Jeudi 21 janvier 2021

- Présidence de M. Stéphane Artano, président -

Étude sur le logement dans les outre-mer - Audition de M. François ADAM, directeur, de Mmes Marie-Christine ROGER, chargée de mission outre-mer, Géraldine SANAUR, adjointe au chef du bureau de la réglementation de la construction outre-mer, de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), ministère de la transition écologique, de Mme Isabelle RICHARD, sous-directrice des politiques publiques et de M. Marc DEMULSANT, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective de l'État à la Direction générale des outre-mer (DGOM), ministère des outre-mer

M. Stéphane Artano, président. - Chers collègues, lors de sa réunion du 10 décembre 2020, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a inscrit à son programme de travail cette année, une étude sur le logement dans les outre-mer. Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel en ont été désignés rapporteurs. Nous engageons donc ce matin une série d'auditions consacrées à ce sujet qui a été au coeur de nombreuses interventions lors du dernier débat budgétaire et qui vient de faire l'objet d'un rapport thématique remarqué de la Cour des comptes. Nous accueillons pour la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la transition écologique, son directeur M. François Adam, et pour la Direction générale des outre-mer (DGOM), en raison de l'empêchement de sa directrice Mme Sophie Brocas, Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques. Ils sont accompagnés de nombreux collaborateurs que nous remercions également pour leur disponibilité. En dépit des efforts déployés ces dernières années, notamment à travers le premier plan logement outre-mer (PLOM) adopté en 2015, la Cour des comptes pointe dans un rapport de septembre 2020 les difficultés des acteurs privés et publics pour répondre à la demande - notamment de logements locatifs sociaux et très sociaux - et plus généralement pour améliorer les conditions de logement outre-mer. Alors que le nouveau plan couvrant la période 2019-2022 tarde à se déployer, la délégation souhaite mettre en avant ce domaine, prioritaire dans les préoccupations des ultramarins, qui paraît moins souffrir d'un problème de financement que de mise en oeuvre concrète sur le terrain. Interrogé la semaine dernière lors de son audition par la délégation, le ministre des outre-mer Sébastien Lecornu a affirmé que les choses étaient en train de s'améliorer en particulier au niveau de la consommation des crédits, ce que vous pourrez nous confirmer ou pas.

Selon lui, il faut néanmoins continuer à avancer sur 3 sujets : le premier est l'ingénierie. Dans le cadre du plan de relance, 30 millions d'euros sont octroyés à l'AFD, ce qui devrait permettre de renforcer les moyens des collectivités. Le deuxième est la gouvernance en raison des problèmes d'« alignement » parfois entre régions, départements, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et bailleurs sociaux, nous a-t-il indiqué. Enfin, le troisième, est celui du foncier, les difficultés tenant notamment aux problèmes d'indivision, aux risques naturels, à la logique d'occupation des sols ou encore aux outils.

Le ministre a indiqué aussi qu'il avait bon espoir que ces trois chantiers produiront des effets et que 18 millions d'euros supplémentaires ont été affectés à travers la ligne budgétaire unique (LBU) hors les crédits du plan de relance. Je vous propose donc de faire le point avec nos rapporteurs sur ces différents sujets en vous basant sur la trame qui vous a été adressée.

Nos trois rapporteurs s'étant réparti le champ très large de cette étude, je vais leur donner successivement la parole. Pour la clarté de la discussion et compte tenu des sujets assez techniques qui seront abordés, je vous propose de procéder en trois temps : Victorin Lurel ouvrira la première séquence par une série de questions axées sur les aspects financiers et de pilotage auxquelles nos invités répondront. Puis ce sera le tour de Micheline Jacques qui s'attachera davantage aux problématiques d'adaptation des normes et des techniques de construction, suivi des réponses de la DGOM et de la DHUP. Enfin, Guillaume Gontard se chargera du volet plus prospectif sur l'habitat et les nouveaux défis à relever, comme celui du réchauffement climatique.

Nous avons souhaité vous auditionner ensemble car vous êtes les acteurs pivot de cette politique au niveau national. D'ailleurs, la Cour des comptes, insiste sur la nécessité d'une bonne coordination des administrations centrales et sur ces 14 propositions, la moitié concerne conjointement vos deux directions.

À l'issue de ces trois séquences, nos collègues présents et ceux qui participent en visioconférence, je salue notamment la présidente Sophie Primas et Gérard Poadja en particulier qui pourront évidemment poser des questions à nos invités. Je cède donc la parole à Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - À titre liminaire, j'indique que les conditions de travail des parlementaires d'outre-mer sont actuellement difficiles. Je suis en visioconférence avec vous, bien qu'il soit 4 heures du matin en Guadeloupe ! Une septaine nous est par ailleurs imposée en revenant de Paris. Le poids de ces obligations commence à devenir lourd mais je sais que le président Larcher a été saisi à ce sujet.

Sur notre étude, je poserai tout d'abord trois questions. La première porte sur les PLOM. Dans quelle mesure le PLOM 2019-2022 tire-t-il les leçons de l'échec du plan de logement outre-mer 2015-2019 ? Je pense que nous sommes tous d'accord avec le constat de la Cour des comptes concernant l'échec du plan 2015-2019. Pourquoi le comité de pilotage du nouveau PLOM 2019-2022 ne s'est-t-il toujours pas réuni ? Les objectifs du PLOM 2019-2022 devront-ils être révisés à l'aune de la crise ? La part consacrée au logement ultramarin dans le Plan de relance viendra-t-elle en complément du PLOM ?

Dans son rapport de septembre 2020 sur le logement dans les DROM, la Cour des comptes se montre aussi critique sur la gestion de la politique du logement outre-mer par la DGOM. Elle note que « la DGOM, confrontée à l'ampleur de la crise en même temps qu'à la faiblesse de ses effectifs, n'a guère les moyens d'assumer, malgré le relais de la DHUP et de la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) les tâches de conception, d'animation et de suivi-évolution de la politique du logement ».

Ma deuxième question est donc : faut-il envisager un autre type de pilotage, par exemple par le ministère du logement ? Autrement dit, faut-il revoir cette division du travail entre les deux ministères et à défaut comment renforcer le rôle d'animation et d'évaluation de l'État dans les politiques locales du logement ?

Ma troisième question porte sur les incitations fiscales. Les dépenses fiscales ont pris une part prépondérante dans les financements publics au logement en outre-mer. La Cour des comptes appelle à repenser leur articulation avec la ligne budgétaire unique (LBU). Quelle est la position de vos directions sur ce sujet ? Je rappelle, et c'est assez éclairant, que la Cour estimait qu'avant 2010, un million d'euros de financements publics, à cette époque par la LBU, permettait de construire 38 logements outre-mer. Depuis cette date, majoritairement appuyé par des dépenses fiscales, il ne permet plus que de construire 16 logements. Il existe donc un problème d'efficacité de la dépense publique.

M. François Adam, directeur à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs. La DGOM et la DHUP répondront de manière conjointe et coordonnée en fonction des sujets suivis plus particulièrement par l'une ou l'autre des directions. Je souligne à cet égard que ce sujet du logement est un sujet de coopération très étroite entre nos deux ministères et ce de longue date. Cela est vrai au niveau des ministres eux-mêmes, et leurs cabinets, mais aussi au niveau des administrations.

En matière de logement, il en est de même que pour d'autres politiques publiques. D'un côté, se trouvent des ministères qui ont une spécialisation, de l'autre la DGOM, qui a un rôle d'animation et de coordination sur l'ensemble des politiques publiques outre-mer. En matière de logement, la DGOM dispose d'outils spécifiques avec la LBU. Il est vrai que l'existence sur une même politique de deux administrations suppose un effort de coordination. Il nous semble que sur le PLOM en particulier, nous avons trouvé un mode de travail efficace.

Il ne faut pas, à notre avis, porter un jugement trop négatif sur le PLOM 2015-2019. S'il n'a certes pas résolu tous les problèmes, le chiffre global de la construction et de l'amélioration de 10 000 logements sociaux sur la période a bien été atteint. L'objectif était cependant trop quantitatif. Par ailleurs, il ne répondait pas suffisamment à la diversité des publics. Surtout, l'approche était insuffisamment différenciée par territoire. C'est la raison pour laquelle le PLOM 2019-2022 a été construit sur une logique de territorialisation en tirant les leçons des imperfections du plan précédent. Il a été élaboré après une longue démarche de concertation, avec une remontée de propositions locales. Une fois que le plan national a été finalisé - c'était à la fin de l'année 2019 - le principe était posé d'une déclinaison territoriale au 1er semestre 2020.

Il faut souligner que le plan s'est réellement mis en oeuvre et que sa gouvernance locale s'est mise en place. Les administrations centrales se sont vues à intervalles réguliers et un comité technique a eu lieu au milieu de l'année 2020. Il est vrai qu'un comité de pilotage politique au niveau des ministres, et sans doute des élus locaux, était envisagé avant la fin de l'année 2020. Dans le contexte de la crise sanitaire, il a semblé plus pertinent de le reporter. Il est désormais envisagé de réunir à la fin du 1er trimestre de l'année 2021.

Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques à la Direction générale des outre-mer (DGOM). - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de notre directrice générale qui est retenue par d'autres obligations. Je suis présente avec mon collègue Marc Demulsant, sous-directeur en charge des questions budgétaires.

Comme vous le savez, la ligne budgétaire unique a été constituée à la fin des années 1990. Elle a permis de regrouper beaucoup d'outils budgétaires différents dans une logique de coordination. Cette coordination se retrouve dans la le travail étroit entre la DGOM et la DHUP, ainsi qu'avec d'autres structures comme l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), la Caisse des dépôts (CDC) ou les sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM) dans lesquelles nous siégeons en conseils d'administration. Le rôle de la DGOM est d'assurer cette coordination, de permettre l'adaptation des politiques et d'entretenir le lien avec le tissu local.

La mise en oeuvre difficile du premier PLOM a montré que les enjeux de gouvernance locale étaient essentiels. La Cour des comptes a effectivement pointé les manques en matière d'articulation avec le local. Si les objectifs du PLOM 2015-2019 étaient ambitieux, il y a eu d'importantes insuffisances s'agissant de la gouvernance au niveau local, des modalités d'action et du pilotage. Ces difficultés se sont manifestées très concrètement au niveau de la consommation de la LBU.

S'agissant de la consommation de la LBU pour 2020, il ne faut pas oublier que nous étions aussi dans une année difficile pour les opérateurs. Nous avons également eu beaucoup d'échanges avec les porteurs des plans locaux, sur le montage des opérations et sur la consommation effective de la LBU. Le lancement de projets était très difficile en période de confinement puisque les opérateurs sociaux ont vu une partie de leurs équipes confinée et, pour un certain temps, leurs chantiers interrompus.

Nos équipes au sein de la DGOM, en lien avec la DHUP, avec les acteurs locaux, les Directions régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) et les acteurs du logement social se sont mobilisés pour améliorer la consommation de la LBU. C'était le défi de l'année 2020 et cela explique aussi le décalage du comité de pilotage. Nous avons aussi recherché des actions visant à pallier les effets de la crise. Nous avons, à cette fin, dynamisé aussi le PLOM et ajouté notamment un décret qui a permis à l'État de verser des avances plus importantes qu'habituellement aux entreprises et aux acteurs à la fin de l'année 2020.

Je ne peux bien sûr que confirmer ce qu'a dit le directeur de la DHUP : le deuxième PLOM est beaucoup plus territorialisé et se décline à travers des plans locaux qui permettent d'affiner la démarche. Je vous précise par ailleurs que, même si le comité de pilotage a été décalé, le comité technique s'est tenu en juillet 2020. La Cour des comptes insistait également sur l'insuffisante adaptation des outils de financement en matière de logement social. Alors que la majorité de nos concitoyens d'outre-mer relève des logements très sociaux, la part des financements de logements très sociaux dans les financements au logement social en outre-mer reste insuffisante. Les plans territoriaux visent précisément à remédier à ces difficultés, à travers des objectifs beaucoup plus individualisés par territoire et à travers 77 mesures visant à remédier, avec les acteurs locaux, à toute une série de difficultés techniques.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Vous indiquez que les objectifs ont globalement été atteints pour le premier PLOM, avec 10 000 logements construits par an dans les cinq DROM. 50 000 logements doivent par ailleurs être construits dans le Pacifique. Ces objectifs étant fixés globalement, pourriez-vous nous fournir leur répartition par territoire ? Nous aimerions savoir, territoire par territoire, au cours de la période de 2015 à 2020, quels ont été les objectifs et les résultats obtenus.

Mme Isabelle Richard. - Nous établirons bien sûr un tableau en ce sens, que nous vous transmettrons.

Je vous confirme que le prochain comité de pilotage est prévu pour le premier trimestre 2021, sans doute au mois de février. Nous y ferons un point avec les acteurs de terrain sur l'avancée des 77 mesures et des plans locaux afin de mesurer si les résultats sont en accord avec les objectifs fixés. Nous examinerons également si de nouveaux outils pourraient éventuellement être mis en oeuvre. Comme je l'indiquais précédemment, des outils ont été proposés pour permettre, malgré la crise, la réalisation des opérations et la consommation de la LBU. D'autres propositions émaneront probablement des acteurs.

L'objectif est que ce PLOM soit véritablement vivant. Une Conférence du logement en est à l'origine et avait réuni plus de 400 participants. Le nouveau PLOM doit permettre de traiter la majeure partie des difficultés qui ont été énumérées par ces participants. Ce même esprit participatif sera celui du comité de pilotage. Si des acteurs locaux font des propositions pertinentes qui peuvent être financées sans délai, elles seront mises en oeuvre.

Lors de ce comité de pilotage, nous veillerons également à l'articulation et à la complémentarité du PLOM avec le plan de relance national. Ce dernier prévoit déjà deux volets, avec une partie gérée par l'État et une partie complémentaire via l'action de la CDC. S'agissant de la partie État, des crédits sont prévus au titre de la rénovation lourde thermique des logements sociaux. 15 millions d'euros seront délégués au ministère des outre-mer au titre de la LBU dans ce cadre. Il existe également un programme de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en faveur de la réhabilitation des centres d'hébergement, qui comportera des financements outre-mer. Des crédits seront également consacrés aux constructions de centres d'hébergement pour faciliter la résorption des bidonvilles. 5 millions d'euros seront délégués à la DGOM dans ce cadre.

La question de la complémentarité sera au coeur de ce comité de pilotage et un point pourra être fait également sur les objectifs de la Caisse des dépôts en matière d'achat sous forme de ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA). 6 000 logements seront achetés en VEFA et portés par la CDC, afin d'accélérer la finalisation de ces logements et la livraison de ces mêmes opérations.

S'agissant des financements publics via la défiscalisation, ceux-ci sont complémentaires des financements budgétaires. Il s'agissait à l'origine de réorienter la défiscalisation - qui était fortement orientée vers le logement privé - vers le logement social. Pour continuer à faire bénéficier les outre-mer de ces financements en défiscalisation, il avait été proposé de nouveaux outils de financement. La défiscalisation des logements sociaux passe aujourd'hui dans les DROM par le crédit d'impôt, ce qui évite des pertes en ligne, c'est-à-dire des financements qui rémunèreraient des intermédiaires à travers les sociétés de montage. Ce financement par crédit d'impôt est beaucoup plus vertueux et beaucoup plus rapide. C'est un point extrêmement positif.

Je rappellerai aussi, puisque nous avons la chance d'avoir le sénateur de la Nouvelle-Calédonie en visioconférence, qu'il existe un autre dispositif de défiscalisation, qui n'est pas un crédit d'impôt et qui permet de financer, à partir de l'impôt sur les sociétés, les logements sociaux dans les collectivités du Pacifique. Le Gouvernement a soutenu un amendement permettant de neutraliser la baisse d'impôt sur les sociétés, parce que cette trajectoire de baisse d'impôt pour l'Hexagone aurait comme conséquence une réduction de la base de la défiscalisation et donc une réduction des financements vers des projets de défiscalisation des collectivités du Pacifique.

La défiscalisation est une souplesse complémentaire au financement par la LBU. Par définition, l'enveloppe n'est pas prédéfinie et n'est pas fermée comme une enveloppe budgétaire. Les projets qui arrivent et qui sont agréés doivent être financés. La montée en puissance du crédit d'impôt permet aussi d'abaisser les coûts de construction.

La Cour des comptes avait indiqué que la baisse des coûts de construction n'était pas prise en compte dans son évaluation. Il s'agissait en fait de données brutes et assez anciennes qui gagneraient à être révisées aujourd'hui. Par ailleurs, il n'y a pas assez de visibilité sur les demandes d'agréments fiscaux. Ces données - nous les avons demandées - relèvent de la DGFIP et permettraient sans doute un pilotage plus fin de cette défiscalisation.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Nous aimerions avoir des précisions sur la défiscalisation et sur la consommation exacte des crédits de la LBU. Il me semble que, de 2014 à aujourd'hui, le montant global de la LBU a diminué.

Si l'on engage des crédits, sur combien d'années  les autorisations d'engagements (AE) et les crédits de paiement (CP) sont-ils consommés ? Pour une opération, j'ai cru comprendre, que c'était à peu près sur sept années. Au bout de ce cycle de consommation, les crédits sont-ils totalement consommés ? Pourrions-nous avoir les statistiques, année par année, des engagements de crédit pour la période entre 2015 et 2021 ?

Dans les collectivités du Pacifique, il y a toujours cette interdiction, résultant il me semble de leur statut fiscal, de bénéficier du crédit d'impôt. Des demandes sont faites chaque année en loi de finances mais elles sont souvent rejetées. Nous souhaitons approfondir cette question dans notre rapport.

Ensuite, s'agissant du crédit d'impôt au titre des investissements productifs outre-mer, le seuil de chiffre d'affaires des entreprises éligibles est passé de 20 millions à 15 millions puis à 10 millions d'euros. Où en est-on aujourd'hui ? Où s'arrêtera le curseur ? Est-ce que cette progression se poursuivra et fera reculer les incitations fiscales ?

Ma quatrième interrogation porte sur le manque d'ingénierie : comment remédier au manque d'ingénierie des collectivités, qui serait apparemment responsable de la sous-consommation récurrente des crédits de la LBU ? Quel bilan peut-on tirer de l'action des plateformes d'aide à l'ingénierie développées en Guyane et à Mayotte ? Est-il envisagé d'étendre rapidement cette plateforme à d'autres territoires ? J'ajouterai que le député Max Mathiasin, dans son rapport pour avis sur la mission outre-mer, s'appuie sur le rapport du contrôleur général financier ministériel et sur le rapport de l'Inspection générale des finances, pour démontrer qu'au-delà de la faiblesse d'ingénierie et d'assistance technique des collectivités, c'est surtout la façon d'engager des crédits, en les concentrant en fin d'année par exemple, qui rendrait leur consommation difficile et expliquerait des restes à payer considérables.

M. François Adam. - Je commencerai sur les questions d'ingénierie, puis la DGOM pourra répondre aux questions budgétaires qui relèvent de sa compétence. Le bilan est globalement positif pour les plateformes d'aide à l'ingénierie développées en Guyane et à Mayotte. Rattachés au préfet, elles permettent un appui de proximité au service des collectivités, notamment pour aider au montage des dossiers de demande de subventions par exemple.

Au-delà de ces deux plateformes, d'autres outils similaires sont déployés. Les établissements publics fonciers et d'aménagement de Mayotte et de Guyane ont un rôle particulièrement important et tous les DROM sont couverts par des établissements publics fonciers. En réponse au besoin de présence des services de l'État pour l'appui en ingénierie dans les collectivités territoriales ultramarines, le choix a été fait d'y préserver les effectifs des DEAL (Direction l'environnement, de l'aménagement et du logement) alors même que notre ministère continue à réduire ses effectifs de l'ordre de 2 % par an dans ses services déconcentrés dans l'Hexagone.

Ces questions d'ingénierie sont tout à fait cruciales pour la bonne exécution des politiques du logement. L'Agence nationale de cohésion des territoires, qui aide les collectivités en matière d'ingénierie, vient de lancer un marché cadre national sur ces questions avec deux lots qui sont d'une part, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane et d'autre part, Mayotte et La Réunion.

Mme Isabelle Richard. - Pour la consommation des crédits 2020, il faut rappeler que l'une des décisions du PLOM consistait à réserver une partie des crédits LBU à l'ingénierie. En effet, mettre à disposition des crédits ne suffit pas si ces derniers sont sous-utilisés, comme cela a pu être le cas pour la période 2014-2018. Ainsi, dès 2020 une part de crédit LBU a été réservée à l'ingénierie afin que les acteurs locaux puissent mieux monter leur projet et anticiper les difficultés. Sept millions d'euros ont été délégués pour des projets d'ingénierie, des études ainsi que pour une aide aux acteurs locaux. Ces crédits sont complétés par le fonds 5.0, une mesure transverse qui peut englober aussi le logement, et qui consiste à renforcer le fonds d'assistance à maîtrise d'ouvrage de l'AFD. Le plan de relance dotera l'AFD de deux fois 15 millions d'euros, en 2021 et 2022, pour des assistances à maîtrise d'ouvrage qui peuvent aussi comprendre des projets globaux incluant le logement.

Concernant les syndicats mixtes d'aménagement de Guyane et de Mayotte, prévu au sein du PLOM, ils sont financés sur la LBU par le ministère des outre-mer afin de renforcer les capacités des acteurs locaux. Ces avancées assez importantes viennent s'ajouter aux deux plateformes d'ingénierie de Mayotte et de Guyane, évoquées précédemment. Pour information, la plateforme d'ingénierie de Mayotte regroupe cinq agents et celle de Guyane trois agents. Ces forces sont entièrement dédiées à cette mission et mènent de nombreuses actions concrètes. La CDC met elle aussi ses capacités à disposition des acteurs locaux. Le renforcement de ces projets d'ingénierie est prévu ultérieurement. Quant à la trajectoire fiscale nous pourrons vous donner des éléments de réponses écrites.

M. Marc Demulsant, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État à la Direction générale des outre-mer (DGOM). - Il est possible de résumer les grands traits de l'aspect budgétaire des dix dernières années en se basant sur le détail des crédits qui ont été votés en loi de finances initiale et sur ce qui a finalement été consommé.

On peut distinguer trois périodes. Une première de 2010 à 2014 se traduit par une enveloppe en autorisations d'engagement positionnée à environ 270 millions d'euros et qui n'a jamais pu être totalement consommée, à la seule exception de l'année 2010. On peut faire la présentation clinique d'une décroissance des engagements à peu près sur un rythme de 10 millions par an.

À partir de 2015, pour faire face à cette situation, il y a un repositionnement de l'enveloppe autour de 247 millions d'euros tout en conservant un volontarisme sur les réalisations. La décroissance s'est poursuivie mais est à modérer puisqu'en 2016 il y a une petite progression.

En 2018, la LBU a été repositionnée à 225 millions d'euros avec des engagements qui, jusqu'à 2019, n'ont pas dépassé 200 millions. En 2020 en revanche, on observe clairement un sursaut. Les sommes engagées sont allées au-delà de ce qui était prévu en loi de finances initiale : 118 millions d'euros ont ainsi pu être redéployés. Le fait que ce résultat ait été obtenu dans le contexte particulier de l'année 2020 doit être regardé, nous semble-t-il, comme un élément particulièrement positif. Par ailleurs, le constat plus large sur les crédits du ministère des outre-mer est aussi positif : pour la première fois depuis 2015, ils ont été mandatés de façon totale.

Les crédits de paiement profitent de l'« effet miroir » de cette situation sur les engagements. En 2020, le résultat est très positif puisque là aussi on a atteint et même dépassé l'objectif fixé en loi de finances initiale.

Pour rappel, les restes à payer ne sont pas exactement à proprement parler une dette de l'État mais plutôt des factures susceptibles d'être présentées à un moment donné. Sur la même période 2010-2020, il y a une décroissance dans la dynamique, ce qui est aussi une bonne nouvelle. En 2020, en valeur absolue, on est à 736 millions d'euros sur la LBU, soit une augmentation de 3 millions d'euros, un chiffre quasiment stable par rapport à l'année précédente. Cette décroissance tient à la réalisation des opérations et à l'évincement des autorisations d'engagements caducs, conformément aux règles budgétaires. Les restes à payer ne peuvent jamais être nuls, leur montant est quasiment incompressible en fonction de la durée des réalisations des opérations pour lesquelles l'ordre de grandeur observé en moyenne est de 7 ans. Toutefois, l'évolution des restes à payer n'est pas tout à fait homogène sur les cinq DROM. Il y a diminution à peu près partout, sauf dans deux territoires : Guyane et Mayotte. Cela s'explique surtout par la progression au cours des dernières années de l'effort budgétaire de l'État qui, tenant compte des besoins considérables sur ces deux territoires, a augmenté les dotations.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Pour résumer, la période 2010-2015 était globalement meilleure que les années plus récentes et la sous-consommation relève, selon vous, uniquement du déficit d'expertise, d'une déficience de l'assistance technique et d'un manque d'ingénierie. Or, vous n'avez pas évoqué le diagnostic fait par l'Inspection générale des finances et par le contrôleur financier, pointé par le député Max Mathiasin. Il nous amène à constater une consommation plus faible des crédits qui diminuent au motif précisément qu'on ne les consomme pas assez.

Aujourd'hui, l'argument du déficit technique est très mal vécu par les élus, les collectivités, les services déconcentrés de l'État et par les opérateurs. Comment comprendre que ces services n'ont plus la capacité technique de monter des dossiers, alors que la consommation des crédits était satisfaisante jusqu'en 2015 ? Il serait utile que vous nous donniez des explications sur les motifs véritables de cette sous-consommation. Le manque d'explications en amont est d'ailleurs une insuffisance pointée par la Cour des comptes.

La cinquième série de questions porte sur le niveau très élevé des loyers outre-mer. Une étude du ministère de la transition écologique en décembre 2020 en fait état. Comment agir pour développer une offre diversifiée de logements et obtenir une modération des loyers dans les DROM ? S'agissant du foncier, comment remédier aux difficultés posées par la multiplication des indivisions et dynamiser les Fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) qui soutiennent la production de foncier aménagé ?

Monsieur François Adam. - Il nous semble important d'améliorer le dispositif d'observation du niveau des loyers outre-mer. Je souligne à cet égard que des observatoires des loyers sont en cours de déploiement par les ADIL (Agences départementales pour l'information sur le logement) dans tous les DROM, alors que jusqu'à présent, seule La Réunion en était dotée. Le sujet n'est pas spécifique aux outre-mer et il renvoie à la question du développement d'une offre à loyers abordables de logements sociaux et très sociaux.

D'autre part, le développement du parc n'est pas suffisant et la réduction de la vacance des logements est nécessaire. La ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon, a lancé récemment un plan national de lutte contre ce phénomène de logements vacants. Notre ministère travaille de manière globale sur ces sujets et une mesure prévue par le PLOM va être lancée : une mission du CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement) dégagera une étude précise de la vacance dans les cinq DROM, tout en différenciant la situation particulière de ceux-ci. Une évaluation de la loi SRU sera aussi effectuée en parallèle car, comme le relève la Cour des comptes, compte tenu de la géographie des DROM, des dispositions peuvent conduire à imposer la construction de logements sociaux dans des espaces semi-ruraux, avec des coûts d'aménagement élevés. Au cours de cette mission, une réflexion sur les leviers qui permettraient d'agir sur le niveau des loyers pourra être amorcée. Toutefois, il n'existe pas de réponse unique puisque le niveau des loyers est un prix de marché résultant de la situation globale du marché du logement, territoire par territoire.

Mme Isabelle Richard. - Ce que nous pouvons rajouter, c'est que le PLOM fixe un objectif ambitieux de 30 % de logements à loyers très sociaux, qui peut être difficile à réaliser car il faut également garder une mixité.

Une mesure très particulière du plan de relance sur les rénovations lourdes de logements sociaux est accompagnée d'une exigence de maintien du niveau des loyers. La signature de conventions d'utilité sociale entre l'État et les bailleurs encourage également ces derniers à limiter la progression des loyers, c'est ce qui a été fait par exemple à La Réunion.

Enfin, des réponses très spécifiques et expérimentales, comme le LLTSA (logement à loyers très sociaux adaptés), sont en cours de création et viseront à participer à la résorption des bidonvilles avec des logements très sociaux adaptés et des loyers de sortie très bas.

S'agissant du foncier et de la multiplication des indivisions, nos outils de suivi actuels ne permettent pas encore d'appréhender correctement ce phénomène qui est assurément très présent et de manière endémique. La loi dite Letchimy a été un progrès puisque la majorité des indivisaires peut décider de travaux sur un fond dit indivis. Cependant, cette disposition se heurte à la nécessité de prouver que la totalité des indivisaires ont été sollicités et les difficultés d'identification de ces derniers réapparaissent alors.

S'agissant de la mobilisation du FRAFU, nous essayons de la porter à son maximum, grâce à la LBU et grâce au FEDER. Des augmentations de la LBU ont permis de soutenir le FRAFU en Guyane et à Mayotte. L'EPFAG (Établissement public foncier et d'aménagement de la Guyane) a reçu à ce titre 7 millions d'euros et l'EPFAM (Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte) 3 millions d'euros au titre du FRAFU et 3 millions d'euros au titre de l'amorçage de ces travaux. Des financements sont également prévus au titre de 2021.

Enfin, le PLOM 2019-2022 préconise la création de GIP de titrement pour aider les occupants sans droit de foncier public à se voir attribuer des titres. Une mesure en ce sens est en cours à Mayotte avec le soutien de la commission d'urgence foncière. Les acteurs de Guadeloupe et de Martinique essayent également de trouver des solutions.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - J'ai une dernière question sur la restructuration (ou réorganisation) des opérateurs de logement social. Dans certains départements, il en existe plusieurs quand il n'y en a qu'un seul à Mayotte. La loi ELAN (Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) a permis de donner quelques éléments d'évolution avec des déclinaisons particulières en outre-mer. Comment envisagez-vous une possible restructuration des opérateurs de logement social dans les outre-mer ?

Pour illustrer ma question, je prendrais l'exemple de la ville de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. 3 000 logements sont détenus par la ville qui a une situation financière difficile. Or, il serait question de céder une partie de ces logements. Il faudrait que la mixité joue dans l'autre sens, 75 % des logements sociaux de l'île étant concentrés dans cette ville. Certains appréhendent une restructuration par l'intermédiaire d'une société foncière pour introduire des logements intermédiaires qui auraient, après un certain temps, des loyers déplafonnés. Comment appréciez-vous cette stratégie nouvelle des opérateurs, leur possible restructuration et l'introduction de davantage de logements intermédiaires avec des loyers déplafonnés ? Plus généralement, comment réagissez-vous aux stratégies actuelles de CDC Habitat et d'Action Logement ?

M. François Adam. - S'agissant du logement social, il faut souligner que la loi ELAN a engagé au niveau national un processus de restructuration du secteur, qui n'emporte cependant pas d'obligations en outre-mer. Mais la loi crée un certain nombre d'outils, dont les bailleurs sociaux présents outre-mer peuvent, le cas échéant, se saisir. Une évolution importante est que les anciennes SIDOM (Sociétés immobilières d'outre-mer) sont désormais intégrées au sein du groupe CDC Habitat et qu'Action Logement est également présent en outre-mer. Il nous semble que ce sont là des évolutions positives.

CDC Habitat et Action Logement ne doivent pas être vues comme une menace. Ces deux groupes sont de grands groupes de logement social qui produisent aussi du logement intermédiaire, mais qui restent d'abord des opérateurs de logement social. L'implication de CDC Habitat dans les outre-mer est un élément extrêmement positif et qui est à soutenir. Ces deux grands groupes permettent de renforcer le tissu des opérateurs du logement social en outre-mer.

S'agissant de l'évolution du parc, le patrimoine social restera social dans la mesure où les possibilités de cession - même si la loi ELAN les a un peu étendues - restent aujourd'hui particulièrement encadrées. Les chiffres nationaux montrent qu'il y a, ces dernières années, une légère progression du nombre de logements sociaux qui sont cédés. Il y en a environ 10 000 par an pour un parc total au niveau national de 5 millions de logements. Même si le chiffre de 10 000 n'est pas négligeable, il n'est pas extrêmement significatif à l'échelle du parc.

Par ailleurs, plusieurs principes doivent être respectés. Ainsi, un logement social occupé doit être en priorité cédé à ses occupants. Pour les logements sociaux installés dans des communes qui n'ont pas encore atteint leurs objectifs au titre de la loi SRU, la cession n'est possible qu'après l'accord de la collectivité (ce principe résulte d'ailleurs d'une évolution de la loi ELAN lors des débats parlementaires). Il n'y a donc pas d'inquiétude particulière à avoir sur le risque de cessions importantes, voire de disparition d'une partie du parc social outre-mer. Cela n'est évidemment en aucun cas la stratégie de l'État. Ce n'est pas non plus la stratégie globale de ces opérateurs. Néanmoins, il peut se trouver des situations locales où il est utile et pertinent de procéder à des cessions. Ce sont alors des projets qui doivent être abordés dans un dialogue entre un bailleur social, une collectivité et bien sûr souvent des locataires qui sont évidemment fortement concernés.

Monsieur le sénateur, s'il y a des situations locales qui méritent un examen particulier des services de l'État, je vous invite à nous les signaler. Je veux vraiment souligner que la stratégie de l'État n'est pas de donner une importance excessive aux cessions de logement social, puisque l'objectif prioritaire reste de produire du logement abordable en métropole et évidemment en outre-mer. Il n'y a pas de concurrence particulière entre le logement social et le logement intermédiaire. Notre ministère soutient aussi la création de logements intermédiaires, sachant que le logement intermédiaire bénéficie d'avantages fiscaux et de moyens budgétaires considérablement plus faibles que le logement social. Il n'y a pas d'éviction dans un sens ou dans l'autre. Il y a des territoires où il est pertinent de produire du logement intermédiaire, avec un loyer un peu plus élevé que le logement social. Mais le coeur des politiques que nous mettons en oeuvre reste bien de produire du logement social et c'est une orientation particulièrement forte de la ministre chargée du logement.

Mme Isabelle Richard. - La principale restructuration récente est en effet celle de la cession des parts de l'État dans les SIDOM à CDC Habitat. Cette cession n'avait pas pour objet de disposer de ressources complémentaires, bien que celles-ci aient pu être recyclées au profit du logement social. Le principal objectif était de permettre un appui technique de la part de la Caisse des dépôts.

Le rôle de la DGOM est d'assurer le suivi des aspects budgétaires ainsi que le suivi technique avec nos collègues de la DHUP. Mais l'appui très concret aux SIDOM est hors du champ de compétence de la DGOM. Nous avons donc fait preuve de subsidiarité en estimant que la Caisse des dépôts était l'entité la plus pertinente pour pouvoir appuyer la stratégie de ces SIDOM. D'ores et déjà, on peut constater qu'avec l'appui de CDC Habitat, l'objectif de 30 % de LLTS (logements à loyers très sociaux) a été atteint. Cela s'est fait sans pour autant négliger les objectifs de logements intermédiaires qui sont évidemment pertinents outre-mer, qui peuvent être aussi financés aussi par la défiscalisation.

Je tiens également à mentionner qu'à Mayotte, nous essayons aussi d'appuyer l'arrivée d'un deuxième opérateur de logement social. C'est un objectif important que nous poursuivons.

M. Stéphane Artano, président. - Je vous propose maintenant de passer au deuxième temps de cette audition. Micheline Jacques abordera l'enjeu de l'adaptation des normes et des techniques de construction pour mieux couvrir les besoins locaux.

Mme Micheline Jacques, rapporteure. - Ma première question concerne le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le BTP de 2017 qui avait formulé des recommandations sur l'adaptation des règles d'urbanisme et des normes de construction. Quel bilan pouvez-vous dresser des modifications réglementaires entreprises depuis 2017 (dérogation pour tenir compte de la rareté et de l'exiguïté du foncier, révision de la réglementation thermique, acoustique et aération, dérogation aux règles d'accessibilité au logement, réglementation sur la sécurité incendie) ?

Ma deuxième question porte sur les textes réglementaires liés au logement dont la modification est prévue à moyen terme pour permettre leur adaptation aux contextes ultramarins. Quelle adaptation locale des documents techniques unifiée au sein des territoires ? Autrement dit les ministères travaillent-ils en collaboration avec les organismes professionnels, producteurs de DTU, afin de favoriser cette démarche d'adaptation de leur part ?

Je terminerai cette série de questions en vous demandant d'expliciter avec des exemples précis le rôle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour soutenir la création de commissions locales de normalisation sur le modèle de celle existant à La Réunion et en Martinique.

M. François Adam. - Sur les modifications règlementaires, il faut notamment citer un décret qui a été pris en décembre 2019 et qui a adapté un décret de 2002 sur la définition du logement décent, afin de permettre un cadre dérogatoire pour Mayotte.

Nous avons également largement engagé la réécriture de la Réglementation thermique, acoustique et aération propre aux DOM (RTAA DOM). Des travaux sur cette réécriture ont été menés en 2018 et 2019, avec l'appui d'un groupe de travail, composé de professionnels des différents services (DEAL, DGOM, DHUP, CEREMA). Il a permis d'aboutir à un projet de réécriture des articles réglementaires qui composent aujourd'hui la RTAA en introduisant notamment un indice de confort thermique afin d'évaluer la performance des logements neufs en outre-mer. Ce travail de réécriture devrait déboucher au 1er semestre 2021 sur un décret dans le cadre de la réécriture de tout le livre Ier du code de la construction et l'habitation sur les règles de la construction.

Par ailleurs, à un niveau plus technique, nous sommes en train d'élaborer en lien avec le CSTB et le CEREMA le moteur de calcul qui permet à partir des caractéristiques d'un bâtiment de calculer un certain nombre d'indicateurs de performance conventionnel, comme cela existe d'ailleurs aussi pour la réglementation du neuf en métropole. L'objectif de mise en service de ces outils est fixé pour la fin de l'année 2021.

Sur les évolutions prévues, j'ai déjà évoqué le décret qui sera pris au 1er semestre 2021 et qui inclura la réécriture de la RTAA DOM. Par ailleurs, il existe désormais une démarche pour élaborer une réglementation para-cyclonique dans les DOM. C'est un sujet sur lequel nous venons d'engager un travail en associant le ministère des outre-mer et qui, dans le calendrier actuel, doit s'étaler sur au moins deux ans (2021 et 2022). Il y aura plusieurs niveaux de textes réglementaires et le décret pourrait être pris en 2021 et les arrêtés d'application en 2022. Cela constituerait un pan tout à fait nouveau du droit de la construction outre-mer mais qui paraît nécessaire et dont le principe est acquis entre nos deux ministères. Étant nouveau, ce sujet demandera un travail technique important, d'autant que les situations sont très différentes entre les territoires (c'est le cas notamment pour les régimes des vents). Cela conduira en réalité à des réglementations territoire par territoire. C'est un énorme chantier réglementaire tout à fait nouveau qui va être mené.

Mme Géraldine Sanaur, adjointe au chef du bureau de la règlementation de la construction outre-mer à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). - Concernant la thématique de l'adaptation locale des normes pour les départements et régions d'outre-mer, une structuration du réseau des acteurs de la construction outre-mer a été engagée, notamment dans le cadre du programme Pacte (Programme d'action pour la qualité de la construction et la transition énergétique). Ce programme a été lancé en 2015 et a permis notamment la constitution dans le cadre d'une convention entre la DHUP et les porteurs de projets de la commission locale de normalisation de La Réunion qui travaille encore actuellement à l'adaptation des documents techniques unifiés, des normes relatives à l'utilisation des couvertures métalliques notamment et des parpaings de type bloc américain pour le territoire de La Réunion.

Le programme Pacte a également permis de soutenir la constitution d'une cellule économique régionale de la construction à la Martinique. Cette cellule économique régionale a également vocation à s'investir dans la question des règles de l'art, notamment sur la question para-cyclonique. Enfin, plus récemment, ce programme a permis de constituer une troisième cellule économique régionale en Guadeloupe, qui est en train de voir le jour.

Ainsi, en soutenant la constitution de ces structures et en permettant de fédérer l'expertise des professionnels de la construction, on entend soutenir ces projets communs d'adaptation des normes DTU, qui est un sujet prioritaire pour ces structures. Ce programme a permis la constitution de ces structures, avec l'appui notamment des DEAL qui ont été particulièrement mobilisées à travers les réseaux des professionnels ultramarins de la construction ou en élaborant également les fameux dossiers de candidature pour obtenir le soutien du programme Pacte. Elles ont assuré le relai entre les professionnels de la construction, la DHUP et l'Agence pour la qualité de la construction qui assure le secrétariat technique de ce programme. Par ailleurs, les DEAL, après le montage de ces commissions, sont partie prenante des cellules économiques régionales de la construction et poursuivent leur action d'animation et de relai entre ces structures et l'administration centrale.

Le soutien à ces programmes fait l'objet aussi de mesures dans le cadre du PLOM. Il est prévu d'accorder un soutien à ces commissions locales pour permettre la poursuite de leur fonctionnement, à travers une aide annuelle qui serait attribuée par la DGOM, dans le cadre de la LBU.

M. Stanislas Alfonsi, adjoint à la sous-directrice des politiques publiques de la Direction générale des outre-mer (DGOM). - Les commissions locales de normalisation sont en effet un outil qu'il convient de promouvoir. Il faut parfois susciter leur création. Les DEAL jouent un rôle moteur dans cette création et dans cette animation. La LBU peut être mobilisé s'il y a nécessité de trouver des compléments, étant donné que la création, l'animation et le fonctionnement de ces commissions locales sont une des mesures prévues par le PLOM. Les financements en question sont évalués à environ 50 000 euros par an. La LBU pourra parfaitement contribuer à leur fonctionnement.

Mme Micheline Jacques, rapporteure. - J'ai d'autres questions que je souhaite poser. Quelles sont les mesures pour soutenir financièrement et techniquement le développement de filières de produits de construction locaux ? L'adaptation des normes ne permettrait-elle pas la diminution des coûts de construction qui sont en moyenne en outre-mer de 20 à 30 % supérieurs à ceux de l'Hexagone ? Quelles actions sont prévues pour développer des tableaux d'équivalence entre matériaux locaux et européens, pour promouvoir l'installation d'organismes certificateurs outre-mer et pour autoriser des dérogations à l'emploi de matériaux marqués conformité européenne ? Quels sont les principaux leviers du desserrement des contraintes normatives que vous avez identifié et qui vous semble constituer une priorité en vue de faciliter la construction ?

Je veux réagir à la remarque de Victorin Lurel concernant l'ingénierie. Ce déficit d'ingénierie s'explique-t-il, selon vous, par un défaut de compétence dans les collectivités ? Dans l'affirmative, l'État a-t-il envisagé une réflexion et une action de collaboration avec les collectivités en vue de combler ce défaut de compétences ou considère-t-il que c'est la responsabilité des collectivités ?

Enfin, il a été fait état des 30 % de logements très sociaux pour développer les quartiers populaires. Cette contrainte n'empêche-t-elle pas le développement de projets mixtes ? Ne bloque-t-elle pas un certain nombre de projets liant des logements très sociaux et des logements sociaux voire des logements intermédiaires, dans le cadre notamment de réhabilitation de certains quartiers ?

M. François Adam. - Sur l'incitation au développement de filières de produits de construction locaux, il faut rappeler à titre liminaire qu'il s'agit là du développement économique d'une filière privée. L'État, malgré quelques outils incitatifs, ne peut pas en être un acteur direct.

Mme Géraldine Sanaur. - Concernant le développement des filières des produits de construction locaux, plusieurs études ont pu être conduites durant les années récentes sur le potentiel de développement des produits biosourcés dans les départements et régions d'outre-mer, certaines conduites par la DHUP d'autre par l'Ademe. Dans le cadre du plan logement outre-mer, une mesure spécifique est inscrite de manière à capitaliser sur les résultats de ses réflexions pour pouvoir élaborer un référentiel général sur les outre-mer afin de promouvoir le développement de ce type de produits. L'Ademe, la DGOM et la DHUP travailleront de concert sur cette thématique.

Concernant l'adaptation des normes et la diminution qui pourrait être attendue des coûts de construction, les travaux normatifs qui ont été engagés, notamment par la commission locale de normalisation de La Réunion, sont encore en cours. Ils n'ont pas encore totalement abouti. Nous ne disposons donc pas du retour d'expérience de ce type de mesure, On peut cependant, bien entendu, attendre de cette meilleure adaptation des règles de l'art au contexte ultramarin une diminution des coûts de construction.

S'agissant de la notion d'utilisation de produits marqués CE, il s'agit d'une des préconisations du rapport sénatorial de 2017. Une étude a été confiée au CSTB par la DHUP afin d'établir pour une gamme de produits, qui est celle qui était proposée dans le rapport, et pour un certain nombre de pays de provenance proche des départements et régions d'outre-mer, des tables d'équivalence pour vérifier la conformité technique et la sécurité d'emploi de ces produits. Cette analyse a permis d'obtenir des premiers résultats, mais qui n'aboutissent pas forcément à des équivalences totales. Le CSTB poursuit ses travaux actuellement pour permettre de mieux appréhender, par exemple, les essais supplémentaires nécessaires pour l'utilisation de ces produits, les conditions déclaratives à examiner lors de la réception de ces produits venant de pays hors Union européenne et éventuellement des dispositions en matière de dimensionnement de ces produits, pour garantir leur bon emploi dans des conditions de sécurité qui soient parfaitement vérifiées.

Parallèlement à ces travaux, et comme l'a également préconisé à la fois la Délégation sénatoriale aux outre-mer mais également l'Autorité de la concurrence, une mesure a été inscrite dans le deuxième PLOM visant à proposer à la Commission européenne d'inscrire dans la révision à venir du règlement des produits de construction la possibilité d'introduire des dispositions spécifiques pour les régions ultrapériphériques (RUP) des outre-mer.

Dans le cadre d'une note aux autorités françaises, les spécificités des régions ultrapériphériques françaises ont été portées à la connaissance de la Commission qui s'est montrée attentive aux enjeux qui ont été soulevées. La Commission européenne a proposé à la France de commencer à élaborer le processus à la fois technique et réglementaire qui pourrait permettre de déroger à l'emploi de marques de produits marqués CE pour les outre-mer. Ce travail est en cours. L'idée est de pouvoir faciliter à la fois l'usage des produits élaborés localement qui pourrait bénéficier d'une procédure mieux adaptée et simplifiée de reconnaissance de leur produits. Cela se ferait avec l'appui d'une commission locale d'experts qui associerait à la fois les services de l'État (les ministères économiques et les douanes) mais également des professionnels de la construction, des architectes, des représentants du secteur assurantiel, les chambres de commerce, pour examiner la pertinence de l'utilisation de ces produits sur les territoires.

Cette commission serait également chargée d'examiner les demandes de dérogations à l'importation de produits marqués CE au sein des régions ultrapériphériques françaises. La DHUP a engagé un travail avec les différents ministères concernés (Direction des douanes, Direction de la répression des fraudes, DGOM). Un groupe de travail a été constitué, la Fédération des entreprises des outre-mer a été auditionnée dans ce cadre. Nous sommes sur le point d'aboutir à une proposition de rédaction réglementaire, qui pourrait permettre la mise en oeuvre de ce dispositif.

Enfin, concernant l'intervention des organismes certificateurs en outre-mer, il est vrai que la plupart des organismes certificateurs sont implantés actuellement en France hexagonale. Néanmoins, la plupart d'entre eux développent actuellement des labels ou des dispositifs qui sont adaptés aux outre-mer. C'est le cas notamment de Cerqual, qui est une filiale de l'Association Qualitel qui élabore et délivre des certifications garantissant la qualité des logements neufs, notamment sur le volet énergétique et environnementale.

Dans ce cadre, Cerqual a lancé à La Réunion la certification NF Habitat HQE, qui permet d'y transposer le référentiel national NF Habitat HQE. Dans la continuité de ce travail, Cerqual a lancé depuis mai 2019 un nouveau référentiel NF Habitat HQE sur le territoire de la Guyane et travaille actuellement à la publication d'un nouveau référentiel qui sera applicable en Guadeloupe à horizon mi-2021. Cerqual consulte également systématiquement les directions d'administration centrale sur ses projets de déploiement de nouvelles certifications pour notamment veiller à la cohérence de ces certifications avec la réglementation.

Mme Isabelle Richard. - Monsieur le président, les actions en faveur du développement des filières de produits de construction locaux sont davantage du ressort des acteurs privés que de celui du ministère. Cependant, de nombreux outils peuvent être mobilisés dans le cadre du plan de relance avec, par exemple, une baisse très importante des impôts de production qui viennent s'ajouter à une trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, le PLOM prévoyait d'étudier la mobilisation des fonds FEDER au profit du financement de ces filières. C'est une excellente opportunité puisque les fonds européens REACT-EU, très orientés vers le développement des filières de transformation, s'ajoutent aux fonds FEDER. Nous sommes mobilisés pour qu'un peu plus d'1,1 milliard de fonds REACT-EU viennent s'ajouter aux programmes en cours 2014-2020.

Il est vrai que nous avons peut-être quelques difficultés pour appréhender la question de l'ingénierie. Les remontées que nous avons des collectivités locales portent surtout sur une demande d'appui. Je rappelais précédemment que la LBU et le fonds 5.0 pouvaient venir en appui. Il y a peu d'éléments objectifs, si ce n'est d'anciens rapports de la Cour des comptes qui estiment qu'il y a une proportion plus élevée de cadres B dans les collectivités locales d'outre-mer que dans l'Hexagone. Les collectivités tentent bien sûr de remédier à ces difficultés en matière de ressources humaines. La révision des plans d'investissement dans les compétences permettra peut-être aux collectivités locales - et aux régions en premier lieu - de réorienter leur plan de compétences et les formations locales pour répondre davantage aux préoccupations exprimées. L'addition du plan de compétence et du Parcours Emploi Compétences Jeunes (PEC Jeunes) pourrait permettre aux jeunes de trouver des formations et de les attirer sur ce type d'emploi.

L'articulation des projets de logements intermédiaires et des logements très sociaux est un enjeu d'équilibre très complexe. Avec les sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM), nous essayons de promouvoir cet équilibre qui n'est pas toujours effectivement facile à atteindre. L'un des objectifs du PLOM et des SIDOM est de parvenir à 30 % de logements très sociaux, ce qui laisse de la place aux logements intermédiaires.

Mais tout l'enjeu est d'y parvenir sur les mêmes opérations, au sein de mêmes programmes, pour éviter l'apparition de ce qui pourrait s'apparenter à une forme de ségrégation sociale.

M. Stéphane Artano, président. - Je vous propose de passer maintenant à la dernière partie du questionnaire, relative au rôle de l'innovation comme facteur d'amélioration de la « performance » des logements et moyen de répondre aux défis des territoires. Je donne la parole à Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Cette partie aborde en effet la problématique du logement de demain et, plus particulièrement dans les outre-mer. Si, par certains aspects, mes questions recoupent certains thèmes précédemment abordés, elles permettront à nos interlocuteurs de nous apporter d'utiles précisions.

Quelles innovations promouvoir pour adapter l'architecture des logements aux risques naturels de chaque territoire ? Je pense notamment aux séismes, aux ouragans,... Quelles seront les prochaines initiatives prises en la matière avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ? Comment accélérer les régularisations des occupations dans la zone des cinquante pas géométriques tout en assurant la protection de ces logements face aux risques ?

Comment renforcer la performance énergétique des logements ? Des mesures en ce sens sont-elles prévues au sein du Plan France Relance, par exemple en matière de climatisation ?

Le recours à l'auto-construction encadrée (ACE) et à l'auto-réhabilitation encadrée (ARE) pourrait participer à la résorption de l'habitat insalubre et informel. Quel est le bilan des expérimentations de ce type de réalisations à Mayotte et en Guyane ? Ces expérimentations seront-elles généralisées ?

Quelles initiatives proposez-vous pour améliorer la qualité de la construction et valoriser davantage des styles architecturaux et des modes de construction traditionnels ?

Quelles sont les avancées récentes en termes de coopération avec les pays des environnements régionaux des outre-mer en matière de certification et de diffusion de l'expertise ultramarine sur l'architecture tropicale et bioclimatique ? Des Assises de la construction ultramarine valorisant ces initiatives et expériences ne vous paraîtraient-elles pas opportunes ?

Y-a-t-il des expérimentations en outre-mer et d'éventuelles réglementations en termes d' « habitat léger » ? Je pense notamment à l'habitat sans fondation, aux tiny houses. Cette question se pose également sur l'ensemble du territoire national, or nous avons peu de retours.

M. François Adam. - La prise en compte des risques naturels de chaque territoire est une préoccupation récurrente. Un important travail a été réalisé en 2020 sur le risque sismique pour actualiser le guide de construction parasismique des maisons individuelles qui était obsolète. Il s'applique à la zone des Antilles et concerne les maisons individuelles dont la surface est de moins de 200 mètres carrés qui sont situées en zone de sismicité 5. C'est le résultat d'un travail mené avec les professionnels de la construction antillais, en collaboration avec le CSTB et le CEREMA. En ce qui concerne la question du risque cyclonique, je rappelle que nous avons engagé des travaux techniques et qu'une concertation locale est prévue dans les prochains mois en vue d'une parution échelonnée des textes réglementaires en 2021 et en 2022.

Vous avez abordé la question du rôle du CSTB, faisant l'objet d'actions identifiées dans le PLOM. Le CSTB est pour la DHUP un opérateur technique qui nous accompagne notamment sur tous les sujets d'évolution du droit de la construction. Il est donc important que le CSTB soit impliqué sur les sujets ultramarins, aussi difficiles que les sujets globaux que nous avons à traiter, avec en plus une approche qui prenne en compte les spécificités territoriales de chaque DROM. Le CSTB nous accompagne notamment sur les questions de risques cycloniques ou parasismiques. Nous avons élaboré avec la DGOM un programme de travail du CSTB. Cette élaboration a été menée courant 2020 et le programme de travail qui débute en 2021 porte sur le volet des risques naturels. Le CSTB va nous accompagner pour l'élaboration de la réglementation para-cyclonique. Il rédigera aussi des guides et fiches pratiques pour la construction parasismique et para-cyclonique et sera notamment amené à étudier les questions de l'adaptation aux territoires, avec ce qu'on appelle les coefficients de site afin de dimensionner le niveau de protection cyclonique attendu en fonction du site de construction. Le CSTB va jouer un rôle important pour nous accompagner, et cela mérite d'être souligné.

Nos deux ministères suivent de très près la question de la zone des cinquante pas géométriques (ZPG). Il y a deux sujets : le cadre législatif de cette zone des 50 pas et l'avenir des agences des deux territoires concernés, qui jouent un rôle important dans la régularisation foncière et le traitement des risques. Au cours de l'année 2020, la durée de vie de ces agences a été prolongée d'une année, jusqu'à la fin de 2021. Comme vous le savez évidemment, ce sujet ne sera pas réglé d'ici-là. Ces agences étant indispensables, il sera donc nécessaire de prendre de nouvelles dispositions législatives auparavant. Il faudrait sans doute une prolongation de l'ordre de 10 ans.

Il faudra aussi, nous semble-t-il, faire évoluer de manière importante le droit applicable aux ZPG. Il faudra notamment redéfinir plus clairement les zones à risques, dans lesquels on interdira en fait la cession aux occupants en raison du risque réel pour la vie humaine. C'est un sujet évidemment très sensible, mais cela nous paraît une nécessité. Il sera également sans doute nécessaire de faire évoluer les outils juridiques pour favoriser les régularisations foncières dans les territoires où elles sont possibles et souhaitables. Il faudra enfin faire évoluer un certain nombre de dispositions sur les agences elles-mêmes, probablement sur leur gouvernance, peut-être d'élargir certaines de leurs missions pour qu'elles puissent contribuer, dans certaines circonstances, à des missions d'aménagement.

Des travaux approfondis ont été menés, des propositions législatives ont été rédigées. Il reste à déterminer, en fonction des arbitrages du Gouvernement sur ces propositions, dans quel vecteur elles pourront trouver une place au cours de l'année 2021. C'est clairement, pour nous, un enjeu important. Mais vous voyez bien qu'il y a un risque calendaire que nous ne maîtrisons pas à l'heure actuelle.

Je vous propose de laisser la parole à Mme Marie-Christine Roger pour lui permettre de compléter ma réponse, notamment sur les questions d'auto-construction et d'auto-réhabilitation.

M. Stéphane Artano, président. - M. Stéphane Lecornu, le ministre des outre-mer, nous a indiqué que la question des 50 pas géométriques était inscrite dans le pré-projet ou la pré-maquette de la loi 4D. Nous l'avions interrogé à ce sujet car il y avait à l'origine l'idée d'un mouvement de transfert des agences vers les collectivités locales, ce qui peut être joint à la problématique que vous soulevez sur la gouvernance des agences et l'implication des acteurs des territoires vis-à-vis des deux agences concernées.

Mme Marie-Christine Roger, chargée de mission outre-mer auprès du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). - Le recours à l'auto-construction encadrée et à l'auto-réhabilitation encadrée comme levier pour participer à la résorption de l'habitat insalubre et informel a été identifié dans le cadre du PLOM comme faisant partie du panel des solutions à apporter. À la fin des années 80 et dans les années 90 beaucoup d'opérations d'habitat individuel ont été menées avec succès à Mayotte et à La Réunion, mais également aux Antilles après le passage du cyclone Hugo. En revanche, au fil des ans, ce type d'opérations est tombé en désuétude. Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur le degré d'assouplissement des normes qui pourrait être nécessaire pour mettre en place une auto-construction encadrée, sur le niveau de l'encadrement et la part d'intervention qui doit être laissée à l'occupant. Ces mesures ont une grande influence sur la réussite des opérations et leur tenue dans le temps. Les expérimentations en cours tentent de répondre à ces contraintes, mais elles sont pour l'instant peu nombreuses. Aujourd'hui, on peut signaler qu'en Guyane L'établissement public foncier et d'aménagement de la Guyane (EPFA Guyane - ex EPAG) a annoncé récemment un appel à compétences pour recruter des opérateurs qui accompagneraient des habitants dans la construction de modules simples. L'objectif affiché, pour donner un ordre de grandeur, serait une centaine de logements par an, à mettre en relation avec la réalisation de 2 000 à 3 000 logements sociaux par an, qui est le régime de croisière en Guyane. À Mayotte, une réalisation plus significative peut être relevée : à Majicavo 30 logements sont en cours de réalisation sur un terrain appartenant à l'État. Ce n'est pas à proprement parler de l'auto-construction totale mais plutôt un principe d'auto-finition encadrée. Nous essayons d'introduire cette nouvelle notion dans la mesure où les constructions arrivent sous forme de modules pré-industrialisés qui sont montés par des artisans locaux formés à cette occasion. Les fondations sont réalisées également par ces artisans. L'habitant intervient par la suite, avec un encadrement, pour finir son logement. Nous nous sommes rendu compte qu'il est préférable de faire réaliser le gros oeuvre et la toiture, ainsi que les éléments qui sont soumis à des contraintes fortes comme le risque cyclonique ou sismique, par une entreprise. Cette façon de procéder fait suite également à la prise en compte du fait que l'auto-construction totale est un processus très long.

Plus récemment, au Vieux-Pont, en Martinique, 2 ou 3 maisons ont été réalisées en auto-construction encadrée mais la procédure a également été relativement longue.

À l'inverse, les expériences d'auto-réhabilitation sont plus nombreuses. Elles se pratiquent dans le cadre des opérations groupée d'amélioration légère (OGRAL) qui ont été introduites par la loi Letchimy qui pose le principe de réhabilitations légères avec un encadrement. L'association des Compagnons bâtisseurs encadre l'OGRAL de Maripasoula en Guyane que nous avons eu récemment l'occasion de visiter. Plusieurs communes sont engagées dans ces OGRAL, notamment à La Réunion dans des zones rurales sur la commune de Saint-Paul, ou sur la commune de Petite-Île.

Pour poursuivre sur les initiatives qui permettraient de développer une architecture s'appuyant sur l'habitat vernaculaire et les styles architecturaux locaux, on peut citer un programme du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) qui s'intitule « opération d'habitat renouvelé en outre-mer » et qui est expérimenté en Martinique sur la commune du Prêcheur. Ce programme vise à démontrer la possibilité d'innover durablement en renouant avec le mode de vie locale et les fondamentaux de l'architecture locale. L'objectif est de privilégier des habitats qui offrent une grande perméabilité entre l'intérieur et l'extérieur du domicile et de protéger les occupants lors d'événements extrêmes comme les cyclones ou les séismes. Pour la commune du Prêcheur il y a aussi le phénomène des lahars à prendre en compte. Cet habitat doit répondre à une exigence de résilience. L'expérimentation va commencer cette année. Il y a d'abord eu une phase de sélection de candidatures dans le cas d'un partenariat étroit associant la ville du Prêcheur, l'Agence des cinquante pas et le PUCA. Un prototype en bambou a été sélectionné parmi les prototypes. Le bambou constitue un matériau biosourcé, facilement renouvelable avec une excellente empreinte environnementale. Un autre prototype va être réalisé en gabions.

Sur la question des tiny houses et d'un habitat plus léger, nous travaillons également avec le PUCA sur un 2ème appel à projets plus large - appelé « un toit pour les plus démunis en outre-mer » - puisqu'il devrait concerner l'ensemble des cinq DROM. Il vise à développer une offre de petits logements à coût abordable et, potentiellement, des logements plus légers en termes de conception architecturale, beaucoup moins coûteux grâce aux techniques employées. Ces logements auraient vocation à accueillir soit des structures d'hébergement, du logement locatif social classique ou du logement locatif très social adapté. Il sera demandé de proposer soit des constructions pré-industrialisées sur le modèle de ce que j'ai présenté sur Majicavo à Mayotte, soit d'autres projets qui peuvent être mis en place relativement facilement. Pour cela, vous avez raison, Monsieur le sénateur, il faudra revoir certaines normes. Si des logements plus petits que les standards actuels sont développés pour le logement social, des règles seront peut-être à revoir. Ainsi, pour ces logements, et à titre expérimental en matière d'accessibilité, si les bâtiments ont peu d'étages, il pourrait être envisagé de revoir l'obligation d'ascenseur à partir du R + 2. Il faudra peut-être également revoir et simplifier les règles en matière d'acoustique et de thermique.

Les architectes qui travaillent sur l'opération de Mayotte sont aussi des chercheurs. Ils sont en train de concevoir des solutions techniques de type « vélum », utilisées dans la marine, qui seraient tenues par des filins en acier pour tenir au vent. Ces structures seraient plutôt destinées à des structures d'hébergement.

Vous avez évoqué la nécessité de mettre en place des Assises de la construction ultramarine. Cette remarque nous semble tout à fait pertinente et nous la retenons. Nous serions effectivement favorables au développement d'un échange sur les initiatives et expériences à l'échelle des régions ultramarines au sens large, pour la construction en secteur tropical.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Je vous remercie pour ces réponses très complètes. Pourriez-vous nous adresser de la documentation sur les différentes initiatives que vous avez évoquées ?

Mme Marie-Christine Roger. - Tout à fait, Monsieur le sénateur.

M. Stéphane Artano, président. - Après nos collègues rapporteurs, je donne la parole aux membres de la délégation qui souhaitent intervenir.

Mme Annick Petrus. - Dans le contexte spécifique de Saint-Martin, pour faire face aux différentes crises - ouragan, PPRN, Covid-19 - un investissement massif doit être consenti au profit du logement. Nous devons dégager des priorités d'intervention avec des moyens associés. À Saint-Martin, les priorités d'action sont des mesures qui permettent d'accompagner les efforts en matière de résorption de l'habitat indigne, avec un soutien particulier en matière de régularisation des constructions informelles dans le cadre des opérations de réhabilitation de l'habitat insalubre (RHI). Les ménages salariés doivent pouvoir bénéficier d'une aide financière pour s'engager dans cette démarche, et cette orientation devra être complétée par des mesures permettant de mieux répondre aux besoins des jeunes à travers une diversité de leviers, un développement de structures collectives, une mise en place d'un dispositif de financement de la réhabilitation de logements en contrepartie de droits de réservation pour les jeunes, à l'instar de la Martinique. L'intervention d'Action Logement devra permettre également d'accompagner le développement de la construction via principalement l'accession sociale et ou très sociale à la propriété, ce qui impliquera un travail étroit avec la collectivité et les opérateurs locaux pour le déploiement d'une aide foncière aménagée. Or, il semblerait que le territoire de Saint-Martin ne bénéficie pas de ce dispositif et qu'Action Logement ne puisse pas intervenir. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?

M. Stéphane Artano, président. - Il me semble que l'impossibilité de bénéficier du dispositif est liée au statut de la collectivité. De par la loi organique, le logement relève de sa compétence.

M. François Adam. - Absolument, monsieur le président. La loi organique de 2012 qui définit les spécificités législatives et la répartition des compétences entre l'État et Saint-Martin précise bien qu'en matière d'urbanisme et de logements, c'est la collectivité de Saint-Martin qui est compétente. En ce qui concerne précisément Action Logement, si vous le souhaitiez, nous pourrions demander à cet organisme s'il dispose d'un programme qui pourrait être décliné en matière de RHI sur cette collectivité.

M. Stéphane Artano, président. - Nous entendrons Action Logement la semaine prochaine et la question sera posée.

Je cède la parole à notre collègue Gérard Poadja qui est en visioconférence depuis la Nouvelle-Calédonie.

M. Gérard Poadja. - Merci monsieur le président, mes chers collègues, mesdames et messieurs les directeurs, je vous adresse mes meilleurs voeux à 20 000 kilomètres de distance.

Je voudrais évoquer les problèmes que rencontrent nos étudiants. De nombreux Calédoniens venus suivre des études supérieures dans l'Hexagone rencontrent des difficultés pour trouver un logement. L'une des difficultés tient à la domiciliation bancaire de leurs parents dans les outre-mer. Il arrive aussi qu'on leur demande une caution supérieure au montant légal. Ces pratiques illégales sont connues mais elles subsistent. Beaucoup sont obligés de se retourner vers le dispositif qui permet aux étudiants de bénéficier d'un service dédié mais il ne s'agit que d'une solution de repli.

Les problématiques liées au logement se sont aggravées avec la crise sanitaire. Il y a des retards importants dans le versement des aides au logement par l'État et les étudiants se retrouvent dans une situation de détresse économique et psychologique. Ils sont en situation d'échec et un grand nombre d'entre eux veulent rentrer en Nouvelle-Calédonie. Je n'ignore pas que de nombreux étudiants vivent cette même situation mais quels moyens pourraient mis en place pour mettre fin à cette situation ?

Mme Isabelle Richard. - Dans la réponse que nous vous ferons par écrit, je pourrais ajouter des éléments sur ce point, après avoir consulté en interne le délégué M. Maël Disa. En effet, ces questions relèvent aussi de la Délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'outre-mer et à la visibilité des outre-mer. On ne peut que partager le constat qui a été fait des inégalités sur le terrain, mais il y a des outils concrets pour y remédier, et il y a peut-être des réponses complémentaires à chercher du côté du logement.

M. François Adam. - Monsieur le sénateur, je relie vos interrogations à la thématique générale de l'accès au logement des étudiants. Vous pointez la question de relation locative entre les propriétaires et les locataires qui conduisent des propriétaires à se montrer exagérément prudents. Or, la Nouvelle-Calédonie faisant partie de la République, il n'y a aucune raison de traiter ses étudiants de manière différente, voire discriminatoire. Ces comportements sont regrettables. Il s'agit de relations de droit privé qui sont extrêmement diverses et ne sont pas soumises à autorisation ou déclaration. Nous pouvons essayer d'agir sur ces comportements via l'incitation. Mais il faut être réaliste sur la capacité à surveiller ou piloter dans le détail. Même si les moyens d'intervention de la puissance publique sont limités, chacun conserve la possibilité de saisir la juridiction compétente s'il l'estime nécessaire.

La garantie Visale vise à apporter une protection supplémentaire à un locataire qui est face à un propriétaire qui exige énormément de garanties, parfois à l'excès et pas toujours justifiées. Cette garantie se montre également efficace et sécurisante pour les propriétaires. Financée par Action Logement dans le cadre de l'utilisation de l'aide à l'embauche d'un jeune en Parcours Emploi Compétences Jeunes (PEC Jeunes) et dans un cadre contractuel avec l'État, ce dispositif a maintenant 3 ans et continue à monter en puissance. Face à son succès nous réfléchissons en ce moment avec Action Logement à d'éventuelles adaptations. Si vous avez connaissance de cas individuels problématiques, il faut les orienter vers ce dispositif.

Par ailleurs, il y a dans le logement étudiant une dimension offre qu'il faut poursuivre, notamment dans les zones universitaires et avec un sujet particulier en Île-de-France. Le logement étudiant est une part de la production de logements sociaux et nous en avons, depuis 2 ans, fait une sous-priorité importante de l'effort de production de logements sociaux. Il est vrai cependant que l'objectif de produire à peu près 10 000 logements sociaux pour les étudiants chaque année n'est pas encore atteint.

M. Gérard Poadja. - Je veux préciser que durant ces derniers mois, un certain nombre d'étudiants se sont véritablement retrouvés à la rue et ont été aidés par les associations. Je tire la sonnette d'alarme parce qu'on est dans une situation très compliquée. Sur le plan social nous avons toujours eu des difficultés, certainement en raison du statut sui generis de la Nouvelle-Calédonie. L'obtention de la carte Vitale par exemple est souvent compliquée pour les étudiants. En complément de la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, je souhaiterais que soit mise en place une cellule sociale au ministère des outre-mer qui permettrait un suivi permanent de ces sujets.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - J'aimerais revenir sur un certain nombre de questions, notamment sur le bureau des agréments à Bercy. Est-ce que vous pourriez faire un point sur ses procédures, ses lenteurs, et évoquer des simplifications aux démarches ? Est-ce que le ministre des outre-mer a un droit de regard sur les lenteurs qui pourraient être imputables à ce bureau ?

Nous souhaitons obtenir l'évolution sur 10 ans du nombre des constructions liées à la défiscalisation et au crédit d'impôt, et sur les montages entre LBU et défiscalisation. Pourrait-on disposer d'un document retraçant toutes les évolutions fiscales dans le domaine du logement depuis 10 ans en matière législative et leurs incidences ?

Enfin sur le redéploiement interne des crédits de la LBU, je suis assez perplexe. Un redéploiement est opéré par le Gouvernement en faveur de la Guyane et de Mayotte mais cette nouvelle répartition se décide au sein du ministère et le Parlement n'est pas forcément informé. J'ai vu par exemple l'enveloppe affectée à la Guadeloupe et à la Martinique diminuer de moitié sur les dix dernières années. En 2021, je crois qu'elle tourne autour de 30 millions pour la Guadeloupe alors qu'à une certaine époque on atteignait pratiquement à 60 millions. Pourriez-vous nous donner les critères de répartition de cette enveloppe, au-delà de l'évolution démographique de la Guyane et de Mayotte ?

Enfin, je partage ce que dit mon collègue Gérard Poadja sur la nécessaire amélioration des conditions d'accueil et d'accès au logement des ressortissants d'outre-mer. Cela est particulièrement vrai pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, au sujet notamment des obligations de domiciliation bancaire qui sont imposées au garant et au locataire.

Mme Isabelle Richard. - Nous récapitulerons les principales évolutions de la défiscalisation sur ces dix dernières années en vous transmettant le maximum d'éléments.

Concernant les logements financés par la LBU en matière de défiscalisation, les éléments statistiques relèvent de la DGFIP. Nous vous fournirons le maximum d'informations et nous expliciterons, de manière qualitative, l'articulation entre la LBU et la défiscalisation.

En matière de simplification ou d'accélération de la procédure d'agrément fiscal de nombreux progrès ont été faits. Pour l'instant, les informations que nous possédons concernent la partie d'agrément qui se base sur un avis de la DGOM. La procédure est encore trop longue mais les délais se sont tout de même fortement réduits. Il n'y a plus vraiment d'éléments de blocage remontés par les acteurs. Bien sûr, cela n'épuise pas toutes les possibilités de simplification et nous continuons à les recenser. Même si beaucoup d'éléments sont entre les mains de nos collègues de Bercy du bureau des agréments, nous sommes en contact régulièrement et nous les incitons à poursuivre ces chantiers de simplification ou de dématérialisation de certaines procédures.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Avez-vous une idée du stock des dossiers déposés et des dossiers aujourd'hui en instance ?

Mme Isabelle Richard. - Nous pourrons vous fournir ces éléments ultérieurement.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Et sur le redéploiement interne des crédits ?

M. François Adam. - En 2021 les crédits qui seront consacrées à la LBU sont en nette hausse, de l'ordre de 20 % par rapport à l'année précédente, cela donnera évidemment un peu plus de moyens sur l'ensemble du territoire.

S'agissant de la mobilisation optimale de la LBU, comme pour l'ensemble des crédits, nous tenons compte des années précédentes. Puis, il faut répondre aux besoins objectivement constatés. Il y a alors des discussions de gestion avec les acteurs territoriaux. La programmation ne se fait pas « hors sol ». Sont prises en compte les opérations matures, prêtes à démarrer et dont la réalisation dans l'année est objectivement réalisable. La répartition des crédits se fait par territoire et jamais de manière punitive. En 2020 par exemple, nous avons engagé davantage que ce qui était prévu en loi de finances initiale en cherchant des ressources sur d'autres lignes budgétaires qui n'ont pas pu être consommées en intégralité. Je pourrais bien entendu vous communiquer tous les chiffres par la suite.

M. Stanislas Alfonsi. - Concernant le crédit d'impôt en matière de simplification, depuis 2017 l'agrément fiscal sur les demandes de crédit d'impôt a été supprimé pour les investissements dans le logement social. Il s'agit d'une mesure de simplification considérable qui était demandée par les acteurs. L'article 244 quater X en fixe les conditions. Concernant la répartition territoriale des crédits de la LBU, le dialogue avec les territoires nous permet de définir un prévisionnel de ce qui peut être demandé et ensuite de ce qui peut être consommé de manière réaliste sur chacun des territoires.

Nous nous efforçons de donner aux trajectoires de la LBU, à la fois au plan national et sur les territoires une crédibilité qui parfois a pu occasionner un certain nombre de reproches à la fois de la part du Parlement, mais également de nos collègues du ministère des Finances et du ministère du Budget. En 2020, grâce à cette approche de crédibilisation, la LBU a été non seulement entièrement consommée mais on est même allé au-delà du prévisionnel puisque son niveau de consommation tourne aux alentours de 108 %.

Le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, a pris des engagements très nets devant la représentation nationale dans le cadre du débat budgétaire, en affirmant que la LBU non seulement augmenterait mais qu'elle pourrait encore être élevée davantage en cours d'année. La LBU pourvoira aux besoins de tous les territoires, à partir du moment où ses besoins sont fondés. Par souci de crédibilité, nous n'en demandons pas trop pour éviter de s'apercevoir que par la suite on ne consomme pas tout. D'ailleurs le Parlement qui vote la loi de finances pourrait être le premier à nous le reprocher.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Vous me permettrez de m'étonner sur les montants qui ont été répartis sur les cinq dernières années. La LBU a baissé en autorisation d'engagement et par ailleurs un déficit d'ingénierie est pointé : il y a moins de dossiers, donc on construit moins de logements. Les crédits de LBU diminuent sur certains territoires alors que ceux sur la Guyane et sur Mayotte augmentent. En mettant en rapport les constructions, j'ai quelques interrogations. Peut-être faut-il fixer des critères plus transparents pour obtenir un accord global et consensuel sur ces répartitions ?

Pour le moment, on voit une baisse des enveloppes pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, et peut-être un maintien pour La Réunion. S'il y a une augmentation pour 2021 après une bonne consommation en 2020 il faudra s'en réjouir. Mais pour le moment, il y a des interrogations sur cette baisse, qui se fait depuis quelques années à la suite de répartitions internes que nous apprenons après coup.

En tout cas, merci pour la qualité de vos réponses et pour votre disponibilité.

Mme Micheline Jacques, rapporteure. - Je voulais aussi vous remercier pour la qualité de vos réponses. Les Assises de la construction ultramarine sont une très bonne idée et je souhaite qu'on puisse les mettre en oeuvre. Elles permettraient des retours d'expériences. À Saint-Barthélemy par exemple, suite à l'ouragan Irma, des études ont été faites avec les architectes locaux, des initiatives intéressantes ont été mises en oeuvre et pourraient être partagées.

M. Stéphane Artano, président. - Je vous propose de clôturer cette audition. Il me reste à remercier évidemment Monsieur le Directeur de la DHUP, les sous-directeurs de la DGOM ainsi que l'ensemble de vos collaborateurs. Cette audition a démontré tout l'intérêt de vous auditionner conjointement.