Mardi 30 mai 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Patrimoine - Audition

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous poursuivons les travaux de cette commission d'enquête avec une table ronde consacrée à la prise en compte des questions de patrimoine dans les politiques de rénovation énergétique.

Nous recevons aujourd'hui les représentants de neuf organismes :

- M. Jean-François Hebert, directeur général des Patrimoines et de l'Architecture ;

Mme Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, et présidente de Petites cités de caractère de France (accompagnée de M. Laurent Mazurier, directeur de Petites cités de caractère de France) ;

- M. Guirec Arhant, maire de Tréguier ;

M. le ministre Martin Malvy, président de Sites et cités remarquables de France (en visioconférence, accompagné de M. Jacky Cruchon) ;

- M. Gilles Alglave, président de Maisons paysannes de France ;

- M. Christophe Blanchard-Dignac, président de la fédération Patrimoine-Environnement ;

- M. Julien Lacaze, président de l'association Sites et monuments ;

- M. Christian Laporte, président de l'association des Architectes du patrimoine ;

- M. Raphaël Gastebois, vice-président de l'association Vieilles maisons françaises (VMF) ;

- MM. Marc Louail et Gabriel de Beauregard, architectes des bâtiments de France.

La protection du bâti ancien, et notamment des bâtiments classés, à l'heure de l'accélération de la rénovation énergétique, est une question fondamentale, particulièrement chère à notre collègue Sabine Drexler, sénatrice du Haut-Rhin, mais aussi à chacun d'entre nous. Rénover des bâtiments anciens à caractère patrimonial coûte plus cher et pose des questions au niveau des modes de financement. La prise en compte des enjeux de patrimoine dans la rénovation énergétique des bâtiments implique également des approches spécifiques en termes de cadre juridique, d'ingénierie, de méthodes, d'accompagnement, mais aussi de formation. À ce titre, le bâti patrimonial est soumis à de nombreuses contraintes singulières, qu'il convient de mieux traduire dans les objectifs et moyens de nos politiques de rénovation. Il vous revient d'éclairer notre commission sur les voies et moyens des évolutions nécessaires.

Dans quelle mesure les enjeux du bâti ancien sont-ils intégrés aux politiques publiques de la rénovation énergétique ? Comment notamment prendre en compte les spécificités des monuments historiques classés ou inscrits, mais aussi des secteurs sauvegardés et des sites patrimoniaux remarquables ? Les acteurs des politiques publiques de rénovation énergétique - administrations, collectivités, entreprises - ont-ils selon vous pris la mesure de tous ces enjeux ? Quelles dispositions spécifiques faut-il envisager ? Quels défis juridiques, financiers et techniques se posent ? Que pensez-vous par exemple des conditions de mise en oeuvre de MaPrimeRénov', des Certificats d'économie d'énergie (C2E) et du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' ? Selon vous, comment les enjeux du patrimoine bâti pourraient-ils être mieux intégrés à la conception de ces dispositifs ? Comment, en bref, mieux prendre en compte les problématiques de bâti ancien et de patrimoine dans les politiques publiques de la rénovation énergétique ? Par ailleurs, notre pays dispose-t-il de filières professionnelles capables de répondre à ce besoin, qu'il s'agisse des artisans ou des matériaux adaptés ?

Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat, et qu'un compte rendu en sera publié.

Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.

Je vous invite donc à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire « Je le jure ».

Mmes Françoise Gatel et Julie Debabi, et MM. Jean-François Hebert, Guirec Arhant, Gilles Alglave, Christophe Blanchard-Dignac, Julien Lacaze, Raphaël Gastebois, Christian Laporte, Marc Louail, Martin Malvy et Jacky Cruchon lèvent la main droite et disent « Je le jure ».

M. Jean-François Hebert, directeur général des Patrimoines et de l'Architecture. - La transition écologique constitue une des priorités du ministère de la culture, notamment depuis l'installation du nouveau gouvernement en mai 2022, la ministre de la culture ayant fait de cette question une de ses priorités politiques propres. Une feuille de route de la transition écologique est en cours d'élaboration. Elle mobilisera l'ensemble des secteurs : celui du patrimoine, dont j'ai la responsabilité, mais aussi ceux de la création, des médias, etc. Elle sera rendue publique dans quelques semaines.

On sait cependant que tout est affaire d'équilibre dans le domaine des politiques publiques. Un équilibre devra ainsi être trouvé entre cette priorité et d'autres, comme celle de la protection du patrimoine, que je porte en tant que directeur général du patrimoine et de l'architecture.

Cet équilibre est possible, comme l'ont montré le ministère de la culture, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et le ministère de la transition énergétique, en produisant l'instruction commune du 9 décembre 2022, qui donne aux Architectes des bâtiments de France (ABF) des directives pour « lâcher du lest » sur les panneaux photovoltaïques dans les zones à protéger, tout en veillant strictement à ce qu'ils ne dégradent pas à terme nos paysages et nos centres-villes. Les panneaux photovoltaïques sont en effet au coeur de la loi pour l'accélération de la production des énergies renouvelables (APER), et il s'agissait de l'appliquer tout en évitant de renoncer à l'avis conforme des ABF, qui relèvera cependant toujours d'une évaluation de terrain, au cas par cas. Il ne s'agit donc pas non plus de tout réglementer depuis Paris.

Un travail considérable reste cependant à mener avec le ministère de la transition écologique dans le domaine de la rénovation et de l'isolation thermiques. En effet, le ministère de la culture n'a pas été associé à l'élaboration du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui tend à devenir toujours plus opposable, et ne constitue plus seulement un élément de référence. Ce DPE ne s'applique certes pas aux monuments historiques, mais il s'applique à leurs abords, aux secteurs patrimoniaux remarquables, aux bâtiments protégés au titre du plan local d'urbanisme (PLU), aux bâtiments labellisés « architecture contemporaine remarquable », et, plus largement, au « bâti ancien », notion généralement appliquée aux bâtiments datant d'avant 1948. Son large périmètre couvre ainsi 30 % des logements relevant de la protection du patrimoine, ce qui est considérable.

L'équilibre que j'évoquais n'est donc pas encore atteint. Plusieurs réunions entre le ministère de la culture et le ministère de la transition écologique se sont tenues en 2022. Une autre s'est encore tenue la semaine dernière, avec de nombreux acteurs du patrimoine.

Le ministre de la culture souhaite, en premier lieu, que le DPE soit modifié pour y introduire une nouvelle grille d'analyse, qui prenne en compte les caractéristiques du bâti dans une approche globale. L'approche actuelle, trop automatique, ne prend pas en compte les caractéristiques propres des bâtiments anciens : leurs systèmes constructifs, leurs matériaux, leur inertie, leurs usages (qui varient en fonction des bâtiments), etc.

En deuxième lieu, un travail est demandé sur la formation et l'approche des diagnostiqueurs. Une méthodologie du DPE adaptée aux bâtiments anciens doit être mieux diffusée dans l'offre de formation.

En troisième lieu, nous voulons que les systèmes financiers (de défiscalisation, de subventions, de primes, etc.) soient revus, pour qu'ils prennent en compte le bâti ancien, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. De même que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) donne de l'argent pour détruire et non pour rénover, de même, en matière d'isolation thermique, des fonds sont distribués pour réaliser des ventilations mécaniques contrôlées (VMC) et de l'isolation par l'extérieur, qui sont contraires à l'écologie (en raison des matériaux qu'ils consomment) et qui dégradent le bâti, en l'enfermant, de sorte qu'il ne respire plus.

Nous avons obtenu du ministère de la transition écologique de pouvoir travailler sur la formation des diagnostiqueurs : le ministère de la culture rédigera les questions qui leur seront posées sur le bâti ancien. C'est un acquis important, qui date d'il y a quelques jours, même si tout reste à faire.

Nous avons également obtenu de pouvoir travailler sur l'adaptation des dispositifs financiers, afin qu'ils intègrent le bâti ancien.

Il nous reste à obtenir une révision dans le même sens du DPE. Peut-être ces auditions devant le Sénat y contribueront-elles. L'appui du Sénat a déjà été essentiel pour maintenir l'avis conforme de l'ABF pour le développement du photovoltaïque dans les secteurs protégés.

D'autres motifs d'optimisme existent. Une révision des normes européennes, portée par le Conseil européen de la normalisation, et les travaux menés par Afnor en France, tendent de même à intégrer le bâti ancien. Nous participons intensément à ces groupes de travail. Au niveau de la Commission européenne, une directive visant la performance énergétique des bâtiments ouvre également largement la possibilité de tenir compte du bâti ancien pour déroger à l'automaticité de l'application du DPE.

Mme Françoise Gatel, présidente de Petites cités de caractère de France. - L'association Petites cités de caractère de France regroupe en France métropolitaine un peu plus de 230 communes, de moins de 6 000 habitants, et qui ont joué, à un moment de leur histoire, une fonction de centralité économique, administrative ou religieuse.

Je vous remercie de porter autant d'intérêt à la question conjointe du patrimoine et de la transition écologique, et je sais le travail que conduit Sabine Drexler pour que ces deux axes de travail ne s'ignorent pas.

La transition écologique doit s'inscrire dans un objectif de développement durable. Or, nos petites cités de caractère ont la prétention d'avoir inventé le concept de « ville durable » avant qu'il soit à la mode. En effet, certaines d'entre elles ont plus de 1 000 ans, et ont su s'adapter, en adaptant des bâtiments aux fonctions initialement solennelles, voire militaires, à des usages contemporains.

Cette démarche, qui est la vôtre, s'inscrit parfaitement dans le cadre d'un autre enjeu essentiel pour notre pays : celui de revitaliser les centres-villes et les petites centralités qui maillent notre territoire, et sur lesquelles la ruralité s'appuie pour exister. À cet égard, le zéro artificialisation nette (ZAN) a encore renforcé l'enjeu de la rénovation et de la transformation du bâti ancien. Nous vous remercions donc de nous inscrire au coeur de vos préoccupations.

Pour encourager les propriétaires privés à rénover de l'habitat en centre ancien se pose le problème de leur capacité à le faire.

Comme dans beaucoup de domaines, nous sommes confrontés à une pensée en silo, qui s'occupe de la transition écologique et de la rénovation énergétique en prenant essentiellement en compte un patrimoine moderne, auquel des méthodes uniformes sont appliquées, sans tenir compte des compatibilités ou des incompatibilités de matériaux qui peuvent, en construction, générer la grave détérioration d'un patrimoine. Le ministère de la culture doit donc s'associer au ministère de la transition écologique et aux fédérations professionnelles pour éviter aux acteurs de terrain d'être confrontés à des normes (imposées notamment par les Dreal ou autres) incompatibles avec le respect et l'inscription dans les temps modernes du bâti ancien.

Pour réaliser des ouvertures sur mesure, il faut aujourd'hui faire appel à un artisan, ce qui empêche de produire des certificats répondant à des normes faciles à authentifier pour un banquier ou un organisme susceptibles de vous prêter de l'argent.

Les petits propriétaires sont aussi perdus face à la multitude des intermédiaires. Heureusement, nous travaillons très bien avec les architectes des bâtiments de France. Sans eux, de nombreux centres-villes auraient disparu, remplacés par des constructions plus modernes, sans nécessairement être plus écologiques.

Certaines filières de matériaux doivent également être soutenues pour limiter le coût beaucoup plus élevé de la rénovation pour le bâti ancien. Dans mon intercommunalité, aucune assurance n'a accepté d'assurer contre le feu un bâtiment que nous souhaitions réaliser en béton de chanvre, malgré les nombreuses études montrant la résistance de ce matériau. Il faut aussi travailler à intéresser les entreprises au marché du bâti ancien, dont le coût s'explique par le fait qu'il représente une « niche », alors que les industriels préfèrent les marchés de masse. Les artisans notamment doivent être incités à utiliser certains matériaux, malgré le coût supplémentaire et surtout le temps plus long que leur mise en oeuvre nécessite.

Il faut donc réussir à élaborer une sorte de charte qui rassure et permette d'agir au niveau du territoire.

Toutes les constructions anciennes et de caractère avaient le mérite d'être réalisées dans le cadre de circuits courts, avec des matériaux locaux, et de souvent prendre en compte l'environnement. Dans les maisons de pêcheurs en Bretagne, par exemple les grandes ouvertures actuelles étaient exclues par la prise en compte des phénomènes météorologiques.

L'ensemble des acteurs doivent être sensibilisés à l'enjeu du patrimoine ancien, qui est source de dynamisme pour les territoires et de fierté pour les habitants. Sa prise en compte participe d'une philosophie de développement durable extrêmement compatible avec la rénovation énergétique.

Sans doute mon collègue Guirec Arhant vous présentera-t-il quelques exemples pour illustrer l'enjeu de l'accompagnement financier.

M. Guirec Arhant, maire de Tréguier. - Je souscris à l'idée qu'il ne faut pas opposer transition écologique et patrimoine. En effet, le bâti ancien a toujours été d'intérêt écologique. Nos paysages, y compris urbains, sont précieux, et attestent que leurs matériaux ont été adaptés à la réalité d'un territoire. Nous n'avons pas construit n'importe quoi n'importe où. Dans les maisons de bord de mer en Bretagne, appelées « pentys », des ouvertures sont parfois créées aujourd'hui côté mer pour bénéficier de la vue. Or, cette vue est parfois orientée plein nord, notamment sur les côtes de la Manche.

Les DPE ne donnent pas une idée précise des transformations à apporter, et conduisent à apporter des réponses catastrophiques pour le bâti. Le bâti ancien est vivant : il travaille au cours de l'année, s'adapte aux conditions météorologiques, et résiste plutôt bien aux phénomènes épisodiques, qui sont de plus en plus réguliers. Lorsqu'on applique des réponses modernes comme les isolations thermiques par l'extérieur (ITE) à ces bâtiments anciens, les empêchant ainsi de respirer, on crée des bombes à retardement.

Il n'existe pas aujourd'hui d'aide adaptée au bâti ancien. Par exemple, pour l'amélioration du confort thermique et des conditions sanitaires dans le bâti ancien, les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ne tiennent pas compte de l'humidité, qui peut pourtant avoir des conséquences catastrophiques dans des murs anciens, surtout lorsqu'une surépaisseur y est ajoutée.

En tant que vice-président en charge de l'habitat de l'agglomération Lanion-Trégor Communauté, délégataire de l'aide à la pierre, j'ai donc dû trouver des outils complémentaires, qui n'existaient pas, mais ne suffisent pas non plus. Nous avons notamment mis en place des aides à l'autorénovation, propre à l'agglomération. En effet, plusieurs ménages ne peuvent pas prétendre aux aides de l'Anah, parce qu'ils doivent à cette fin recourir à des entreprises. Or, elles ne parviennent plus en Bretagne à répondre à la demande, alors même que le prix de l'immobilier sur le littoral breton prive de nombreux ménages des moyens financiers de faire appel à ces entreprises.

Nos aides à l'autorénovation sont cependant conditionnées à la mise en place d'un encadrement. Sur le territoire du Trégor, un espace France Rénov' (le « Point Info Habitat ») constituait ainsi depuis plus de 10 ans un guichet unique pour trouver un terrain, demander des conseils juridiques pour les locations, et des accompagnements financiers de l'agglomération comme de l'État. À cet égard, l'arrivée de Mon Accompagnateur Rénov' déstabilise la culture de réseau que nous avons mise en place entre les habitants, les collectivités, les services de l'État (dont les ABF, effectivement essentiels pour faciliter les projets de redynamisation des centralités), les entreprises, les conseillers énergie, ou des associations comme Tiez Breiz (à Rennes), etc. pour fournir aux habitants et aux artisans les clés de compréhension du bâti ancien et des soins à lui apporter.

À l'échelle locale, je déplore ainsi l'absence d'une vision globale sur les travaux de rénovation énergétique. On met parfois « la charrue avant les boeufs ».

M. Martin Malvy, président de Sites et cités remarquables de France. - L'association que je préside travaille souvent avec Françoise Gatel, puisque nous avons réuni dans une association commune (France patrimoine et territoires d'exception) les sept réseaux qui s'intéressent au patrimoine : Les plus beaux villages de France, Petites cités de caractère, Grands sites de France, etc., afin de disposer auprès des pouvoirs publics d'une audience plus forte. Cela constitue un bel exemple de coopération entre associations, même si chacune y reste totalement indépendante.

Lorsque le directeur du patrimoine a indiqué que le ministère de la culture n'avait pas été associé à l'élaboration du DPE, les « bras m'en sont tombés ». Je répète depuis des années que les ministères notamment doivent cesser de travailler en « tuyau de poire ». Or, si un sujet intéresse l'interministériel, c'est bien celui des centres anciens, où se trouve l'essentiel du bâti d'avant 1948. Ils associent en effet un certain nombre de problèmes (comme la maîtrise des dépenses d'énergie) qui ne peuvent pas être réglés indépendamment les uns des autres.

Nous plaidons ainsi pour la création d'un « DPE bâti ancien ». J'ai participé avant-hier à une réunion de la commission nationale patrimoine architecture. Le ministère y a affirmé sa volonté d'avancer sur le problème du DPE, mais il ne suffira pas de mieux former les diagnostiqueurs, car un diagnostic coûte aujourd'hui 80 à 130 euros : c'est le DPE même qu'il faut modifier, pour qu'il puisse prendre en compte les particularités du bâti ancien, qui ne sont pas les mêmes que celles des bâtiments édifiés d'après les premières véritables normes établies suite au premier choc pétrolier.

Le bâti ancien représente 30 % du logement en France, et si l'on ne parvient pas à l'adapter à nos nouvelles conditions de vie, la déshérence des centres anciens s'aggravera, incitant encore à construire des logements neufs à leur périphérie, avec les problèmes d'imperméabilisation des sols que cela occasionne.

Sites et cités remarquables de France s'intéresse à ce sujet depuis maintenant plus de dix ans. En partenariat plus récemment avec la banque des territoires, nous avons créé une plateforme « Quartiers anciens, quartiers durables » (et édité un ouvrage sur le même thème). Avec la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) et Maisons paysannes de France et l'École d'architecture de Toulouse, nous sommes cofondateurs du Creba, un centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien.

Notre philosophie à cet égard est de prendre en compte l'intégralité des problèmes dans le bâti ancien. C'est la raison pour laquelle nous avons aussi quelques réserves à l'égard de MaPrimeRénov', qui constitue par ailleurs un bon dispositif. L'engagement public, entre l'État et les collectivités locales, est aujourd'hui considérable dans ce domaine. Il nous a dotés de bons dispositifs, ainsi que de moyens financiers conséquents. Toutefois, MaPrimeRénov' n'aborde qu'une partie du problème. Elle permet de subventionner un projet, par exemple une pompe à chaleur, sans toutefois s'interroger sur son efficacité réelle au regard du reste du bâtiment, si par exemple il constitue une « passoire thermique ».

M. Gilles Alglave, président de Maisons paysannes de France. - La catégorie du « bâti ancien » ne semble plus pouvoir être nommée aujourd'hui : on ne parle plus que de « passoires thermiques ». Pourtant, cette catégorie existe : elle a été définie de façon officielle par la statistique française de l'Insee, qui a retenu la date de 1948.

Avant 1948, l'architecture était profondément écologique. Elle reprenait les notions du développement durable, du local et de l'économie de moyens : elle faisait avec les moyens disponibles et reposait sur la tradition. La maison était le reflet du paysage.

Après 1948, les savoir-faire ont cessé d'être transmis, et les matériaux utilisés ont fondamentalement changé de caractéristiques. Les matériaux d'avant 1948 sont sensibles à l'humidité, qui peut ainsi porter atteinte au bâti : ils sont hygroscopiques, capillaires et surtout perspirants. Après 1948, les matériaux deviennent insensibles à l'humidité. Le bâti moderne est « étanche », et c'est pourquoi il peut être « isolé ». Au contraire, le bâti ancien est ouvert à son environnement.

J'avais envoyé une photographie pour appuyer mon propos. Elle illustrait l'alerte que nous avions souhaité lancer à l'occasion du salon international du patrimoine culturel à Paris, et qui a été fortement relayée et discutée depuis, ce dont nous sommes très contents.

La photographie est projetée.

Elle montre en effet comment le DPE a effacé la valeur patrimoniale du bâti ancien. On y voit une maison patrimoniale connue dans l'Oise (où j'habite), qui est habitée par deux propriétaires. Or, celui de gauche a été séduit par l'appel de l'isolation à 1 euro : la façade a été isolée avec des plaques de polystyrène, revêtues d'un enduit étanche, pour créer (selon la sémantique actuelle) « un logement décent ». À droite, la façade originelle, visible à droite, et faite pour être vue, avec ses assemblages en pans de bois magnifiques et symboliques (représentant des swastikas, etc.) a probablement été considérée comme une « passoire thermique ».

Un problème de regard se pose donc vis-à-vis de ce patrimoine, qui n'est pas nommé. Or, ne pas nommer les choses, c'est nier leur existence.

Bien que ce ne soit pas son objet premier, Maisons paysannes réalise de la formation professionnelle continue pour combler un manque à cet égard en France. Elle est certifiée Qualiopi. Nous formons des architectes, des techniciens, des maçons, etc., ce que ne font pas suffisamment les organismes qui auraient vocation à transmettre cette culture. Des listes d'artisans de confiance nous sont demandées : nous aimerions en connaître davantage.

Il est évident que la partie de la façade qui a été isolée va souffrir. Le pan de bois situé derrière sera altéré, car les circulations d'humidité y seront empêchées. Ces écosystèmes très subtils ne sont pas connus, faute d'avoir été étudiés scientifiquement. Le projet Vatan, lancé par Maisons paysannes, a toutefois établi scientifiquement que les bâtiments d'avant 1948 n'étaient pas des « passoires thermiques ». Bien étudiés, ils relèvent en réalité de la catégorie D, qui est celle des bâtiments réalisés après la première réglementation thermique, créée suite au choc pétrolier de 1973. Depuis, la réglementation thermique s'est rigidifiée : intégrée à une réglementation environnementale (RE) plus générale, elle exige des bilans carbone, etc., et surtout rend le DPE opposable, alors même qu'il n'a pas intégré les subtilités du bâti ancien. C'est en effet mettre « la charrue avant les boeufs », et mettre en péril les façades qui font partie de ce patrimoine commun qu'est le paysage, comme du patrimoine privé des particuliers qui habitent ces maisons. Leur confort est aussi menacé, du fait de l'humidité et des moisissures qui résulteront de la perturbation de ces écosystèmes subtils.

Il est donc temps d'« arrêter la machine », qui va dans le mur. L'opposabilité conduit aussi les particuliers à faire valoir des préjudices devant les tribunaux, encombrant ainsi la justice du simple fait d'un manque de réflexion dans l'application du DPE. Les associations ici réunies demandent donc un moratoire sur cette application, pour prendre le temps d'une vraie réflexion collective.

Nous travaillons avec les scientifiques pour faire entrer la connaissance du bâti ancien dans la modernité. Aucun traité savant sur l'architecture dite « vernaculaire » (ou « petit patrimoine ») n'a été écrit. Les logiques constructives d'alors se transmettaient dans l'oralité. Or, une société fonctionnant avec des normes ne peut plus s'en contenter. C'est pourquoi nous avons travaillé durant 4 ans avec la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), du ministère de la transition écologique, à l'édition de guides de bonnes pratiques sur six techniques de terre crue en France, qui sont aujourd'hui accessibles. L'objectif est d'en tirer des règles professionnelles, susceptibles de fonder des référentiels de formation des maçons de terre. Un label du gouvernement (« projet national terre crue ») existe aujourd'hui sur ce matériau, qui apparaît comme une réponse aux enjeux de la modernité : la rareté des ressources et des agrégats (le sable va devenir aussi rare que l'eau, et génère déjà des trafics) et la disparition annoncée de l'industrie du béton. La terre entre ainsi dans la modernité, alors que l'homme s'en sert depuis 11 000 ans pour construire. Une « ingénierie » existe donc sur le matériau, présent dans le hourdis de toutes les maisons en bâti ancien, sous forme de torchis (dans les maisons en bois), ou de terre (dans les maisons en pierre). Cela rendait possible une réversibilité, qui faisait partie de la logique des anciens. Nous avons ainsi pu sauver à Beauvais une maison du XVe siècle en la démontant brique à brique, car ses briques étaient hourdées à la terre. Aujourd'hui, elles auraient été montées avec un mortier pur et dur, rendant impossible tout retour en arrière. Les logiques constructives anciennes devraient donc constituer pour nous des modèles écologiques.

Au contraire, le bâti ancien est classé en « passoire thermique », et détruit au motif qu'il coûterait trop cher de le restaurer. Le ZAN peut constituer une décision vertueuse, à condition qu'il s'accompagne d'incitations, non pas à détruire l'ancien (comme le font certains promoteurs pour trouver du foncier déjà imperméabilisé), mais à le réutiliser. En aidant les citoyens à comprendre le fonctionnement de leurs maisons, et la manière d'en améliorer les performances, ils peuvent devenir acteurs de ce mouvement.

Ces maisons sont déjà performantes : l'inertie notamment constitue la capacité des matériaux anciens à lutter contre les transferts de chaleur. Elle permet de maintenir la température intérieure à 24 degrés durant au moins 8 heures lorsqu'il fait 40 degrés à l'extérieur. À l'inverse, les matériaux de construction actuels doivent être accompagnés de pompes à chaleur, qui produisent de la chaleur comme du froid, et sont ainsi vouées à fonctionner en permanence. Revenir à des matériaux biosourcés ou géosourcés fait ainsi partie de l'innovation : le passé constitue une source d'inspiration pour l'avenir. Le chaux-chanvre a été évoqué, mais la chaux reste un produit industriel, même s'il est préférable au ciment. Je défends pour ma part l'utilisation de la terre, dont le bilan carbone est meilleur, et qui peut être mélangée à un liant comme le chanvre pour en améliorer les performances ou atténuer l'effet de paroi froide dans les maisons. C'est ce type de solutions qu'il faut populariser, au niveau des professionnels, comme des maîtres d'ouvrage et propriétaires. Ces derniers sont aujourd'hui « poussés au crime » par des démarchages téléphoniques qui les invitent à dégrader leurs logements aux frais de l'État, qui devra ensuite payer aussi les préjudices.

Il est donc temps de se réunir pour produire un diagnostic intelligent, qui tienne compte du magnifique paysage que constitue cette « architecture sans architecte », dont la simplicité et l'authenticité approchaient la perfection, tout en respectant l'écologie. Maisons paysannes continuera à la défendre avec passion.

M. Christophe Blanchard-Dignac, président de la fédération Patrimoine-Environnement. - Comme son nom l'indique, notre fédération cherche à concilier le patrimoine et l'environnement, ce qui fait l'objet de cette audition. Nous vous adresserons dès demain à ce sujet 16 préconisations, issues du travail en commun des 7 grandes associations du patrimoine, de l'association des architectes des bâtiments de France et de l'association des architectes du patrimoine.

Le patrimoine bâti ancien ne se résume pas aux 45 000 monuments historiques, classés ou protégés (auxquels il serait « criminel » d'appliquer le DPE actuel) : il concerne 10 millions de logements en France, qui sont en train d'être sinistrés, car on a procédé à l'envers. Il est extraordinaire que le DPE ait été établi sans même consulter le ministère de la culture, pourtant en charge du patrimoine. Les paysages légués par les générations précédentes, qui font le charme de nos villes moyennes, et permettront la revitalisation des centres-villes, constituent un tel patrimoine, qui a fait la preuve de sa durabilité.

Ce sujet n'est pas technique, mais politique. C'est pourquoi nous vous remercions pour cette audition essentielle. Il faut arrêter ce « train fou » qui entrera dans le mur, et repartir sur de bonnes bases, qui supposent un changement de paradigme. Le bâti ancien requiert une vision globale, comme les architectes ici présents pourront l'expliquer plus savamment que moi. Il faut partir de l'essentiel, pour aller aux outils, et non l'inverse. Le DPE actuel doit donc cesser d'être appliqué au bâti ancien, et être repris sous l'autorité du ministère de la culture, associé bien sûr au ministère de la transition écologique.

On entend souvent dire que la rénovation coûte cher. Si l'on raisonne en termes de bilan écologique, plutôt qu'économique, c'est faux. C'est la rénovation telle qu'elle est réalisée aujourd'hui, à partir de produits industriels, qui constitue une catastrophe écologique. Le « bon plan » environnemental, c'est la rénovation du bâti ancien. Il faut seulement que tout le monde en soit convaincu, et que les diagnostiqueurs, mais aussi les architectes, etc. soient formés à cette fin. J'ai été directeur du budget il y a longtemps. L'argent public est aujourd'hui suffisant. Simplement, il est mal orienté : il encourage ce qui est mauvais, et n'encourage pas ce qui est bon pour la durabilité. Par définition, le bâti ancien dure. Il a même connu plusieurs vies, et nous espérons qu'il en connaîtra d'autres. Si toutefois on l'isole avec du polystyrène par l'extérieur, il ne vivra plus longtemps. L'enjeu est aussi de l'attractivité des territoires, qui constitue une des richesses de la France.

M. Julien Lacaze, président de Sites et monuments. - L'association Sites et monuments a été créée en 1901. Agréée pour la protection de l'environnement, elle est généraliste : elle défend à la fois les paysages, le bâti et le mobilier.

Parmi toutes les menaces que nous rencontrons (la pollution industrielle du paysage par les éoliennes, la dispersion du mobilier, etc.), la plus grave est probablement celle qui touche la rénovation thermique du bâti, car les autres sont réversibles : une éolienne pourra être retirée, le mobilier pourra être regroupé, etc., tandis qu'un bâti mal rénové sera définitivement détruit.

On commence concrètement par retirer sa menuiserie. Nous sommes ainsi en train de perdre nos portes anciennes, qui constituent « l'âme » d'une maison, avec leur diversité régionale. Cela devrait préoccuper tous les ministères. La façade est ensuite noyée, après en avoir supprimé les éléments saillants pour y arrimer des dalles en polystyrène. Enfin, les décors intérieurs sont cachés sous du placoplâtre. Il ne reste finalement rien de patrimonial de cette maison, réduite à un simple gabarit.

Par ailleurs, ces maisons anciennes, ne pouvant pas atteindre les niveaux de performance visés, ne pourront pas être louées et se dégraderont lentement, jusqu'à être détruites par les promoteurs au nom du zéro artificialisation nette, qui demande qu'on reconstruise la ville sur la ville.

L'esprit de système, c'est-à-dire l'idée qu'il faut appliquer un même régime à tous les bâtiments de France, conduit à une nouvelle insalubrité, car les isolations réalisées dans l'urgence font de ces maisons des « cocottes minute ». Lorsque Maisons paysannes de France est consultée, c'est souvent ainsi parce que les maisons ont commencé à dysfonctionner.

Un motif d'espoir vient des réseaux sociaux. En me promenant à Paris, j'ai vu une fenêtre Louis-Philippe abandonnée : j'en ai fait un tweet, qui a rencontré un grand succès. Le grand public est donc sensible à cette question des croisées anciennes. On en trouve d'ailleurs de belles au Sénat.

Le décret en Conseil d'État sur les travaux embarqués, obtenu en 2017 suite à nos travaux, peut aussi rendre optimiste : tous les bâtiments construits en matériaux traditionnels ont été exemptés de l'obligation d'isoler en cas de ravalement important. Ce décret fixe également un critère pour distinguer le bâti ancien du bâti moderne (incluant les bâtiments en béton, ciment, briques industrielles et métal). Le second pourra ainsi se voir appliquer un régime exigeant ; tandis que le premier pourra disposer à la fois d'un diagnostic et d'un régime propres, pour aboutir à des résultats semblables.

Les monuments historiques et les sites protégés doivent ainsi bénéficier d'une autonomie législative : ils doivent être régis par leur propre code, et non par d'autres codes inappropriés, comme cela a été fait dans le cadre de la loi d'accélération des ENR, en renvoyant vers les principes du code de l'énergie d'une manière qui aboutira à la destruction de ce patrimoine.

La notion de « restauration thermique », consistant à remettre les bâtiments dans leur état originel (après généralement de mauvaises rénovations en PVC), doit notamment être appliquée au bâti ancien, plutôt que celle de « rénovation thermique », consistant à casser pour refaire.

L'autonomie législative est compatible avec l'acculturation douce dont parlait le directeur général des patrimoines, c'est-à-dire la prise en compte, par des circulaires, des préoccupations d'autres ministères dans le champ du patrimoine, tout en lui conservant son régime d'autonomie.

M. Christian Laporte, président de l'association des Architectes du patrimoine. - Les architectes sont toujours contents de pouvoir témoigner des difficultés qu'ils rencontrent sur le terrain. Un consensus existe aujourd'hui, on le voit, concernant l'inadaptation du DPE au bâti ancien ou patrimonial, qui doit de fait bénéficier de mesures spécifiques, que je qualifierais pour ma part d'« amélioration énergétique et environnementale », plutôt que de « restauration énergétique ». Le bâti ancien et patrimonial doit même faire l'objet d'une réglementation spécifique, en matière de structure comme de sécurité, sous peine de devoir, comme actuellement, lui appliquer des mesures inadaptées.

Chacun ici convient de la nécessité de l'amélioration énergétique. Seulement, la question de savoir comment l'appliquer au bâti ancien est mal posée, car le bâti patrimonial, par définition durable, est plutôt en lui-même porteur de réponses à cet égard. Il faut absolument sortir de l'idée reçue selon laquelle le bâti patrimonial est une « passoire énergétique ». La plupart du temps, c'est faux, même s'agissant des bâtiments historiques, classés ou inscrits, qui dérogent aujourd'hui au DPE. Malheureusement, leurs propriétaires privés eux aussi nous demandent quand même régulièrement de mise en place du double vitrage dans des menuiseries du XVIIIe siècle ou des châteaux où c'est rigoureusement impossible.

Même dans les monuments historiques, nous sommes soumis à l'obligation de limiter les productions d'énergies émettrices de gaz à effet de serre et de lutter contre le réchauffement climatique. En effet, la sécheresse et la dessiccation des sols engendrent des désordres sur les monuments. L'association mène donc cette réflexion avec le Creba, dont elle est partenaire depuis sa fondation. Malheureusement, il n'est pas suffisamment doté pour porter sur les réseaux des idées en matière d'amélioration énergétique du bâti ancien. Nous participons également à des formations à l'école de Chaillot sur l'amélioration énergétique et environnementale du bâti patrimonial.

Le caractère vertueux de l'intervention sur le bâti ancien est attesté, car elle constitue l'art du geste parcimonieux, sur mesure, et minimaliste. À cet égard, il ne faut pas trop dire non plus que la rénovation ou la transformation du bâti ancien coûte plus cher. Au contraire, une maîtrise d'oeuvre compétente saura cibler les mesures à entreprendre, de manière minimaliste, car l'architecte du patrimoine aime à conserver la matière ancienne.

Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut un DPE spécifique au bâti ancien, mais, en tant que maîtres d'oeuvre, nous insistons aussi sur la qualité du diagnostiqueur. Le diagnostic énergétique d'un bâti ancien ne peut pas être réalisé par Mon Accompagnateur Rénov'.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Certains pharmaciens se sont même improvisés diagnostiqueurs immobiliers.

M. Christian Laporte. - Une pétition à l'encontre du label Mon Accompagnateur Rénov' a même recueilli 10 000 signatures au sein du Conseil national de l'ordre des architectes, soit la signature d'un tiers des architectes de France. Le problème est en effet que ces diagnostiqueurs ne sont pas formés. Ils doivent connaître le bâti ancien, et pour la plupart être architectes, car même « l'architecture sans architecte » peut avoir besoin de maîtres d'oeuvre. La question de la subvention des honoraires de ces diagnostiqueurs doit aussi être posée, pour que la maîtrise d'oeuvre en matière de réhabilitation ne coûte pas trop cher. De même que des incitations fiscales existent pour ces audits énergétiques, de même, le coût de la maîtrise d'oeuvre hautement spécialisée doit être intégré. Le coût d'un DPE est à l'inverse de 120 euros aujourd'hui : ce n'est pas un outil à la hauteur des enjeux.

En amont de l'école de Chaillot, les écoles d'architecture doivent aujourd'hui proposer des cours sur l'art de la réhabilitation, avec pour objectif principal d'apprendre à utiliser tout le potentiel du bâti ancien.

Par ailleurs, le « temps de retour carbone », c'est-à-dire le temps à partir duquel le bâtiment commencera à générer des économies de gaz à effet de serre par rapport aux émissions rendues nécessaires par son amélioration énergétique, n'est pas encore assez pris en compte, ni mesuré. Or, ce temps peut être long, surtout s'agissant des isolations thermiques par l'extérieur, au regard de l'impact carbone des matériaux alors employés.

Enfin, l'isolation thermique par l'extérieur (ITE), généralement considérée comme la solution la plus performante, est incompatible avec le bâti des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et des secteurs sauvegardés. En matière de bâti ancien, elle n'est pas non plus efficace. D'autres moyens d'intervenir doivent donc être trouvés pour lutter contre les gaz à effet de serre, en travaillant notamment sur le chauffage des bâtiments, d'ailleurs très limité s'agissant des monuments historiques.

L'association des architectes du patrimoine souscrit par ailleurs à tout ce qui a déjà été dit au cours de cette table ronde.

M. Raphaël Gastebois, vice-président de l'association Vieilles maisons françaises (VMF). - J'ai moi-même été architecte des bâtiments de France dans un certain nombre de départements.

VMF, créée en 1958 et déclarée d'utilité publique en 1963, n'est pas la plus ancienne association du « G7 patrimoine », mais c'est la plus grande, avec 18 000 membres. Elle bénéficie des agréments ministériels en tant qu'association participant à l'élaboration et à l'analyse de la législation.

Cette association réunit des amateurs du patrimoine, propriétaires ou non, qui s'intéressent au bâti ancien et à la manière de l'habiter et de l'animer. En effet, les 10 millions de logements anciens dont parlait M. Christophe Blanchard-Dignac sont habités, l'habitabilité du bâti ancien constitue une priorité pour les VMF, au même titre que sa transmission. Plusieurs membres ont ainsi rejoint cette association à la suite de leurs parents, qu'ils aient hérité de leur patrimoine, ou simplement apprécié de profiter avec eux des nombreuses visites organisées par les VMF.

Nous avons des délégués dans chaque département, ainsi que des délégués régionaux. Ce réseau privé anime et transmet un patrimoine qui ne pourrait pas être maintenu par la seule puissance publique.

Or, aujourd'hui, les membres des VMF, comme ceux d'autres associations et les propriétaires de bâtiments anciens, ont le sentiment que les diagnostics énergétiques programment leur obsolescence, rendant complexe un entretien autrefois si simple, du fait d'un recours à des techniques, des matériaux et un réseau d'artisans locaux.

Aucun propriétaire de bâti ancien ne pense qu'il doit déroger à la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique par l'amélioration thermique. Toutefois, le rythme de cette amélioration pour le bâti ancien n'est pas celui des DPE. Pour être efficace dans le bâti ancien, il est « urgent de ne pas se précipiter ». Tous les travaux réalisés « à la va-vite » et avec des travaux inadaptés peuvent causer des dégradations irréversibles à un bâti qui a pourtant traversé les siècles. Au cours des visites organisées par les VMF, les habitants du bâti ancien témoignent de la possibilité de vivre très confortablement dans une maison dont l'entrée ou la cage d'escalier sont moins chauffées que le séjour, de sorte que rien n'oblige souvent à changer la porte d'entrée ou l'ensemble des fenêtres (qui représentent rarement plus de 15 % du problème dans les bâtiments anciens), quand un simple rideau isolant peut suffire.

De même, comme l'a rappelé M. Christian Laporte, conserver les matériaux anciens n'est pas du fétichisme, mais du développement durable, de la réutilisation, et une vraie conscience de l'environnement. Ainsi, le double ou le triple vitrage, outre qu'ils limitent la ventilation des locaux, nécessitent, pour fabriquer du verre, de consommer des millions de tonnes de sable.

Si une bonne restauration du bâti ancien (qui suppose en effet une approche globale) peut parfois coûter cher, elle limite ensuite le coût de l'entretien. À l'inverse, une remise en état après des opérations mal réalisées, ou avec des matériaux utilisés à mauvais escient, est réellement très onéreuse. Une fenêtre ancienne peut être restaurée. Mais remplacer une fenêtre en PVC (qui pourra avoir créé des problèmes de mérule dans le bâtiment) par une fenêtre ancienne coûtera beaucoup plus cher.

Les VMF proposent ainsi d'aider les gens à habiter dans l'ancien sans passer par des mesures contre-productives. Les opérations de rénovation de l'habitat ne sont pas l'apanage des promoteurs, et ne se limitent pas aux opérations de type « Malraux patrimoine », dont les travaux ne sont pas toujours judicieux, y compris en matière de politique du logement.

C'est pourquoi nous sommes partie prenante du texte qui vous sera transmis, et qui résulte d'un consensus entre les associations qui travaillent sur le patrimoine et les architectes. Un sénateur nous disait tout à l'heure que nous étions moins efficaces en lobbying que les médecins ou les pharmaciens, mais nous allons devoir progresser, car l'heure est grave.

M. Marc Louail, architecte des bâtiments de France, représentant l'Association nationale des architectes des bâtiments de France. - L'association nationale s'est saisie du sujet de la rénovation thermique du bâti ancien en participant à différents ateliers, notamment avec les organismes certificateurs et les bureaux d'études thermiques chargés des labellisations bâtiment basse consommation (BBC), etc.

La performance énergétique d'un bâtiment résulte d'un « cocktail » complexe, incluant la production de chaleur, le confort thermique d'été, l'enveloppe, la manière dont elle a été construite, les matériaux utilisés et l'énergie requise pour les amener, l'usage, etc. Le DPE a été conçu pour simplifier cette situation, afin de proposer des réponses directement vérifiables et adaptées à la très grande majorité des constructions. Vertueux et pertinent au sein d'un champ ainsi limité, le problème est qu'il est aussi utilisé hors de ce champ.

En premier lieu, il inclut une complexité qui n'est pas toujours maîtrisée par les diagnostiqueurs. Par exemple, le DPE autorise parfaitement le recours à des doubles-fenêtres, qui ne sont cependant jamais proposées. Par ailleurs, les matériaux standardisés et industriels tendent à être privilégiés par rapport à d'autres, tout aussi efficaces, mais moins connus. Une bonne partie de notre travail en rendez-vous consiste ainsi souvent à expliquer que le DPE peut parfaitement être réinterrogé. Il peut être pertinent pour programmer par étapes par exemple des travaux d'isolation des combles, mais peut devenir très invasif dans le cadre de programmations plus ambitieuses, visant des performances réellement élevées.

MaPrimeRénov' et Mon Accompagnement Rénov' conduisent alors à une manière de programmer des travaux qui, non seulement ne répond pas à une approche globale, mais aussi ne leur laisse pas le temps de se réaliser correctement. Les bailleurs sociaux doivent ainsi produire des travaux sur deux à trois ans pour qu'ils soient financés, alors qu'ils rencontrent des problèmes de « logements tiroirs », etc. Les architectes ont au contraire vocation à prendre en compte toutes ces thématiques pour amener de l'intelligence et de l'ingénierie, ce qui prend un temps que le DPE ne laisse pas.

L'Association nationale des architectes des bâtiments de France rejoint ainsi l'ensemble des intervenants précédents pour demander que le temps soit pris pour faire évoluer le DPE afin qu'il soit davantage caractérisé sur le bâti ancien ; pour former aussi les diagnostiqueurs à l'ensemble des composantes du DPE, qui est très riche, mais mal utilisé ; et pour que nous puissions, grâce aux partenariats évoqués par Mme Gatel et M. Arhant, structurer, à l'échelle des territoires, des réseaux d'acteurs aptes à déconstruire les approches parfois trop dogmatiques du DPE.

M. Gabriel de Beauregard, architecte des bâtiments de France, représentant l'Association nationale des architectes des bâtiments de France. - Pourquoi le DPE n'est-il pas adapté au bâti ancien ? J'ai contacté à ce sujet la semaine dernière l'un des trois éditeurs nationaux de logiciels de DPE, qui participe depuis les années 1980 à de nombreux groupes de travail sur la question, et qui constate lui aussi que le calcul actuel de l'inertie dans le DPE n'est pas adapté au bâti ancien. Jusqu'en 2016, l'inertie des maçonneries de pierre n'était pas calculée, car ce calcul était jugé trop complexe. En 2021, un algorithme a été fourni aux éditeurs, mais ils ne savent pas le justifier. Par exemple, pour parvenir avec une maçonnerie de pierres à la performance demandée par la RE2020 pour une cloison de 30 à 40 centimètres, l'algorithme conclut qu'il faudrait des murs de 4 à 6 mètres d'épaisseur. Un problème de calcul est donc manifeste. Ainsi, le bâtiment dans lequel nous nous trouvons n'est pas parfait, mais il assure un confort d'été, ce qui constitue avec le réchauffement climatique l'un des grands enjeux de demain. Dans ce domaine, le plus souvent, l'architecture patrimoniale est extrêmement performante, mais ces performances sont mal calculées par le logiciel.

En revanche, il s'avère que les enduits correcteurs, comme les enduits chaux-chanvre, sont plutôt bien pris en compte dans le calcul du DPE, ce qui constitue une excellente nouvelle. Le diagnostic tient ainsi compte de l'apport en inertie de ces enduits sur des maçonneries de 30 à 40 centimètres. Des leviers existent donc, sur lesquels il faut agir.

La présence de l'eau dans les maçonneries anciennes est un autre sujet très important. Elle dissout les mortiers, mais dégrade aussi les pierres tendres (de schiste, de calcaire, etc.), ce qui dégrade à moyen terme l'ensemble du bâti ancien. C'est pourquoi la respiration des murs est extrêmement importante. Or, c'est précisément ce qu'empêchent les ITE, mais aussi les isolations par l'intérieur (ITI). Seuls des enduits à la terre ou à la chaux permettent cette respiration qui évacue l'eau. Ce faisant, ils prolongent la durée de vie des bâtiments et rendent ainsi possible un retour carbone sur les rénovations. Enfin, ils participent à la valorisation du patrimoine et à l'attractivité du cadre de vie et des territoires, en alimentant les filières artisanales, culturelles et touristiques.

Les enduits à la chaux constituent également des rénovations thermiques, car l'eau est conductrice. Ainsi, vider une maçonnerie de son eau la rend plus performante, ce qui n'est pas nécessairement très coûteux. C'est pourquoi on se brûle en sortant un plat chaud avec un torchon humide, tandis qu'on ne se brûle pas avec un torchon sec.

Privilégier ainsi la réparation à la rénovation constitue la première des sobriétés. 1 kilogramme de matériau mis en oeuvre sur un chantier suppose la consommation de 40 kilogrammes de matière première.

Par ailleurs, il n'y a pas de patrimoine sans artisan. Ce ne sont pas les architectes, ni les associations, qui pourront restaurer un patrimoine, mais bien les artisans. Or, la France a la chance de disposer encore de très grandes filières d'artisans, dont les petites entreprises constituent un patrimoine immatériel très important. Toutefois, la massification de la rénovation thermique peut « écraser » cette filière et la faire disparaître définitivement. Il s'agit donc aussi de sauvegarder cette filière, et l'économie qui l'entoure, et inclut les filières courtes de la pierre, du bois, du sable, etc.

Enfin, de nombreux villages et territoires ruraux sont aujourd'hui attractifs, non seulement pour le tourisme, mais aussi pour l'habitation. Depuis la crise sanitaire notamment, de nombreuses personnes se sont installées dans les villages, parce qu'on s'y sent bien. Le cadre de vie, qui nous touche au quotidien, fait ainsi partie du patrimoine. Il permet le maintien et le renouvellement d'une population en milieu rural. Le télétravail constitue à cet égard un nouveau paradigme pour éviter l'étalement urbain dans les villes.

Sans nous concerter, nous sommes parvenus avec le directeur du patrimoine aux mêmes conclusions. Trois objectifs, qu'il a très bien formulés, peuvent être fixés :

- mieux adapter le DPE, grâce à un algorithme qui prenne en compte les maçonneries anciennes ;

- mieux prendre en compte l'équilibre hydrique des bâtiments, en identifiant par exemple le remplacement d'un enduit au ciment par un enduit à la chaux comme une rénovation thermique (donnant donc droit à la déduction d'une TVA à 5,5 %) ;

- travailler à un socle commun de formation des diagnostiqueurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci à tous pour ces interventions très intéressantes. Nous en tiendrons compte pour établir des préconisations à l'issue de notre rapport. Merci également pour la passion que vous mettez à préserver notre bâti patrimonial.

- Présidence de Mme Sabine Drexler, vice-présidente -

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Merci pour vos interventions, riches et complémentaires. Le message a été bien reçu. Nous avions identifié, lorsque nous avons décidé de mettre en oeuvre cette commission d'enquête sur les enjeux de la rénovation thermique, qu'ils ne se limitaient pas à l'écologie : ils sont sociaux, sanitaires, de patrimoine et de qualité de vie.

La dégradation du patrimoine ancien ne date cependant pas de la rénovation thermique, même si les dispositifs mis en place pourraient l'accélérer. Certains enduits sont aussi enlevés pour rendre apparentes des pierres qui ne sont pas faites pour cela, avec des conséquences également dramatiques.

Étant moi aussi architecte, je mesure l'importance de la formation des architectes à l'appréhension du patrimoine. La commission d'enquête a beaucoup travaillé sur la manière de réutiliser des matériaux biosourcés et de remettre en place des filières locales, ce qui passe aussi par la formation. L'école d'architecture de Grenoble s'est associée à cet égard avec des ingénieurs et des artisans, afin d'identifier les meilleures solutions et les innovations. La commission a aussi pu visiter les grands ateliers de L'Isle-d'Abeau.

M. Gabriel de Beauregard vient d'expliquer comment le DPE pouvait être adapté au bâtiment ancien, pour mieux prendre en compte ses différents types de matériaux. Pensez-vous donc que ce type de démarche doit être maintenue, en l'adaptant et en formant mieux les diagnostiqueurs, ou qu'au contraire il faut revenir à des audits énergétiques beaucoup plus approfondis, afin de définir avec une maîtrise d'oeuvre les travaux à mener pour améliorer les conditions thermiques du bâtiment ? En tout état de cause, les bâtiments anciens ne pourront jamais atteindre les performances visées par les critères actuels du DPE.

M. Gabriel de Beauregard. - Un travail commun sur une démarche « habiter l'ancien en Alsace » a été réalisé par le Cerema, la Dreal et la Drac Franche-Comté-Bourgogne, en adaptant au DPE actuel un « diagramme radar » qui reprenait comme critères pour choisir une rénovation le gain énergétique, le patrimoine et l'architecture, l'absence de risque lié à l'humidité dans les structures, l'élimination de l'effet de paroi froide et le confort d'été. Le DPE a ainsi pu être orienté vers une approche patrimoniale, donc plus sobre et plus respectueuse des structures des équilibres.

Le DPE doit aussi être mieux calculé, afin de prendre en compte plusieurs critères, comme la pérennité des structures, mais aussi la valorisation du patrimoine architectural. M. Gilles Alglave parlait de l'étude Vatan, menée en 2011 par le ministère de la transition écologique. Elle a permis d'accumuler beaucoup de données scientifiques sur les structures anciennes, qui permettraient d'aller en ce sens. De même, le Cerema pilote actuellement le projet Sereine, d'instrumentalisation du bâti ancien pour créer de la donnée. 250 bâtiments anciens sont ainsi instrumentalisés dans le Grand-Ouest.

M. Gilles Alglave. - Le nouveau DPE ne tient pas non plus assez compte de l'usage des bâtiments par les habitants. Dans la catégorie des bâtiments patrimoniaux et anciens, qui sont souvent de grandes surfaces, le fait de tout calculer en fonction du nombre de mètres carrés habitables n'a pas de sens. Dans une grande maison, la température n'est pas partout la même : les « zones tampons », les dépendances, etc. ne sont pas prises en compte dans le DPE. Je vis toute l'année dans une maison ancienne, et c'est un véritable bonheur. Je suis donc agacé d'entendre que je vis dans une « passoire thermique ».

Les anciens étaient beaucoup plus pragmatiques. Au contraire, plus les bâtiments seront automatisés, en substituant par la domotique l'intelligence artificielle à l'intelligence humaine, plus les usagers seront déresponsabilisés. Les mécanismes (comme les volets roulants, etc.) rendent la manière de vivre sa maison plus passive.

Le diagnostic actuel n'est pas du tout adapté au bâti ancien. On peut certes estimer que l'urgence exclut cette adaptation. Cependant, tous les scientifiques s'accordent sur sa nécessité. Le bâti ancien est dynamique, alors que les moteurs de calcul actuels sont statiques.

Des logiciels dynamiques existent cependant, mais ils sont très peu utilisés, car ils nécessitent, pour entrer les données, de prendre un temps (avec des mesures sur l'année, etc.) dont les diagnostiqueurs actuels ne disposent pas, au tarif où ils sont payés.

Il reste aussi possible d'améliorer le logiciel par petites touches, par exemple en y intégrant la mention d'enduits susceptibles d'atténuer l'effet de paroi froide.

M. Gabriel de Beauregard. - Cela existe déjà.

M. Gilles Alglave. - Le problème est que les diagnostiqueurs doivent y être formés. J'en ai vu chercher de l'amiante dans des plafonds en terre à la bourre animale. C'est dire l'ignorance qu'ils peuvent avoir du bâti ancien.

M. Jacky Cruchon. - Le caractère statique du DPE actuel le rend par exemple incapable de prévoir correctement l'inconfort d'été. Il est pourtant crucial de savoir choisir les bons matériaux à cet égard, dans un contexte de multiplication des canicules.

Aucun des plans de sauvegarde ou de valorisation du patrimoine dont disposent les Sites et patrimoines remarquables ne repose sur une étude spécifique du bâti du territoire. Chaque collectivité territoriale devrait pourtant connaître les besoins de son bâti patrimonial, afin de pouvoir y adapter la réglementation, mais aussi leurs incitations financières et celles de l'Anah. En effet, les délégations locales qui attribuent les subventions méconnaissent souvent ces besoins. Le critère unique de la réduction énergétique (dont la nécessité n'est pas en cause) peut ainsi avoir des effets pervers. Dans le sud de la France, certaines collectivités nous indiquent que l'Anah ne peut pas subventionner certaines opérations de restauration d'immeubles (qui permettraient pourtant la production de logements, y compris à loyer modéré, dans les coeurs de ville), parce qu'ils sont classés D et que le gain de 35 % alors exigé par l'Anah n'est pas atteignable. Une approche environnementale est donc nécessaire, mais qui prenne aussi en compte la culture, le social et l'économie.

Nous sommes favorables à un DPE bâti ancien. Aujourd'hui, on subventionne sans réfléchir, par exemple des pompes à chaleur parce qu'elles suffisent à atteindre un bon DPE. De même, on sait financer des fenêtres, une isolation des combles, etc., mais on ne sait pas financer un projet global, supposant des travaux programmés dans le temps.

M. Guirec Arhant. - Derrière la vertu, il y a parfois une part de vice. Il est urgent que les nouveaux outils soient réajustés, car leurs conséquences sont aujourd'hui visibles sur la qualité architecturale, le bien-être en ville, etc., mais aussi sur l'offre de logements, qui tend dangereusement à se tarir. Dans un certain nombre de domaines, notamment chez les bailleurs sociaux, il n'y a ainsi plus de production de logements neufs, alors qu'il n'y a plus d'offre locative non plus. Le parcours résidentiel est ainsi totalement rompu, du moins sur mon territoire (qui n'est pourtant pas considéré en « zone tendue »). Sur le terrain, certains propriétaires me disent qu'ils ne continueront pas à louer leurs logements, car leurs DPE sont catastrophiques et ils n'ont pas de solution pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés.

Le problème ne tient pas à un manque de fonds publics : ils sont en l'occurrence disponibles, mais ils sont mal utilisés.

Je suis, comme d'autres élus, en train d'élaborer un PLUi-H qui tienne compte du ZAN. S'il est souhaitable de renoncer au modèle pavillonnaire, encore ne faut-il pas que d'autres contraintes empêchent aussi de reconstruire la ville sur la ville.

M. Christophe Blanchard-Dignac. - En principe, il faudrait pouvoir faire évoluer le DPE, mais l'enjeu n'est plus celui-là aujourd'hui. Il est désormais d'« arrêter la machine infernale », qui, en qualifiant de « passoires thermiques » un nombre toujours croissant de bâtiments anciens, les rend inlouables et invendables.

Le problème est que cet outil n'a pas été conçu à partir d'une vision globale.

Par ailleurs, le patrimoine et les artisans font face à une économie industrielle du « prêt à isoler » et de la rénovation forcée qui est en place, s'appuie sur des subventions abondantes, et démarche des propriétaires désemparés.

Le moment est donc venu d'intervenir politiquement pour marquer un coup d'arrêt, et éviter un désastre programmé.

Mme Sabine Drexler, présidente. - C'est vraiment le sens de cette commission d'enquête.

Mme Françoise Gatel. - Nous avons eu cet après-midi un discours de vérité, qui n'a aucune hostilité à l'égard des objectifs de développement durable. En France, sans doute par tradition cartésienne, nous avons mis cette exigence sous forme de normes, définissant ainsi comme « passoire thermique » tout bâtiment dont le résultat serait inférieur à une performance. Ce modèle ne peut pas s'adapter aux organismes vivants que constituent les bâtis anciens, dont la performance énergétique l'été est remarquable. Habitant moi-même dans une maison ancienne, j'en occupe certaines pièces en été, et jamais en hiver.

J'entends avec plaisir la réflexion du rapporteur sur la nécessité de transformer le DPE. Toutefois, un modèle assis sur la norme ne pourra pas être transformé en un modèle réellement performant pour atteindre les objectifs visés. Nous n'avons plus non plus le temps de convaincre de la nécessité de transformer le DPE.

Je serais donc plutôt favorable à un moratoire sur le bâti d'avant 1948, afin de prendre le temps de réfléchir. Certains des opérateurs de DPE ne connaissent pas la particularité du bâti ancien et son intelligence de performance thermique propre.

M. Guirec Arhant est maire d'une ville épiscopale, de 2 500 habitants, qui s'engage avec son agglomération pour faire revenir des habitants dans le centre-ville. Si les logements anciens y restent inhabités, ce sont aussi les commerces de centre-ville, et la vitalité même des communes, qui disparaîtront. Ce sont aussi des millions de personnes que l'on ne saura pas reloger.

Il faut donc accepter de ne pas pouvoir attendre la même performance énergétique d'un bâtiment des années 1980 et d'un bâtiment ancien, où l'on ne vit cependant pas de la même manière : on n'y sera jamais en T-shirt un 24 décembre. Il en va vraiment de la qualité du bâti, de l'aménagement du territoire et de la capacité à loger les gens dans les centres-villes.

Tâchons donc de raisonner en écosystèmes, et donnons-nous le temps d'un moratoire, pour construire des outils adéquats avec les « hommes de l'oeuvre », qui savent par exemple qu'installer du PVC dans un bâti ancien le détruit.

M. Franck Montaugé. - Cette proposition d'un moratoire devra être bien argumentée pour être comprise par tous.

La notion de « temps de retour carbone » renvoie à une méthode d'évaluation dite « analyse en cycle de vie », qui examine rétrospectivement le fonctionnement d'un bâtiment et de ses matériaux. Il serait intéressant de comparer les résultats ainsi obtenus sur du bâti ancien ou patrimonial, et sur du patrimoine contemporain. Cela pourrait servir à valoriser le bâti ancien, et notamment ses caractéristiques de durabilité. Peut-être certains cabinets ont-ils déjà fait cet exercice.

Je m'interroge également sur la prise en compte de la notion de valeur patrimoniale au regard de la question des émissions carbone. S'il était établi que le bilan carbone du bâti ancien est supérieur à celui du bâti contemporain, ne faudrait-il pas, au nom du bien commun (patrimonial, historique et architectural) créer, comme pour les émissions de CO2 par les entreprises, un marché permettant de compenser ce bilan carbone excédentaire ? Cela aurait aussi pour mérite de mettre en avant ce bien commun auprès des Français, qui l'ont en partage au sein de la République, même s'ils n'en sont pas directement les utilisateurs.

M. Julien Lacaze. - Le DPE sur facture, dont on s'est beaucoup moqué, était en fait assez intelligent et subtil, puisqu'il tenait compte de l'usage. C'est donc peut-être une des meilleures manières d'appréhender le bâti ancien, dont on n'occupe pas toutes les pièces.

Dans le cadre d'un moratoire, on pourrait ainsi rétablir cette méthode sur facture, le temps d'avoir modélisé de manière plus approfondie le fonctionnement du bâti ancien. Cela éviterait de ne rien faire durant cette période, même si certains DPE resteraient vierges, faute de facture disponible.

M. Raphaël Gastebois. - Le problème est qu'aujourd'hui le bâti ancien est frappé d'indignité, ce qui constitue une escroquerie intellectuelle. À cet égard, une rupture serait nécessaire pour retrouver une forme de confiance, ce que pourrait apporter un moratoire.

En effet, il nous paraît aujourd'hui inconcevable de discuter avec des personnes qui, en habits verts, sont exactement les mêmes que ceux qui, dans les années 1930, voulaient tout raser au nom de l'hygiénisme, ou qui, établissant des plans de résorption de l'habitat insalubre, disaient à l'époque du Carré Beaubourg que tout quartier comprenant 10 % de logements insalubres devait être rasé intégralement.

Il faudrait plutôt retrouver l'élan des secteurs sauvegardés. Les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ont constitué une vraie action forte pour mettre en place, de manière fine et globale, bâtiment par bâtiment, un diagnostic précis et des réponses adaptées aux besoins de logement et d'urbanisme.

Une mesure culturelle et patrimoniale forte doit de même être trouvée aujourd'hui pour rompre avec une réponse inadaptée. S'agissant du bâti d'avant 1948, l'amélioration supposerait ainsi de repartir d'une page blanche.

M. Christian Laporte. - Je souscris à ce qui vient d'être dit. Le DPE n'ayant pas été conçu en fonction du bâti ancien, mieux vaut repartir d'une page blanche que chercher à l'améliorer. Il est urgent de prendre le temps. Des outils appropriés au bâti ancien peuvent être trouvés. La consommation sur facture pourrait être l'un d'eux.

L'expression même de « diagnostic de performance énergétique », appliquée au bâti ancien, constitue déjà un « pied de nez ». Nous réfléchissons pour notre part depuis des années à « l'amélioration énergétique » de tous les bâtis. De même que l'on part, pour les monuments, de véritables diagnostics, de même, pour le bâti patrimonial, il faudrait pouvoir poser un diagnostic énergétique d'usage incontestable et légitime, auquel il faudrait trouver un autre nom, et qui soit utilisable par les usagers, locataires comme propriétaires.

Le patrimoine est l'un des aspects les plus appréciés de la France. Il ne faudrait pas, sous la pression des lobbys, tomber dans le piège de sa stigmatisation.

Un moratoire à l'application du DPE au bâti d'avant 1948 doit donc s'appliquer dès demain. Les arguments en sa faveur seront faciles à trouver, car la durabilité d'un bâti ancien n'est plus à démontrer : il est là depuis des siècles, alors que les bâtiments modernes n'obéissent qu'à une garantie décennale.

M. Gabriel de Beauregard. - L'éditeur de logiciel que j'ai contacté m'a lui aussi dit que, pour trouver une mesure la plus juste possible pour le bâti ancien, il faudrait revenir à la mesure sur facture. Elle aurait l'avantage d'inciter à faire des économies, non seulement sur les systèmes, mais aussi sur les écogestes, qui sont extrêmement importants dans le bâti ancien.

Des outils de gestion thermique existent déjà dans le domaine du patrimoine. L'ABF d'Angers a ainsi réalisé, avec un thermicien d'Architectes du patrimoine, 10 études de cas thermiques à l'échelle des 200 hectares du centre-ville d'Angers, conduisant à 10 préconisations d'amélioration (selon 3 axes d'action sur l'architecture, sur les systèmes et sur les écogestes, avec un principe de chiffrage des émissions de gaz à effet de serre), qui ont été déclinées dans le document d'urbanisme. Cette étude n'a coûté que 45 000 euros, qui étaient financés à 50 % par l'État. Elle a été menée avec l'aide des services de différents ministères, de l'Anah, etc.

Mme Sabine Drexler, présidente. - Pensez-vous qu'il faudrait étendre aux communes de plus de 20 000 habitants ou aux travaux réalisés en intérieur le champ d'application du label de la Fondation du patrimoine, qui est aujourd'hui décerné aux propriétaires de bâtiments patrimoniaux non protégés dans les communes rurales et les communes de moins de 20 000 habitants, et qui ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 50 % du coût des travaux s'agissant des opérations restituant l'authenticité architecturale d'une bâtisse visible depuis la voie publique ?

M. Jean-François Hebert. - Le ministère de la culture soutient cette demande de la Fondation du patrimoine. Il serait notamment intéressant que les travaux réalisés à l'intérieur (pour l'isolation des combles, ou des façades internes) soient pris en compte.

Mme Sabine Drexler, présidente. - Cela permettrait d'épargner les façades extérieures.

M. Julien Lacaze. - Cela permettrait aussi de préserver les décors intérieurs, car la Fondation du patrimoine octroierait cette subvention à des isolations respectueuses de ces décors, dans une logique proche de celle des PSMV. Le patrimoine ne se résume pas seulement à la façade. Il inclut également l'intérieur.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Le travail considérable qui a été engagé, au-delà du seul bâti d'avant 1948, n'est pas hygiéniste, mais traite un véritable enjeu sanitaire et environnemental, certaines familles vivant dans des situations où elles n'ont plus les moyens de payer leurs factures de chauffage.

Pour le bâti ancien, des solutions plus « sur mesure » doivent être trouvées. Nous réfléchissons également à la manière de tirer parti des spécificités locales, en s'appuyant sur les collectivités locales. Des plateformes de rénovation thermique existent déjà dans de nombreuses intercommunalités, mais il faudrait que chacune d'elles en ait au moins une, qui prévoie de l'ingénierie et surtout un accompagnement humain. Ces solutions locales présentent l'avantage d'être davantage adaptées aux spécificités locales du bâti.

J'ai participé récemment à une opération de rénovation d'un centre-ville ancien, dans une petite ville classique. 20 % des logements n'étaient pas occupés, souvent parce qu'ils n'avaient pas été rénovés, et le reste des logements étaient classés en passoires thermiques. Or, les travaux étaient à l'évidence difficiles à mener. L'isolation par l'extérieur était exclue. Il n'était guère possible d'agir que sur les menuiseries, les combles, la ventilation et le chauffage. Dans ce type de situations, sans espérer des performances exceptionnelles, un travail par quartier semble pertinent pour améliorer à la fois l'aspect et le confort thermique des bâtiments, afin de les rendre utilisables. Des exonérations doivent alors être trouvées à l'échelle locale.

M. Gilles Alglave. - Maisons paysannes a signé une convention avec la région Hauts-de-France, qui a mis en oeuvre une dynamique pour que soit pris en compte le patrimoine rural (habitable ou non, en incluant les dépendances, etc.) dans les 5 départements. Chaque année, des lignes budgétaires importantes sont attribuées à des propriétaires privés ou publics, pour les inciter à restaurer sous la supervision de Maisons paysannes, qui instruit les dossiers et rend son avis sur les devis. Cela lui permet d'entrer en contact avec des entreprises, pour éventuellement les accompagner vers des programmes de travaux auxquelles elles n'auraient pas pensé. Les propriétaires bénéficient ainsi finalement d'aides et du label de la Fondation du patrimoine.

Les collectivités territoriales ont ainsi un rôle très important à jouer pour financer cette Fondation très efficace. Elles ont compris que le patrimoine ne relevait pas seulement de la nostalgie, mais qu'il était porteur d'activité économique, d'attractivité, d'insertion et de métiers qui méritent d'être mis en valeur. Un baccalauréat « restauration du bâti ancien », auquel Maisons paysannes avait contribué, existe depuis 2006. Toutefois, seuls 27 établissements en France (3 % des établissements) proposent une terminale préparant à ce type de baccalauréat. Cela montre bien le problème français vis-à-vis du travail manuel. Les métiers du BTP constituent des métiers de relégation pour la plupart des jeunes. Toutefois, les métiers d'autrefois que nous mettons en avant sont des métiers d'experts, qui sont d'ailleurs devenus dans le vocabulaire des métiers « d'art », tandis que les métiers d'aujourd'hui (« façadier », « fenêtrier », etc.) ne sont pas des métiers : les fenêtriers se contentent de poser des fenêtres, souvent très mal.

La plupart des élus ignorent également qu'ils peuvent créer des offices publics de l'habitat avec des volets patrimoine. La communauté de communes de Picardie dispose d'un tel OPH avec un volet patrimoine, ce qui nous permet d'éduquer les habitants à mieux considérer le bâti traditionnel en terre et en bois, jusque-là réputés constituer un matériau « de pauvre », et peu solide.

Des synergies peuvent aussi être trouvées avec les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui proposent du conseil journalier auprès des communes, mais aussi des jeunes scolaires, etc., et sont présents sur tout le territoire.

L'urgence environnementale dans laquelle nous sommes peut ainsi constituer une opportunité pour créer des dynamiques vertueuses. Pour l'instant, elle a plutôt créé des effets pervers imprévus.

M. Julien Lacaze. - S'appuyer sur les collectivités est intéressant, car elles auront généralement à coeur de protéger le patrimoine dont elles ont la responsabilité. Un PLU et surtout un « site patrimonial remarquable » peuvent être très utiles pour protéger finement le patrimoine, en empêchant l'isolation vers l'extérieur, voire en repérant les dernières portes anciennes à protéger dans le PLU.

Mme Sabine Drexler, présidente. - À cet égard, le bâti de nos petits villages et hameaux n'est souvent pas protégé. Ne faudrait-il pas en rendre l'identification obligatoire, afin qu'il soit suivi, et qu'une intervention soit possible en cas de publication d'un permis de démolir ?

Jean-François Hebert. - Le PLU rend obligatoire la protection de l'environnement, mais pas celle du patrimoine. Cependant, les élus peuvent déjà, s'ils le souhaitent, inclure au PLU une protection particulière du patrimoine. Simplement, ils ne se saisissent pas suffisamment de cette opportunité, qui n'est peut-être pas suffisamment connue.

Une modification législative pourrait également rendre obligatoire la prise en compte du patrimoine. Le ministère de la culture y réfléchit.

Mme Sabine Drexler, présidente. - L'État pourrait aussi inciter à identifier le patrimoine à protéger.

M. Julien Lacaze. - L'inventaire général du patrimoine qui concerne les richesses artistiques de la France, qu'on appelle aussi l'inventaire Malraux, est presque le seul sujet patrimonial à avoir été décentralisé. Malheureusement, les régions ne pensent jamais à inventorier les portes ou les croisées anciennes, qui sont en train de disparaître, avec toutes leurs spécificités régionales : ils travaillent sur l'architecture influencée par l'Orient, sur les oeuvres des architectes femmes, etc., autant de thèmes très intéressants, mais qui ne présentent pas d'urgence particulière. Or, l'État ne semble pas avoir les moyens d'orienter la politique de l'inventaire.

Un membre du jury de notre prix du second oeuvre, Arnaud Tiercelin, doit ainsi prendre sur ses week-ends pour faire des relevés des croisées du XVIIe et du XVIIIe siècle, qui sont en train de disparaître.

Il faudrait au moins que les ABF puissent conserver des modèles des dernières portes anciennes, afin de pouvoir les recréer à l'avenir, en remplacement des blocs-portes en PVC actuels.

Jean-François Hebert. - Cette compétence a en effet été transférée aux régions. C'est donc aux élus qu'il faut s'adresser.

M. Julien Lacaze. - Il est impossible de s'adresser à chaque région une par une.

M. Christophe Blanchard-Dignac. - Pour les élections présidentielles, nous avions préparé un « manifeste pour la protection du patrimoine », qui évoquait cette question d'inventaire. Il demandait également l'inscription dans la constitution de la défense du patrimoine, qui constitue en effet un bien commun. Un « référé protection du patrimoine » devrait aussi pouvoir être produit pour éviter qu'une maison non protégée soit détruite sans qu'on ait le temps de réagir. Malheureusement, de nombreuses dispositions ont plutôt été dans le sens d'une moindre protection juridique du patrimoine ces dernières années.

Ce patrimoine constitue l'attractivité de notre territoire, mais aussi les logements de demain. Nos centres-villes sont en passe de devenir des musées sans visiteurs. Le patrimoine ancien non protégé représente 10 millions de logements. Pour avoir travaillé au ministère des finances, je sais faire des calculs, et je peux aussi assurer que ce patrimoine ancien constitue un investissement très rentable pour l'environnement, car il est durable.

M. Gilles Alglave. - Plutôt que de laisser aux collectivités la liberté de réaliser l'inventaire des bâtiments patrimoniaux remarquables dans le cadre des PLUi, il faudrait le rendre obligatoire. Dans certains cas, les élus ne disposent pas de la culture suffisante pour faire de cet inventaire une priorité. Or, une fois les décisions prises dans le PLU, qui est lui aussi opposable, il n'est plus possible d'agir. Si les bonnes décisions sont prises, il sera à l'inverse possible de s'opposer aux destructions, de mettre en place une synergie, un accompagnement, etc. Là aussi, les politiques peuvent faire évoluer cet outil pour le rendre beaucoup plus efficace.

De même, un volet patrimoine pourrait être rendu obligatoire pour les OPH de tous les territoires ruraux, afin qu'ils travaillent avec un cahier des charges plus exigeant concernant le patrimoine.

Mme Sabine Drexler, présidente. - Merci pour ces échanges passionnants.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 30.