Mardi 1er juillet 2025

- Présidence de M. Jean-Marie Mizzon, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Audition de M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux consacrés à la réalisation d'un bilan du fonctionnement de l'intercommunalité depuis l'entrée en vigueur des lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) et du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), en auditionnant le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, M. François Rebsamen.

Monsieur le ministre, nous vous remercions de vous être rendu disponible pour cette audition. Depuis votre prise de fonctions, vous vous êtes résolument engagé en faveur de la simplification de l'action publique locale, comme en témoigne le lancement du « Roquelaure » de la simplification en avril dernier.

En ce qui concerne plus particulièrement les intercommunalités et la répartition des compétences avec les communes, vous avez soutenu, avec Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, une proposition défendue de longue date par le Sénat : la suppression du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités, qui permettra sans aucun doute de mieux faire respecter les principes de subsidiarité et de différenciation.

Votre analyse de la situation est donc très attendue et permettra de nourrir la réflexion de notre mission d'information, créée à l'initiative du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE). Celle-ci n'a pas pour objectif, je le rappelle, de remettre en cause le principe de l'intercommunalité, ni l'ensemble de l'architecture mise en place il y a maintenant dix ans, mais d'identifier les freins et blocages de toute nature qui entravent le bon fonctionnement de certaines structures intercommunales. Il est important que vous puissiez nous indiquer quelle est votre vision globale du fait intercommunal, mais aussi nous expliquer quels sont les points qui vous semblent poser problème ou susceptibles d'évoluer - afin de répondre au sentiment d'impuissance exprimé par certains maires, comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions.

Cette audition fait l'objet d'une diffusion en visioconférence ; elle sera disponible sur le site internet du Sénat.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Merci de nous consacrer un peu de votre précieux temps sur ces sujets qui nous intéressent. Je salue aussi la présence à vos côtés de Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales, que nous avons précédemment reçue.

Quel regard portez-vous sur l'intercommunalité, son fonctionnement et son évolution depuis la loi NOTRe ? Quel regard portez-vous sur son degré de maturité ?

Pensez-vous que la carte intercommunale soit adaptée ? Les périmètres ont été chamboulés au fil du temps et se sont rapidement élargis avec une base mathématique qui n'est pas forcément adaptée aux réalités locales. Avez-vous des exemples de fusions, de scissions, de retraits de communes d'une intercommunalité ?

Que pensez-vous de la gouvernance intercommunale et des compétences ? Une loi vient de revenir sur le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement.

Nous sommes très attentifs aux services publics locaux. Sont-ils mieux exercés par les intercommunalités, et à quel coût ? Les intercommunalités investissent-elles plus qu'avant ?

Les mécanismes de solidarité financière au sein des intercommunalités sont-ils suffisamment connus et utilisés ?

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. - Merci de me donner l'occasion de vous dire ce que je pense de la relation entre les maires et les intercommunalités et sur l'intercommunalité elle-même. Je suis un défenseur historique de l'intercommunalité. En 1992, j'ai participé, en tant que commissaire du Gouvernement auprès de Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, à la première loi relative à l'administration territoriale de la République (ATR), qui essayait de réorganiser la relation entre l'État, sa représentation territoriale et les collectivités locales.

Il apparaissait comme une nécessité de considérer que la chance de la France d'avoir 36 000 communes et 500 000 élus locaux, ne permettait pas de garantir un développement plus harmonieux sur le territoire, puisque les formes de relation entre les communes posaient déjà problème lors de la loi Marcellin, en 1971.

Les responsables nationaux, de droite comme de gauche, se sont toujours demandé comment faire coopérer les communes entre elles. Certaines le faisaient très bien, d'autres non. Cela pouvait entraîner, pour le département qui avait un autre rôle qu'actuellement, la multiplication des contrats avec les communes. On assistait parfois alors, dans les années 1970-1980, à la multiplication de la construction de salles des fêtes ou d'autres infrastructures, côte à côte, sans répondre forcément aux attentes et aux besoins des communes. Notre carte communale ne suffisait en effet plus à assurer les investissements nécessaires pour l'ensemble de la population.

L'intercommunalité s'est développée progressivement - lentement au début. Elle a rencontré une forte opposition. Dans le cadre de mes fonctions auprès de Pierre Joxe, j'étais chargé de faire un tour de France des communes pour expliquer ce qu'était l'intercommunalité. J'ai participé à des réunions assez animées avec des maires qui craignaient une perte de leurs pouvoirs. Les élus fonctionnent un peu avec la carotte et le bâton ; Jean-Pierre Chevènement avait apporté une carotte avec une prime au rassemblement, en réalité une prime à l'intercommunalité, qui a permis un véritable bond en avant de l'intercommunalité fin 1999-début 2000.

Les regroupements ont été réalisés surtout sur la base du volontariat durant de nombreuses années, pour arriver en 2014-2015 à l'adoption des lois NOTRe et Maptam qui organisaient sur l'ensemble du territoire cette nécessité d'avoir des regroupements de communes.

Les autres rassemblements de communes qu'on essaie de faire vivre en ce moment avec les communes nouvelles - à l'époque on parlait de communes fusionnées - ont beaucoup de mal à émerger. En effet, et c'est mon avis personnel, pour fusionner deux communes, même quand les équipes s'entendent bien, il faut avoir la foi chevillée au corps, car parfois elles dé-fusionnent cinq ou six ans plus tard, au gré des changements d'équipes.

À partir de ces lois, les regroupements ont été réalisés non plus volontairement, mais de manière autoritaire, par la loi, sur l'ensemble du territoire français. Cela s'est sûrement mieux passé à certains endroits qu'à d'autres, car la France est diverse. Les normes imposées, initialement, ne prenaient pas assez en compte des réalités concrètes : de nombreux maires s'entendaient pour fusionner dans des bassins de vie, mais parfois il restait des communes isolées, non sollicitées, et qui ont été intégrées contre la volonté des élus dans les ensembles intercommunaux existants.

Il y a eu de longs débats au sein des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) pour savoir s'il fallait 5 000, 10 000 ou 15 000 habitants pour former une intercommunalité. Il y a des arguments pour et des arguments contre.

Le positif, c'est de voir aujourd'hui l'ensemble du territoire couvert par des intercommunalités.

Le négatif, c'est qu'il reste, à terme, des ajustements de bon sens à effectuer pour améliorer les relations. Les élus ont parfois créé des communautés de communes défensives contre d'autres communautés de communes ou communautés d'agglomération. Cela a amplifié, à tort, une opposition un peu factice entre le monde urbain et le monde rural.

Certains départements n'ont pas de grandes ni même de moyennes métropoles. Les relations sont très différentes entre les départements et les intercommunalités, selon que le département contient une métropole qui rassemble la moitié de la population, et un autre où l'agglomération principale en rassemble un cinquième ou un sixième.

La diversité géographique et politique de notre pays mériterait, sans remettre en cause l'intercommunalité, d'avoir une réflexion un peu subtile sur les modifications à apporter aux cartes actuelles.

Il y a aussi d'autres sujets à prendre en considération: faut-il un établissement à fiscalité propre ou non ? Il existe environ 1 300 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre...

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Plus précisément, 1 254 !

M. François Rebsamen, ministre. - Auxquels s'ajoutent ceux qui n'ont pas de fiscalité propre.

Il y a aussi la question du partage des compétences. Chaque intercommunalité veut se doter de compétences, avec parfois des chevauchements dans l'organisation territoriale.

Tout a été bousculé par la réforme des régions, lesquelles constituent, dans certains endroits, des ensembles homogènes, et, dans d'autres, des ensembles peu homogènes, voire gigantesques.

Cela a beaucoup apporté en matière de rationalisation des investissements et de travail en commun, et ce, même dans les métropoles.

Dans la métropole de Dijon, nous avons des relations entre urbains et ruraux d'excellente qualité. La plus petite commune de la métropole rassemble 160 habitants, contre 165 000 habitants pour la commune de Dijon même. Le maire de la plus petite commune ne souhaite pas quitter la métropole, et même, il fait la promotion de cette dernière, de la conférence des maires, de ses pratiques...

Cela tient souvent beaucoup aux pratiques locales, sauf aux endroits où les maires se sont vu forcer la main par certains préfets, ou alors lorsque les élus étaient un peu moins combatifs pour résister.

Je porte un regard très positif sur l'intercommunalité, qui est l'avenir de notre pays. La spécificité française, c'est ses 500 000 élus et ses 36 000 communes.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Vous avez expliqué ce qui a justifié, en 2015, l'imposition d'une maille mathématique avec un plancher de 5 000 habitants dans les communes de montagne et de 15 000 pour les autres. Bien sûr, l'ensemble du territoire a été couvert, mais on aurait pu le faire sans imposer ces mailles.

Les services et la vie de nos concitoyens ont-ils été fortement modifiés grâce à l'intercommunalité ? Dispose-t-on de résultats significatifs ?

Selon vous, la diversité de notre territoire mériterait qu'on apporte des améliorations : sur quels critères s ? Pensez-vous à des évolutions importantes, comme des fusions ou des scissions d'intercommunalités, ou à des évolutions à la marge - je pense notamment aux communes qui se sont retrouvées dans certaines intercommunalités, alors qu'elles auraient préféré rejoindre des intercommunalités voisines ? Quelles difficultés pourraient entraîner ces changements, notamment en matière fiscale ? Car losqu'on veut changer d'intercommunalité ou séparer une intercommunalité en deux, les conséquences fiscales et celles en matière de ressources humaines sont importantes.

M. François Rebsamen, ministre. - Pour améliorer, il faudrait d'abord interroger l'ensemble des intercommunalités, de façon approfondie, pour leur demander ce qui serait améliorable.

Souvent, les bassins de vie ne sont pas assez pris en compte et viennent percuter le fonctionnement de deux ou trois intercommunalités...

Cela tient aussi aux élus eux-mêmes. Le fonctionnement des intercommunalités est parfois différent. Il y a une compétition entre élus - c'est normal, c'est la démocratie. Cela dépend aussi des personnalités. Dans certains endroits, cela se passe très bien, dans d'autres moins. Défusionner est difficile, mais il y a eu très peu de mouvements dans l'autre sens.

La réforme de 2015 a dix ans. C'est à la fois beaucoup et pas si énorme à l'échelle de l'histoire communale française ; il a fallu vingt-quatre ans depuis le lancement de l'idée des intercommunalités. Les départements se sont défendus pendant trente ans pour exister. Les régions ont attendu que le Premier ministre Laurent Fabius décide, en 1985, de l'élection au suffrage universel des conseillers régionaux, après les premières avancées du président Valéry Giscard d'Estaing. Les régions ont d'ailleurs été déstabilisées par cette grande réforme.

Désormais, comment améliorer l'existant avec les élus ? Chaque territoire est différent. Il faudrait introduire un peu plus de différenciation dans chaque région, même si la taille des régions est très diverse. Nous pourrions essayer d'améliorer encore la pertinence des relations financières entre les collectivités territoriales à l'intérieur d'une intercommunalité.

Ensuite, nous devons analyser quelles sont les compétences les mieux partagées en fonction de la taille des communes, quelles sont celles qui ne le sont pas et celles et qui pourraient l'être. Nous voyons aujourd'hui apparaître de nouveaux besoins qu'on n'imaginait pas il y a dix ans, notamment en matière de périscolaire. Les regroupements pédagogiques ont permis à de nombreux territoires, à de petites communautés de communes, de conserver une école ou un centre scolaire, qu'elles n'auraient pu garder si elles n'avaient pas été dans une intercommunalité, et de sauver leur territoire. Ensuite, se pose la question de savoir si cette intercommunalité doit prendre la compétence petite enfance . ? La mutualisation permet aux élus d'instaurer des habitudes de travail collectif. C'est une bonne chose, mais il faudrait des rencontres pérennes, sous une forme à inventer, entre les intercommunalités d'un même département, sans que les CDCI soient un lieu d'affrontement ou soient convoquées par le préfet, à la demande ou non du président de département. Il existe de nombreuses possibilités pour avancer.

On peut mutualiser de nombreux sujets. La mutualisation permet d'assurer chaque commune de notre pays. Désormais, on ira beaucoup plus loin avec CollectivAssur. À la fin de l'année, chaque commune disposera d'une assurance à un prix raisonnable. Individuellement, les maires n'ont pas tous conscience de la valeur de leurs biens. Ils y gagnent avec la mutualisation, car, dans une commune de 200 habitants, la secrétaire de mairie n'a pas toujours la compétence nécessaire. Il faudra donc aider ces communes en ingénierie.

Selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), 68 % des élus souhaitent maintenir la taille actuelle de leur intercommunalité, tandis que 10 % souhaitent explicitement une réduction. Le Sénat pourrait dresser une carte des zones de friction où le bassin de vie n'est pas bien pris en compte, où une commune a été forcée d'entrer dans l'intercommunalité, où une autre n'a pas voulu y rentrer...

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Vous disiez que le fonctionnement de l'intercommunalité dépend beaucoup des élus. N'est-ce pas parfois une question de positionnement des élus et du sens qu'on veut donner à l'intercommunalité ? Est-ce un outil de coopération pur et dur, ou un espace pouvant devenir une supra commune qui vient grignoter les compétences des communes ? Il faudrait requalifier le sens donné à l'intercommunalité.

Vous avez évoqué les pistes d'amélioration et notamment la différenciation, ainsi que la répartition des compétences. Le futur renouvellement municipal n'est-il pas l'occasion de repartir sur de bonnes bases ? Les exécutifs intercommunaux actuellement en place ont débuté leur mandat pendant la pandémie de covid-19, avec des réunions en visioconférence, ce qui ne facilite pas le relationnel... La prochaine échéance électorale pourrait être l'occasion de poser quelques jalons avec des outils comme les projets de territoire ou la conférence des territoires, qui pourrait avoir des attributions un peu différentes de celles qu'elle possède actuellement.

Les services communs sont-ils l'occasion de redorer l'image de la communauté de communes au service des communes, en introduisant plus de souplesse et en valorisant l'intérêt à adhérer à un service commun ?

Faut-il des compétences à la carte en fonction des territoires, sans toutefois déstabiliser ce qui fonctionne bien, par exemple la compétence du développement économique ?

M. François Rebsamen, ministre. - Obliger des élus qui ne sont pas partants pas ne fonctionnera pas. Nous devons plus tôt promouvoir ce qui fonctionne auprès de davantage d'intercommunalités.

Là où existe la solidarité financière, dans les EPCI à fiscalité propre - pas forcément uniquement les grands EPCI, certaines ont pu le décider eux-mêmes - il serait nécessaire, en début de mandat - et même si les élus sont libres de choisir - de nouer une sorte de pacte de gouvernance entre l'ensemble des élus.

Le premier travail serait que les élus élaborent ensemble - c'est un conseil, et non une obligation - un vade-mecum de bonnes pratiques. Commencez par élaborer un projet, écrivez un pacte de gouvernance, regardez les difficultés financières de certaines communes, mutualisez au maximum certains services publics... Par exemple, veut-on un seul restaurant scolaire par EPCI, à quelle taille, comment ? Ces questions sont à la main des élus.

Définir un intérêt communautaire, un pacte de gouvernance, acter que tous les quinze jours ou tous les mois les maires se réunissent pour décider des orientations font partie des bonnes pratiques. De nombreux EPCI fonctionnent ainsi.

La compétence eau posait problème. Il était symbolique de la rendre aux communes. Toutefois, vous ne pourrez pas sortir de la logique de bassin versant : chaque EPCI ne peut traiter soi-même sa portion de territoire. On ne peut avoir différentes politiques sur le même cours d'eau. Il est normal d'avoir des regroupements - pas forcément les agences de l'eau - pour échanger avec des techniciens et des spécialistes.

Il en va de même pour les déchets. On ne peut traiter les déchets à l'échelle d'un EPCI, aussi grand soit-il. Il faut mutualiser et avancer. Certains EPCI enfouissent, mais la capacité est limitée. Comment faire alors ? Rouvrir un nouveau centre d'enfouissement technique ? D'autres incinèrent, mais que faire quand l'usine tombe en panne ? Ils se tournent alors vers d'autres EPCI pour qu'ils traitent momentanément leurs déchets... Il faut dépasser l'échelle de l'EPCI pour agir à l'échelle du territoire, voire de la région.

Les compétences à la carte existent aussi... La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) a permis assurément des avancées. Peut-on aller plus loin ? En tant que législateurs, vous aurez à répondre à cette question.

Je crains qu'avant la prochaine élection présidentielle, on ne fasse pas grand-chose. Les échéances électorales sont majeures pour notre République : municipales et sénatoriales, d'abord. Nous sommes déjà entrés dans la campagne pour l'élection présidentielle, peut-être même un peu trop... Je ne crois pas à un grand soir avant un débat national sur un éventuel changement de compétences.

M. David Margueritte. - Je m'inscris dans la continuité des propos de la rapporteure.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué, dans un rappel très intéressant, l'histoire de l'intercommunalité, citant notamment la loi ATR du 6 février 1992 et les lois Voynet et Chevènement. À l'époque, nous n'avons jamais tranché le débat suivant : la France veut-elle se doter d'intercommunalités purement coopératives ou avancer vers une vision plus fédérative des intercommunalités ? L'absence de réponse, et notamment en partie dans la loi NOTRe, n'explique-t-elle pas en partie les crispations de nombreux maires à l'égard de l'outil intercommunal ? Il y a parfois un malentendu sur ce qu'on attend de lui. La loi NOTRe a pu apparaître comme brutale en fixant des périmètres non consentis sur de nombreux territoires. Ne pas trancher ce débat conduit à négocier des adaptations cosmétiques.

Nous allons entrer dans un processus d'élections municipales et communautaires : une fois de plus, le programme communautaire ne sera pas vraiment débattu malgré le système de fléchage des conseillers communautaires dans les communes, faute de pouvoir réfléchir à un projet communautaire, surtout lorsqu'il y a de nombreuses communes. Il y a également le pacte de gouvernance, le projet communautaire avec le plan pluriannuel d'investissement, mais la transparence vis-à-vis de l'électeur est assez faible. Celui-ci sera appelé en mars prochain à trancher sur les questions municipales, mais aussi et surtout sur les questions communautaires, puisque la plupart des propositions des candidats dépendent de l'EPCI.

Ce débat est central pour notre mission, comme nous l'avons vu au cours des auditions : des personnalités éminentes ayant une vision très coopérative de l'intercommunalité ont proposé de limiter au strict minimum - deux à trois - les compétences obligatoires. Les intercommunalités risquent alors de devenir un échelon de plus. Faute de pouvoir organiser des coopérations plus puissantes, des syndicats sont mis en place, ce qui revient à créer des stratessupplémentaires.

De nombreux maires et représentants d'associations estiment que l'intercommunalité est utile, mais la ressentent parfois comme un mal nécessaire, avec une pointe de résignation. C'est lié au débat que je citais.

On peut trouver des solutions techniques pour réguler les rapports entre les communes et l'intercommunalité. Je crois beaucoup aux services communs, mais il y a aussi les pôles de proximité, la conférence des maires... Vous avez proposé de la rendre un peu plus impérative pour qu'elle puisse retravailler la copie du conseil communautaire.

Les communes nouvelles peuvent aussi être un outil de régulation entre l'intercommunalité et les communes - même si j'en doute. Comment la commune nouvelle sera-t-elle représentée dans l'intercommunalité ? J'ai connaissance d'une commune nouvelle qui n'a plus que six représentants au conseil communautaire contre dix-neuf avant fusion.

Vous avez proposé des modifications de périmètre. N'est-il pas dangereux de rouvrir des débats qui avaient été houleux en 2015 et en 2016 après la loi NOTRe ? Ne faut-il pas trancher le débat fondateur après les échéances de 2027 ? Une fois celui-ci tranché, ne pourrait-on pas décliner des outils qui ne seraient pas simplement des modifications cosmétiques, lesquelles ne feraient qu'entretenir le malentendu et les crispations ? Nous pourrions aboutir à une réforme qui assume ce que l'intercommunalité peut apporter à notre pays et aux communes : des fédérations de communes qui respectent l'identité des communes, la proximité, et qui organisent de façon volontaire et engagée la mutualisation et les compétences stratégiques à l'échelle d'un territoire.

M. François Rebsamen, ministre. - Je crains des modifications qui feraient exploser l'intercommunalité dans notre pays. Mieux vaut avancer encore en renforçant les compétences et la gouvernance. Actuellement, 9 à 10 % des maires résistent. C'est peu, dans 90 % des cas, cela fonctionne bien.

Il existe de nombreuses coopérations dont on ne parle pas : il existe encore 4 300 syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu) et 1 200 syndicats intercommunaux à vocation multiple (Sivom). La baisse très lente de ces chiffres prouve que ces syndicats compensent des formes plus fines de coopération qui préexistaient avant les communautés de communes et autres formes d'intercommunalité. Il y avait 2 800 syndicats mixtes il y a cinq ans ; il en reste 2 600 aujourd'hui.

Certains dispositifs se surajoutent parfois et complexifient la situation, comme les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). À titre personnel, je m'interroge sur la nécessité de faire coexister un échelon supplémentaire. Les 122 PETR sont souvent un élément de complexification de la relation politique avec les EPCI, et un enjeu de combat politique entre des élus parfois d'une même couleur politique. Nous pourrions avancer sur ces points en renforçant encore, si les élus le souhaitent, la coopération intercommunale.

Vous proposez une fédération de communes ; c'est l'intercommunalité ! Améliorons déjà son fonctionnement. Je suis preneur d'une vraie réflexion sur l'ensemble du territoire. Il y a cent départements en France. Regardons point par point là où l'on peut améliorer les choses, et proposons-le aux élus. À eux de le faire ou non.

La loi a obligé à se regrouper il y a dix ans, mais même ceux qui voulaient revenir dessus ont changé d'avis. Ils ne veulent plus de grands meccanos, auxquels ils ont déjà beaucoup donné... Ils se débrouillent souvent très bien entre eux. Il n'est pas besoin de leur imposer de nouvelles choses. Mais en regardant bien, on pourrait sûrement leur fournir des éléments pour évoluer plus facilement.

M. Clément Pernot. - Le ministre a l'expertise du domaine qu'il gère, ce qui est assez rare ! Votre parcours a fait de vous un expert des collectivités territoriales. Nous sommes très heureux de vous entendre sur ce sujet.

Je partage avec vous certains éléments : l'intercommunalité est un bien nécessaire. J'étais à la tête d'une communauté de communes de 16 500 habitants. Sans intercommunalité, nous n'aurions jamais pu bâtir des équipements structurants partagés. Je suis heureux de cette évolution qui fédère les forces communales pour une collaboration intercommunale.

Parfois, certaines communautés de communes n'ont pas la taille qu'elles devraient avoir : elles génèrent sur leur territoire des déficiences qui pénalisent les autres. Par exemple, le Haut-Jura est un peu en perdition. La ville de Bourg souffre énormément, alors que quatre communautés de communes constituent le Haut-Jura. L'organisation pourrait être plus efficace si ces quatre communautés de communes étaient réunies, mais elles n'ont pas été victimes de la loi NOTRe : elles bénéficiaient d'une exception en raison de leur statut de communes de montagne. Nous avons un territoire morcelé, alors que si ces intercommunalités s'unissaient, on pourrait envisager un redressement significatif.

Il faut laisser la liberté aux élus. La liberté peut s'organiser ensemble, dans la discussion. On pourrait réorienter le rôle des CDCI : les élus qui ont du mal à se mettre d'accord pour constituer un nouvel ensemble pourraient bénéficier de l'expérience des autres, pour établir une nouvelle dynamique et régler des soucis.

Nous avons vu une expérience remarquable dans le Sud-Ouest : deux communautés de communes avaient été fusionnées, mais les élus ne s'entendaient pas. La bonne idée fut d'en ajouter une troisième pour que l'ambiance s'assagisse...

Il faudrait organiser cela au sein de la CDCI, pour un meilleur partage entre élus et pouvoir aider ceux qui rencontrent des difficultés. Nous devons rester sur un principe de grande liberté avec une analyse très locale. Il faudrait faire ce travail pour les cent départements.

M. François Rebsamen, ministre. - Nous devons avoir en face une organisation territoriale de la République déconcentrée telle que le préfet de département soit l'interlocuteur unique des élus, plutôt que celui qui ne sait pas quelles seront les fermetures de classe, ce qui va se passer dans la culture ou la santé... Des préfets de département peuvent apprendre la fermeture d'un hôpital ou d'une clinique sans avoir été prévenus. Si l'on veut améliorer la gestion locale, les collectivités doivent avoir un interlocuteur compétent en tout, et non pas une multitude d'interlocuteurs distribuant des crédits de l'État, parfois même sans le dire.

M. Clément Pernot. - Ce sont des propos d'expérience.

M. Didier Rambaud. - Lors de la création de cette mission d'information, j'ai toujours dit que vous aviez devant vous un fervent défenseur de l'intercommunalité : j'ai présidé durant dix ans une intercommunalité de 25 000 habitants répartis entre quatorze communes. J'ai vu les bienfaits de l'intercommunalité : il n'y avait pas de médiathèque, de zone d'activité, de service de la petite enfance, etc. Malgré les apports, depuis quelques communes expriment un malaise : les équipements structurants ne peuvent se trouver sur chaque commune et certaines ont l'impression de voir le train passer.

Il faut réfléchir au mode d'élection des conseillers communautaires - même si je sais qu'il est risqué de dire cela au Sénat.

À l'heure des demandes de simplification, il faut réfléchir à l'interconnexion entre le département et les intercommunalités. J'ai été conseiller général et départemental, et j'ai vu la différence entre les deux fonctions. Auparavant, on était élu conseiller général sur la base d'un canton qui correspondait à une histoire et à un bassin de vie. Avec la création des conseillers départementaux, les cantons ont été élargis et sont devenus des circonscriptions électorales et non des bassins de vie. Le département ne devrait-il pas devenir une fédération des intercommunalités ?

En Isère, nous avons un paysage intercommunal bien construit. Les intercommunalités correspondent à des réalités. N'est-ce pas une solution pour simplifier ? Entre l'intercommunalité et le département, la liaison est évidente en matière de solidarité territoriale et sociale.

M. François Rebsamen, ministre. - J'ai des relations de qualité avec toutes les strates de collectivité, et j'essaie de les conserver... Votre piste est intéressante. Pourquoi pas un jour ? Cela rejoint le débat sur le conseiller territorial ; je vous renvoie donc à l'après élection présidentielle.

Nous n'aurons pas le temps de décider de changements importants comme la fédération d'intercommunalités ou le conseiller territorial avant les élections. C'est un choix de la nation. On pourrait en décider par référendum.

M. Jean-Claude Anglars. - Nous sommes tous de fervents partisans de l'intercommunalité lorsqu'elle est choisie et non subie. Voilà le principal problème.

Je m'inquiète, en vue des prochaines élections municipales dans certains territoires, de tout ce qui a été dit, fait ou mal fait sur la gouvernance et la représentation des territoires. Les laissés-pour-compte risquent de se révolter. Je viens de l'Aveyron. Il y a une lame de fond ; les intercommunalités, hormis celles qui sont restées à taille humaine, sur le périmètre choisi de 2017, rencontrent toujours des problèmes.

Je suis un fervent partisan du conseiller territorial. Un élu doit représenter son territoire ; c'est un constat de bon sens Actuellement, les compétences transférées obligatoirement aux communautés de communes, notamment la compétence économie, fait que cette dernière relève aussi de la région et non plus du seul département. Je le dis d'autant plus que je suis conseiller départemental.

Nous devons revenir vers plus de proximité. Le préfet de département doit reprendre un certain nombre de pouvoirs, pour gérer au plus près du terrain.

Certains voudraient faire élire les députés, déjà souvent considérés comme hors sol, à la proportionnelle : ce serait la fin des élus de terrain, et le début de l'élection de personnes certes respectables, mais désignées par des partis politiques.

Cette mission vient à point nommé non pas pour inverser la tendance, mais pour corriger ce qui n'a pas été bien fait au départ. Tout a été dit sur la gouvernance, la représentation, les compétences... Comment les choses pourraient-elles évoluer d'ici aux municipales ?

M. François Rebsamen, ministre. - Il ne reste pas beaucoup de temps d'ici aux municipales, et je ne serai alors peut-être plus ministre... Il est difficile d'avoir une vision à huit mois quand on n'a pas de vision à trois mois... Cela ne m'empêche pas de faire mon travail : le statut de l'élu sera amélioré. Le budget sera une période compliquée, même si je compte beaucoup sur le Sénat pour soutenir les collectivités locales.

Je n'ai pas la même vision que vous : le conseiller territorial signifie tout à la fois la fin de l'intercommunalité et la fin des départements. On ne peut être à la fois conseiller départemental et conseiller régional.

Comment faire respecter la parité, sujet qui m'est cher ? C'est moi qui avais suggéré la réforme des cantons, seul moyen que j'avais trouvé pour faire la parité. Certains départements qui comptaient peu d'élues se sont alors retrouvés à parité. Nous avons agrandi la taille des cantons. Je ne méconnais pas les problèmes, mais nous avons permis aux femmes d'accéder aux mandats de conseiller départemental et même de sénateur.

Je ne crois pas au conseiller territorial. Je suis davantage partisan d'une fédération des intercommunalités que du conseiller territorial. Demain, combien y aurait-il de conseillers territoriaux dans une circonscription ? Deux, voire trois : ils n'auront alors qu'un seul but, être députés. Cela sera la pagaille un peu partout. Certes, ils auraient une connaissance du terrain. Je me suis suffisamment battu contre la limitation du cumul des mandats pour l'affirmer ici.

Faut-il de la proportionnelle ? C'est un beau débat. Le meilleur scrutin électoral est le scrutin à l'allemande, mis en place par les constitutionnalistes français après-guerre pour éviter le retour de l'extrême droite nazie au pouvoir, et instaurer le système le plus démocratique possible. Helmut Kohl n'a jamais été élu dans sa circonscription. Les Français pourraient adopter ce scrutin : on est candidat comme député dans une circonscription ; si on n'est pas élu dans la circonscription, il y a une liste de rattrapage au niveau national permettant d'être à la fois candidat de terrain et candidat sur une liste à la proportionnelle. Les résultats dans les circonscriptions sont transposés sur la liste proportionnelle. Certes, le dispositif est compliqué, mais intéressant. Je me permets de dire cela quand je débats avec des politologues ou autres personnalités.

Il est facile de prétendre que le scrutin majoritaire est celui de la Ve République, mais ce n'est pas vrai. Relisez ce que le général de Gaulle disait à l'époque. Il a fait les deux : en 1946, il a instauré le scrutin proportionnel puis, en 1958, compte tenu de la situation du pays, et pour mettre fin au régime des partis de la IVe République, il a instauré le seul scrutin qui valait « pour le moment », à savoir le scrutin majoritaire. Mais rien ne dit qu'il ne faudra pas modifier ce mode de scrutin. C'est le scrutin qui s'imposait pour la Ve République au vu de l'état du pays, dont acte.

François Mitterrand déclarait que le scrutin s'use quand on s'en sert. Quand des élus étaient à la fois élus locaux et députés, ils servaient surtout d'assistantes sociales : les présidents de communauté de communes ou de département recevaient les courriers des députés leur demandant un travail ou un logement pour quelqu'un... Cela transformait souvent le député, qui certes avait prise sur le terrain, en courroie de transmission par rapport à l'autorité municipale ou départementale.

Si vous laissez le scrutin proportionnel perdurer pendant quinze ans, vous n'aurez plus que des apparatchiks. Mieux vaut changer parfois de mode de scrutin et garder la même République...

M. Didier Rambaud. - Je comprends votre devoir de réserve, mais quel est votre avis sur le mode d'élection des conseillers communautaires ?

M. François Rebsamen, ministre. - J'ai longuement débattu avec Pierre Mauroy sur ce sujet. Le mode d'élection fonctionne bien ainsi. Il faut améliorer la relation entre les élus. Mais je crois en la fédération des intercommunalités, d'une certaine manière.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Vous avez souligné que des ajustements à la carte pourraient être nécessaires, ce qui correspond aux propos d'André Laignel, au nom de l'association des maires de France lors de son audition.

S'il faut ajuster, quel serait le rôle de la CDCI ? À mesure de la montée en charge de l'intercommunalité, le poids de la CDCI s'est révélé être insuffisant pour contrer le pouvoir extrêmement puissant du préfet. Faudrait-il conserver cette majorité des deux tiers à partir de laquelle la CDCI peut s'opposer au préfet, ou donner davantage la main aux élus avec une majorité classique ?

M. François Rebsamen, ministre. - Les élus doivent se gérer eux-mêmes le plus possible, ce qui n'empêche pas d'avoir en face un préfet avec des pouvoirs et des compétences. Il faut trouver un mode de gouvernance pour que la CDCI se réunisse à la demande des élus et qu'il y ait un lieu d'échange, pas nécessairement conclusif. Je fais confiance à l'intelligence des élus. Ce n'est parfois pas simple, mais dans 90 % du temps, c'est un bonheur.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - En Moselle, les intercommunalités ont des différences de richesse assez marquées entre elles. Les intercommunalités riches sont très convoitées. Les communes en continuité territoriale avec elles sont parfois tentées de quitter leur périmètre pour rejoindre un périmètre intercommunal « plus à l'aise ».

Ne seriez-vous pas favorable à ce que nous renforcions la réduction des écarts de richesse, avec une péréquation plus forte des dotations ?

Nous avons observé, à l'occasion de nombreuses auditions, qu'un certain nombre de maires ne sont pas très à l'aise au sein d'intercommunalités souvent grandes avec une technostructure importante, qui les noie. Ils se sentent délaissés. Ces situations sont difficiles à vivre, quand bien même l'intercommunalité réalise un travail utile : ils ont l'impression que l'administration est à la manoeuvre.

Que pensez-vous du cumul des mandats horizontaux ? Actuellement, on peut être maire et président d'intercommunalité ; cela vous semble-t-il normal, à l'heure où l'on essaie de limiter le cumul des mandats ? Je pense notamment à de grandes villes et à de grandes métropoles.

M. François Rebsamen, ministre. - Nous échangeons beaucoup avec les associations d'élus sur la péréquation. Hier, j'ai rencontré les départements qui ne veulent plus entendre parler de péréquation. D'autres en veulent davantage.

Il y a deux types de péréquation. Une péréquation verticale est organisée par l'État qui prélève et redistribue à sa manière. Ce dispositif, adopté il y a quinze ans, a fonctionné, mais au bout d'un certain temps, les élus perdent le sens de cette péréquation. On ne leur dit pas à quoi elle sert vraiment : l'État leur prélève des moyens et répartit ce milliard d'euros.

Ensuite, il y a la péréquation horizontale que l'État opère, mais qu'il met à la main de l'Assemblée des départements de France (ADF) qui la répartit à sa manière. Les élus ne veulent plus en entendre parler, car cela les met en difficulté au sein des associations d'élus. Parfois, ce n'est pas en aidant les plus pauvres que vous obtiendrez un poste important dans une association d'élus...

Il faut clairement identifier la péréquation nationale, l'expliquer et dire à qui elle sert et à quelles fins. Dans ce cadre, elle peut avoir un rôle important.

On n'ose plus dire qu'on fait de la péréquation avec la dotation globale de fonctionnement (DGF), car tout le monde s'interroge sur sa finalité ; pourquoi l'autre en a-t-il plus, ou moins ? C'est une vieille forme de redistribution qui n'est plus totalement au goût du jour. Encore faut-il avoir le temps de la réviser. Le Sénat a réalisé de nombreuses études sur ce thème.

La péréquation horizontale est à la main des élus, ce qui est une bonne chose. Cela permet à tous de savoir ce qui est redistribué.

Il faut expliquer la péréquation verticale, car in fine les élus ne savent plus pourquoi elle existe. Chaque année, il faudrait un compte rendu précis pour dire à qui elle profite - normalement à ceux qui en ont le moins. Sinon les élus considèrent systématiquement que leur propre territoire n'est pas le mieux servi...

Il y a des moyens de répondre aux interrogations des maires de petites communes membres d'une grande agglomération. Je prends un exemple que je connais bien : dans mon territoire, nous avons créé une assemblée des maires n'ayant qu'un représentant du conseil de la métropole. J'ai souhaité pour eux des dotations spécifiques, qu'ils se répartissent au moyen d'une péréquation horizontale, à partir d'une somme globale votée par l'ensemble de l'intercommunalité. C'est un modèle de bonne gestion qui fonctionne très bien. Les maires sont intégrés, élèvent leur niveau de connaissance des finances, et mutualisent leurs achats publics. Certes, parfois un élu est un peu plus « fort en gueule » qu'un autre qui interviendrait moins, on peut toujours améliorer la situation...

M. Jean-Marie Mizzon, président. - C'est un fonds de concours ?

M. François Rebsamen, ministre. - Oui, c'est une forme de fonds de concours, mais absolument pas obligatoire. Il finance l'investissement et le fonctionnement.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Les outils à disposition des élus sont parfois méconnus ou parfois ne fonctionnent pas très bien comme la conférence des maires. Dans certaines intercommunalités, elle constitue parfois un passage obligé pour que le président de l'intercommunalité présente certains dossiers. Dans d'autres intercommunalités, elle représente un véritable espace de discussion et de dialogue.

Vous avez parlé du pacte de gouvernance et du projet de territoire. Faut-il rigidifier à nouveau ces outils pour les faire connaître et éventuellement les imposer ? Comment les rendre plus efficients afin que les maires s'en saisissent mieux et plus dans les intercommunalités ?

M. François Rebsamen, ministre. - Je suis contre tout ce qui est obligatoire pour les élus. Si on rigidifie un outil, il deviendra une obligation qui pèsera sur les élus et on aboutira à des documents sans grande portée. Alors qu'un outil résultant d'un débat entre élus permet de s'enrichir et d'avancer. C'est le principe démocratique : avoir une discussion pour prendre les meilleures décisions.

Le vice-président chargé des finances de Dijon Métropole est le maire d'une commune de 1 200 habitants. Quelques maires trouvaient ce choix un peu saugrenu, s'interrogeant sur sa capacité à gérer les 480 millions d'euros de budget de la métropole. Passé le scepticisme initial, tout le monde est très content. Chaque maire constate ainsi que, quelle que soit la taille de sa commune, il n'est pas moins intelligent qu'un maire d'une commune de 50 000 habitants. Il faut donner ces exemples pour prouver que malgré les marges de progrès possibles, de nombreux dispositifs fonctionnent bien dans notre pays. Nous avons besoin de le dire !

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. - Quand les choses ne sont pas systématiquement obligatoires, c'est que nous sommes dans une démarche de simplification. La simplification doit être une préoccupation de chaque instant, et dans tous les domaines.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est suspendue à 15 h 45.

La réunion est reprise à 16 heures.

Table ronde de maires (sera publiée ultérieurement)

Ce compte rendu sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 35.