Mercredi 7 mai 2025

- Présidence de M. Philippe Paul, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Les enjeux stratégiques du flanc nord de l'Europe et de l'Arctique - Audition de M. Hervé Baudu, professeur à l'École nationale supérieure maritime, chercheur spécialiste de l'Arctique

M. Philippe Paul, président. - Le président Perrin, en déplacement avec plusieurs de nos collègues, s'excuse d'abord de ne pouvoir être présent.

Notre commission a lancé une mission d'information sur les enjeux sécuritaires du nord de l'Europe. C'est dans ce cadre qu'une délégation de nos collègues s'est rendue en Norvège il y a deux semaines, et poursuivra ses travaux en Suède dans deux semaines.

Cette mission permettra de mieux documenter l'état des menaces sur le flanc nord de l'Otan et d'évaluer notre niveau de préparation à titre collectif. Elle fournit en outre l'occasion d'élargir la focale aux enjeux stratégiques du Grand Nord, zone dans laquelle les appétits de la nouvelle administration américaine font écho aux ambitions russes, et qui suscite même un certain intérêt chinois.

C'est pour les éclairer que nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Hervé Baudu, qui est un interlocuteur précieux à plusieurs titres. Ancien officier de marine, membre de l'Académie de marine et professeur de sciences nautiques à l'École nationale supérieure maritime, celui-ci est un fin connaisseur du droit de la mer et un praticien de la navigation. Spécialiste des eaux polaires, il est aussi formateur et expert, consulté par le ministère des affaires étrangères notamment, pour certaines questions de navigation dans les glaces. M. Baudu est enfin un chercheur spécialiste de la géopolitique de la zone arctique : il est ainsi membre de l'Observatoire de l'arctique de la Fondation pour la recherche stratégique et a publié de nombreux articles sur la géopolitique du Grand Nord.

Tous nos collègues n'étant pas familiers de ces questions, nous serions heureux, monsieur Baudu, que vous puissiez d'abord nous brosser un état des lieux des enjeux économiques, juridiques et géopolitiques de cet espace, et des conjectures sur son rôle dans les années à venir, compte tenu de l'évolution des routes maritimes, des opportunités économiques et des volontés de puissance.

Nous aimerions ensuite savoir comment vous analysez les changements intervenus dans la région depuis l'invasion russe de l'Ukraine. Comment, en particulier, évaluer et qualifier la menace sur le flanc septentrional de l'Europe, et le potentiel de conflictualité de cette partie du continent ?

Notre discussion devrait permettre d'évoquer ensuite la réaction qu'il convient d'organiser en Europe. Les États nordiques ont renforcé leur coopération militaire entre eux, et leur solidarité avec les États baltes, par exemple au sein du groupe dit NB8, Nordic-Baltic Eight. Ils ont désormais à l'égard de l'Otan une position plus unifiée, puisque la Suède et la Finlande ont rejoint l'organisation ; la Norvège et le Danemark en étaient membres depuis sa création. Mais ils restent pour l'instant davantage tournés vers le protecteur américain, malgré les provocations du président Trump, et lui ont même récemment donné un accès très élargi à leurs installations militaires respectives.

Les tensions régionales ne seront donc sans doute pas apaisées par la disparition de ce qui restait des politiques de neutralité. Il faut également regretter la marginalisation des enceintes régionales de dialogue spécifiques, telles que le Conseil de l'Arctique, dont les activités sont devenues très réduites. La France, qui en est membre observateur, peut-elle faire autre chose qu'observer le déclin du multilatéralisme et la brutalisation de la compétition stratégique dans la région ?

Monsieur Baudu, je vous cède la parole pour une présentation liminaire ; nous ouvrirons ensuite une session de questions-réponses.

Je rappelle que cette audition est captée et retransmise sur le site du Sénat et sur les réseaux sociaux.

M. Hervé Baudu, professeur à l'École nationale supérieure maritime, chercheur spécialiste de l'Arctique. - Monsieur le président, vous avez tout dit dans votre propos liminaire : je me contenterai d'entrer davantage dans les détails par le biais d'une présentation que j'ai intitulée « Les enjeux maritimes de l'Arctique » (L'orateur projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)

L'Arctique est, avant tout, un espace maritime, autrefois marqué par un exceptionnalisme et qui s'oriente désormais vers une globalisation.

Le système de gouvernance régional en vigueur depuis la chute du mur de Berlin, qui ne relevait ni de l'Otan ni de l'ONU, fonctionnait très bien jusqu'à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. L'intérêt des États-Unis pour le territoire s'est encore accentué avec l'arrivée au pouvoir du président Trump.

Tout État fait la politique de sa géographie, disait Napoléon : cela se vérifie en tout point pour l'Arctique.

Notre terre compte deux pôles. L'Antarctique est un continent entouré d'océans, sans population permanente, hormis quelques milliers de chercheurs en hiver. Il est régi par un traité spécifique. À l'opposé se trouve le pôle nord, qui n'est ni plus ni moins qu'un océan entouré de continents importants, les Arctic Five : le Canada, les États-Unis, la Russie, la Norvège et l'Islande. N'oublions pas non plus le Danemark, avec le territoire autonome du Groenland.

L'Arctique est un espace fermé, sur le plan géographique, météorologique, sécuritaire... C'est un territoire contraint, pour plusieurs raisons. Premièrement, l'accès y est difficile : le détroit de Béring relie l'océan Pacifique nord et l'océan Arctique ; l'Islande est un verrou entre le Groenland et la mer de Norvège.

Deuxièmement, l'espace est contraint par les glaces. Compte tenu de l'inclinaison de la Terre et quelle que soit l'intensité du réchauffement climatique, il y aura toujours de la glace en hiver, tant en Arctique qu'en Antarctique : ce phénomène de saisonnalité existera toujours.

Troisièmement, l'Arctique est un espace réglementé par la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui régit les espaces maritimes et octroie la propriété des sous-sols aux États côtiers. Nulle course aux approvisionnements ou à l'énergie, donc, puisque les ressources sont l'apanage de ces États - hormis une petite zone au centre de l'Arctique, qui a fait l'objet d'une mise en commun, mais celle-ci n'est pas exploitée.

C'est aussi un espace réglementé en raison de l'application du code polaire : ce code de déontologie applicable aux navires fréquentant cette zone renforce un peu la sécurité de la navigation.

N'oublions pas aussi la présence de populations locales. Celles-ci sont très nombreuses autour de l'arc Arctique ; je pense aux Inuits, notamment.

La transition de l'exceptionnalité vers la globalisation se traduit aussi par le comportement de certains pays, le même qu'ils adoptent dans d'autres zones du globe, comme en mer Rouge, en mer Noire ou dans l'Indo-Pacifique, par exemple.

Sur le plan environnemental, d'abord. L'Arctique est la sentinelle de notre planète. Le réchauffement climatique y est quatre fois plus important que sur le reste de la Terre ; l'extension de la banquise à la fin de l'été se réduit de plus en plus.

Sur le plan de la gouvernance, ensuite : le Conseil de l'Arctique, structure informelle d'échange intergouvernemental, bat de l'aile depuis le départ de la Russie. Russie, Canada et États-Unis entendent affirmer leur souveraineté sur l'Arctique, un espace très politisé et très médiatisé.

La CNUDM octroie un certain nombre de prérogatives aux États côtiers : liberté de navigation au large de leurs côtes, zone économique exclusive (ZEE) étendue, notamment. Toutefois, une convention interdit la pêche dans une zone limitée du pôle nord.

La Russie possède 23 000 kilomètres de côtes - soit 53 % de la surface de l'Arctique -, ainsi que de nombreuses infrastructures.

L'Arctique compte de nombreuses bases militaires. La militarisation avait diminué depuis la fin de la guerre froide ; elle reprend depuis quelques années, notamment sur certaines îles de Sibérie.

Le territoire concentre aussi de nombreuses fibres optiques, par lesquelles transitent 98 % des communications mondiales. Les échanges entre l'Europe et l'Asie passent actuellement par le canal de Suez. Passer par le pôle nord permettrait de gagner 600 millièmes de seconde : l'Europe - la City en particulier - en tirerait bénéfice, compte tenu du caractère robotisé des opérations de bourse. Un projet de fibre optique via la Russie avait été envisagé, mais, au vu du contexte actuel, le projet Far North Fiber (FNF), qui transite par le Canada, est privilégié.

J'en viens au shipping. Faire passer les navires par l'Arctique ferait gagner du temps, et donc de l'argent. Une précision, cependant : le volume annuel de marchandises transportées dans l'Arctique chaque année s'élève à 39 millions de tonnes soit le trafic d'une seule journée du canal de Suez. Il n'existe donc pas de « Panama blanc », en tout cas pas pour l'instant. Depuis que la mer Rouge est le théâtre d'incidents, les navires optent pour le cap de Bonne-Espérance. Même si la Russie essaie d'attirer une partie de ce trafic, la route via l'Antarctique est fermée pendant six mois de l'année. Impossible pour le shipping, le transport « juste à temps », car les marchandises transportées doivent arriver à l'heure. Les transporteurs ne se risqueront pas à utiliser cette route accessible uniquement durant l'été, au risque de désorganiser toute la chaîne logistique mise en place en Asie. Il y a quelque temps, lors d'un G7, la CMA-CGM avait déclaré qu'elle n'emprunterait pas cette route au nom du respect de l'environnement. En fait, c'est surtout contraire à son intérêt économique : passer par cette zone est trop aléatoire. Les acteurs du shipping sont opportunistes : si la route devient accessible, ils l'emprunteront.

La flotte russe est très présente en mer de Barents : située entre le Groenland et la Norvège, celle-ci ne gèle pas. La péninsule de Kola, de souveraineté russe, concentre de nombreux réacteurs nucléaires ainsi que des bases militaires et civiles.

Les ressources en hydrocarbures sont principalement onshore ; le défi technologique est tel qu'aucune exploitation offshore n'est envisagée pour l'instant.

La Chine est très attachée à la route maritime du Nord, qui se situe dans la continuité de leur Belt and Road Initiative, une extension des routes de la soie visant à créer des corridors sûrs vers l'Asie et les Amériques.

La science est un vecteur diplomatique très important dans cet espace ; toutefois, le manque de ressources empêche de mener des recherches à la hauteur du potentiel de la zone.

À partir de mai, la banquise se fractionne sous l'effet de la houle et du réchauffement de l'eau, ce qui ouvre des voies maritimes le long des côtes : le passage du nord-ouest côté canadien et le passage du nord-est côté russe.

Le réchauffement climatique entraîne un retrait de la banquise de plus en plus prononcé. Avec l'arrivée plus précoce de l'été et des chaleurs plus importantes, la débâcle est plus importante. La quantité et le volume de glace restent les mêmes, mais celle-ci se disperse davantage, rendant la navigation plus aléatoire.

Grâce aux observations réalisées par satellite entre 1975 et 2019, on constate que le réchauffement climatique est manifeste en Arctique, où 70 % de la banquise n'est présente que depuis un an. Avant les années 1970, 50 % des glaces ne fondaient pas ; les glaces pluriannuelles ne se trouvent plus que dans un espace de 1,4 million de kilomètres carrés, sur un territoire de 15 millions de kilomètres carrés.

J'en viens aux espaces maritimes. La question des ressources, de leur appropriation et des conditions de navigation repose sur les conventions internationales, en particulier la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Cette convention segmente les espaces maritimes en différentes zones, en distinguant clairement la mer du sol sous-marin.

La première zone concerne les eaux intérieures. Par exemple, la mer d'Iroise, située entre Brest et Douarnenez et entre le chenal du Four et le raz de Sein, constitue une mer intérieure. L'État y exerce une souveraineté pleine et entière : aucun navire ne peut y pénétrer sans son autorisation.

La deuxième zone englobe les eaux territoriales, qui vont jusqu'à 12 milles marins. La souveraineté de l'État côtier s'y applique. La navigation internationale y est libre, puisque le droit de passage inoffensif s'applique, c'est-à-dire lorsqu'un navire transite sans escale pour rejoindre un port ou en sortir. En pratique, l'État côtier peut interdire l'accès à tout navire qui ne respecte pas les conventions internationales. Mais au-delà des 12 milles, les eaux ne relèvent plus de la juridiction de l'État. Ainsi, en mer Baltique, plusieurs incidents ont impliqué des tankers soupçonnés - avec forte présomption - d'avoir arraché des câbles de télécommunications sous-marins. Or, comme les faits se sont produits dans les eaux internationales, la Suède n'a pas pu intervenir.

La troisième zone, la zone contiguë, s'étend jusqu'à 24 milles, principalement pour des raisons douanières ; vient ensuite la zone économique exclusive, allant jusqu'à 200 milles marins, soit 380 kilomètres. Dans la ZEE, l'État côtier dispose de droits souverains sur l'exploitation des ressources halieutiques, énergétiques et minérales, tant dans la colonne d'eau que dans le sous-sol. Lorsqu'on trace ces 200 milles autour des côtes des pays riverains de l'océan Arctique, il ne reste plus grand-chose de la haute mer au centre du bassin arctique.

À cela s'ajoute l'espace aérien : souvent oublié dans les débats, il n'en demeure pas moins crucial. La souveraineté aérienne suit celle des eaux territoriales ; elle s'étend donc également à 12 milles. Un hélicoptère ne peut pas survoler ces zones sans autorisation de l'État côtier. Cela a des incidences importantes sur les vols commerciaux, par exemple entre l'Europe et l'Asie, notamment depuis que la Finlande et la Russie ont interdit le survol de leur espace aérien.

Enfin, au-delà des 200 milles, certains États peuvent revendiquer une extension de leur plateau continental jusqu'à 350 milles, voire plus, s'ils parviennent à démontrer une continuité géomorphologique entre leurs terres émergées et le plateau sous-marin.

En 2008, l'United States Geological Survey (USGS) a publié une carte montrant les ressources supposées en hydrocarbures sous l'Arctique ; près de 60 % des réserves de gaz se situeraient en territoire russe. À ce jour, seule une exploitation de pétrole est réellement opérationnelle en Arctique. Il n'y a donc ni velléité ni rentabilité immédiate pour une exploitation à grande échelle, notamment en raison du coût d'exploration sous les glaces. Quelques sondages ont toutefois été menés en coopération entre la Chine et la Russie dans la mer de Kara. Du reste, il faut l'autorisation de la Russie ou du Canada pour aller forer dans la zone des 200 milles.

Cette carte montre également les extensions du plateau continental revendiquées par chaque État côtier.

En haute mer, on pourrait en théorie pêcher sans demander d'autorisation à aucun État - ce que cherche à réglementer le traité dit BBNJ pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction. En Arctique, un moratoire signé en juillet 2021 entre les pays subarctiques, dont la Chine, la Corée du Sud et les Arctic Five, interdit la pêche en haute mer arctique tant que les ressources halieutiques ne sont pas scientifiquement évaluées et jugées durables. Cela demeure une précaution, la zone étant en grande partie gelée toute l'année.

Tous les pays signataires de la convention des Nations unies sur le droit de la mer peuvent demander l'extension de leur plateau continental, si elle est prouvée. Les revendications en Arctique se superposent parfois, notamment autour de la dorsale de Lomonosov et de la zone de Gakkel, zones clefs pour étendre la souveraineté sur le plateau continental. Ces revendications entraînent des contentieux, mais pas de conflit ouvert à ce jour.

Toute revendication doit être soumise à la Commission des limites du plateau continental. Celle-ci analyse la validité scientifique des demandes. Si elle juge la preuve suffisante, l'État obtient des droits souverains sur les ressources du plateau, mais uniquement sur les ressources du sol et sous-sol, et non sur la colonne d'eau. S'il y a un conflit entre pays, les États concernés règlent leurs différends par voie bilatérale.

J'en reviens au shipping. Trois routes maritimes se dessinent. La route traditionnelle, via Suez, transporte 8 % du trafic maritime mondial, soit 1 milliard de tonnes de marchandises. Gibraltar voit passer 80 000 bateaux par an, et le détroit de Douvres concentre à lui seul 25 % du trafic mondial. La route du Nord-Est, longeant les côtes russes via le détroit de Béring, est 30 % plus courte. Elle évite les chokepoints de la mer Rouge ou du détroit de Malacca. Mais elle reste marginale. En 2023, seulement quatorze navires chinois l'ont empruntée.

La route centrale du pôle nord, théoriquement la plus directe, entre Béring et la mer de Norvège n'est utilisée que par quelques croisières, notamment la Compagnie du Ponant avec son brise-glace le Commandant Charcot. À ce jour, aucun transit commercial n'y est viable.

Le passage du Nord-Ouest est encore moins utilisé, en raison du faible tirant d'eau, des routes sinueuses, et de l'opposition du Canada, qui considère ces eaux comme intérieures, et peut ainsi interdire la navigation commerciale, notamment pour des raisons environnementales ou de secours.

Le passage du Nord-Est suit les côtes russes, plus ou moins au nord selon l'extension de la glace. Il relie théoriquement le Pacifique à l'Europe, mais reste très peu utilisé : à peine trois millions de tonnes par an, soit moins de 10 % du trafic mondial.

Cette route est toutefois fortement médiatisée. Les seuls flux réguliers sont assurés par des navires chinois, à destination de Mourmansk ou Arkhangelsk. En 2023, on ne comptait que quatorze traversées - un chiffre symbolique, bien que relayé pour des raisons politiques.

Il ne s'agit pas de transit international, mais de trafic de destination : les navires partent de ports russes, principalement depuis la Sibérie orientale et la péninsule de Yamal, pour livrer hydrocarbures et minerais vers l'Asie, soit environ 37 millions de tonnes sont concernées, avec un retour à vide.

Le trafic maritime arctique reste concentré autour de la péninsule de Kola, au nord de la Norvège, essentiellement pour la pêche. Ailleurs, l'activité reste marginale et limitée aux zones côtières russes. Près de 20 millions de tonnes sont exportées annuellement par l'usine de gaz liquéfié de Yamal LNG, située en Sibérie occidentale. Ce gaz représente à lui seul 80 % du gaz naturel liquéfié (GNL) importé par la France.

Naviguer dans ces zones impose de composer avec la glace. Il ne s'agit pas d'icebergs, mais de glace de mer, qui fond et se disloque. Des méthaniers russes spécialement conçus assurent les rotations entre l'usine Yamal LNG, l'Europe et la Chine, même en hiver.

L'activité d'extraction d'hydrocarbures et de minerais se concentre autour de la péninsule de Yamal, de Gydan et de Temir, situées à l'est de la péninsule de Kola, dans la mer de Kara, à la frontière de la mer de Barents. Environ 80 % de cette région reste sous la glace. Le pétrole y est exploité depuis plusieurs décennies. Une seule plateforme repose directement sur le fond marin, à 30 mètres de profondeur ; le reste du dispositif se compose de bouées maritimes reliées à des gisements onshore.

Les volumes demeurent modestes, à l'exception notable d'un projet piloté par Rosneft, en cours de développement près de la ville de Dikson, le projet Vostok qui vise une production de 100 millions de tonnes d'ici à la fin de la décennie.

Tous les projets LNG dans cette zone sont opérés par Novatek, entreprise russe privée, mais étroitement liée au pouvoir politique. Le premier d'entre eux, Yamal LNG, implanté sur la péninsule de Yamal, repose sur un gisement onshore, parmi les plus importants au monde. Le potentiel en gaz et en pétrole dans cette région est immense.

D'ailleurs, les infrastructures de liquéfaction se multiplient en Europe et en Amérique, notamment aux États-Unis. Ce développement montre clairement que, malgré les discours, le gaz restera une énergie de transition incontournable, bien au-delà de 2050, y compris face aux promesses de l'hydrogène ou de la fusion nucléaire.

Concernant la commercialisation, seul le projet Yamal LNG bénéficie encore de contrats stables, notamment avec des entreprises européennes, dont TotalEnergies, qui demeure actionnaire de Novatek à hauteur de 20 %. TotalEnergies a cofinancé et participé à la construction de l'usine, dans le cadre d'un contrat à très long terme. Cet engagement rend complexe, comme l'a récemment rappelé la présidente de la Commission européenne, l'objectif affiché de s'affranchir des importations de gaz russe d'ici à 2027. À ce jour, le gaz LNG représente environ 20 % de l'approvisionnement énergétique de la France et de la Belgique.

Les projets suivants, en particulier Arctic LNG2, sont sévèrement touchés par les sanctions occidentales. Deux trains de liquéfaction sont déjà construits et produisent, mais ne peuvent être commercialisés. L'usine est sous sanctions, tout comme les navires associés. Un projet supplémentaire, Arctic LNG3, a été annoncé. Situé dans une zone extrêmement riche en gaz, il n'a pour l'heure reçu aucun financement. La Chine, seule alternative crédible, reste prudente et hésite à s'engager dans un partenariat exclusif. Novatek dispose des capacités pour construire, mais les projets sont à l'arrêt faute de financement.

L'attention se porte donc essentiellement sur la Russie, même si en Alaska de vastes gisements existent également. D'ailleurs, l'un des plus importants, Prudhoe Bay, a été partiellement rouvert sous la présidence de M. Trump, malgré sa proximité avec des zones naturelles protégées. Ces réserves ne concernent toutefois que le pétrole, aucun gisement de gaz n'y est exploité à ce jour.

L'usine Yamal LNG, aujourd'hui pleinement opérationnelle, a été construite, avec l'aide de Vinci pour les citernes et de TechnipFMC pour l'ingénierie, qui a dû se retirer du projet à la suite des sanctions. Pour éviter tout affaissement, elle repose sur 42 000 thermosiphons, qui sont des dispositifs de réfrigération ancrés dans le sol pour maintenir artificiellement la température du pergélisol, qui devient instable avec le réchauffement climatique.

Le gaz est refroidi à moins 163 degrés Celsius, liquéfié, puis chargé dans des méthaniers Arc 7, dotés d'un fort pouvoir de pénétration dans la glace. Ces navires assurent les liaisons avec l'Europe tout au long de l'année, bien que la navigation hivernale en Arctique reste encore limitée.

La plateforme pétrolière principale repose sur le fond marin. En revanche, Arctic LNG2 repose sur un tout autre modèle : des barges flottantes, de la taille de deux terrains de football, d'une capacité de 2,5 tankers, ont été remorquées et amarrées. L'investissement total s'élève à 25 milliards de dollars. Les deux premières unités sont opérationnelles, mais sans débouchés commerciaux à ce jour. Le gaz produit est stocké en mer, faute d'acheteurs.

Les sanctions occidentales paralysent cette filière. Toutefois, certains observateurs estiment que les États-Unis pourraient lever unilatéralement ces sanctions, notamment en cas de changement de politique sous une administration favorable à l'exploitation du GNL, comme celle de M. Trump.

Un dernier point concerne le pergélisol. Il constitue une contrainte majeure, mais aussi un risque environnemental considérable. Le réchauffement climatique provoque le dégagement de méthane, un gaz à effet de serre 80 fois plus nocif que le CO2, bien que moins persistant dans l'atmosphère. Ce phénomène, déjà observé, crée d'immenses cavités - des fosses d'hydrométhane - visibles à la surface, ou parfois sous-marines.

La Russie a mis en service une première centrale nucléaire flottante à Pevek, sur la mer de Béring. D'une puissance de 60 mégawatts, soit la moitié d'une centrale classique française, cette installation produit de l'électricité sans recours aux lignes à haute tension, impossibles à construire sur le permafrost.

Ce sont les tankers qui assurent les liaisons. Les Russes, pour pouvoir ouvrir leurs routes au shipping, construisent des brise-glace à propulsion nucléaire. Ils sont les seuls à maîtriser toute la technologie et n'ont pas besoin de l'aide occidentale puisque les réacteurs étaient ukrainiens et qu'ils ont rapatrié cette technologie. Ils construisent sept unités pour ouvrir les routes maritimes pendant l'hiver, afin que les tankers aillent plus vite. Pour l'instant, il faut déglacer la mer de Kara pour que les bateaux accèdent aux gisements arctiques de GNL 2 et de pétrole de la Sibérie orientale. Les Russes ont un projet de brise-glace de 120 mégawatts, soit un dixième des plus grosses centrales nucléaires françaises, de 200 mètres de long, 180 000 tonnes et 48 mètres de large pour escorter effectivement les tankers. Les autres sont plus étroits, or le chenal doit être de la largeur du bateau qui suit.

Ils ont aussi construit les premiers patrouilleurs militaires brise-glace porteurs de missiles antiaériens. Un article de la convention de Montego Bay octroie, dans les zones glacées, le privilège à l'État côtier de contrôler les navires qui passent au-delà des eaux territoriales, si ce navire représente un danger de pollution. On utilise un article proche en France, par exemple au large d'Ouessant, avec les remorqueurs Abeille : un navire en panne au-delà des eaux territoriales est libre, mais pour éviter un nouvel Amoco Cadiz, le préfet maritime peut lui imposer un remorqueur. L'interprétation russe est d'imposer une autorisation de passage aux navires, même lorsqu'il n'y a pas de glace, à demander auprès de l'Administration de la route maritime du Nord (NSRA), qui évalue la sécurité du navire. Les navires de commerce jouent le jeu, même s'il est un peu abusif. Si la Russie estime que les critères de sécurité ne sont pas remplis, elle peut très bien interdire le passage, ce qui restreint la liberté de navigation. La zone concernée touche l'extension maximale de la banquise, ce qui crée un corridor sous autorisation russe et pose problème aux États-Unis, très attachés à la liberté de navigation.

La zone arctique est très militarisée. Il y a des bases sur les îles au large de la Russie, de Wrangel, Nouvelle-Sibérie, François-Joseph au large du Svalbard, qui est un archipel norvégien. Ce sont des bases très récentes, capables d'accueillir des batteries antimissiles, des avions et des gros porteurs. Ce n'est pas négligeable. Les Russes disent qu'ils contrôlent le passage de la route maritime du Nord (NSR) avec leurs radars. Les radars de surface ont une portée maximale de 30 kilomètres. Les équipements visent donc surtout des détections aériennes, notamment des missiles intercontinentaux. Il y a un relent de guerre froide.

C'est à Mourmansk que l'on trouve la concentration des brise-glace nucléaires, car c'est là que stationne la flotte du Nord la plus importante, avec ses sous-marins et navires de guerre. Ce qu'on appelle « le bastion » est l'extension virtuelle des zones de restriction de la Russie. Lorsqu'un exercice de l'Otan a lieu au large de la Norvège, la Russie aiguillonne les flottes en affirmant que c'est sa zone d'influence, qu'elle veut contrôler. Ce sont des zones de friction, mais pas de conflit ouvert.

Pourquoi la France est-elle concernée par cette zone ? Elle n'y a certes pas d'intérêts économiques directs. Avant les sanctions, il y avait quelques partenariats industriels, avec Vinci ou TechnipFMC, mais ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, les enjeux économiques directs sont limités. Il n'y a certes pas de danger économique, outre le GNL de Yamal LNG qui représente un quart du GNL que nous recevons - un deuxième quart provient des États-Unis, un troisième quart de Norvège, le reste d'Algérie et d'autres pays.

La France est cependant concernée, d'abord, pour des raisons scientifiques. La science, notamment l'étude du réchauffement climatique, nécessite de se rendre auprès des sentinelles du climat que sont les pôles. La recherche française y est présente, notamment à Ny-Ålesund, au Svalbard. Il y a une stratégie polaire française, qui reprend celle de Michel Rocard, premier ambassadeur des pôles, puis celle d'Olivier Poivre d'Arvor. J'en profite pour évoquer le problème du financement. La station Dumont-d'Urville ne correspond plus aux standards. Il faut réhausser le niveau de la recherche polaire. Cela se fait par des financements européens.

On n'a pas de brise-glace en Arctique. L'Allemagne est en train de rénover le Polarstern II, pour 1,3 million d'euros. La France a pour seul brise-glace l'Astrolabe, qui appartient à la Marine nationale et fait des rotations entre Dumont-d'Urville et Hobart. Un nouveau brise-glace, le Michel-Rocard, est en construction avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), qui sera positionné à Nouméa, pour le Pacifique et la mer Australe.

La France est aussi concernée pour des raisons politiques, en tant que membre de l'Union européenne et pays observateur, depuis 2000, du Conseil de l'Arctique, forum intergouvernemental qui réunit les États arctiques et des observateurs. La France participe à des groupes de travail techniques, dans lesquels on échange avec tous, y compris les Russes.

La France est, enfin, concernée pour des raisons militaires. La Marine française participe à de très nombreux exercices conjoints en Norvège, avec la frégate Aquitaine, des sous-marins nucléaires, dont le premier Suffren et le patrouilleur Fulmar à Saint-Pierre-et-Miquelon. Une stratégie de défense arctique a été éditée en 2025. Elle affiche clairement les intérêts de la France : liberté de navigation, sécurité maritime, coopération de l'Union européenne avec l'Otan, commerce, minerais stratégiques, ou encore géostratégie. Il s'agit d'assurer une stabilité face aux compétiteurs subarctiques, qui ne sont pas nombreux puisque les ressources appartiennent aux États, mais Donald Trump lorgne sur les ressources groenlandaises.

Il est très compliqué d'extraire des minerais ou du pétrole sous la glace. Quelque 20 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié ont été extraites en 2024. Après la coupure des gazoducs par Gazprom en 2022, l'approvisionnement en gaz a été difficile. C'est une dynamique de vases communicants : les Américains ont compensé cette perte par leur gaz de schiste en France, mais nous restons, pour l'instant, très dépendants du gaz russe. La volonté de se défaire de cette dépendance existe, dont témoigne le 17paquet de sanctions de l'Union européenne annoncé hier, mais la Hongrie s'y oppose et des intérêts privés compliquent cette prise de distance. Néanmoins, la réexportation du gaz a été interdite depuis les sites de stockage de l'entreprise belge Fluxys à Zeebrugge et à Dunkerque.

Les ressources minérales sont abondantes, notamment du côté norvégien. L'exploitation du gaz et du pétrole en Norvège alimente le fonds souverain le plus important au monde. Bien qu'un moratoire ait été envisagé, la Norvège a finalement décidé d'ouvrir de nouvelles concessions dans sa ZEE, qui a un gros potentiel.

Il y a des minerais partout. Le Canada, notamment, regorge de minerais de fer. L'un des plus gros producteurs mondiaux se trouve à Kiruna dans le nord de la Suède. La ville est même démontée et déplacée pour pouvoir exploiter davantage le gisement.

Le Groenland est très riche en terres rares, qui ne sont pas exploitées. Il y a des terres rares partout, dans l'Allier par exemple. Ce qui pose problème, c'est leur traitement, qui nécessite des réactions chimiques radioactives. La réglementation est très exigeante. C'est pourquoi ni les Américains ni les Français ne disposent de telles capacités à grande échelle. Les Chinois se sont accaparé ce secteur et détiennent le monopole du traitement de certaines terres rares.

Une mine d'uranium, dans le sud-est du Groenland, intéresse beaucoup les Occidentaux mais le nouveau gouvernement groenlandais a interdit son exploitation.

Le Conseil de l'Arctique, à présidence tournante, a perdu de son influence avec le retrait de la Russie en mars 2022. Il fonctionne grâce à des groupes de travail, qui formulent des propositions qui peuvent être reprises par des institutions comme l'Organisation maritime internationale (OMI).

D'autres institutions travaillent aussi sur l'Arctique. Depuis le ralliement de la Finlande et de la Suède à l'Otan, sept des huit pays du Conseil de l'Arctique, les Arctic 8, appartiennent à l'Otan, ce qui fait réagir très fortement la Russie, qui dit se sentir agressée. La Norvège organise très régulièrement des exercices militaires, tant terrestres que maritimes.

Le Barents Euro-Arctic Council est un forum local dont la Russie s'est retirée en 2022 à la suite de son intervention en Ukraine.

Il existe aussi des forums purement militaires, dont un qui fonctionne très bien et auquel la France est associée.

Quelles sont les perspectives à envisager ? Trois hypothèses émergent concernant l'avenir de l'Arctique. Soit la situation demeure inchangée, sans invasion militaire, mais avec des accords de gré à gré ; soit les tensions faiblissent, la Russie parvenant à équilibrer ses exportations de GNL - rappelons que les ressources minières et hydrocarbures de l'Arctique représentent 15 % de son PIB ; soit les tensions s'accroissent. Une prise de position chinoise plus affirmée pourrait faire réagir. Aucun navire militaire chinois ou d'un pays de l'Otan ne circule en Arctique. Il n'est pas question d'opérations de liberté de navigation, appelées des Fonops, comme celles qui se déroulent entre Taïwan et la Chine.

Le meilleur vecteur de communication dans cette région en tension est la science. Je verrais bien, pour ma part, un Astrolabe 2, armé par la Marine nationale, pour faire des rotations, ou bien un nouveau Fulmar, pourquoi pas européen, afin d'assurer une présence sur place.

Je vous renvoie en conclusion, pour davantage de sources, aux publications de l'Observatoire de l'Arctique, en accès libre sur le site de la Fondation pour la recherche stratégique.

M. Philippe Paul, président. - Nous vous remercions pour cette présentation extrêmement complète et particulièrement précise. J'ai fait partie de la mission en Norvège il y a quinze jours. Nous avons rencontré nos amis marins sur la frégate Aquitaine. Au cours de nos rendez-vous, nous avons senti une inquiétude très puissante vis-à-vis des Russes, de plus en plus présents. Preuve en est, la Norvège a lancé un appel d'offres de plusieurs milliards d'euros pour l'achat de frégates de lutte anti-sous-marine, alors que les actuelles n'ont que 20 ans. Vous avez évoqué l'archipel du Svalbard, à statut particulier : les Russes y sont déjà présents, mais leur gourmandise inquiète particulièrement les Norvégiens : pourriez-vous revenir sur cet point ?

M. Hervé Baudu. - Le Svalbard est un archipel norvégien dont l'île principale est le Spitzberg, régi par le traité de Paris de 1920. Son statut, issu de la répartition territoriale post-Première Guerre mondiale, est très particulier puisque tous les pays signataires du traité sont autorisés à bénéficier des ressources maritimes et terrestres du Svalbard.

Il y a une mine de charbon à Barentsburg, dans le sud de l'archipel, qui est exploitée par les Russes. Ils continuent à l'exploiter - ils doivent en sortir trois wagonnets par jour - pour légitimer la présence d'une forte communauté russe sur place, qui est la seule qui se consacre à de l'exploitation. Il y en avait une autre à Longyearbyen, qui est la capitale du Svalbard, mais elle a été fermée il y a plus d'une décennie. Désormais, l'archipel ne vit quasiment que du tourisme et de la science, en particulier un plateau scientifique avec des antennes pour le contrôle des satellites à orbite polaire, dont une partie dépend de la Nasa.

Son statut particulier interdit normalement toute activité militaire. Il y a quelques années, une visite du numéro deux du gouvernement russe à Barentsburg, sans prévenir le gouvernement norvégien, avait ainsi déclenché une crise. La Norvège entend bien défendre son statut dans l'archipel.

Sur le plan scientifique, elle le régule complètement. La France a une station, la base Corbel, à côté de Ny-Ålesund, au nord ; même les Chinois ont une station scientifique. Cela se passe très bien, même s'il peut y avoir des tensions avec les Chinois dont on sait que la science est duale, ce qui crispe les Norvégiens.

Sur le plan militaire, certains scénarios prévoient effectivement que si la Russie venait à envahir le Svalbard, le temps de réponse et les moyens de la Norvège seraient différés. Il y a donc une crainte, même si pour l'instant, il n'y a pas de menace, même à bas bruit. On pourrait s'attendre à une réaction de l'Otan. Quoi qu'il en soit, les militaires sont dans leur rôle en envisageant toutes les éventualités.

Il faut aussi mentionner la problématique des crabes polaires, selon qu'on les considère comme une espèce sédentaire ou pas, avec un contentieux de pêche dans les zones qui n'existaient pas à l'époque du traité, mais où la Norvège l'applique par extension. Les crabes de neige occasionnent des conflits avec l'Europe, puisqu'il y avait des quotas répartis entre la Russie et la Norvège.

Mme Nicole Duranton. - L'Arctique a longtemps été perçu comme une frontière lointaine, mais c'est aujourd'hui un espace stratégique majeur.

Quel regard portez-vous sur les velléités récentes d'annexion du Groenland par les États-Unis ? Pensez-vous que les tensions internationales pourraient freiner le développement des routes commerciales ou au contraire l'accélérer ? Le Conseil de l'Arctique est-il encore efficace aujourd'hui face aux tensions croissantes ?

M. Hervé Baudu. - Les déclarations de Trump ne sont pas nouvelles : il les avait déjà faites pendant son premier mandat. Tâchons de comprendre son point de vue avant que de le juger depuis l'extérieur. En fait, acheter, c'est ce que les Américains ont toujours fait : ils ont acheté l'Alaska ; en 1917, ils ont acheté les Îles Vierges. Ils sont donc dans une démarche complètement mercantile. Dire qu'on va envahir le Canada ou le Groenland pour des questions sécuritaires, c'est un discours qui ne choque pas certains Américains. Il faut entendre ces propos, même s'ils sont très violents : ils ne sont pas complètement vrais, car d'autres moyens existent - que le Danemark privilégie.

Lorsque le vice-président Vance s'est rendu au Groenland, cela a fait un flop politiquement parce que, le gouvernement groenlandais n'étant pas encore en place, il a dû se contenter de visiter Pituffik, la station militaire américaine installée de longue date. La situation devrait plutôt évoluer vers des accords bilatéraux passés avec les Groenlandais. Je rappelle que le Groenland compte 56 000 habitants, dont la moitié à Nuuk, la capitale ; il n'y a aucune route entre les villages de sorte que tout doit se faire par hélicoptère, par avion ou par bateau. Dans ces territoires isolés, les populations locales vivent de leur pêche. Cela les perturbe lorsqu'ils voient des bateaux de croisière qui débarquent dans leur village.

Le Danemark a donc été très prudent sur la question, tout en lâchant l'affaire sur le plan économique, le Groenland étant souverain dans ce domaine. Le Gouvernement issu de l'Inatsisartut qui est arrivé aux affaires il y a deux semaines est indépendantiste, mais modéré. Le Premier ministre a rassuré les États-Unis en disant qu'il n'était pas contre des accords bilatéraux sur l'exploitation des terres...

Les Chinois ont déjà essayé d'acheter la concession de l'aéroport international de Nuuk. Ils ont pris pied dans les différents projets de mines. Il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule mine en exploitation au Groenland, une mine de rubis. Pour le reste, il y a des gisements, mais pas forcément déclarés ni exploités ; le potentiel existe, mais pour l'instant, il n'y a rien de concret. On parle beaucoup des Chinois, mais en réalité, ils entrent par une petite porte, ils agissent sur le très long terme, toujours selon la même démarche : s'associer financièrement, à majorité ou pas, dans des entreprises canadiennes, australiennes, etc. Ainsi, au Groenland, ils détiennent une part minoritaire dans une entreprise australienne qui a acheté l'exploitation d'une mine de terres rares. Cela ne va pas plus loin, même s'il faut rester vigilant : pour cela, les Canadiens ont mis en place une commission nationale sur les intérêts extérieurs qui interdit l'achat d'une mine de fer avec des intérêts chinois.

Les démarches américaines ont fait grand bruit. Une délégation américaine s'est installée au Groenland au même titre que la délégation européenne, et lui fait, elle aussi, les yeux doux...

Sur le plan capacitaire, l'accord de 1957 passé avec le Danemark, renouvelé tous les dix ans, autorise pour ainsi dire l'Otan à installer autant de bases qu'elle veut. Pour l'instant, ce n'est pas ce qui est annoncé, mais il faut rester prudent.

Quant aux routes maritimes, elles sont russes ; pour l'instant, ce sont 300 bateaux par an qui font la rotation toutes les 32 heures entre la Sibérie orientale - donc pour l'instant les installations de Yamal LNG -, et l'Europe pour l'essentiel, parce que c'est là où il y a le moins de glace en hiver.

Les projets relatifs au pétrole et au gaz sont sous sanction, mais ils sont autonomes ; il devrait donc y avoir de plus en plus de navigation. Toutefois, la loi russe impose, pour tout ce qui est lié à l'exportation des hydrocarbures et minerais, que les bateaux soient russes, avec des équipages russes, armés et construits en Russie. Or, les Russes ont du mal à construire leurs bateaux parce qu'ils n'ont pas les technologies ; cela ne va donc pas au rythme qu'ils voudraient. Mais l'expansion aura lieu.

Les Chinois, en association avec des opérateurs portuaires comme l'Émirati DP World, qui est implanté aux États-Unis, ont investi pour développer une route régulière. Ils veulent construire de petits feeders. C'est aberrant en termes de shipping, mais ils établiraient deux hubs aux extrémités de la route, où les gros porte-conteneurs viendraient décharger leur cargaison, laquelle serait rechargée sur des plus petits navires qui feraient la navette entre les deux.

Le shifting, c'est-à-dire le fait de décharger et de recharger un conteneur, c'est 180 dollars le mouvement. Économiquement, ce n'est pas viable. Pour l'instant, la route n'est pas appelée à se développer même si des velléités existent.

Le Conseil de l'Arctique a perdu de son intérêt depuis que les Russes sont partis. Ce n'était pas un organe décisionnel, mais un espace de dialogue qui fonctionnait très bien. Les conventions qui y ont été passées sont liées à la coordination de la science et datent donc d'avant 2022. Des coordinations ont permis de définir les zones de sauvetage centrées sur le pôle nord pour répartir les moyens, et c'est à peu près tout.

Les groupes de travail sont très efficaces ; ils sont force de proposition parce qu'ils restent au niveau technique. Sur le plan politique, le Conseil de l'Arctique réunit de manière quasi annuelle les différents ambassadeurs ou ministres, mais les Russes ne sont pas invités et ne viennent pas. C'est dommage, mais on passe par les voies diplomatiques traditionnelles.

M. Jean-Luc Ruelle. - Merci pour votre contribution, passionnante. L'isolement de la Russie et la militarisation progressive de la Norvège, de la Finlande et de la Suède auront-ils pour effet un rééquilibrage géostratégique dans cette région ?

Comme vous venez de le dire, la Chine est très présente dans les discours sur l'Arctique. Si je comprends bien, elle intervient au travers de partenariats techniques. Quelle est par ailleurs sa légitimité à intervenir ?

Le régime juridique actuel de l'Arctique, constitué par la convention de Montego Bay, et sa gouvernance au sein du Conseil de l'Arctique, sont-ils suffisants ? Faudrait-il envisager une réforme ou une relance de ce dernier ?

M. Hervé Baudu. - Il est clair qu'il y a une montée en puissance depuis l'adhésion de la Suède et la Finlande à l'Otan. La Norvège a toujours été très proactive sur la mise en place d'exercices de l'Otan ; elle a quand même 280 kilomètres de frontière avec la Russie. Cela lui cause des problèmes, comme à la Finlande. La Russie est très provocatrice. Très souvent, elle met en place des brouillages, comme à Kirkenes, où les avions doivent atterrir sans GPS. Quand il y a des exercices militaires, elle envoie des messages Notam, c'est-à-dire qu'elle établit des zones de restriction aérienne où elle annonce qu'elle va tirer un missile, sans forcément concrétiser la menace. Elle a été très virulente dans le discours, promettant une riposte militaire lorsque la Suède et la Finlande recevraient des matériels de l'Otan, mais sans effet réel.

La Baltique est un autre sujet très intéressant, parce que c'est un espace très fermé. Mais le tropisme est de se tourner davantage vers l'Arctique. La Norvège a donc un rôle très important. Elle a passé des accords pour ouvrir des bases à des détachements permanents d'avions de l'Otan ou même des ports au nord de Tromsø pour accueillir très régulièrement des sous-marins et des navires américains. La Suède met à sa disposition des moyens satellitaires polaires pour une meilleure connaissance à la fois des glaces, des navires et de l'environnement.

Sur le plan militaire, la Norvège est très active, avec le soutien de l'Otan ; même si M. Trump disait qu'il fallait en faire moins, les exercices sont de plus grande ampleur et sont de plus en plus fréquents, ce qui fait réagir la Russie.

Faut-il réviser le Conseil de l'Arctique et la convention de Montego Bay ? Il n'y a pas de projet de modification de cette dernière, parce qu'elle est volontairement très souple, ce qui permet de mettre tout le monde d'accord et d'éviter les conflits.

On devrait en rester au statu quo sur l'extension du plateau continental, parce qu'il n'y a pas de possibilité pour l'instant d'explorer les fonds marins sous la glace. Même s'il y a moins de glace, il serait tellement cher d'exploiter les ressources qu'il faudrait toujours envisager des alternatives.

Avec la chasse aux sorcières lancée par M. Trump contre les scientifiques sur les questions climatiques, le Conseil de l'Arctique va perdre encore plus de sa substance.

Effectivement, la zone se militarise de plus en plus. Les flottes sont plus importantes, les survols occasionnent des frictions, notamment les gros porteurs ou les bombardiers russes qui sont interceptés par les chasseurs américains ou norvégiens... Mais cela reste - sans jeu de mots - de bonne guerre.

La Chine est très présente sur le plan scientifique. C'est une des plus grosses contributrices en termes de publications sur l'Arctique, même si c'est en Antarctique que se situe son point d'intérêt particulier. Elle a construit quatre brise-glace scientifiques en quatre ans. C'est elle qui a participé au relevé des fonds marins pour que la Russie puisse porter à la Commission des limites du plateau continental son projet d'extension. On la voit régulièrement mouiller des bouées. Elle communique sur le sujet.

Mais on sait que ce sont des missions duales. On sait qu'elle a voulu s'implanter en Islande à la suite de la crise financière en 2008 : elle a subventionné la banque centrale islandaise pour obtenir en échange que l'Islande la fasse entrer au Conseil de l'Arctique comme observateur. Elle a dans ce pays une ambassade énorme. Elle a un projet avec les Norvégiens sur des projets scientifiques en Islande. Mais elle est très prudente ; elle ne se mêle pas des contentieux ; elle en appelle aux normes de l'ONU. Elle joue sur les deux tableaux et ne veut surtout pas être le partenaire exclusif de la Russie ; on le voit sur un projet comme le nouveau pipeline en Sibérie - pour l'instant, rien n'est fait. Elle est très subtile, prudente, mais jamais agressive.

M. Olivier Cadic. - La Chine a en effet tenté d'acheter de vastes étendues de terres en Islande en 2011. Ensuite, un ancien président islandais a créé la fondation Arctic Circle qui se réunit tous les ans et à laquelle la Chine participe, même s'il s'agit d'un pays non arctique. On constate donc des approches indirectes de la Chine et une présence qui s'affirme de façon très forte, comme vous l'avez souligné. Vous pourriez peut-être compléter votre réponse en évoquant l'observation spatiale sur l'Arctique, qui est aussi un sujet important.

M. Hervé Baudu. - Sur le plan technique, il existe deux types de satellites : les satellites stationnaires, situés au niveau de l'équateur, qui restent fixes par rapport à un point de la Terre, et les satellites d'orbite polaire, centrés sur les pôles. Les satellites stationnaires ne peuvent pas recevoir ou émettre d'informations au-dessus du 74e parallèle, ce qui exclut l'ensemble de l'Arctique, notamment pour les communications.

C'est pourquoi des satellites à défilement en orbite polaire, centrés sur les pôles, ont été mis en place, notamment pour les communications et l'observation. La Russie, qui a renforcé sa présence en Arctique, a également mis en orbite ses propres satellites pour acquérir des connaissances environnementales, notamment météorologiques, et pour suivre les navires.

Des satellites de communication, comme l'Iridium, en orbite polaire, disposent de charges AIS (Automatic Identification System) et AGS (Alliance Ground Surveillance) qui permettent de suivre les navires dans ces zones. Cela a permis, par exemple, de détecter la présence du bateau militaire Rhône dans le détroit de Béring, en 2018.

Il existe également des projets pour mettre en orbite des systèmes géographiques. En Suède, la première base européenne de lancement de petits lanceurs à orbite polaire permet de mettre des satellites en orbite, notamment en collaboration avec l'Agence spatiale européenne (ESA). Cette constellation devrait mettre en orbite d'ici à 2030 le projet européen IRIS2 (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite), soit 300 satellites de communication.

On constate donc un attrait particulier pour le secteur spatial qui est lié à la présence de ces bases ainsi qu'à la concentration de satellites en orbite polaire. Pour l'instant, il n'y a pas de crainte à avoir, dans la mesure où, comme je le disais, cet espace est protégé de toute intervention ou interférence de la part des pays, ne serait-ce que par le brouillage des signaux GPS, qui peuvent constituer une contrainte importante.

M. Philippe Paul, président. - Lors de nos déplacements, les préfets maritimes nous alertent sur un sujet bien particulier depuis des années. Un article du journal Le Telegramme, paru lundi dernier, a attiré mon attention. Il mentionnait : « La bataille mondiale de l'Arctique s'accélère. Face au recul des glaces, l'Arctique devient un enjeu stratégique mondial. Les États-Unis et la Russie s'activent pour s'assurer une part des vastes ressources et des routes maritimes qui s'ouvrent ».

Sommes-nous suffisamment conscients de ce qui se passe et y a-t-il lieu de s'alarmer ?

M. Hervé Baudu. - Nous sommes au moins conscients de la situation que je vous ai décrite. Le problème, c'est la militarisation, le contrôle des routes maritimes, les frictions avec les Russes, etc. Toutefois, il n'y a pas forcément lieu de s'alarmer, dans la mesure où il n'y aura pas de guerre ouverte. La tension risque de monter, mais pour l'instant les Russes n'ont pas de velléité d'extension de leur territoire en Arctique. Il n'y a pas de perspective de conflit et l'on constate très peu de mouvements de bateaux militaires en Arctique. Plutôt que de s'inquiéter, il faut surveiller la situation. L'importation des problématiques politiques extérieures propres aux pays qui sont présents autour de l'Arctique font que l'on parle de ce territoire. Mais les problèmes ne sont pas forcément liés à l'Arctique. Je ne pense pas qu'il y ait d'inquiétude particulière à avoir sur le transit maritime.

M. Philippe Paul, président. - Merci de ces propos.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'Accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d'autres questions afférentes aux Réunions des Nations unies tenues sur le territoire français - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Paul, président. - Nous en venons au projet de loi examiné par l'Assemblée nationale le 10 avril dernier portant sur un accord-cadre conclu entre notre pays et les Nations Unies qui est indispensable à l'accueil de la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin 2025.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d'autres questions afférentes aux réunions des Nations unies tenues sur le territoire français.

Cet accord-cadre a été signé à New York le 16 janvier 2025. Il est accompagné d'un échange de lettres précisant certaines de ses modalités.

Il répond à un triple objectif : affirmer notre attachement au multilatéralisme, renforcer l'attractivité de la France pour l'accueil d'événements internationaux et, surtout, permettre l'organisation, dans les meilleures conditions, de la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan, dite Unoc, qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin prochain.

Jusqu'à présent, à chaque fois que la France accueillait une réunion onusienne, qu'il s'agisse de la COP21 en 2015, du sommet sur la pollution plastique en 2023, ou d'autres, il fallait négocier, événement par événement, un accord spécifique, dit accord de siège, définissant les conditions juridiques d'accueil de la conférence : sécurité, privilèges, responsabilités, visas, etc.

C'est une procédure lourde, coûteuse en temps, peu prévisible pour nos partenaires et en décalage avec les exigences d'agilité de la diplomatie contemporaine.

Cet accord-cadre instaure un cadre juridique général, valable pour toutes les réunions futures des Nations Unies organisées sur notre territoire. Il permettra à la France d'agir plus vite, plus efficacement, et de se positionner comme un pays hôte réactif et fiable. C'est un geste de confiance envers nos institutions, mais aussi une réponse très concrète à un besoin exprimé depuis longtemps par les instances onusiennes.

Ce texte est le fruit de plus d'un an de négociation entre les services juridiques des Nations Unies et les administrations françaises. Il s'inspire d'accords similaires conclus avec d'autres pays hôtes, comme le Portugal lors de l'édition précédente de l'Unoc en 2022. Il a été examiné avec précision par plusieurs ministères : celui des affaires étrangères, de l'intérieur, des finances, des outre-mer, et même de la souveraineté numérique.

Quinze articles précisent les conditions d'entrée et de séjour des participants ; les privilèges et immunités reconnus temporairement aux représentants officiels, mais aussi - c'est nouveau - à la société civile impliquée ; la protection des locaux, assurant leur inviolabilité pendant toute la durée de la conférence ; l'exonération de certaines taxes sur le matériel importé temporairement ; le partage des responsabilités en matière de sécurité, avec une zone « bleue » gérée par les Nations Unies, et un périmètre extérieur pris en charge par nos autorités ; enfin, les mécanismes de règlement des différends, basés sur la négociation et, en dernier recours, sur l'arbitrage.

Cet accord n'est pas un exercice théorique. Il fixe le cadre juridique indispensable pour permettre la tenue, dans moins de deux mois, d'un événement de tout premier plan : la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan.

Après New York en 2017et Lisbonne en 2022, la France, en tandem avec le Costa Rica, a été choisie pour accueillir ce moment fort de la diplomatie environnementale mondiale. C'est un honneur, mais aussi une responsabilité.

Le thème retenu - « Accélérer l'action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l'océan » - est plus que jamais d'actualité. Nous savons que l'océan joue un rôle crucial dans la régulation du climat, qu'il absorbe plus de 90 % de la chaleur excédentaire liée au changement climatique, qu'il nourrit près d'un humain sur deux et qu'il est pourtant menacé par la surpêche, la pollution, l'acidification liée au réchauffement climatique et la destruction de ses écosystèmes.

Cette conférence devra donc produire des engagements concrets, en lien avec l'Objectif de développement durable n°14 de l'Agenda 2030. La France, à travers cet accord-cadre, s'assure les moyens de jouer pleinement son rôle d'hôte et de facilitateur.

Sur le plan budgétaire, le montant estimé de 47,7 millions d'euros est certes conséquent, mais il est assumé et justifié.

À titre de comparaison, la précédente édition de l'Unoc à Lisbonne avait coûté 11 millions d'euros. Cet écart s'explique largement par le fait que la ville de Nice a choisi de créer de nouvelles infrastructures pérennes, au lieu de simplement réutiliser des bâtiments existants. C'est un investissement local, dans la durée.

En outre, ce montant comprend une série de prestations essentielles à la réussite de l'événement : logistique, traduction, sécurité, déplacements des équipes onusiennes, restauration et hébergement. Il s'agit d'une organisation digne des standards internationaux, avec entre 8 000 et 9 000 participants attendus.

La tenue de cette réunion entraînera des retombées économiques directes, pour l'hôtellerie, la restauration, les transports, les services de sécurité et les prestataires locaux.

Elle participe aussi au rayonnement de la France, à la promotion de ses savoir-faire en matière de développement durable, de diplomatie et d'ingénierie événementielle.

Je tiens aussi à souligner que cette conférence a été pensée de manière écoresponsable. Elle s'inscrira dans la démarche ISO 20121, une norme exigeante en matière d'événementiel durable. Cela signifie concrètement : réduction des déchets, achats responsables, alimentation durable, sobriété énergétique, accessibilité et égalité femmes-hommes.

La France ne se contente pas d'accueillir une conférence sur l'environnement. Elle s'engage à montrer l'exemple jusque dans les modalités de son organisation.

Enfin, ce texte n'est pas limité à l'Unoc. Il a été pensé pour durer. Il permettra à la France d'accueillir, demain, d'autres événements onusiens sur la santé, la biodiversité, les droits humains ou la paix sans devoir à chaque fois repartir de zéro.

C'est un investissement pour notre souveraineté diplomatique, notre capacité à dialoguer avec le monde et à incarner un multilatéralisme fondé sur des règles claires et partagées.

En conclusion, ce projet de loi est à la fois utile, clair et ambitieux. Il nous dote d'un outil pérenne. Il donne à la France les moyens d'être une puissance diplomatique accueillante, responsable et résolument engagée dans la préservation du bien commun mondial qu'est l'océan.

À travers ce texte, nous affirmons non seulement notre attachement au système des Nations Unies, mais aussi notre capacité à nous projeter dans l'avenir, en alliant rigueur juridique, volontarisme environnemental et sens de l'intérêt général.

L'Assemblée nationale a adopté ce projet de loi le 10 avril dernier. Il ne reste plus qu'au Sénat de se prononcer en faveur de l'approbation de cette convention, ce que je préconise, puisqu'elle apporte un cadre juridique pérenne aux réunions à venir des organes onusiens sur notre territoire

L'examen de ce projet de loi en séance publique est prévu le mardi 20 mai 2025, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

M. Philippe Paul, président. -Nous allons passer au vote qui portera sur le texte de la commission, identique à celui du projet de loi.

Le projet de loi est adopté sans modification.

La réunion est close à 11 h 05.