Mardi 27 mai 2025

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Action de sécurité pour l'Europe - Communication

M. Jean-François Rapin, président. - Nous sommes aujourd'hui réunis pour entendre la communication de François Bonneau, Dominique de Legge et Gisèle Jourda sur la proposition Security Action For Europe (Safe). Il faut souligner la rapidité avec laquelle ce texte a été examiné au sein du Conseil, le Parlement européen ayant été exclu de la discussion au nom de l'urgence - procédure que celui-ci entend bien contester.

Cette proposition de règlement a ainsi fait l'objet d'un accord au Comité des représentants permanents la semaine dernière et doit être adoptée aujourd'hui même par le Conseil.

Il est important de connaître précisément les éléments ayant fait l'objet de cet accord, qui peuvent avoir une incidence sur le résultat des négociations sur le programme européen pour l'industrie de la défense (Edip).

M. François Bonneau, rapporteur. - Aujourd'hui même doit en effet être adoptée en Conseil Affaires générales la proposition de règlement établissant l'instrument « Agir pour la sécurité de l'Europe par le renforcement de l'industrie européenne de la défense », plus connue sous son acronyme Safe. Ce nouvel instrument vise à fournir 150 milliards d'euros de prêts aux États membres pour des acquisitions communes en matière de défense.

Cette proposition de règlement a été présentée par la Commission européenne début avril et une procédure d'urgence a été enclenchée pour assurer une adoption rapide du texte, en excluant, cela a été dit, le Parlement européen du processus.

Safe fait partie d'un plan plus global, le plan ReArm EU, présenté en mars dernier par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Au total, ReArm EU doit permettre de mobiliser 800 milliards d'euros pour renforcer les dépenses de défense à l'échelle de l'Union européenne, en activant des flexibilités et en recourant à divers mécanismes financiers.

Cette avalanche annoncée de financements peut-elle renforcer à court terme les capacités de défense de l'Europe ? En quoi ce plan peut-il aider à décloisonner enfin les politiques nationales d'armement ? En somme, cette Europe de la dépense peut-elle conduire à l'Europe de la défense ?

Après avoir rappelé les principales dispositions de ReArm EU, nous vous détaillerons le contenu de la proposition Safe, avant de tracer des perspectives sur les autres initiatives en matière de défense, tout particulièrement s'agissant du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip).

Mes chers collègues, comme vous le savez, le contexte sécuritaire s'est fortement dégradé en Ukraine depuis le début de l'année, avec une intensification de l'économie de guerre russe et, surtout, une incertitude croissante s'agissant du soutien des États-Unis. C'est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé le 6 mars dernier le plan ReArm EU, composé de cinq piliers.

Le premier de ces piliers est une autorisation à s'endetter davantage s'il s'agit de dépenses de défense. La Commission européenne appelle les États membres à activer de façon coordonnée la clause dérogatoire nationale du pacte de stabilité et de croissance. Cette clause permet à un État membre de s'écarter de sa trajectoire budgétaire en cas de circonstances exceptionnelles qui échappent au contrôle de l'État membre et qui ont une incidence majeure sur ses finances publiques. Début mars, la Commission européenne a annoncé que la guerre en Ukraine et la menace qu'elle représente pour la sécurité européenne constituaient de telles circonstances exceptionnelles. La clause couvre une période de quatre ans et permet d'augmenter les dépenses de défense jusqu'à 1,5 % du PIB. La Commission européenne estime que cette flexibilisation pourrait permettre de dégager 650 milliards d'euros d'ici à 2028.

Encore faut-il préciser que ce montant de 650 milliards d'euros est une estimation, reposant sur l'hypothèse que tous les États membres activent la clause, et ce jusqu'au plafond autorisé, soit 1,5 % du PIB d'ici à la fin de la période de quatre ans d'activation de la clause dérogatoire nationale. À ce jour, 16 États membres sur 27 ont officiellement demandé l'activation de la clause dérogatoire, notamment l'Allemagne, pourtant autrefois gardienne de l'orthodoxie budgétaire. La France, quant à elle, a d'ores et déjà annoncé qu'elle n'y recourrait pas, ne voulant pas remettre en cause la trajectoire budgétaire qu'elle s'est fixée. Rien ne garantit donc que l'objectif de 650 milliards d'euros annoncé par la Commission européenne soit atteint du fait de l'activation de la clause dérogatoire nationale.

Un deuxième pilier du plan ReArm EU consiste en la possibilité de réorienter les fonds de cohésion vers les efforts de défense. Ces fonds souffrent d'une mauvaise consommation dans le cadre financier actuel et la Commission propose d'autoriser les États membres qui le souhaitent à utiliser les programmes de la politique de cohésion pour augmenter les dépenses en matière de défense. Plusieurs régions ont déjà fait part de leurs inquiétudes face à cette annonce ; elles regrettent que la politique de cohésion soit de plus en plus détournée de ses objectifs structurels d'origine, afin de répondre aux différentes crises conjoncturelles.

Nous l'avons évoqué lors de la table ronde avec Régions de France, la direction générale de la politique régionale et urbaine (DG Regio) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais le commissaire européen chargé du budget, de la lutte anti-fraude et de l'administration publique, Piotr Serafin, a bien réaffirmé devant notre commission jeudi dernier le souhait de la Commission européenne d'aller dans cette direction.

Deux autres piliers visent, pour l'un, à mobiliser davantage les capitaux privés en accélérant la mise en place de l'Union de l'épargne et des investissements, et, pour l'autre, à prévoir une participation accrue de la Banque européenne d'investissement (BEI) aux projets de défense. En mai 2024, la BEI a déjà annoncé un changement dans sa politique traditionnelle consistant à ne pas investir dans les produits militaires. Elle a en effet assoupli les restrictions sur les investissements à double usage. C'est une première évolution indispensable, mais il faut aller plus loin, comme le Conseil européen le réclame depuis plusieurs réunions. Il s'agit désormais d'étendre encore davantage le champ des projets éligibles dans le secteur de la défense et d'augmenter le volume de financements. Il est grand temps que la BEI accompagne réellement le renforcement indispensable de la base industrielle et technologique de défense européenne !

M. Dominique de Legge, rapporteur. - J'en viens maintenant à la proposition Safe, qui est le dernier pilier du plan ReArm EU et probablement le plus important. Il s'agit là d'un nouvel instrument financier permettant d'accorder 150 milliards d'euros aux États membres pour investir dans des domaines capacitaires stratégiques.

Un mot tout d'abord sur la base légale retenue pour le texte, qui a suscité et suscite encore des tensions entre le Conseil et le Parlement européen. La proposition de règlement repose sur l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui permet de prendre des mesures d'urgence à l'égard des États membres, en excluant le Parlement européen du processus. En d'autres termes, seul le Conseil décide. Cet article a déjà été utilisé pour l'achat commun de vaccins lors de la crise du Covid-19 ou pour mettre en oeuvre des mesures d'urgence face à la crise énergétique. Le Parlement européen s'était déjà plaint à ces occasions du recours à cette procédure d'urgence. Cette fois-ci, Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, a menacé de déposer un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) une fois le règlement Safe adopté, pour contester la procédure retenue. Le Parlement européen dispose de deux mois pour le faire. Ce règlement est donc au coeur d'une bataille interinstitutionnelle plus large.

La proposition Safe peut se résumer en une phrase : il s'agit de fournir des prêts aux États membres pour financer des acquisitions conjointes de produits européens de défense.

S'agissant des prêts tout d'abord, l'originalité du dispositif est que les emprunts sont contractés par la Commission européenne sur les marchés financiers. Cela permet d'offrir aux États membres des conditions de financement avantageuses, en tirant parti de la solidité du crédit de l'Union européenne. Pour de nombreux États membres, il est moins coûteux de se voir prêter par la Commission européenne des fonds qu'elle a levés sur le marché que de les lever eux-mêmes. De fait, Safe fournit des prêts à longue échéance, d'une durée maximale de 45 ans, avec un délai de grâce de 10 ans pour les remboursements du principal.

Néanmoins, soyons clairs, il s'agit non pas d'argent européen, mais bien de prêts nationaux qui devront à terme être remboursés. L'allocation de l'enveloppe de 150 milliards d'euros aux États membres sera fondée sur la demande ; il n'y aura pas de clé de répartition. Les États membres souhaitant recevoir des prêts devront soumettre à la Commission un plan d'investissement pour l'industrie européenne de défense.

Ces prêts doivent financer des achats conjoints. Il s'agit là d'un autre point capital, qui vise à renforcer l'interopérabilité des forces armées européennes et permettre des économies d'échelle.

Le principe est que deux États membres au moins doivent participer à ces acquisitions. Cela peut également inclure une association entre un État membre et l'Ukraine, ou un État membre et un pays de l'Espace économique européen. Ces acquisitions conjointes peuvent aussi inclure les pays en voie d'adhésion, les pays candidats et d'autres pays tiers avec lesquels l'Union a conclu un partenariat de sécurité et de défense. Ainsi, le Royaume-Uni, avec qui un accord de partenariat a été signé le 19 mai, pourrait participer à ces acquisitions conjointes ; nous y reviendrons, car c'était un élément clé des discussions en vue du Sommet UE-Royaume-Uni du 19 mai.

Enfin, ces prêts doivent financer des achats groupés de produits européens. Figure ainsi dans la proposition Safe une clause de préférence européenne. Vous le savez, c'est un sujet crucial, puisqu'aujourd'hui 80 % des investissements des États membres dans le domaine de la défense sont réalisés auprès de fournisseurs extérieurs à l'Union, dont 63 % viennent des États-Unis. Je rentre de l'Assemblée parlementaire de l'Otan où j'ai beaucoup entendu la remarque suivante : il n'est pas très cohérent de nous demander un effort de défense et d'augmenter dans le même temps les droits de douane.

Face à cet état de dépendance et pour stimuler la base industrielle et technologique de défense européenne, Safe impose une part minimale de 65 % de composants européens dans les produits achetés. C'est le minimum que nous avions nous-mêmes exigé dans notre proposition de résolution européenne sur Edip. Sont considérés comme européens les composants provenant des États membres, mais aussi d'Ukraine ou de Norvège.

Par ailleurs, pour les produits dits complexes, comme les chars, les conditions d'éligibilité sont plus strictes : il faut non seulement une part minimale de composants européens, mais il faut également que l'entreprise dispose de l'autorité de conception, c'est-à-dire de la capacité de pouvoir utiliser et modifier l'équipement comme elle le souhaite. Cette disposition doit permettre de s'assurer que des pays tiers ne puissent pas bloquer l'utilisation d'un produit, comme les États-Unis ont été par exemple accusés de le faire sur leur programme de chasseurs F35. On peut regretter que cette clause ne s'applique qu'aux produits dits complexes, mais il s'agit là d'un compromis, certains États membres s'étant opposés au principe même de cette clause. Safe étant un instrument d'urgence et étant constitué de financements nationaux, ces États considéraient que les règles d'éligibilité ne pouvaient pas être aussi sévères que pour Edip.

En définitive, quelles ont été les grandes évolutions entre le texte proposé par la Commission européenne et le texte final qui devrait être adopté aujourd'hui ? Le texte devrait être assez proche de la version initiale. Deux sujets majeurs ont occupé les discussions : les règles d'éligibilité et la participation de pays tiers.

S'agissant des conditions de la clause de préférence européenne, certains États membres, notamment l'Italie, ont souhaité des critères plus souples, compte tenu du lien historique et de l'imbrication de leurs industries avec des partenaires extérieurs à l'Union, particulièrement américains. À l'inverse, d'autres États membres étaient partisans de critères encore plus stricts, avec une part plus importante de matériels européens.

Les réalités du paysage industriel actuel, tout comme la volonté de certains États membres de conserver des liens avec des entreprises non européennes, ont conduit à conserver la règle des 65 % de composants européens. En revanche, des conditions temporaires ont été ajoutées s'agissant des sous-traitants pour prendre en compte les chaînes d'approvisionnement existantes, que les industries européennes ne peuvent changer du jour au lendemain.

La participation des États tiers au programme Safe a été l'autre sujet majeur des négociations. En parallèle des discussions a été signé le 19 mai un accord de partenariat avec le Royaume-Uni. Cet accord comprend un pacte de défense et de sécurité, condition pour la participation d'un État tiers à Safe.

Encore faut-il préciser deux éléments. D'une part, les prêts Safe ne sont accordés qu'aux États membres ; le Royaume-Uni ne pourra donc pas bénéficier des prêts, mais il pourra participer aux opérations d'acquisitions conjointes. D'autre part, l'accès des industriels britanniques au programme reste très encadré puisqu'un deuxième accord Union européenne-Royaume-Uni devra être préalablement passé pour que ces entreprises soient éligibles.

Au-delà de la question du Royaume-Uni, d'autres États tiers pourraient vouloir participer au programme, comme la Turquie. Au cours des négociations, Chypre et la Grèce se sont fortement opposées à cette possibilité.

L'accord final sur Safe devrait préciser que tout accord bilatéral pour la participation à Safe sera négocié par la Commission européenne et ensuite validé par le Conseil à l'unanimité, rassurant ainsi plusieurs États membres.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Nous l'avons dit, la proposition Safe a été discutée dans l'urgence, sans droit d'amendement du Parlement européen. L'urgence doit également s'appliquer s'agissant de la mise en oeuvre de cet instrument temporaire, soumis à des délais très courts. Ainsi, à compter de l'adoption du règlement, les États membres disposeront de deux mois pour postuler au programme et déclarer le montant de prêts qu'ils souhaitent solliciter auprès de la Commission européenne. Ensuite, la Commission informera les États membres intéressés de la répartition provisoire des montants de prêts. Dans un troisième temps, dans un délai de six mois, les États membres devant présenter leur plan d'investissement pour l'industrie européenne de la défense.

En bref, si ce calendrier est respecté, les demandes définitives des États membres devraient être présentées en novembre 2025 et les premiers financements pourraient être débloqués en fin d'année 2025.

Cette rapidité tranche avec la longueur des discussions sur un autre programme majeur pour l'industrie de défense, le programme Edip, qui avait été présenté par la Commission en mars 2024 et qui n'est toujours pas adopté.

Dans les dernières semaines, la priorité a été donnée à un accord sur Safe, ce qui a gelé au Conseil toutes les discussions sur Edip. Le Parlement européen est en revanche parvenu à un accord sur Edip le 24 avril dernier. L'objectif est donc désormais de faire avancer ce programme et d'aboutir à un accord lors des trilogues. Andrius Kubilius, commissaire européen à la défense, a appelé à un compromis sur Edip d'ici à fin juin. En réalité, il paraît très ambitieux d'obtenir un accord au Conseil puis une conclusion des trilogues dans un délai si restreint.

Où en sont donc les discussions sur Edip et quelles sont les positions respectives ?

Comme vous le savez, le programme Edip vise à développer, au-delà des mesures d'urgence, une approche structurelle en faveur du renforcement de l'industrie de défense européenne. Ce programme concerne un ensemble d'outils, notamment des soutiens à la production et aux commandes conjointes - avec au minimum trois États concernés. Il disposerait d'une enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2027. À la différence de Safe, il s'agit là d'une enveloppe financée à partir du budget européen, et non à partir d'emprunts nationaux.

On retrouve sur Edip les mêmes sujets de discussion que sur Safe : jusqu'où doit aller la clause de préférence européenne ?

Au Conseil, un groupe d'États membres, rassemblés autour de la Pologne, des Pays-Bas et de la Suède, est favorable à des critères d'éligibilité très ouverts, permettant le recours à une large sous-traitance non européenne et le financement de chaînes de production sous contrôle de pays tiers.

La vision promue par la France sur la préférence européenne, que nous avons défendue avec force dans la résolution européenne du Sénat sur Edip, peine ainsi à s'imposer dans les négociations : seul un groupe restreint d'États membres, notamment Chypre et la Grèce, souhaite des critères stricts pour l'éligibilité des entreprises et le contrôle des produits achetés, conformes à ceux du Fonds européen de la défense. Puisqu'il s'agit de subventions européennes, et non de financements nationaux, il serait logique d'attendre des règles d'éligibilité plus strictes encore que celles qui sont requises pour Safe.

Dans la résolution européenne sur Edip que le Sénat a adoptée fin décembre 2024, nous avons indiqué que l'ambition devait être la plus élevée possible, en retenant un taux de composants originaires de l'Union européenne ou de pays associés qui ne saurait être inférieur à celui de 65 % qui est retenu dans le règlement relatif à la mise en place d'un instrument visant à renforcer l'industrie européenne de la défense au moyen d'acquisitions conjointes, dit Edirpa. Selon nous, il fallait, si possible, tendre vers un taux minimal de 80 %.

Le texte adopté par le Parlement européen le 24 avril dernier, dont François-Xavier Bellamy et Raphaël Glucksmann sont rapporteurs, est plus ferme que la proposition de la Commission européenne. Le Parlement européen souhaite qu'Edip ne finance que les produits dont au moins 70 % de la valeur estimée du produit final correspond à des composants issus de l'Union ou de pays associés. De plus, les projets européens de défense d'intérêt commun ne seraient éligibles aux financements que s'ils associent au minimum six États membres ou au moins quatre exposés à un risque élevé de menace militaire conventionnelle. L'Ukraine devrait pouvoir y participer.

Le Parlement européen a également introduit dans le texte la notion d'autorité de conception (Design Authority). Les fonds d'Edip doivent être réservés au soutien de produits de défense dont l'autorité de conception est installée dans l'Union européenne. Une définition précise est donnée de cette notion : l'autorité de conception s'entend comme « l'entité qui a l'autorité légale et la capacité de décider - sans restriction de la part des pays non associés ou des entités de pays non associés - de la définition, de l'adaptation et de l'évolution de la conception du produit, sur la base de la propriété nécessaire des droits de propriété intellectuelle et de la maîtrise des technologies ».

Par ailleurs, le Parlement européen propose une hausse du budget d'Edip. Dans la résolution européenne que nous avions adoptée, nous avions alerté sur l'insuffisance du montant dévolu au financement du programme jusqu'à fin 2027. Le texte du Parlement européen propose de passer de 1,5 milliard d'euros à 21,5 milliards d'euros : 1,5 milliard d'euros proviendrait du budget de l'Union et 20 milliards d'euros supplémentaires seraient issus de contributions des États membres. Le Parlement européen propose d'utiliser une partie des prêts Safe pour financer ces 20 milliards d'euros. Les modalités pratiques restent à trouver, sachant que les différences de conditions d'éligibilité entre les deux programmes pourraient compliquer ce transfert.

Il faut également noter que le Parlement européen soutient dans Edip la création d'un instrument de soutien à l'Ukraine (USI) pour assurer la modernisation et l'intégration de l'industrie de défense ukrainienne dans la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Ce financement européen permettrait d'augmenter les investissements directs dans l'industrie de défense ukrainienne et de faciliter les partenariats entre les acteurs européens et ukrainiens de la défense. Le Parlement propose d'affecter 5 milliards d'euros à cet instrument, à partir des 20 milliards d'euros supplémentaires des contributions des États membres.

Les négociations doivent donc désormais s'engager avec le Conseil dès que celui-ci aura adopté sa position. Nous le savons, l'argent est le nerf de la guerre. À ce titre, la proposition de la Commission européenne sur le cadre financier pluriannuel post-2027, qu'elle présentera mi-juillet, est très attendue. Nous attendons de voir quelle place sera accordée à la défense dans ce cadre financier pluriannuel. De premières pistes suggèrent une intégration de la défense dans un fonds unique de compétitivité ou encore la levée d'un nouvel emprunt européen pour financer les efforts de sécurité.

Nous ne manquerons pas d'en débattre dans les semaines à venir.

M. Jean-François Rapin, président. - Merci de nous avoir fait part de ces propositions onéreuses, dont j'ignore si elles sont totalement réalisables.

M. Ronan Le Gleut. - Comme l'a rappelé Dominique de Legge, nous sommes rentrés cette nuit de l'Assemblée parlementaire de l'Otan, qui s'est tenue à Dayton. J'ai été très frappé par le discours de son secrétaire général, Mark Rutte, qui a fait l'apologie du F35, selon moi, de façon excessive. Il a également rappelé le programme Tempest. En aparté, il a indiqué, sans les citer, que d'autres membres de l'Otan travaillaient sur un nouvel avion de chasse. Il s'agit en réalité du programme franco-germano-espagnol de futurs avions de combat Scaf. Il n'a même pas mentionné l'autre offre européenne, qui est en fait la seule véritable offre européenne ! Cela entre pleinement en résonance avec la présentation qui vient d'être faite.

On sent bien combien, dans ces instances, la pression est forte et à quel point le plaidoyer en faveur de matériels américains domine. Cela me rappelle la formule célèbre de Florence Parly, quand elle était ministre des armées : l'article 5 n'est pas l'article F35. Pourtant, c'est exactement ce que nous avons vécu hier en écoutant le discours de Mark Rutte.

Mes chers collègues, lors de vos auditions, avez-vous senti ce tiraillement de pays membres de l'Otan qui freine peut-être la constitution d'une base industrielle et technologique de défense européenne ?

Mme Marta de Cidrac. - Je partage les remarques de Ronan Le Gleut.

Cela nous interroge sur la volonté de l'Europe de créer son propre outil de défense et sa propre industrie, ainsi que sur la capacité de la France à imposer un certain nombre d'équipements militaires.

Il est choquant d'entendre de tels propos de la part du secrétaire général de l'Otan quand on est européen.

Les Européens resteront-ils toujours sous bouclier de l'Otan, mais avant tout sous bouclier américain ? Dans ce contexte, comment envisage-t-on l'avenir de la défense européenne ?

M. François Bonneau, rapporteur. - C'est une question importante.

Ce texte prévoit non seulement des composants européens, mais aussi la capacité de pouvoir utiliser ces matériels sans autorisation extérieure. Reste que, de la volonté aux actes et à sa réalité sur le terrain, il va se passer un certain temps.

Que Mark Rutte appelle à acheter du matériel américain ne manque pas de surprendre, après les messages qui ont été envoyés depuis le début de l'année.

Pour autant, certaines choses ont changé : il n'est qu'à voir le discours du nouveau chancelier allemand. Il y a un changement dans les mots, qui se traduira dans les actes à l'avenir. On pourra sans doute s'appuyer sur du matériel dont on maîtrise à la fois les composants et la fabrication. Certes, cela gênera l'Italie, qui travaille beaucoup sous licence.

On sera adossé à des pays qui ont une vraie défense, notamment le Royaume-Uni.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Je tiendrai des propos très libres.

De quoi parle-t-on : de la défense de l'Europe ou d'une défense européenne ? On est là dans une ambiguïté totale.

Par ailleurs, on peut saisir l'élection de Donald Trump comme une inquiétude et une menace ou, à l'inverse, comme une opportunité et une chance pour répondre à cette question qui se pose depuis soixante-dix ans : l'Otan, est-ce les États-Unis ou un engagement de l'ensemble des partenaires qui le constituent ?

Il me semble, mais cela n'engage que moi, que le danger de la réponse de la Commission européenne, c'est d'avoir une approche purement industrielle qui, si elle est très adaptée en temps de paix, ne l'est pas en temps de guerre. Or nous sommes dans une période d'urgence.

Croire que nous pourrons avancer en tant qu'Européens dès lors que nous aurons 65 % de composants européens me paraît hors de propos compte tenu de l'urgence dans laquelle nous sommes. Aujourd'hui, la vraie question est : où trouve-t-on le meilleur avion au meilleur prix et quel intérêt avons-nous à tous l'acheter et à faire en sorte qu'il soit interopérable ?

Ne soyons pas naïfs, l'après-Ukraine ne sera peut-être pas la paix. Il faut s'y préparer. À Dayton, on nous a cité des chiffres extrêmement préoccupants sur la remontée en puissance de la menace russe. Celle-ci continuera d'exister, même si la paix avec l'Ukraine est conclue.

Nous sommes à un tournant des stratégies. Je suis intimement convaincu que nous avons besoin de coopérer à l'échelon européen pour mettre en place des outils de défense. Cela passe-t-il par une section européenne au sein de l'Otan ? Je ne sais pas.

Je ne suis pas certain que les États-Unis aient intérêt à quitter l'Otan tel qu'il fonctionne aujourd'hui. En effet, ils ont besoin d'être protégés sur ce flanc-là, d'autant qu'ils sont sujets à d'autres menaces ailleurs.

Voilà mon commentaire libre et à chaud.

M. Jean-François Rapin, président. - C'est un raisonnement qui s'entend.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Mon analyse est différente.

Nous sommes dans une situation qui a été voulue. Nous n'avons jamais été dans une situation favorable : la création d'un pilier européen au sein de l'OTAN n'a jamais été souhaitée par l'Otan. Aujourd'hui, cela resurgit.

Il est vrai que l'agression russe contre l'Ukraine a remis certaines problématiques au premier plan, notamment le fait de travailler sur des projets et de relancer des industries de défense. Pour autant, tout cela reste relativement à la marge.

Que voulons-nous au sein de l'Union européenne pour assurer notre devenir, à savoir garantir un certain périmètre de sécurité dans l'immédiat, et avec qui ? Voilà la vraie question qu'il faut se poser.

Je rappelle que, lorsqu'il était candidat la première fois, le président Trump a déclaré que le multilatéralisme ne se justifiait plus et qu'il voulait en quitter tous les outils.

Par ailleurs, nous ne sommes pas dans les perspectives qui étaient celles de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Trump, Poutine et Xi Jinping ne sont pas Roosevelt, Churchill et de Gaulle.

Je serais peut-être la dernière à considérer que nous devons à la fois avoir une protection de défense européenne bien pensée avec les pays qui souhaitent se joindre à nous et voir avec l'Otan ce que nous décidons et ce qu'il est possible de faire, pour autant que nous sachions ce que les États-Unis comptent faire et quelle est leur vision des choses,

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Autre élément à verser au dossier, la place de la France.

On a tendance à penser qu'on a une excellente armée. C'est vrai, mais, je le dis comme je le pense, elle n'est pas aujourd'hui à la hauteur des enjeux. Les efforts des autres pays sont supérieurs aux nôtres. Nous sommes l'un des pays de l'Otan qui, en pourcentage du PIB, consacre le moins à sa défense.

Je ne sais pas comment on atteindra l'objectif de 3,5 % du PIB, lorsque celui-ci sera décidé. Cela représente 45 milliards d'euros de plus à l'échéance de la loi de programmation militaire actuelle (LPM). Or nous ne réalisons pas la LPM aujourd'hui. Nous avons 8 milliards d'euros de report de crédits. Dans le budget 2025, 90 % des crédits hors crédits de personnels servent à payer des engagements qui ont été pris avant 2025 ! En outre, 99 milliards d'euros sont engagés, ce qui représente deux années de budget de la défense. Nous n'avons plus de marges de manoeuvre !

Qui plus est, nous dépensons plus pour payer les intérêts de la dette que ce que nous consacrons à la défense. Pour ma part, je suis très préoccupé. Il faut aussi tenir compte de cette réalité.

Pendant de nombreuses années, la France a eu un statut un peu particulier, car elle était le seul pays européen à avoir une armée de projection et une armée engagée et qu'elle disposait de la dissuasion. Aujourd'hui, la situation est totalement différente, car les autres pays prennent conscience qu'il ne faut pas compter que sur les Américains, mais que la France, au regard de sa situation économique, n'est peut-être pas le partenaire qu'ils souhaiteraient qu'elle soit.

Mme Marta de Cidrac. - Je souhaite revenir sur la déclaration du chancelier allemand concernant la levée de la limitation des portées des armes livrées à l'Ukraine. Cela signifie que de l'armement européen peut être impliqué, ce qui peut être perçu comme le franchissement d'une limite. Cela aurait forcément une incidence sur notre philosophie de la défense européenne ou de l'Europe de la défense. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Je ne peux m'empêcher de faire un lien avec l'industrie de l'armement, quand bien même ce n'est pas le même sujet. À comparer nos clients avec ceux des autres États membres, on mesure que, d'un point de vue stratégique et géopolitique, les enjeux ne sont pas les mêmes.

Une réflexion a -t-elle été menée sur ce sujet et des connexions diplomatiques ont-elles été établies en fonction du poids de certains États membres, je pense en particulier à l'Allemagne et à la France ?

M. François Bonneau, rapporteur. - Je vous réponds d'emblée sur la deuxième partie de votre question. Nous avons eu des auditions très techniques sur les réglementations européennes, et ce que vous suggérez paraît difficilement envisageable.

Pour le reste, nous avons tardé à apporter aux Ukrainiens l'aide dont ils avaient besoin ; d'ailleurs, ils nous l'ont dit eux-mêmes. Pour combattre un ennemi comme la Russie, il faut pouvoir frapper en profondeur ; pendant de trop nombreux mois, ils n'en ont pas eu la possibilité. La déclaration allemande relève d'un constat pragmatique. À mon sens - c'est un avis tout à fait personnel -, nous aurions dû le faire plus tôt. Nous avons craint l'escalade, car Poutine nous promettait l'enfer. Mais je pense que nous aurions dû garder la tête froide et réfléchir avant tout aux objectifs que nous souhaitions voir nos alliés ukrainiens atteindre.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Ce qui me frappe dans la coopération franco-allemande - j'espère qu'elle va évoluer -, c'est le péché originel : les Allemands veulent bien développer une base industrielle et technologique de défense (BITD) allemande, mais ils préfèrent que ce soient les Français qui fassent la guerre. Or, aujourd'hui, la guerre est sur le territoire européen. La question n'est donc pas seulement de savoir qui construit ; il faut aussi savoir comment utiliser le matériel ensemble.

Aujourd'hui, les Russes fabriquent chaque année quatre fois plus de munitions que tous les Européens réunis. La réponse de Mme von der Leyen me semble donc totalement déphasée d'un point de vue militaire et de sécurité.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Pour ma part, je suis très réservée sur cette question qui mérite, me semble-t-il, une réflexion approfondie. Je ne suis pas persuadée que nous partagions tous la même vision des choses et que ce type de discussions soit d'actualité aujourd'hui.

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, je vous remercie de votre participation. Le sujet nécessite un travail de longue haleine. Je vous indique d'ailleurs que nous essayons d'organiser, avec la commission des affaires étrangères, une audition des deux rapporteurs du Parlement européen, François-Xavier Bellamy et Raphaël Glucksmann.

Questions diverses

M. Jean-François Rapin, président. - Je vous rappelle que nous examinerons demain à quatorze heures le rapport d'information et la proposition d'avis politique présentés par Mmes Cathy Apourceau-Poly, Pascale Gruny et M. Bernard Jomier sur le plan européen pour vaincre le cancer.

À la suite de l'audition du commissaire Piotr Serafin jeudi dernier, et compte tenu du caractère mouvant des prises de position à l'échelon européen, nos collègues Christine Lavarde et Florence Blatrix Contat disposeront, à leur demande, d'un peu plus de temps que prévu pour finaliser leur avis politique sur le cadre financier pluriannuel. L'avis sera probablement rendu le 11 ou le 12 juin.

Désignation de rapporteurs

M. Jean-François Rapin, président. - Je propose de désigner nos collègues André Reichardt et Audrey Linkenheld rapporteurs sur la proposition de règlement établissant un système commun pour le retour des ressortissants de pays tiers installés irrégulièrement dans l'Union.

Je propose en outre de désigner Christine Lavarde, Didier Marie et Jacques Fernique rapporteurs sur la révision de la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D).

Il en est ainsi décidé.

L'aide alimentaire et le Fonds social européen + (FSE+) dans la perspective du prochain cadre financier pluriannuel - Audition de MM. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale (DGCS), Patrice Douret, président des Restos du Coeur, Louis Cantuel, responsable du pôle institutionnel et stratégique des Restos du Coeur, Mme Barbara Mauvilain, responsable du pôle des relations institutionnelles de la Fédération française des banques alimentaires, M. Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française, Mmes Charlotte Guiffard, directrice de l'inclusion de la Croix-Rouge française, Joëlle Bottalico, secrétaire générale adjointe du Secours populaire français, et Mathilde Courcy, responsable du service « financements et dotations publiques » du Secours populaire français

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Mercredi 28 mai 2025

- Présidence de M. Claude Kern, vice-président -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Plan européen pour vaincre le cancer - Examen du rapport d'information et de la proposition d'avis politique

M. Claude Kern, président. - Mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence du président Jean-François Rapin et vous indique, qu'en raison des nombreux déplacements prévus, notre commission ne se réunira pas la semaine prochaine.

Nous nous réunissons cet après-midi pour examiner le projet de rapport d'information de nos collègues Pascale Gruny, Bernard Jomier et Cathy Apourceau-Poly, ainsi que leur proposition d'avis politique sur le plan européen pour vaincre le cancer.

Ce plan, présenté en février 2021, répond à un engagement fort et sans précédent de la Commission européenne sur cette thématique à forts enjeux, le cancer étant la deuxième cause de mortalité en Europe.

Alors que la Commission européenne va bientôt présenter sa proposition de maquette pour le prochain cadre financier pluriannuel, il est important de dresser un bilan des actions menées et de la valeur ajoutée de l'Union européenne.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - La Commission européenne a présenté en février 2021 le plan européen pour vaincre le cancer, ou « plan cancer ».

Conçu pour être mis en oeuvre entre 2021 et 2027, ce plan aborde tous les axes de la lutte contre le cancer, à savoir la recherche, la prévention, le dépistage et les soins, ainsi que la qualité de vie des patients et des survivants du cancer. Il vise à favoriser l'utilisation des nouvelles technologies du numérique et à lutter contre les inégalités face à cette maladie, tout en accordant une attention particulière aux cancers pédiatriques.

À cette fin, le plan cancer doit permettre le lancement de plusieurs initiatives, législatives ou non, dont dix initiatives phares.

Ces initiatives se déclinent en projets dont la réalisation associe l'Union européenne et, selon leur volonté, les États membres, des associations ou des centres de soins ou de recherche. L'Union européenne finance généralement 60 à 80 % du projet, le reste étant à la charge des autres participants.

À ce jour, toutes les initiatives phares prévues ont été lancées, ce dont on peut se féliciter.

Ce plan traduit une mobilisation sans précédent de la Commission européenne pour lutter contre le cancer. L'engagement financier est également significatif : le budget potentiel pour la mise en oeuvre des initiatives du plan s'élève à quatre milliards d'euros, provenant essentiellement du programme « L'UE pour la santé » et du programme-cadre « Horizon Europe ».

Cette mobilisation contre le cancer est complétée par la création d'une « mission cancer » au sein de la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI). Cette mission doit permettre d'atteindre les objectifs et de déployer les initiatives du plan cancer.

Dans le domaine de la recherche, l'Union européenne dispose d'une compétence étendue, affirmée par les articles 179 et 180 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Les différents piliers du programme-cadre « Horizon Europe » financeront la recherche contre le cancer à hauteur de deux milliards d'euros.

Si ce montant potentiel est particulièrement important, nous souhaitons que les plus petites structures puissent également bénéficier de ces fonds. Dès lors, une simplification des démarches administratives nécessaires devrait être engagée.

Par ailleurs, certains projets de recherche, visant notamment à suivre les séquelles de survivants du cancer, doivent être menés sur le long terme. De ce fait, ils nécessitent un engagement financier sur plusieurs années. Il nous paraît donc essentiel d'adapter la durée du financement au projet financé.

L'Union européenne devrait prioritairement soutenir des projets qui ne présentent pas d'intérêt pour le secteur privé : c'est le cas de la recherche sur les cancers rares, notamment les cancers pédiatriques, mais aussi de la désescalade thérapeutique, qui permettrait de réduire les effets toxiques des traitements sur les malades pour un bénéfice médical égal.

De même, il serait intéressant de comprendre la hausse du nombre de cas de cancers chez les jeunes adultes afin de mettre en oeuvre des actions de prévention et de dépistage spécifiques.

En outre, conformément au plan cancer et en s'appuyant sur la « mission cancer », la Commission européenne a lancé plusieurs initiatives visant à créer des structures et des outils permettant de soutenir la recherche.

Le centre de connaissances sur le cancer a ainsi été créé le 30 juin 2021 afin de fournir les données scientifiques nécessaires pour mieux lutter contre cette maladie. Il se chargera notamment du registre des inégalités face au cancer, qui vise à recenser les disparités entre les États membres et en leur sein face au cancer. La Commission a confié à l'OCDE la collecte des données, et des rapports sont publiés tous les deux ans pour chaque État membre.

Pour soutenir les activités du centre de connaissances sur le cancer, il est nécessaire que chaque État membre dispose d'un registre du cancer permettant la collecte et l'analyse de données relatives à la maladie et aux soins. Il est donc important que la Commission européenne continue de soutenir les États membres dans la production de données. Or, contrairement à 22 États membres de l'Union européenne, la France ne dispose toujours pas d'un registre du cancer, malgré une proposition de loi adoptée par notre assemblée en 2024.

La Commission européenne développe également différents outils pour stimuler la recherche. C'est le cas de l'initiative UNCAN.eu (UNderstand CANcer), dont le but est de créer une plateforme européenne de données des recherches sur le cancer afin de mieux comprendre les mécanismes de la maladie et de repérer les personnes à risque.

De même, le futur atlas européen des images liées au cancer doit permettre le déploiement d'une infrastructure européenne pour héberger ces images.

Nous soutenons particulièrement ces initiatives. En conséquence, nous demandons à la Commission européenne de s'assurer que les deux bases de données créées soient complémentaires et interopérables, de manière à pouvoir croiser ces données.

Enfin, la Commission européenne soutient le repositionnement de médicaments déjà sur le marché. Il s'agit là d'une piste prometteuse pour développer de nouvelles thérapies.

Lors de nos auditions, notre attention a été appelée sur les difficultés de mise en oeuvre du règlement relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Ce cadre complique particulièrement les démarches administratives pour la réalisation d'essais cliniques incluant à la fois ces dispositifs et des médicaments.

En outre, le système de certification retenu est actuellement sous-dimensionné et engendre des risques de pénuries.

Le Parlement européen a adopté, le 23 octobre dernier, une résolution appelant la Commission européenne à réviser rapidement ce règlement. Nous soutenons tout spécialement cette initiative, afin que la recherche puisse se développer sur le territoire de l'Union européenne.

À présent, Bernard Jomier va aborder les questions liées à la prévention et au dépistage précoce.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - La prévention doit être, selon nous, un axe essentiel du plan pour vaincre le cancer. Au sein de l'Union européenne, 40 % des cancers pourraient être évités, raison pour laquelle nous souhaitons voir cet axe renforcé.

Certes, des progrès ont été accomplis. La Commission européenne a proposé diverses initiatives législatives pour réduire la pollution de l'environnement et l'exposition des travailleurs aux substances cancérigènes. Elle a ainsi présenté, en octobre 2022, un paquet intitulé « zéro pollution » comprenant trois textes qui visent à garantir un environnement exempt de polluants nocifs d'ici à 2050. Deux de ces textes ont été adoptés : une directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines et une directive traitant de la qualité de l'air ambiant. Le troisième texte est toujours en discussion : il s'agit d'une proposition de directive portant sur la qualité de l'eau. Nous appelons le Parlement européen et le Conseil à s'accorder pour adopter ce texte.

La directive visant à limiter les émissions industrielles a été révisée. Le but était d'élargir son champ d'application aux activités d'extraction minière et à un plus grand nombre d'exploitations porcines et avicoles. L'adoption de nouvelles normes de performance en matière d'émissions de dioxyde de carbone pour les véhicules à moteur aura également un impact certain sur la qualité de l'air.

Les études semblent indiquer que la hausse du nombre de cancers chez les jeunes adultes, tendance on ne peut plus préoccupante, est liée à des facteurs environnementaux. Une actualisation du plan cancer devrait permettre l'application de mesures de prévention adaptées pour enrayer cette hausse.

S'agissant de l'exposition aux substances cancérogènes au travail, une directive a été adoptée pour réduire la concentration maximale d'amiante en suspension dans l'air à laquelle un travailleur peut être exposé. Les limites d'exposition professionnelle ont également été réduites pour trois substances - l'acrylonitrile, les composés du nickel et le benzène.

Bien sûr, nous soutenons ces mesures annoncées dans le cadre du plan cancer. Toutefois, d'autres initiatives n'ont pas pu être mises en oeuvre. Elles concernent le tabac, l'alcool et la lutte contre l'obésité.

Le Conseil a adopté une recommandation appelant les États membres à définir de nouveaux espaces sans tabac. De son côté, la Commission a adopté une directive déléguée afin d'étendre aux produits à base de tabac chauffé l'interdiction de mise sur le marché de produits contenant des arômes. L'effort demeure néanmoins insuffisant.

Le plan cancer devait assurer la révision de la législation relative au tabac et une révision des législations relatives à la taxation du tabac et de l'alcool, mais aucune proposition n'a été faite en ce sens, ce que nous regrettons particulièrement. Nous invitons la Commission européenne à présenter rapidement des initiatives législatives pour réduire la consommation de tabac et d'alcool et réguler les nouveaux produits à base de tabac et d'alcool mis sur le marché, notamment à destination des plus jeunes.

La lutte contre l'obésité est également essentielle pour lutter contre le cancer. Avec sa stratégie « De la ferme à la table », la Commission européenne entendait proposer une initiative législative imposant un étiquetage nutritionnel harmonisé, sur le modèle du Nutri-Score français, ainsi qu'une révision de la politique de promotion des produits agricoles.

Ces annonces ont été reprises dans le plan cancer mais elles n'ont pas été suivies d'effets. La Commission européenne indique ne pas avoir proposé d'initiatives en raison de désaccords persistants entre les États membres. Sur ce sujet également, nous l'encourageons, ainsi que les États membres, à continuer de rechercher un compromis.

Un autre sujet demeure préoccupant pour nous : l'exposition aux rayonnements ultraviolets émis par les bancs solaires. En 2009, le rayonnement ultraviolet a été classé comme cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Aussi, nous demandons à la Commission européenne de proposer une réglementation plus stricte pour l'utilisation des bancs solaires à des fins cosmétiques.

Par ailleurs, la Commission européenne a lancé, sur les recommandations du Conseil, un vaste programme de vaccination contre le papillomavirus humain et contre le virus de l'hépatite B, afin de réduire le nombre de cancers causés par ces infections. Il s'agit là d'une initiative essentielle pour lutter contre le cancer du col de l'utérus et le cancer du foie.

Enfin, la détection précoce du cancer augmente considérablement les chances de survie. Elle permet le recours à des traitements moins invasifs et moins toxiques pour les patients. Il était donc essentiel que le Conseil adopte une recommandation sur ce sujet en vue d'actualiser ses recommandations de 2003. Celle-ci a été adoptée le 9 décembre 2022. Son champ d'application a été étendu aux cancers du poumon, de la prostate et de l'estomac, en supplément du cancer du sein, du cancer du col de l'utérus et du cancer colorectal.

Pour permettre la mise en oeuvre de cette recommandation, la Commission européenne a lancé l'action commune EUcanScreen, dotée d'un budget de 31 millions d'euros. Elle vise à renforcer les capacités des États membres en matière de dépistage du cancer et à garantir l'égalité d'accès des citoyens européens éligibles aux programmes de dépistage.

Considérant que les politiques de détection précoce du cancer sont essentielles pour réduire la mortalité, nous appelons la Commission européenne à promouvoir, au sein de chaque État membre, des politiques ciblées vers les publics concernés, afin de réduire les inégalités en la matière.

Nous souhaitons également que ces politiques prennent en compte le caractère héréditaire de certains cancers et que le dépistage concerne davantage de personnes âgées, avec une politique adaptée et des personnels mieux formés à l'oncologie gériatrique.

Enfin, notre commission a récemment adopté une proposition de résolution européenne visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN extracellulaires et des vésicules extracellulaires. Il s'agit là de biomarqueurs qui pourraient être utilisés pour développer des méthodes de dépistage non invasives du cancer. Nous appelons la Commission européenne à soutenir la recherche dans ce domaine.

Je cède maintenant la parole à Pascale Gruny, qui évoquera l'offre de soins et les suites de ce plan.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - S'agissant de l'offre de soins, la Commission européenne dispose d'une compétence moindre : en vertu du TFUE, la fourniture de soins de santé relève des États membres.

La Commission européenne s'efforce toutefois de développer des infrastructures de soins en favorisant la coopération et la coordination entre les structures nationales. Ainsi, elle a établi des standards pour la création de centres de cancérologie intégrés au sein de chaque État membre, et elle organise actuellement ces centres en réseau, conformément au plan cancer. En parallèle, des réseaux d'expertise permettent de développer les connaissances et les innovations sur des thématiques considérées comme critiques par la communauté européenne du cancer.

Des réseaux de référence permettent, quant à eux, de proposer un diagnostic ou un traitement pour un cas clinique particulier. L'initiative « Venir en aide aux enfants atteints d'un cancer », lancée dans le cadre du plan cancer, repose sur ces différents réseaux.

Pour financer les infrastructures de soins, les États membres peuvent recourir aux fonds de cohésion. Ces crédits permettent également de financer des équipements de pointe facilitant le dépistage du cancer. Il est donc nécessaire de conserver une enveloppe ambitieuse pour ces fonds dans le prochain cadre financier pluriannuel.

La Commission européenne tente également de développer l'accès aux traitements. Ainsi, le plan d'action SAMIRA doit garantir l'approvisionnement en radio-isotopes médicaux. L'initiative « Diagnostic et traitement du cancer pour tous » vise, pour sa part, à développer l'utilisation de la technologie du séquençage de nouvelle génération pour établir des profils génétiques des cellules tumorales. Le partage de ces profils permettra aux centres de cancérologie de recourir aux mêmes approches diagnostiques et thérapeutiques pour les patients présentant des profils comparables.

Disposant de compétences pour organiser le marché unique, la Commission européenne souhaite favoriser l'accès aux médicaments innovants et limiter les risques de pénurie. À cette fin, elle a proposé plusieurs initiatives législatives, dont le paquet pharmaceutique et une proposition de règlement pour garantir l'approvisionnement en médicaments critiques. Ces textes sont en cours d'examen.

Enfin, pour améliorer la qualité des soins, la Commission a, conformément au plan cancer, établi un programme de formation visant à favoriser la coopération entre les différents spécialistes dans le traitement du cancer.

Toutefois, la principale difficulté à laquelle sont confrontés les États membres reste le manque d'oncologues. La Commission européenne a ainsi lancé une première initiative intitulée eCAN afin de fournir un cadre de recommandations pour l'intégration de la télémédecine et de la télésurveillance dans les systèmes de soins de santé. Nous jugeons nécessaire de favoriser davantage le recours à ces pratiques, faute de mieux. Le développement de l'intelligence artificielle permettra également, à terme, de faire face au manque de radiologues.

Par ailleurs, le plan cancer détaille diverses initiatives pour améliorer la qualité de vie des patients et des survivants du cancer, avec des projets spécifiques et adaptés pour les enfants. Une carte à puce où seront stockées les informations relatives aux antécédents des survivants du cancer et les résultats de leurs examens est en cours d'élaboration. Elle permettra d'éviter la duplication inutile d'examens et de concentrer sur un seul support les informations relatives au parcours de soins.

La Commission a également créé un réseau permettant de mettre en relation des jeunes ayant survécu au cancer et leurs proches. Enfin, des discussions avec les représentants des banques et des assurances ont été engagées pour établir un code de bonne conduite visant à faciliter l'accès aux services financiers pour les survivants du cancer.

Pour notre part, nous souhaiterions que la Commission européenne aille plus loin en proposant un véritable droit à l'oubli : passé un certain délai, les survivants du cancer ne seraient plus obligés de mentionner leur maladie pour obtenir un prêt ou une assurance. En France, ce droit à l'oubli existe déjà : il s'applique après une période de cinq ans suivant la fin du traitement.

Au final, nous dressons, à mi-parcours, un bilan plutôt satisfaisant du plan européen pour vaincre le cancer. Toutefois, des inquiétudes demeurent pour l'après-2027, une fois que ce plan sera achevé.

En effet, de nombreuses initiatives lancées dans le cadre de ce plan devront être pérennisées. Si, pour certaines d'entre elles, des sources de financement nouvelles peuvent être espérées, d'autres continueront de dépendre des crédits européens. Les actions du réseau européen des centres nationaux de cancérologie pourraient, par exemple, être financées par ces centres. En revanche, le centre de connaissances sur le cancer et la carte à puce destinée aux survivants du cancer exigeront toujours des financements de l'Union européenne.

Or les budgets consacrés à la santé risquent de diminuer après 2027, avec l'adoption du nouveau cadre financier pluriannuel, alors que la Commission européenne prévoit un plan de lutte contre les maladies cardiovasculaires qui supposera des moyens financiers importants. C'est pourquoi nous demandons à celle-ci d'assurer la pérennité des initiatives du plan cancer au-delà de 2027, en prévoyant le financement des structures qui ont vocation à être pérennes.

Enfin, la Commission européenne est aujourd'hui particulièrement investie dans la lutte contre le cancer, au travers notamment de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire et de la DGRI. Selon les services de la Commission européenne, il ne sera pas possible de maintenir un tel niveau d'engagement après 2027. Néanmoins, la lutte contre le cancer continuera d'impliquer de nombreux acteurs. Afin d'assurer la coordination des différentes actions de l'Union européenne, nous préconisons la création d'un institut européen de lutte contre le cancer.

Tel est le bilan que nous dressons de ce plan européen de lutte contre le cancer. Vous retrouverez l'ensemble des recommandations que nous venons de vous présenter dans le rapport d'information et dans l'avis politique que nous vous proposons d'adopter.

M. Claude Kern, président. - Merci pour vos excellentes présentations.

Mme Mathilde Ollivier. - L'Union européenne est l'un des continents où la consommation d'alcool est la plus importante au monde, entraînant une prévalence importante d'un certain nombre de cancers, notamment de cancers colorectaux.

Je veux rappeler l'importance d'avancer, à l'échelle européenne, notamment avec les producteurs de vins français qui se sont montrés assez rétifs à des mesures sur la taxation de l'alcool ou les avertissements sanitaires. Nous répondrions ainsi à une demande très forte des associations de médecins et des sociétés scientifiques.

En tant que Français, nous avons, sur ces questions, une position forte à tenir au niveau européen, une parole à porter. Nous ne pouvons pas seulement avoir une position de retrait et de soutien à notre industrie viticole, en dépit de son importance.

Je soutiendrai cet avis politique.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - La position que nous défendons dans le rapport est claire : si le plan cancer est une initiative de la Commission européenne qui doit être saluée, s'il est globalement un bon plan, qui a apporté des financements importants et qui a permis d'avancer sur un certain nombre de points, il présente des faiblesses.

La prévention est la grande faiblesse de ce plan. Un certain nombre d'initiatives qui auraient dû être prises sur le tabac et l'alcool ne l'ont pas été. Nous en connaissons tous les raisons.

Effectivement, l'alcool est cancérigène, raison pour laquelle il est concerné par ce plan. Par ailleurs, l'augmentation très importante, depuis quelques années, des cancers chez les jeunes adultes, suscite une inquiétude particulière.

La responsabilité des différents facteurs n'est pas encore clairement précisée. Notre rapport cite une grande étude parue dans le BMJ (British Medical Journal) - une autre a été publiée aux États-Unis - qui pointe des facteurs environnementaux et des facteurs comportementaux, c'est-à-dire des habitudes de consommation.

Il convient de s'inquiéter du marketing qui cible les adolescents en proposant des produits qui mêlent l'alcool à des boissons sucrées ou à des arômes. Les fabricants de tabac font exactement la même chose. Il s'agit d'amener les très jeunes, qui ont une appétence pour le sucre, à une appétence pour la substance addictive, tabac ou alcool.

Nous devons absolument renforcer le cadre législatif. Les Parlements nationaux légifèrent, mais toujours tardivement. Il y a un défaut de législation au niveau européen.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - La prévention est la faiblesse au niveau européen, mais aussi en France.

La prévention intéresse peu en général. Pourquoi les élus, qui sont rééligibles à court terme, s'intéresseraient-ils à la prévention, qui s'inscrit sur le temps long - dix ans, quinze ans... ? Ils préfèrent des résultats concrets dont ils pourront faire état dans un document de campagne ! Or la prévention est d'autant plus nécessaire qu'elle peut permettre de réduire le déficit de la sécurité sociale.

Ce matin, l'infirmière qui participait à la table ronde sur la santé scolaire organisée par la commission des affaires sociales a dit que beaucoup d'enfants commençaient à boire de l'alcool à 11 ans. C'est assez incroyable...

Nous avons, dans l'avis politique - aux alinéas 71 et 72 -, appelé à la vigilance sur les nouveaux produits du tabac, qui, avec leurs couleurs attrayantes, constituent aujourd'hui un produit d'appel auprès des jeunes.

La Commission européenne doit être vigilante à ce que les industries mettent sur le marché, voire à ce qu'elles projettent d'y mettre, en évitant la mise sur le marché de produits nocifs.

Certes, nous avons voté, ici, un texte sur les cigarettes électroniques jetables, les « puffs », mais nous l'avons fait tardivement - et il n'y a pas eu de vote ailleurs. C'est un vrai sujet.

Les chiffres de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) montrent que, plus que celle du vin, c'est la consommation d'alcools forts et de bière qui est très importante, particulièrement chez les jeunes. Les modes de consommation changent.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Je partage largement ce qu'ont dit mes collègues.

« Mieux vaut prévenir que guérir », dit le dicton. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de prévention dans ce pays ni dans l'Union européenne, mais je pense que la prévention n'est pas assez suivie. On envoie des courriers aux gens pour qu'ils fassent différents dépistages : ils ne les font pas. On les relance : ils ne les font toujours pas. Cela ne suffit donc pas.

On observe une augmentation des cancers chez les 15-39 ans. Elle est liée, effectivement, à l'alcool, mais aussi au tabac, à la sédentarité, à la mauvaise alimentation et à toutes les substances chimiques qui peuvent exister aujourd'hui dans l'environnement. Je pense notamment aux ouvriers exposés à l'amiante, qui peuvent attraper, très jeunes, des cancers.

Pour ma part, je pense que ce plan a le mérite d'exister et qu'il donne des moyens. Cependant, il faut un meilleur suivi.

Je regrette les difficultés rencontrées par les petites structures pour bénéficier des fonds européens. Je déplore également le principe du reste à charge pour les patients mais ceci relève de politiques nationales.

Mme Amel Gacquerre. - Merci beaucoup pour tous ces éléments.

Quid de l'inégalité entre les États membres ? Je pense aux inégalités d'accès aux oncologues, aux inégalités entre structures... Le fait que les systèmes nationaux ne soient pas identiques pose-t-il des problèmes de coordination dans la mise en oeuvre du plan ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Je rappelle que l'Union européenne dispose uniquement d'une compétence d'appui en matière de santé.

La coordination s'est tout de même améliorée depuis le Covid-19, notamment en matière de recherche.

Le plan apporte beaucoup en termes de moyens, mais il est vrai qu'il y a des disparités dans la déclinaison au niveau des États membres - c'est vrai partout.

Par exemple, je sais que, dans un certain pays d'Europe du Nord, le dépistage du cancer du sein se fait très tôt - bien plus tôt que chez nous, où les cancers des jeunes femmes ne sont pas dépistés.

Un registre des inégalités face au cancer a justement été lancé pour les répertorier. Des fonds de cohésion sont versés afin d'apporter un soutien aux États membres en ce domaine. Au reste, les réseaux d'expertise et le réseau des centres de cancérologie sont en train de se structurer.

Je vous remercie, chère collègue, de cette question très intéressante.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Elle pourrait donner lieu à un autre rapport...

M. Claude Kern, président. - En effet.

La commission autorise la publication du rapport d'information et adopte, à l'unanimité, l'avis politique, qui sera adressé à la Commission européenne.

La réunion est close à 14 h 35.