Mardi 20 juin 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Projet de loi relatif à l'industrie verte - Examen des amendements aux articles délégués

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons cet après-midi les amendements de séance déposés sur les articles du projet de loi relatif à l'industrie verte dont l'examen nous a été délégué au fond par la commission des affaires économiques. M. Jean-Yves Roux est le rapporteur de notre commission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Titre II : Enjeux environnementaux de la commande publique

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  126.

Article 12

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  39.

Après l'article 12

La commission demande l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos  167 rectifié, 182 rectifié bis, 373 rectifié et  388 rectifié.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  331 rectifié, de même que sur les amendements nos  330 rectifié et  329 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  42.

Après l'article 14

L'amendement n°  98 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission donne les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 12

Mme PAOLI-GAGIN

39

Défavorable

Article additionnel après l'article 12

Auteur

Avis de la commission

Mme GOSSELIN

167 rect.

Avis du Gouvernement

Mme HAVET

182 rect. ter

Avis du Gouvernement

Mme Nathalie DELATTRE

373 rect. bis

Avis du Gouvernement

M. CARDON

388 rect.

Avis du Gouvernement

Le Gouvernement

331 rect.

Sagesse

Le Gouvernement

330 rect.

Sagesse

Le Gouvernement

329 rect.

Sagesse

Mme PAOLI-GAGIN

42

Défavorable

Article additionnel après l'article 14

Mme JASMIN

98

Irrecevable au titre de l'article 45
de la Constitution

La réunion est close à 14 h 05.

Mercredi 21 juin 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 10 h 00.

Audition de Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, sur son rapport d'activité pour 2022

M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons le plaisir de recevoir Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Madame la contrôleure générale, vous venez régulièrement devant la commission des lois nous présenter votre rapport qui participe utilement au suivi régulier de la situation dans les lieux de privation de la liberté qu'effectuent les membres de cette commission. Nous réalisons tout au long de l'année des visites et déplacements. Le dernier en date fut effectué il y a quelques mois au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, après ceux de Baie-Mahault, en Guadeloupe, et de Ducos, en Martinique.

Chaque année au moment de le la discussion de la loi de finances mais aussi tout au long de l'année, nous sommes amenés à nous pencher sur la question des conditions matérielles des lieux de privation de liberté et à évoquer la surpopulation carcérale récurrente - le centre pénitentiaire de Gradignan en est un exemple édifiant -, ainsi que l'efficacité de la réponse pénale. Il y a un débat sur l'augmentation des places dans les lieux privatifs de liberté, à laquelle on oppose parfois l'idée d'une nécessaire régulation carcérale... Le sujet provoque bien des injonctions paradoxales.

Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. - André Ferragne et moi sommes toujours émus de partager notre expérience avec la Haute Assemblée. Toutes nos observations sont rendues publiques après une phase contradictoire avec les autorités de tutelle et les ministres concernés, même si celles-ci nous laissent parfois sans réponse. À cet égard, nous attendons actuellement une réponse du ministre de l'intérieur à nos recommandations urgentes portant sur les centres de rétention administrative (CRA).

Chaque fois que j'entre dans une prison, je pense avoir touché le fond, mais celui-ci se dérobe toujours sous nos pieds. J'ai conscience qu'il est possible d'opposer surpopulation carcérale, ouverture de places supplémentaires en prison et laxisme de la justice. Nous sommes en effet soumis à de nombreuses injonctions contradictoires.

L'an dernier, je me suis rendue, comme vous, au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. Vous avez pu constater l'état de cette prison. J'y ai rencontré des surveillants qui m'ont dit qu'ils refuseraient d'entrer dans les cellules s'ils étaient détenus. Je leur ai répondu qu'un tel refus entrainait, pour les détenus, un compte rendu d'incident, puis un passage au prétoire puis au « mitard ». Ils m'ont indiqué qu'ils travaillent dans une détresse absolue.

Au centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy, j'ai vu une prise électrique sortir d'un mur et une multiprise y était branchée, surchargée de câbles. Le risque d'incident grave, d'incendie, y est réel. Bien entendu, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté veille à prendre en compte aussi bien la sécurité des détenus que celle des équipes pénitentiaires, dont la vie en prison est également très difficile.

Des recommandations en urgence seront prochainement publiées à propos du centre pénitentiaire de Perpignan. Alors que j'entrais dans une cellule, les détenus m'ont invitée à m'asseoir avant de se reprendre, car il y avait des punaises de lit. Ils m'ont montré leurs bras parsemés de piqûres. Les surveillants abondèrent dans leur sens et m'expliquèrent qu'ils ne ramènent jamais chez eux les vêtements portés au travail ; ils se changent sur leur perron et enferment les vêtements dans des sacs en plastique qu'ils laissent ensuite trois jours au congélateur.

Peut-on continuer de la sorte ? Je ne le crois pas.

D'ailleurs, avec une quarantaine d'organisations, d'associations, de syndicats pénitentiaires, de magistrats, d'avocats, nous avons indiqué que cette situation ne pouvait pas perdurer. Les solutions sont multiples, mais nous sommes arrivés à un consensus qui nous réunit tous, exception faite de deux organisations, portant sur une forme de régulation carcérale. Celle-ci n'a pas encore de forme définie, mais j'ai vu les amendements déposés devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, et je connais le numerus clausus prôné par Dominique Raimbourg et Jean-René Lecerf. Je pense qu'il faudra adopter ce numerus clausus, bien que le garde des Sceaux ait écarté cette solution en déclarant devant les sénateurs socialistes, puis devant la commission des lois, qu'il faudrait alors « assumer devant l'opinion publique de libérer 12 000 à 13 000 détenus ». Cette réponse est regrettable, car elle est simpliste. Il n'agit pas de libérer 12 000 détenus, un chiffre avancé pour faire peur ; les mécanismes proposés sont bien plus subtils. Peut-être pouvons-nous également prendre le temps de trouver des solutions pour juguler les entrées et favoriser les sorties sous conditions, sous contrôle d'un juge de l'application des peines (JAP) et des services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip).

Actuellement, la prison devient un immense asile psychiatrique « à ciel fermé ». Près de 30 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques graves, poussant les surveillants et les codétenus à tenir le rôle d'infirmiers psychiatriques, ce qu'ils ne sont pas. Des détenus témoignent s'être heurtés, la nuit, au corps pendu d'un codétenu, ou avoir été contraints de partager leur cellule avec des codétenus qui poussent des cris toute la journée et qu'ils finissent par mettre dehors. Ils ont honte de leur réaction.

L'article 707 du code de procédure pénale prévoit que les détenus doivent mener en prison une vie la plus proche possible de celle de la société, afin de mener dehors une vie réinsérée, responsable et exempte d'infraction. Or il est bafoué en permanence, au quotidien, dans les maisons d'arrêt.

Une solution doit être trouvée, et il serait bon que nous la trouvions tous ensemble. J'espère donc que vous vous montrerez sensibles aux arguments que je développe au fil de mes visites.

La situation actuelle est d'autant plus regrettable que la prison pourrait ne pas être un temps mort, ne pas être cet endroit où l'on passe 21 heures sur 24 en cellule, enfermés à trois dans une cellule offrant moins d'un mètre carré d'espace vital par personne - je rappelle que la norme européenne est de trois mètres carrés par personne. Vous et moi avons fait ce constat, qui ne nous remplit pas de fierté. J'ai visité des prisons en Allemagne, où les détenus ont des cellules individuelles et 70 % d'entre eux travaillent, contre 28 % en France. L'Allemagne et les Pays-Bas comptent huit peines de travail d'intérêt général pour deux peines de prison ferme ; la proportion est inverse en France. Pourquoi cet échec ? Pourquoi ne pas reposer les termes du débat plus calmement, plus intelligemment, afin de faire du passage en prison un moment d'apprentissage ?

Lorsque j'assistais aux audiences, j'ai entendu des détenus parler avec enthousiasme de recettes de cuisine, et affirmer vouloir devenir boulangers ou pâtissiers après leur sortie de prison. J'ai aussi assisté en prison à des concours d'éloquence, qui sont des moments merveilleux. Entre 11 % et 12 % des détenus sont illettrés : pourquoi ne pas leur apprendre à lire et écrire ? À cause de la surpopulation carcérale, personne n'a accès à rien, car tout est contraint par le temps. L'accès aux soins est également contraint : les détenus n'ont pas les mêmes pronostics de guérison que dehors et certains meurent en prison. Les avocats vont s'emparer de ce contentieux et de cette mise en danger de la vie des surveillants et des détenus. Les médecins parlent de décompensation psychique de la part aussi bien des détenus que des surveillants.

Demain, nous publierons en urgence des recommandations concernant quatre CRA : Sète, Metz, Lyon 2, Le Mesnil-Amelot. Je me suis personnellement rendue à Sète et à Lyon, et je tiens à partager une anecdote qui m'a beaucoup marquée. Sur les murs des chambres de mise à l'isolement, pour la première fois de ma vie, j'ai vu dessinées des croix gammées en excréments, que personne n'avait nettoyées. Le chef de zone semblait très surpris par ces dessins sur les murs, cause sans doute de l'odeur pestilentielle qui régnait. Il s'agissait d'une chambre d'isolement dans laquelle on place notamment les personnes qui doivent « se calmer ». Comment pourraient-elles se calmer dans ces conditions ?

Les CRA sont confiés à la garde des policiers et comportent des « zones de vie », sans surveillance. Le métier des policiers consiste à élucider les délits, à maintenir l'ordre, et non à monter la garde. Le ministre de l'intérieur m'a reprise à ce sujet, mais les syndicalistes d'Alliance abondent dans mon sens. Les policiers redoutent les retenus, les retenus redoutent les policiers : il en résulte une ambiance explosive au sein des CRA. Les policiers entrent le moins possible dans les zones de vie, ce qui explique qu'il revient aux anciens retenus de prendre en charge les nouveaux arrivants, laissés seuls sur le seuil avec leurs affaires. Les portes des chambres sont ouvertes, les intrusions nocturnes sont fréquentes et la loi du plus fort règne.

La rétention administrative coûte très cher aux finances publiques : 690 euros par jour et par retenu, selon la Cour des comptes. Nous n'avons pas obtenu le détail de ce calcul mais la Cour nous a confirmé son exactitude. Je rappelle que la rétention est prévue pour durer le temps strictement nécessaire à l'éloignement. Le ministère de l'intérieur ne publie plus les chiffres des obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées, afin de cacher le ratio entre le nombre d'OQTF et celui d'éloignements réalisés. Ce ratio frôle les 10 % et de plus en plus d'anciens détenus sont placés en CRA, ce qui renforce la peur des policiers et la dégradation de l'ambiance. Des détenus se sont déjà agrippés à moi, me demandant de les renvoyer en prison. Pourquoi le processus d'éloignement n'est-il pas enclenché lorsque les personnes se trouvent en prison, pour éviter le passage par le CRA ? L'angoisse est terrible pour elles, qui se demandent si elles vont être renvoyées dans leur pays.

Les jeunes, anciens mineurs non accompagnés (MNA), se voient conseiller de ne pas communiquer leur pays d'origine, de déchirer leurs papiers. À Sète, nous avons rencontré un jeune de 19 ans, qui sanglotait toute la journée, car il souhaitait rentrer en Tunisie. Or ce pays accepte rarement ses ressortissants et aucun papier n'attestait de sa nationalité. Son père était en train de mourir là-bas, et lui pleurait ici.

La visite du CRA de Lyon 2 a marqué une première ; ce fut la première fois que je fus amenée à rédiger deux signalements en une seule visite. Dans cette ville, les hospices civils ont abandonné la convention signée avec le CRA et la santé des retenus est désormais confiée au secteur privé. Un médecin se rend au centre deux après-midis par semaine seulement, alors même que les détenus sont dans des états physique et psychique délicats. Surtout, des infirmières distribuent sans compter du Lyrica, un médicament visant à soigner les neuropathies douloureuses et les crises d'épilepsie. Le personnel le distribuait à 60 % des détenus, qui sont en majorité des hommes jeunes et donc peu concernés par ce type de pathologies. Dans les faits, ce calmant puissant se revend 8 euros le comprimé au sein du CRA. Sans parler du trafic de shit.

Cette visite nous a également permis de constater l'utilisation d'objets de contention, qui est parfaitement illégale. Les policiers nous exposaient aussi leurs difficultés à accompagner les détenus à leurs audiences devant les juges des libertés et de la détention (JLD). Des bureaux ont été construits à la place d'anciennes toilettes, ce qui en dit long sur la surface disponible.

Cette politique d'allers-retours entre prison et CRA est assumée par le Gouvernement, mais participe à la surpopulation carcérale. À Seysses, environ 500 détenus vivent ce balancier, auquel les surveillants ont d'ailleurs donné un nom : le « phénomène des portes tournantes ». Expulser une personne lorsqu'elle se trouve en prison nous paraît plus rationnel et nous éviterait d'avoir à construire autant de centres de rétention. Quel est le ratio entre leur coût et leur utilité ? Des économies peuvent sans doute être faites sur ce point. En prison, un détenu coûte 110 euros par jour aux finances publiques, mais ce montant n'inclut pas le coût de la récidive. Un détenu a très spirituellement résumé ainsi la problématique dans une lettre qu'il m'a adressée : « ça fait un peu cher pour fabriquer de la récidive. »

M. Alain Marc. - Lors des auditions organisées dans le cadre de l'examen des crédits de l'administration pénitentiaire, j'ai déjà eu l'occasion de vous rejoindre sur l'effet délétère du manque d'évaluation. Votre constat s'accorde avec celui des rapports du Sénat sur le sujet : manque d'évaluation des centres éducatifs fermés (CEF) et des courtes peines. Ces lacunes portent en elles le risque de solutions inadaptées, inefficaces et coûteuses. J'ai visité le CEF en Aveyron, dont vous m'avez dit qu'il s'agit du meilleur de France.

Mme Dominique Simonnot.  - Qu'en avez-vous pensé ?

M. Alain Marc. - Je l'ai trouvé très bien. Il compte 12 mineurs, 24 éducateurs, et tout semble bien se passer.

Sans évaluation, il est impossible de distinguer les réussites des échecs, et l'on s'appuie alors sur la chance et le tâtonnement pour prendre des décisions. À votre connaissance, aucun mécanisme d'évaluation n'est prévu dans ce domaine. La France est l'un des rares pays où les politiques publiques ne sont pas évaluées en continu. Comment améliorer la situation, dans ces conditions ?

Je souhaite rebondir sur la baisse du nombre de détenus pendant la crise de la covid. Vous affirmez que cette dernière n'a posé aucun problème, mais la situation a été diversement appréciée par les populations locales. Les retours en incarcération pour réitération ou récidive ont d'ailleurs été nombreux. Plus encore qu'une régulation carcérale, ne faut-il pas développer les Spip, en appui du magistrat pour le prononcé de la peine, afin d'éviter les détentions provisoires et les courtes peines de prison, et en appui des condamnés pour leur réinsertion ou l'aménagement de leur peine ?

Enfin, je souhaite avoir votre point de vue sur l'importante réforme de l'administration pénitentiaire en cours, qui fait passer les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la catégorie C à la catégorie B, et les agents du corps de commandement de la catégorie B à la catégorie A. En parallèle, la loi prévoit des mécanismes visant à favoriser les recrutements, notamment par la création de surveillants adjoints. Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'administration pénitentiaire, sachant que le recrutement de surveillants est difficile et que l'admission se fait à un niveau extrêmement bas, alors même que ces professionnels doivent par la suite rédiger des rapports ?

M. Patrick Kanner. - Merci, madame la contrôleure générale, pour votre propos introductif. Je souhaite revenir sur votre analyse concernant les CRA. Il y a deux mois, j'ai eu l'occasion de visiter le CRA de Lesquin, au sud de Lille. J'ai été choqué par l'évolution de ce lieu que j'avais déjà visité il y a quelques années. Il accueillait alors des familles dans un climat assez humaniste ; aujourd'hui, il n'accueille que des hommes - 96  -, sortis de prison pour la plupart, suivant ainsi une décision du ministère de l'intérieur. Je me suis entretenu discrètement avec des policiers, qui ont exprimé leur inquiétude face au climat d'insécurité. De plus, les conditions d'accueil s'y sont nettement dégradées sur le plan physique. Enfin, j'ai appris que ce CRA présentait désormais trois « chambres terro » et que, en l'absence d'exécution des OQTF, ces retenus condamnés pour des actes à caractère terroriste étaient libérés, certes avec un contrôle judiciaire, mais libérés tout de même. Lors de ma visite, deux Afghans étaient ainsi sur le point de renouer avec leur vie quelques semaines plus tard.

Quel est votre ressenti concernant cette évolution, que je juge très négative et qui prouve que les CRA sont aujourd'hui devenus des lieux particulièrement anxiogènes, porteurs de nouvelles problématiques pour les territoires concernés ?

Mme Brigitte Lherbier. - Madame Simonnot, les cas de détresse en prison que vous exposez nous touchent, bien entendu. Toutefois, je souhaiterais connaître vos préconisations au sujet des situations psychiatriques. Des hôpitaux psychiatriques ont fermé ; souhaitez-vous qu'ils soient rouverts ?

Vous détaillez également les mesures qui, selon vous, doivent être appliquées en prison pour éviter au détenu un passage en CRA. Ces mesures constituaient déjà une recommandation prioritaire de la commission des lois à l'issue d'une visite de CRA effectuée il y a six ans. Aucune mesure n'a concrètement été adoptée depuis.

Vous évoquez aussi la situation des mineurs non accompagnés. Ils sont rares dans les CRA puisque, à l'échelle du département, les foyers de l'aide sociale à l'enfance (ASE) affichent complet. Dans la métropole de Lille, 270 enfants attendent leur placement depuis novembre dernier à la suite d'une ordonnance de placement ; ils restent actuellement dans leurs familles, en grand danger. Il est faux de dire qu'on ne fait rien pour les MNA.

Enfin, mon collègue évoquait un CEF comptant 12 enfants pour 24 éducateurs. Cette situation est idéale, sur le papier du moins, car dans les faits, ces jeunes fuguent souvent, et l'absentéisme est élevé.

Mme Esther Benbassa. - Je vous remercie pour les éléments que vous nous avez soumis. Il me semble cependant que vous devriez faire des recommandations. Quelles solutions apporter à toutes ces difficultés ?

Ma collègue a déjà évoqué le volet psychiatrique de la question. Je visite fréquemment des prisons et constate que l'état de santé de certains détenus n'est pas compatibles avec leur régime de détention. Ils se mettent en danger, ainsi que leurs codétenus et le personnel pénitentiaire. Le cas de Theo Sanha illustre bien cette problématique. Il s'est suicidé l'année dernière à la prison de Fresnes et sa famille met en cause l'administration pénitentiaire pour non-prise en charge. Une enquête est en cours, et des articles s'en font l'écho. Ce problème est important, car il se pose dans toutes les prisons. La prison ne devrait pas servir à pallier le manque de places à l'hôpital.

Ensuite, vous dites avoir constaté dernièrement des irrégularités dans les gardes à vue. Qu'en est-il de cette rumeur de vidéosurveillance dans les toilettes des gardés à vue ?

Par ailleurs, les prisons pour mineurs, comme celle de Porcheville, doivent aussi faire l'objet de mesures. Ces jeunes gens ne doivent pas être laissés ainsi, désoeuvrés toute la journée. Les moins de 16 ans ont accès à des cours, bien sûr, à la médiathèque ; mais les autres n'ont pas d'autre occupation que se plaindre et provoquer des bagarres.

Enfin, M. Darmanin vous accuse d'excéder vos compétences. Comment réagissez-vous à ses propos ?

Mme Éliane Assassi. - Je pense qu'il faut trouver une nouvelle orientation au débat sur les lieux de privation de liberté. De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour condamner la situation dans nos prisons et nos centres de rétention. Le sujet est devenu de nature politique, et mérite des réponses de nature politique. J'ai déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi pour lutter contre la surpopulation carcérale, dont j'ai intégré les mesures par voie d'amendements dans les projets de loi présentés par le garde des sceaux. Ce dernier ne nous apporte pas une réponse technique, ni même une réponse d'adaptation, mais une réponse politique. En déclarant que libérer des détenus, aujourd'hui, contribuerait à donner du relief à une certaine formation politique, il prouve que le sujet est bien de nature politique. Je pense donc qu'il faut élargir le débat sur cette question et le recentrer sur le fond.

J'attends de vous que vous nous fassiez des préconisations pour essayer de trouver des solutions, notamment sur la question psychiatrique. Le problème est réel, et pas uniquement pour les personnes en détention ; la psychiatrie est un problème de santé publique. Quelles pourraient être vos préconisations en la matière ?

Nous sommes nombreux à avoir déjà visité un CRA. Il nous faut trouver des solutions à leur sujet, tout comme il faut faire des préconisations au sujet de la situation pénitentiaire en outre-mer.

Enfin, un mineur, qu'il soit français ou étranger, est un enfant. Nous n'avons donc pas à les opposer. Les enfants ont des droits. J'ai souvenir d'avoir rencontré Jacques Toubon lorsqu'il était Défenseur des droits. Au sujet des mineurs non accompagnés, il me disait : « le droit, rien que le droit. » Trop souvent, on néglige le droit de ces enfants. Des préconisations sont donc également nécessaires à leur sujet.

On connaît les problèmes de l'ASE, les difficultés financières des collectivités, et en particulier des départements, chargés de l'ASE. Si on ne tombe pas d'accord sur des solutions, le problème va persister. Je pense donc qu'il nous faut travailler sur des propositions de fond, car, je le rappelle, ces sujets sont de nature politique et méritent des réponses politiques.

M. Jérôme Durain. - Madame la contrôleure générale, je vous remercie pour votre travail et celui de vos équipes, qui nous est très utile au quotidien, lors de nos visites de CRA, de prisons ou de commissariats.

La Défenseur de droits et vous-même avez évoqué des arrestations arbitraires au cours des manifestations parisiennes liées à la réforme des retraites, ce qui vous a valu des critiques de la part du préfet de police de Paris. Sur quoi fondez-vous ces conclusions ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis extrêmement frappé par le fait que ce que vous démontrez dans votre rapport, qui est public, se heurte malheureusement aux a priori de l'opinion publique. Ces derniers existent notamment parce que les hommes et femmes politiques que nous sommes les cultivent. J'en ai assez d'entendre dire au quotidien qu'il y a trop d'étrangers en France, que les étrangers sont un danger. Répétés cent fois par jour, ces propos deviennent vrais aux yeux des gens. Le personnel politique a une responsabilité sur ce sujet.

À plusieurs reprises, j'ai interrogé le garde des sceaux au sujet de la régulation carcérale. Il répond toujours que la surpopulation prouve notre absence de laxisme. Je suis choqué que le garde des sceaux qui, par ailleurs, oeuvre beaucoup pour débloquer des fonds pour son ministère, se fasse le porte-parole d'une vision aussi fruste. Robert Badinter disait que la condition pénitentiaire était la principale cause de la récidive. Les situations d'incarcération exposées rapport après rapport ne permettent pas la réinsertion, elles enfoncent les détenus dans leur situation. Si aucun accompagnement n'est prévu pour le détenu lors de sa sortie, comment peut-il s'en sortir ?

Je ne comprends pas le mythe qui voudrait qu'une régulation n'est pas nécessaire. François Molins et les rapports des États généraux de la justice se sont montrés extrêmement clairs à ce sujet. Pendant la crise de la covid, un certain nombre de détenus ont été libérés. Entre nous, si quelqu'un est condamné à sept ans de prison, sa libération après six ans et huit mois ne change rien à sa peine. En revanche, réduire les effectifs et libérer des détenus, quitte à mieux les accompagner, de manière à baisser le nombre de détenus par cellule, voilà qui changerait la nature des peines. Qu'opposer à cela, sinon le stéréotype de prisons luxueuses et la nécessité d'enfermer le plus de personnes dans les pires conditions possible ?

Il serait souhaitable que toute la classe politique, dans toute sa diversité, sur les immigrés comme sur les prisons, tienne un autre discours que la simple flatterie de l'opinion.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci, madame Simonnot, pour votre intervention. Tous les ans, un rapport est rédigé au sujet de la situation dans les prisons ou dans les CRA, parfois dans les hôpitaux psychiatriques et locaux de garde à vue, mais rien ne change. Jean-Pierre Sueur et Éliane Assassi ont exposé nos propositions, et j'invite le Sénat à faire preuve de beaucoup de pragmatisme. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, puisqu'il n'est question que d'augmenter le nombre de places, comme si une telle augmentation allait résoudre le problème.

C'est pourquoi ma question est la même tous les ans : quel bilan faites-vous de vos travaux ? Le garde des sceaux a dit un jour en commission qu'on n'a pas besoin d'un énième rapport pour savoir ce qui se passe dans les prisons. Il s'agissait d'une manière peu élégante de dire que vous ne servez à rien, madame la contrôleure générale... Finalement, quel est votre bilan ? Quelles avancées positives, utiles, ont suivi la publication des rapports successifs ?

Mme Marie Mercier. - Qui doit aller en prison ? Certainement pas, en effet, les patients psychiatriques, qui n'ont rien à y faire. Dans quel état les détenus sortent-ils de prison ? Certains, dans un état pire que celui de leur arrivée.

Ma collègue Laurence Harribey et moi-même avons visité la prison des Baumettes 2. C'est une prison, certes neuve, mais une prison, et donc un lieu de privation de liberté. Trois cas m'ont cependant marquée. Il y eut cette petite fille de 14 ans et demi, qui était là car elle avait commis un crime, mais elle n'avait pas pris la mesure de son acte parce qu'elle avait été sous l'emprise de réseaux sociaux. Qu'allait-il lui arriver en cette fin d'année scolaire ? Il y eut aussi cette mère qui se raccrochait à son petit bébé, qui allait lui être enlevé. Elle était, semble-t-il, perdue.

Les Baumettes est un endroit riche en équipements modernes, et je tiens à souligner le travail remarquable du personnel pénitentiaire. Cependant, le troisième cas qui m'a marquée concerne un atelier zumba pour les jeunes hommes. En les regardant, je pensais à mes patientes, qui sont femmes de ménage ou caissières, qui se lèvent à quatre heures et demie du matin, qui ont des enfants, à toutes ces invisibles qui travaillent et n'ont pas, elles, le temps de faire de la zumba le mardi après-midi. Bien sûr, il est indispensable d'occuper les détenus, mais tout aussi indispensable est la préparation de leur sortie. Pourtant, plus que des activités, il faut les aider à se revaloriser et leur donner du travail. Madame, quelles sont vos propositions ? Ces hommes doivent réintégrer la société et, par leur travail, payer une dette. Ce travail est essentiel pour leur image à eux, et pour l'image qu'ils donnent à la société.

Mme Dominique Simonnot.  - La psychiatrie concentre une large part de nos efforts. Je serais donc revenu sur ce sujet.

Monsieur Marc, je ne l'ai pas précisé lors de mon introduction, mais mon rapport contient beaucoup de propositions et de préconisations sur l'indispensable évaluation des politiques publiques, qui n'est pas faite aujourd'hui. Actuellement, de nouveaux CEF sont construits à la demande du garde des sceaux, mais tous nos rapports et toutes nos auditions ont pointé le manque d'évaluation de la politique publique des CEF. Par nos visites, nous avons pu constater qu'il en existe de formidables comme il en existe des horribles.

Mme Dominique Simonnot.  - L'évaluation est indispensable. Aucune étude longitudinale n'est menée sur la vie de ces enfants. Je n'utilise plus le terme « mineurs », car je trouve qu'il vise à faire peur en convoquant les notions de « mineurs en prison », « mineurs non accompagnés »... Aucun de nous ne dirait qu'il amène son mineur au collège.

Madame Lherbier, vous regrettez le volume d'ordonnances de placement en attente : il est en effet effrayant et honteux. Il convient cependant de reconnaître que les enfants sont parfois placés dans des familles ou des foyers peu ou très mal contrôlés. Ils sont donc retirés de familles qui les maltraitent pour être envoyés dans des endroits où ils sont également maltraités, où ils sont soumis à la loi du plus fort. Malgré tout, notre manière de faire doit évoluer.

La construction de nouveaux CEF ne doit pas se faire « au doigt mouillé ». L'évaluation est un devoir moral et financier de la politique publique. De même, les éducateurs ne doivent pas recevoir ces enfants sans rien savoir de leur origine ou de leur vie, ni être informés de leur vie d'après. Ils exercent un travail difficile et peuvent avoir envie de baisser les bras si on ne les informe pas des retombées de leur action.

Monsieur Marc, vous pointez les nombreux retours en prison après la crise du covid. Les parcours dits « de désistance » sont ponctués d'échecs. Il faut donc développer les services de probation et d'insertion. Un jeune délinquant s'apaise vers 28 ans ; avant cela, il faut tout faire pour l'encadrer. Nous devons renforcer les équipes des Spip au lieu de construire de nouvelles prisons. Sur les 15 000 places promises en 2017, un peu plus de 2 000 places sont disponibles, dont celles de la prison Lutterbach, promise par Michèle Alliot-Marie en 2008 ! Cela montre bien que la construction de prisons prend du temps. Des chantiers sont lancés, mais ils ne règleront pas le problème. La prison de Lutterbach, par exemple, est déjà pleine à plus de 190 % et montre des signes de dégradations inquiétants.

Faire passer les surveillants de la catégorie C à B est une bonne chose. Le métier doit être rendu plus attractif, peut-être par ce passage en catégorie B, mais il est tellement dur que l'absentéisme et le turn-over sont effrayants. Lors de nos visites, on ne voit aucun personnel, la nuit ; même de jour, des coursives entières sont laissées sans surveillance. Au centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy, les détenus « passent le drapeau », c'est-à-dire qu'ils agitent des feuilles lorsqu'ils entendent un bruit de pas pour attirer l'attention, car certaines prisons ne sont pas dotées d'un bouton d'appel. Le métier de surveillant n'est pas facile. Aujourd'hui si une note de 2 sur 20 suffit pour devenir surveillant, comment seront recrutés leurs adjoints ?

Mme Brigitte Lherbier. - Les directeurs d'établissements sont des hommes et femmes de plus en plus humains, qui passent des concours très pointus et se voient proposer de nombreuses autres voies professionnelles. Les candidats qui empruntent la voie de l'administration pénitentiaire, qui passent le concours de directeur d'établissement, ont une fibre particulière. Il faut les encourager.

Mme Dominique Simonnot.  - Je suis parfaitement d'accord. J'ai récemment souligné que la fiche de poste des directeurs de prison devrait mentionner qu'il faut être doté de superpouvoirs pour pouvoir gérer des établissements ingérables. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est en liaison étroite avec les directeurs de prison. Si j'ai beaucoup parlé des surveillants, c'est parce qu'ils sont dans les coursives au contact direct des détenus. Ils sont désespérés, tout comme les membres de leur direction.

D'ailleurs, les directeurs ne voient pas souvent de magistrats visiter leur établissement, ce qui n'est pas normal. Lorsqu'on est garant des libertés et qu'on envoie des personnes derrière les barreaux, la moindre des choses serait d'aller sur le terrain voir les conséquences des décisions que l'on prend.

Monsieur Kanner, les policiers sont en effet très inquiets dans les CRA. À Metz, le CRA accueille des familles. La situation y est difficile, car seule une grille sépare les hommes des femmes et leurs enfants. Ces derniers assistent donc à des scènes regrettables de violence, d'agressions verbales des hommes sur les femmes.

La rétention va devoir changer, car la violence, la peur, le désespoir des retenus s'y accroissent. La faim est courante, aussi, car les rations prévues ne sont pas à la hauteur des marchés publics.

Madame Lherbier, les problèmes psychiatriques figurent aussi dans notre rapport. Nous avons souvent rencontré le ministre de la santé pour essayer de rendre plus attractifs les métiers de la psychiatrie, de recruter plus de psychiatres et d'infirmiers psychiatriques. Certains services souffrent d'un manque de soignants de l'ordre de 30 %, ce qui présente forcément des conséquences sur la prise en charge des droits des détenus. L'isolement et la contention sont souvent le signe d'un manque d'effectifs et d'un effet de routine.

Madame Benbassa, nous avons demandé au ministre de la santé et à Mme Borne de diligenter une enquête sur la santé mentale en prison, car la dernière date de 2004. Actuellement, c'est en garde à vue qu'est mené l'examen psychiatrique qui détermine si des individus sont aptes ou non à comparaître. Par ailleurs, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) n'a jamais su annoncer la mort en prison. Chaque année, on recense 250 décès, dont 120 suicides. La famille est informée deux jours après les faits, ce qui laisse la porte ouverte à tous les soupçons. Nos préconisations à ce sujet sont nombreuses.

M. André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation des libertés. - Depuis la création du contrôle général, environ 5 000 préconisations de portée générale ont été publiées. Entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2021, on dénombre dans les rapports de visite 15 000 préconisations concernant spécifiquement des établissements. Nous ne faisons pas de missions de contrôle ; nos préconisations sont déclaratives.

Mme Dominique Simonnot. - M. Darmanin pense que j'outrepasse mes fonctions au sujet des gardes à vue préventives ayant fait suite aux manifestations parisiennes, mais je ne suis pas d'accord. J'ai pris la décision d'aller vérifier si les droits des gardés à vue étaient respectés, ce qui s'inscrit pleinement dans mon champ de compétence. Le ministre a peut-être parlé sous le coup de l'émotion, mais je doute qu'il pensait ce qu'il a dit.

Madame Benbassa, nous préconisons la création d'un statut de professeur dans les prisons et les établissements pour mineurs. Nous l'avons récemment réclamé au ministre de l'éducation. Pourquoi n'avons-nous pas mis en place un statut adapté pour les enfants enfermés ? De rapport en rapport, nous le soulignons : les enfants enfermés ont entre quatre et cinq fois moins d'heures d'enseignement que leurs camarades de dehors. Ces enfants sont déjà cabossés par la vie, il faudrait donc leur donner le goût d'un métier ! Il faut faire d'eux des apprentis et, avant cela, parfaire leurs connaissances de base. Le sujet est très préoccupant et je ne comprends pas que personne ne s'en soit réellement emparé. Un syndicat de directeurs d'établissements, FO Direction, et en particulier son secrétaire général Ivan Gombert, en ont fait leur cheval de bataille.

Madame Assassi, je suis d'accord avec vous : les réponses doivent être de nature politique. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt votre proposition de loi ; j'espère que vos amendements seront adoptés. Un amendement similaire a également été déposé à l'Assemblée nationale par Caroline Abadie.

Nous nous rendons une fois par an dans les outre-mer, car notre budget n'est pas extensible. L'année dernière, nous avons fait des constats épouvantables sur la politique pénale et l'état des prisons à Tahiti.

Monsieur Durain, j'ai parlé de « gardes à vue arbitraires », car des personnes avaient été arrêtées sans soupçons sérieux de commission d'une infraction. Sur place, les officiers de police judiciaire (OPJ) n'étaient pas en mesure de nous expliquer les raisons de ces gardes à vue. Nous avons donc conclu que ces gardes à vue étaient dépourvues de base légale.

Nos conclusions se heurtent à l'opinion publique. Je regrette que le garde des sceaux, qui a fait preuve par le passé de tant de ferveur et de talent pour dénoncer les conditions indignes de détention en France, pointe désormais la nécessité d'assumer de libérer 13 000 détenus. Tel n'est pas l'objectif, qui consiste plutôt à juguler les entrées, notamment par un recours moindre à la comparution immédiate, principale cause de la surpopulation carcérale.

Le procureur général Molins prône, lui aussi, la régulation carcérale et exprime sa déception face à l'absence de prise en compte des conclusions des États généraux de la Justice. À ce propos, Jean-Marc Sauvé lui-même m'a confié sa frustration de n'avoir pu aller plus loin dans les propositions sur la régulation carcérale et l'administration pénitentiaire. Je suis convaincue que de nombreuses autres personnes sont d'accord avec nous, sans l'exprimer ouvertement. Dans mon propos introductif, j'ai d'ailleurs souligné que de nombreuses associations et organisations s'étaient jointes à nous pour faire des propositions à ce sujet.

Merci à vous, madame de La Gontrie, pour votre question sur notre bilan, qui pose plus généralement celle de notre utilité. Nous tirons plus de satisfaction de nos visites sur le terrain, des discussions en face à face avec les équipes, notamment en psychiatrie, où elles s'avèrent particulièrement fructueuses. Le personnel de psychiatrie reconnaît s'être perdu dans une routine et souhaite dorénavant trouver des solutions pour réduire le recours à l'isolement et à la contention, revoir ses procédures : port obligatoire du pyjama, interdiction de se promener dans le parc, restriction de déplacements... Le terrain nous offre les plus grandes satisfactions, car les autorités de tutelle, notamment le ministre de l'intérieur, négligent souvent de nous répondre, comme le ministre de la santé, mais nous nous en sommes expliqué hier avec lui de manière franche. Cette situation est regrettable. Notre utilité cependant est de susciter une prise de conscience au sein de l'opinion publique et de la représentation parlementaire, en répétant sans relâche nos constats et nos préconisations.

Je rejoins par ailleurs la remarque de Mme Mercier concernant l'importance du travail en prison.

Mme Marie Mercier. - Effectivement, il n'est pas concevable qu'une femme en pleine possession de ses moyens physiques ne se réalise pas dans une forme de travail de façon à payer sa dette à la société.

Mme Dominique Simonnot. - Je suis mille fois d'accord avec vous, et nous préconisons d'ailleurs d'agir en ce sens. Cependant, la surpopulation est telle dans les prisons que cela est difficile à mettre en oeuvre. À titre de comparaison, en Allemagne, 70 % des détenus travaillent. Les 30 % restants ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire. En France, seuls 28 % des détenus travaillent, du fait de la surpopulation.

Un assouplissement des conditions du travail en prison serait bienvenu. Une réflexion est à mener à ce sujet avec les concessionnaires.

M. François-Noël Buffet, président. - Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan affiche un taux d'occupation de 230 %. Alors qu'il est en reconstruction, nous savons déjà qu'il sera suroccupé à hauteur de 150 % une fois les travaux terminés.

Concernant le travail dans les maisons d'arrêt, le centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy avait mis en place un dispositif, que celui de Bordeaux a dû arrêter faute d'entreprises à même de donner du travail aux détenus.

S'il est bon de construire des prisons, cela ne constitue pas une solution définitive. Tant que nous ne serons pas capables d'avoir des politiques actives en matière d'exécution des peines, sans passer par la détention, nous n'avancerons pas sur le sujet. Il faut reprendre le travail de zéro.

Mme Dominique Simonnot. - Il faut en outre le faire sans démagogie.

M. François-Noël Buffet, président. - Merci de votre participation.

Proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Dumont, Mme Catherine Di Folco, Mme Dominique Vérien, Mme Martine Filleul, M. Didier Marie et M. Thani Mohamed Soilihi comme membres titulaires, et de Mme Muriel Jourda, Mme Agnès Canayer, Mme Marie Mercier, Mme Annick Billon, M. Hussein Bourgi, M. Jean-Yves Roux et Mme Cécile Cukierman comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.

La réunion est close à 11 h 25.