femme, que j'ai aidée en lui procurant un emploi, était également battue - certains jours, elle venait vraiment très, très maquillée au travail...

C'est bien d'aller porter plainte, mais comment apporter la preuve de ce que la victime subit ? Qui aurait cru, dans notre petite ville, la femme dont je vous parle ? Le mari était un monsieur très bien... Il a fallu que j'accompagne cette femme au commissariat pour qu'elle dépose plainte, elle-même s'en sentait incapable tellement elle se sentait dévastée, dévalorisée. Parler de sa situation lui était impossible ! Comment se faire entendre, dans ce cas ? Surtout devant des hommes ! Si elle s'est décidée finalement, après des années de calvaire, à parler de sa situation, c'est parce que, dans mon bureau, nous étions deux femmes à l'écouter... Vraiment, cette question de la charge de la preuve me semble être un véritable obstacle à la démarche des victimes.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur la question du logement. Depuis le vote de la loi du 4 août 2014, la règle est l'éviction du conjoint violent. Il est certes important de trouver à ces femmes un logement hors du domicile conjugal, mais c'est l'auteur des violences qui doit laisser le logement familial à la victime.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Nous avons en effet relevé dans le rapport les difficultés liées au fait que la charge de la preuve pèse sur la victime dans le cadre de l'ordonnance de protection, d'où la nécessité d'envisager la réponse judiciaire de manière globale.

La priorisation des cas de violences au sein des juridictions existe aujourd'hui ; en tout cas, les procureurs s'y emploient, d'après les témoignages que nous avons reçus.

Enfin, concernant le logement social, c'est une mesure de protection : les femmes qui restent au domicile conjugal sont souvent en grand danger, car leur mari sait où les trouver. Je suis d'accord avec vous : en matière d'accès au logement social, elles doivent être prioritaires. C'est ce que prévoit l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation.

Mme Christiane Hummel. - Dans mon département, le Var, je constate qu'elles sont très rares à pouvoir bénéficier d'un logement social, sujet sur lequel nous sommes très en retard. Elles devraient bénéficier de la loi DALO (droit au logement opposable) à titre prioritaire. La loi pose comme condition l'intervention du juge, par exemple dans le cadre de l'ordonnance de protection, mais il faut comprendre que c'est très difficile pour les victimes de franchir ces étapes.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - En effet, la question de l'accès des femmes au logement, même en dehors de la problématique des violences conjugales, est un sujet dont notre délégation pourrait s'emparer...

M. Marc Laménie. - Je me félicite de l'ampleur du travail effectué par le groupe de travail mais je m'interroge sur les suites qui seront données aux recommandations et aux propositions. Je m'inquiète du risque que nos travaux en restent au stade des incantations et je trouverais dommage que nos préconisations ne soient pas transformées en réalisations concrètes. Dans mon département, les Ardennes, les acteurs engagés sur le terrain font ce qu'ils peuvent, mais je ne suis pas certain qu'ils disposent d'une véritable formation.

Par ailleurs, j'ai participé récemment à une journée Défense et Citoyenneté, occasion unique non seulement de contact direct avec la communauté militaire, mais aussi de découverte des multiples métiers et spécialités, civiles et militaires qu'offre aujourd'hui aux jeunes l'univers de la Défense. Pourquoi ne pas profiter de cette journée pour diffuser nos idées et sensibiliser les jeunes aux valeurs d'égalité que nous défendons ?

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - J'ai le même souci que vous de diffuser notre rapport et je pense que la semaine du 8 mars sera l'occasion de faire vivre ce rapport en le diffusant largement.

M. Alain Gournac. - Dans le domaine des violences, l'écart qui sépare l'incantation de la réalité est encore grand. Alors, former les magistrats, oui, mais n'oublions pas les policiers et les gendarmes, qui travaillent au quotidien sur le terrain ! Or l'objectif de la statistique reste encore très présent et contribue, à mon avis, à inciter les gendarmes et les policiers à privilégier le dépôt de main courante plutôt que la plainte. Et là, les victimes se heurtent à une difficulté majeure : leur plainte doit être acceptée...

Par ailleurs, les confrontations entre l'auteur et la victime peuvent être extrêmement traumatisantes : la protection de la victime passe aussi par la prise de conscience des inconvénients de cette procédure.

M. Jean-Léonce Dupont. - Comme vous le savez, les services sociaux des départements sont régulièrement conduits à se trouver en contact avec des victimes de violences. Je pense qu'il serait utile d'informer également des constats contenus dans ce rapport les présidents des assemblées départementales et les responsables des services départementaux concernés.

Par ailleurs, je suis très frappé par le problème de l'engrenage des violences, que traite d'ailleurs le rapport. Je me suis retrouvé confronté à d'anciennes victimes, devenues elles-mêmes, des années plus tard, auteurs de violences... Pour prévenir l'enracinement des violences sur plusieurs générations, comment inscrire dans le temps une action de prévention efficace pour éviter d'entretenir ce fléau ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Votre question est intéressante et à cet égard, je voudrais rapporter l'expérience d'une association avec laquelle je travaille : Stop aux violences sexuelles. Cette association expérimente un protocole de traitement dans la durée et propose la reconnaissance d'une nouvelle affection de longue durée (ALD) qui prenne en compte les facteurs psychologiques et physiques.

Nous allons maintenant aborder l'examen des recommandations.

La recommandation 1 relative à la montée en puissance de l'ordonnance de protection est adoptée à l'unanimité, de même que la recommandation 2 relative au renforcement des moyens de la MIPROF et à la généralisation des observatoires départementaux des violences envers les femmes, et que la recommandation 3 concernant la formation des magistrats au plus près de leurs juridictions.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous en arrivons à la recommandation 4 concernant l'accueil et la prise en charge des auteurs de violences conjugales.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Cette recommandation se réfère aux éléments dont nous a informés le Docteur Louvrier, très impliqué dans ce domaine.

La recommandation 4 est adoptée à l'unanimité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - La recommandation 5 concerne le renforcement des moyens des associations qui mettent à la disposition des victimes de violences des hébergements spécifiques au sein de structures dédiées, leur permettant un parcours vers l'autonomie.

Mme Christiane Hummel. - Je souhaite quand même rappeler que le principe doit être l'éviction de l'auteur des violences.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Absolument, mais la protection de la victime et des enfants implique parfois que ce soit elle qui quitte le domicile...

Mme Michelle Meunier. - Les violences au sein des couples concernent tous les milieux sociaux, mais parfois ce sont des personnes en très grande précarité dont il faut assurer le logement.

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Parfois, la seule solution, dans des situations où la violence est extrême, est d'éloigner la victime et les enfants. Le mari violent sait où retrouver sa femme !

M. Alain Gournac. - Et il faut savoir que les violences redoublent quand il est informé des démarches de sa femme, par exemple à la mairie !

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Sur l'objectif de 1 650 places d'hébergement prévu pour 2017, 75 % devaient être atteints en 2015. Le bilan est satisfaisant.

La recommandation 5 est adoptée à l'unanimité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous abordons la recommandation 6 concernant les statistiques d'accès au logement social pour les victimes de violences conjugales.

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - Nous devrions préciser que ces statistiques doivent être établies chaque année.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - En effet, la journée du 25 novembre se prête bien à ce genre de mise au point.

Mme Christiane Hummel. - Nous devrions vraiment ajouter que les femmes demandant un logement social pour des raisons liées à des violences familiales doivent être réellement prioritaires, comme le prévoit la loi.

La recommandation 6, ainsi modifiée, est adoptée à l'unanimité, de même que la recommandation 7 concernant l'augmentation du nombre de dispositifs de téléphone grave danger (TGD).

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous abordons la recommandation 8 relative au traitement judiciaire des violences au sein des couples.

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Nous devrions prendre en compte dans cette recommandation les dangers liés, pour les victimes, à la médiation pénale.

M. Roland Courteau, co-rapporteure. - Elle ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de la victime.

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - C'est vrai, mais ce n'est pas une garantie suffisante. Pensons à ce qu'implique l'emprise pour les victimes. Elles peuvent accepter formellement cette procédure, cela ne veut pas dire qu'elles ne vont pas en sortir brisées...

M. Roland Courteau, co-rapporteure. - Cette pratique est proscrite à Paris. Mais vous avez raison, nous devrions attirer l'attention des magistrats sur les conséquences potentiellement terribles de cette médiation pour les victimes.

La recommandation 8 est modifiée pour intégrer la nécessité de sensibiliser les magistrats aux risques liés pour les victimes, dans les cas de violences familiales, à la médiation pénale, puis elle est adoptée à l'unanimité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - La recommandation 9 concerne la présence des intervenants sociaux dans les commissariats. Notre collègue Alain Gournac suggère que l'on mentionne aussi les brigades de gendarmerie.

La recommandation 9, ainsi modifiée, est adoptée à l'unanimité, de même que les recommandations 10, relative à la mise en réseau des professionnels de santé chargés d'accompagner les victimes de violences au sein des couples et 11, concernant la nécessité d'adapter leur formation à une prise en charge précoce des troubles liés aux violences, sont adoptées à l'unanimité.

Puis la recommandation 12, ayant trait à la mise en place de centres de prise en charge spécialisés dans le traitement des conséquences psycho-traumatiques des violences, a été adoptée à l'unanimité après l'adoption de deux modifications rédactionnelles demandées par Mmes Françoise Laborde, co-rapporteure, et Christiane Hummel.

Après un échange de vues entre MM. Laménie et Roland Courteau, co-rapporteur, sur le coût annuel des violences conjugales, la recommandation 13 est adoptée à l'unanimité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Ne devrions-nous pas ajouter une recommandation marquant notre intérêt pour la notion de « légitime défense différée » inspirée par le procès de Jacqueline Sauvage ?

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Je n'y suis pas favorable pour ma part. Certes, notre travail s'est déroulé alors que l'actualité judiciaire était marquée par des affaires très médiatisées, dont l'« affaire Jacqueline Sauvage », qui a suscité la réflexion que vous évoquez pour aménager la notion de légitime défense. Je pense que dans ce domaine il faut vraiment être très prudent. Mesurons les conséquences d'une telle réforme, au-delà des violences conjugales.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Nous abordons maintenant le titre de ce rapport.

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Que diriez-vous de 2006-2010 : 10 ans de lois contre les violences conjugales ?

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Il faudrait mettre davantage en valeur le fait que ce combat n'est toujours pas gagné... J'aimerais que figure la notion de « combat inachevé ».

M. Roland Courteau, co-rapporteur. - Pourquoi pas 2006-2016 - un combat inachevé contre les violences conjugales ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Je ne vois pas d'objection. Ce titre, comme les 13 recommandations, est donc adopté à l'unanimité.

Je me félicite vraiment de l'unanimité qui s'est exprimée entre nous pour chacune de ces recommandations. Que nous puissions parler ensemble d'une même voix sur un sujet aussi déterminant pour notre délégation est vraiment très encourageant.

Je vous rappelle que le mardi 8 mars, nous avons un programme particulièrement riche que je vous invite à faire connaître autour de vous.

De 14 h 30 à 16 h 30, nous aurons salle Médicis une rencontre avec des femmes « meilleures ouvrières de France », grâce à une initiative de Christiane Hummel que je remercie encore. Cette réunion sera co-présidée par nos collègues Catherine Morin-Desailly pour la commission de la culture et Élisabeth Lamure pour la délégation aux entreprises.

Puis viendra, à 16 h 45, la séance de questions d'actualité dont nous avons parlé tout à l'heure, et qu'il serait bon de centrer, dans la mesure du possible, sur des thématiques concernant les droits des femmes - mais les questions directement inspirées par l'actualité pourraient aussi, si les groupes acceptent de jouer le jeu, être confiées à des oratrices !

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - Je ne suis pas certaine que les questions du groupe RDSE, le 8 mars, reflètent très bien la thématique du jour...

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - La décision, dans ce domaine, appartient aux groupes...

Enfin, à 18 heures, salle Clemenceau, nous pourrons assister à la projection du documentaire de Frédérique Bedos, Des femmes et des hommes, dont un extrait introduisait notre table ronde du 14 janvier sur le thème « Égalité entre hommes et femmes contre les intégrismes religieux ». Cette projection sera suivie d'un débat.

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Il me semble que, pour le 8 mars 2017, notre belle idée d'un « hémicycle féminin » devrait pouvoir avancer, si j'en juge par les échanges que j'ai eus avec M. le Président du Sénat lors de la réception organisée par mon groupe à l'occasion des voeux.