COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 8 juillet 2025

- Présidence de M. Florent Boudié, président -

La réunion est ouverte à 09 h 05.

Commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et du projet de loi organique relatif au Département Région de Mayotte se sont réunies à l'Assemblée nationale le mardi 8 juillet 2025.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Florent Boudié, député, président, de Mme Muriel Jourda, sénatrice, vice-présidente, de Mme Agnès Canayer et M. Olivier Bitz, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat et de M. Philippe Vigier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

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M. Florent Boudié, député, président. - Les deux projets de loi ont été déposés le 22 avril sur le bureau du Sénat, qui les a adoptés le 27 mai. L'Assemblée nationale les a adoptés le 1er juillet.

Au dépôt, le projet de loi de programmation comptait trente-quatre articles, quarante-deux après l'examen au Sénat et soixante-dix-sept après l'examen à l'Assemblée nationale, dont trois articles supprimés et seize articles adoptés conformes. Soixante et un articles restent donc en discussion.

Le projet de loi organique comptait cinq articles, tous adoptés conformes à l'exception de l'article 1er, qui reste seul en discussion.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - La présente commission mixte paritaire (CMP) porte sur un texte d'une importance majeure pour nos compatriotes mahorais : outre la reconstruction de l'archipel à la suite du passage du cyclone Chido, ce projet de loi doit apporter une réponse d'ampleur aux défis migratoires, sécuritaires et sociaux auxquels est confrontée Mayotte.

Permettez-moi de saluer la qualité des discussions et du travail de concertation mené avec nos collègues députés ayant permis l'émergence d'un compromis à la hauteur des enjeux et des liens unissant Mayotte à la République.

Ce texte, qui émane de la représentation nationale et engage l'État, a été élaboré en association étroite avec les acteurs concernés. Il vise à établir un plan d'action en faveur du territoire mahorais.

Pour le Sénat, le rapport annexé constitue avant tout la feuille de route du gouvernement, au sujet de laquelle il s'engage et devra rendre des comptes.

Les travaux menés conjointement avec les députés ont permis d'acter plusieurs avancées, qui amélioreront de façon inédite le quotidien des habitants de Mayotte. Les dispositions en matière de lutte contre l'immigration irrégulière et l'habitat illégal ont fait l'objet d'un consensus ; elles demeurent un axe essentiel du texte, tant la situation migratoire est le principal facteur de déstabilisation de l'archipel.

Les deux chambres ont chacune renforcé le dispositif de l'article 2, qui restreint les conditions de délivrance des titres pour motif familial. L'Assemblée nationale a conservé les apports du Sénat visant à rendre plus opérationnels l'article 7, relatif à la rétention des mineurs, et l'article 8 qui permet le retrait du titre de séjour d'un étranger en raison du comportement de son enfant.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Nous proposons de maintenir l'article 19 du projet de loi, qui autorise le recours à la prise de possession anticipée, de manière très circonscrite, pour la construction de certaines infrastructures essentielles au développement de Mayotte, telles que les hôpitaux ou les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Elle devrait permettre au gouvernement de tenir ses engagements vis-à-vis des Mahorais. S'agissant de l'aéroport, nous avons obtenu le rétablissement des dispositions permettant d'accélérer les procédures nécessaires au développement du projet de piste longue adaptée aux vols long-courriers.

Nous sommes parvenus à un compromis permettant une convergence sociale accélérée tout en soutenant le tissu économique local, notamment en conjuguant le relèvement du smic à 87,5 % de son niveau dans l'Hexagone dès 2026 avec des allègements visant à accompagner et préserver la compétitivité des entreprises mahoraises.

Enfin, nous nous réjouissons de l'accord auquel nous sommes parvenus pour réformer le mode d'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte. Le découpage en treize sections assurera une représentation équilibrée du territoire mahorais reflétant sa diversité, tout en permettant à une majorité stable de promouvoir un véritable projet pour l'ensemble de l'archipel.

Permettez-moi pour conclure de remercier Mmes Estelle Youssouffa et Agnès Firmin Le Bodo ainsi que MM. Philippe Vigier et Philippe Gosselin pour la qualité du travail accompli. Nous avons trouvé un compromis équilibré qui reflète notre volonté commune de parvenir à des avancées concrètes au bénéfice de nos compatriotes mahorais.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pour la seconde fois en 2025, des textes majeurs concernant Mayotte sont soumis à nos assemblées. Le cyclone Chido puis la tempête Dikeledi ont occasionné de véritables drames pour ce territoire déjà éprouvé depuis de nombreuses années.

Ce texte repose sur quatre piliers fondamentaux : l'instauration de moyens matériels et humains visant à mieux endiguer l'immigration ; une évolution institutionnelle longtemps attendue, avec la transformation du département en région et la création de l'assemblée de Mayotte ; la convergence des mesures et des prestations sociales, elle aussi très attendue ; le rattrapage du retard de l'État dans la construction de grandes infrastructures.

En passant d'une logique de moyens à une logique de résultat, nous devons fournir aux Mahoraises et aux Mahorais les résultats qu'ils attendent. J'associe à mes propos Agnès Firmin Le Bodo, Philippe Gosselin et Estelle Youssouffa, avec lesquels j'ai travaillé en lien étroit avec nos collègues sénateurs. Je remercie ces derniers pour la qualité de nos discussions, reflétant notre volonté commune d'apporter à Mayotte une véritable refondation.

Le titre II comporte des dispositions fortement attendues afin de lutter contre l'immigration irrégulière. Nous avons conservé l'abrogation de la territorialisation des titres de séjour prévue à l'article 2 bis A. Cette disposition finale résulte d'un travail transpartisan des quatre rapporteurs ; elle envoie un signal très fort reflétant notre volonté de juguler les flux migratoires.

L'article 10 vise à lutter contre l'habitat informel. La rédaction à laquelle nous avons abouti permet de conserver le caractère suspensif des recours.

En matière de convergence sociale, le travail mené par Agnès Firmin Le Bodo a mené à l'extension de la protection universelle maladie (Puma) et au relèvement du smic à 87,5 % de son niveau dans l'Hexagone dès le 1er janvier 2026.

S'agissant de l'article 15, nous nous sommes accordés sur des mesures de compensation de ce relèvement du smic pour les entreprises, notamment des exonérations de charges sociales. Enfin, Mayotte bénéficiera des exonérations dites « Lodeom » en référence à la loi pour le développement économique des outre-mer, à compter du 1er janvier 2027.

L'article 19 est particulièrement sensible : il soulève des réticences résultant d'anciens désordres cadastraux et d'une certaine défiance. Nous devions en restreindre la portée autant que possible et l'ensemble des opérations conduites par l'établissement public ont été écartées - logements, écoles ; nous nous sommes concentrés sur les très grandes infrastructures : le port, l'aéroport - dont la localisation a été modifiée -, un second hôpital qui permettra de résorber le déficit en matière d'offre de soins, ou encore l'adduction d'eau potable.

La version de l'Assemblée nationale de l'article 30 relatif à la réforme institutionnelle a été privilégiée afin de consolider les ajustements ; en revanche, nous nous sommes ralliés à la version sénatoriale de l'article 31 portant sur l'organisation du scrutin pour l'élection à la future assemblée de Mayotte, sans être totalement convaincus de la pertinence du découpage en treize sections. Nous espérons que l'introduction d'un scrutin proportionnel permettra à cette assemblée de promouvoir des projets utiles.

Nous avons voulu éviter tout décalage s'agissant du rapport annexé - qui n'est pas normatif. Il y est question de 4 milliards d'investissement dans les infrastructures d'ici à 2031, qu'il conviendra d'évaluer. Cette feuille de route stratégique du gouvernement nous semble essentielle.

Mme Youssouffa a ajouté un paragraphe important relatif au transfert de compétences, notamment celles qui ne sont pas exercées par le département ; il doit s'accompagner d'une montée en puissance technique.

Enfin, nous avons été attentifs à conserver certaines propositions de rédaction déposées par les groupes Rassemblement national et de la Gauche démocrate et républicaine, relatives aux problèmes d'accès à l'eau potable et à la formation des gardiens de la paix.

J'espère que cette CMP sera conclusive ; Mayotte le mérite ardemment.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - En cette journée historique pour Mayotte, ce projet de loi, qui jette les bases de son avenir, comporte encore plusieurs points de blocage.

Le premier est la date d'instauration de la Lodeom, que nous souhaitons fixer au 1er juillet 2026, c'est-à-dire au même moment que le relèvement du smic tel que je le propose, afin de répondre aux attentes du patronat et des travailleurs de Mayotte. Nous devons garantir que la situation sera soutenable pour les entreprises mahoraises, qui doivent accéder aussi rapidement que possible au dispositif de dispense des cotisations patronales déjà en vigueur à La Réunion, aux Antilles et en Guyane. Mayotte en a été inexplicablement écartée. Nous souhaitons que l'application de la Lodeom et le relèvement du smic soient entérinés lors de l'examen du prochain projet de loi de finances (PLF).

L'article 19 est le deuxième point de blocage. Je retire ma proposition de rédaction qui visait à ne considérer que les infrastructures aéroportuaires. À l'instar de mes collègues mahorais, je souhaite la suppression pure et simple de cet article.

Par ailleurs, je salue la démarche des sénateurs, qui ont accepté la proposition de Philippe Gosselin et des autres rapporteurs visant à mettre fin au titre de séjour territorialisé à compter du 1er janvier 2030.

Le découpage du territoire en cinq ou treize sections, prévu à l'article 31, constitue un dernier point de blocage. Il soulève des enjeux de constitutionnalité qui devront être tranchés par le Conseil constitutionnel. Le gouvernement avait initialement proposé un scrutin proportionnel assorti d'une prime majoritaire et un découpage en cinq sections. Ma proposition de rédaction vise à réduire la prime majoritaire à 20 %, mais le Sénat a maintenu un découpage en treize sections. Je défendrai une autre proposition de rédaction visant à appliquer un découpage en cinq sections, afin de respecter le pluralisme politique et d'organiser un scrutin de liste facilitant la conduite de projets à l'échelle de l'île entière.

La population de Mayotte suit attentivement nos débats et place beaucoup d'espoir dans ces textes.

M. Yoann Gillet, député. - Beaucoup d'entre vous évoquent un texte historique ; il me semble pourtant assez timide, malgré de réelles avancées issues des travaux de l'Assemblée nationale, que le ministre lui-même a saluées. Une quarantaine d'amendements du groupe Rassemblement national ont été adoptés sur un total de près de 200, eux aussi adoptés grâce à nos voix - l'hémicycle était relativement vide, ce qui dénote un certain mépris pour Mayotte.

Nos priorités pour Mayotte sont les suivantes : lutter contre l'immigration clandestine, assurer la sécurité des Mahorais, leur garantir l'accès à l'eau, assurer la régularisation foncière, garantir l'égalité sociale et l'accès aux soins. Bien que ce texte propose des avancées, il ne traite pas l'ensemble de ces priorités de façon satisfaisante et ne va pas suffisamment loin. Voilà ce que nous dénonçons, Anchya Bamana et moi-même.

Plusieurs points constituent pour nous des lignes rouges ; ce sont peu ou prou les mêmes que celles des élus mahorais. Vous vous félicitez d'avoir trouvé un consensus, mais il n'est pas acceptable ; en l'état, la CMP ne saurait être conclusive.

L'article 19 n'est pas négociable ; il constitue une ligne rouge vif ! Non seulement il ne permettrait pas d'aller plus vite, mais il ouvrirait la voie à de nombreux recours et mettrait le feu à Mayotte. Les parlementaires mahorais ne me contrediront pas : ils ont été les premiers à donner l'alarme. Les députés du groupe Rassemblement national avaient quant à eux donné l'alerte s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, malheureusement en vain. Soyez respectueux des Mahorais, qui ont été trop longtemps méprisés par l'État et les gouvernements successifs.

Nous veillerons à ce que la Lodeom et l'égalité sociale s'appliquent et que les promesses faites aux Mahorais soient tenues ; rappelons que le ministre de l'outre-mer, lorsqu'il était premier ministre, avait déjà promis un alignement des prestations sociales sur celles de l'Hexagone pour 2025 !

Enfin, l'immigration irrégulière est le principal problème de Mayotte, dont de nombreux autres découlent, touchant la santé, le système scolaire, les autres services publics et l'accès à l'eau.

M. Saïd Omar Oili, sénateur. - Je souscris pleinement aux propos de Mme Youssouffa et de M. Gillet. Je reviens tout juste d'une semaine à Mayotte, où tout le monde suit nos travaux.

Nous quatre, parlementaires mahorais, nous refusons de voter l'article 19, qui doit être supprimé. Nous sommes également d'accord au sujet de l'intégration au PLF pour 2026 du relèvement du smic et de l'application de la Lodeom. Nombre de promesses ont été faites, mais aucune ne s'est concrétisée sur le terrain.

Enfin, le mode du scrutin et le nombre de sections sont discutables, mais il importe avant tout que toutes les mesures soient constitutionnelles.

M. Patrick Hetzel, député. - Notre responsabilité collective est immense, à la hauteur des attentes des Mahorais. Un échec de la CMP constituerait un risque bien plus important qu'un compromis, que nous devons nous efforcer de trouver. Évoquer d'entrée de jeu des lignes rouges revient à placer la CMP dans une impasse, ce qui ne rendrait pas service à Mayotte. J'invite donc chacun à prendre ses responsabilités.

Mme Salama Ramia, sénatrice. - Revenant également de Mayotte, je confirme la tension qui y règne. L'article 19 constitue en effet un blocage, mais il serait regrettable qu'un seul article bloque l'ensemble du texte, qui présente de nombreuses avancées.

La date d'application de la Lodeom représente une autre ligne rouge : un effort a été fait, mais elle reste trop tardive et les dispositifs proposés dans l'intervalle ne concernent que 20 % des entreprises mahoraises ; durant toute l'année 2026, les plus petites d'entre elles n'en bénéficieront pas.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - Ce texte est une avancée majeure pour Mayotte et nous devons aboutir à une CMP conclusive ; une autre issue serait un échec collectif. Poser d'emblée des lignes rouges ne nous permettra pas d'améliorer, collectivement, la situation à Mayotte.

Nous débattrons de l'article 15, mais notre objectif doit demeurer de progresser aussi rapidement que possible et d'envoyer des signaux forts, comme le relèvement du smic au 1er janvier 2026. Afin de ne pas mettre en difficulté le tissu économique de Mayotte, les députés ont eu l'idée, grâce aux entreprises auditionnées, d'intégrer à ce texte l'application de la Lodeom à Mayotte. Mais parce qu'il est techniquement impossible de l'appliquer avant le 1er janvier 2027, le gouvernement a proposé une solution qui évite de faire des perdants pendant l'année 2026.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Une commission mixte paritaire, ce n'est pas un débat dans l'hémicycle ; c'est le Sénat et l'Assemblée nationale qui se retrouvent pour un travail partagé.

Nous devons apporter une réponse politique à ce territoire qui l'attend depuis si longtemps et où la défiance est justifiée par des retards cumulés et des investissements annoncés et jamais réalisés. Des sommes ont été mises sur la table en 2015 pour le plan Mayotte 2025 : où en est-on dix ans après ? Le seul hôpital de l'île a été durement touché par Chido ; le coût de sa reconstruction est estimé à 40 millions d'euros, et l'on nous a annoncé en audition qu'il fallait oublier le projet de deuxième hôpital. L'hôpital figure dans le document que nous avons élaboré ce matin. J'ai dit tout à l'heure à Yoann Gillet, par précaution de langage, que nous avions cheminé sur le côté administratif et technique du texte avec le Sénat, mais c'est notre travail politique qui déterminera ce qui sortira de cette enceinte. Il est inenvisageable de dire aux Mahorais que la commission mixte paritaire s'est soldée par un échec. Sinon, quand aurons-nous la possibilité de nous revoir pour avancer ?

La position de l'Assemblée a évolué sur certains points. Concernant les modes de scrutin, nous nous sommes rangés aux arguments des rapporteurs du Sénat, qui avaient, eux aussi, des attentes fortes et des lignes rouges qui sont devenues orange, puis vertes, car l'intérêt général est en jeu.

Je n'insisterai pas sur l'article 19. Oui, l'État, le département et le fameux syndicat mixte ont failli : les 12 000 hectares n'ont jamais été affectés, jamais identifiés, et le recensement exhaustif par l'Insee que demandaient tous les élus mahorais n'a jamais été réalisé. Ce recensement a été inscrit dans le projet de loi, avec un calendrier précis.

Enfin, je rappellerai deux choses concernant la Lodeom. La première est que tout son contenu était renvoyé à des ordonnances et n'était pas mentionné explicitement à l'article 15 ; or, quand les parlementaires font confiance aux ordonnances, ils ne surveillent plus rien. C'est pourquoi nous avons décidé d'inscrire directement dans le projet de loi une première étape de hausse du smic mahorais tandis que l'application de la Lodeom à Mayotte est prévue par les ordonnances de l'article 15. La deuxième, à l'intention de ceux qui se plaignent du coût de ces mesures pour les entreprises, est que le CICE n'est pas versé tous les mois, mais avec un an de décalage, et que 95 % des 15 422 entreprises inscrites à la chambre de commerce et d'industrie n'ont qu'un seul salarié. Le Parlement veut être associé et c'est son rôle, nous avons été attentifs à la question.

La bonne solution n'est ni celle de l'Assemblée nationale, ni celle du Sénat, mais celle qui nous rassemble et qui, en croisant les regards des parlementaires de la France ultramarine et de ceux de la France hexagonale, apportera des avancées à ce territoire qui le mérite tant et pour lequel tant de retard a été pris. Nous devons être aux côtés des Mahorais. Il serait malheureux que les engagements que nous prenons dans ce texte ne soient pas tenus, car certains utiliseraient notre faiblesse politique pour favoriser d'autres territoires.

Mme Anchya Bamana, députée. - Mes chers collègues, vous démontrez que le problème de Mayotte n'est pas un problème foncier, mais un problème de volonté politique. C'est l'ancienne maire d'une commune de 12 000 habitants qui vous parle.

L'article 19 institue une procédure dérogatoire accélérée permettant à l'État de prendre possession immédiate des terrains sans respecter les garanties traditionnelles du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Les Mahorais ne veulent pas d'une dérogation au droit commun. Pour un peuple dont la propriété foncière est souvent orale, communautaire et transmise depuis des générations sans règlement des indivisions, ce texte est perçu comme une spoliation légalisée. Ce que veulent les Mahorais, c'est régler le cadastre, comme ils le demandent depuis les accords qui ont fait de Mayotte un département français.

J'ai envoyé à tous les députés le texte signé en 2000 entre l'État et les élus locaux. Le point n° 8 indique : « La rénovation de l'état civil et la mise en place du cadastre seront menés à terme à échéance de cinq ans. Des moyens seront dégagés à cet effet. » L'État a respecté ses engagements concernant l'état civil : en cinq ans, tous les Mahorais ont eu un nom et un prénom en prévision de la départementalisation de l'île en 2011. Le cadastre, en revanche, n'a pas été fait.

Supprimer l'article 19, c'est refuser un urbanisme autoritaire et centralisé, c'est redonner aux Mahorais le droit d'être les acteurs de leur avenir et non les simples sujets de décisions imposées d'en haut. Réintégrer cet article, c'est déclencher un mouvement social à Mayotte ; c'est décider pour les Mahorais sans les Mahorais, donc contre les Mahorais.

Le maire de Mamoudzou m'a envoyé un projet de caserne mutualisée entre la police municipale de Mamoudzou et la police nationale qui date d'il y a quinze ans. Le foncier est disponible là où travaille actuellement la police municipale, en plein Mamoudzou. Chido a ravagé les bâtiments en carton de la police nationale. Pourtant, le projet n'a pas été retenu dans le tableau des investissements à réaliser, alors que les agents de la police municipale et ceux de la police nationale travaillent dans des conditions exécrables.

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La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

TITRE IER
OBJECTIFS DE L'ACTION DE L'ÉTAT POUR MAYOTTE

M. Florent Boudié, député, président. - À la demande des rapporteurs, nous examinerons en dernier l'article 1er et l'article 1er bis AA car les décisions que nous prendrons sur les articles normatifs entraîneront potentiellement des modifications au rapport annexé et à la programmation financière.

Article 1er bis A

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Nous avons retenu la proposition faite par l'Assemblée nationale, avec quelques corrections rédactionnelles.

L'article 1er bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Le Sénat a voulu donner autorité au préfet sur l'ensemble des services déconcentrés à Mayotte, y compris les agences, hormis l'établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction, afin d'accélérer les procédures.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette disposition nous convient.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

TITRE II
LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'HABITAT ILLÉGAL

CHAPITRE 1ER
Durcir les conditions d'accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 bis A

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je rappelle que la suppression des titres de séjour territorialisés n'était pas prévue dans le texte initial et que les quatre rapporteurs de l'Assemblée se sont mobilisés en ce sens. Je remercie nos collègues sénateurs d'avoir été à l'écoute de notre proposition.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat n'avait pas voté la suppression du titre de séjour territorialisé. Il lui avait préféré la remise d'un bilan sur les mesures dérogatoires en matière migratoire en 2028, lequel ouvrait à terme la possibilité d'une suppression de ce titre de séjour. Nous savons tous que la situation actuelle ne peut plus durer, à moins de transformer Mayotte en cocotte-minute. Nous nous rangeons finalement à la mesure qui a fait l'objet d'un vote largement majoritaire à l'Assemblée nationale.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - C'est une concession importante de la part du Sénat et je souhaite qu'elle soit prise à sa juste mesure. La majorité sénatoriale avait très largement voté contre cette suppression. Néanmoins, nous avons entendu la demande des Mahorais et accepté de nous ranger derrière le texte de l'Assemblée nationale.

Mme Muriel Jourda, sénatrice, vice-présidente. - J'abonde dans le sens de ma collègue. Nous ne pourrons pas adopter uniquement le texte de l'Assemblée nationale : la commission mixte paritaire est faite aussi pour conserver certains apports du Sénat ; sinon, cela s'appelle une dernière lecture, et l'Assemblée nationale conserve son texte. Nous avons consenti là une avancée considérable et nous espérons qu'elle sera approuvée en séance par le Sénat.

Proposition de rédaction de Mme Léa Balage El Mariky, députée

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Au nom groupe Écologiste et social, je propose d'avancer la suppression des titres de séjour territorialisés à 2027 et d'abroger la territorialisation des documents de circulation pour étranger mineur (DCEM).

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Je salue, moi aussi, l'effort consenti par nos collègues du Sénat. La question a fait l'objet de débats intenses à l'Assemblée nationale, en commission et dans l'hémicycle, et nous savons parfaitement les réserves que cette mesure suscite dans l'Hexagone et à La Réunion. La fin du dispositif en 2030 est le fruit d'un compromis transpartisan au sein de l'Assemblée, où certains voulaient l'abolir avant-hier - j'en fais partie - et d'autres souhaitaient que l'abolition n'ait jamais lieu. La territorialisation du visa à Mayotte par dérogation au droit des étrangers est une anomalie et une injustice. Nous espérons que sa suppression poussera enfin les services de l'État à déployer une vraie lutte contre l'immigration clandestine ; elle est extrêmement attendue à Mayotte, où 2030 est un horizon lointain.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je remercie nos collègues sénateurs d'avoir accepté cette mesure efficiente et de ne pas se contenter de la remise d'un rapport en 2028. En effet, créer une convergence sociale à l'horizon 2031 sans se donner les moyens de lutter contre le fléau de l'immigration clandestine, c'est donner un coup de bâton dans l'eau ; pire, cela exacerbera le phénomène. J'ai en mémoire les propos tenus dans l'hémicycle par certains collègues ultramarins concernant l'appel d'air constaté à La Réunion. Comme l'a dit très justement Philippe Gosselin, cette mesure fixe une obligation de résultat pour le gouvernement, qui ne saurait faire des constats puis se défiler au moment de traduire ces constats en actes législatifs.

La présidente Jourda a raison : la commission mixte paritaire, ce n'est pas seulement retenir telle ou telle proposition, c'est avancer les uns vers les autres pour que chaque chambre retrouve le fruit de son travail.

La proposition de rédaction est rejetée.

L'article 2 bis A est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 ter

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article vise à exclure l'habitat informel des logements permettant de bénéficier du regroupement familial.

L'article 2 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

CHAPITRE II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

CHAPITRE III
Mieux lutter contre l'immigration irrégulière et faciliter l'éloignement

Article 6 bis

L'article 6 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 7

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article prévoit la possibilité de placer des mineurs en situation irrégulière dans une unité de vie familiale.

L'article 7 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il me semble que le retrait du document de séjour de l'étranger majeur exerçant l'autorité parentale sur un étranger mineur dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public serait un outil puissant.

M. Philippe Naillet, député. - L'article 8 a été présenté de manière avantageuse par le rapporteur. Néanmoins, cette mesure ne garantit en rien un meilleur encadrement du jeune, ni même l'amélioration de sa situation. Elle pourrait même aggraver la marginalisation et la rupture avec les institutions en créant davantage de désorganisation familiale et risque de laisser l'enfant encore plus seul, privé de ses repères.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 9

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - À Mayotte, de nombreuses opérations de transmission de fonds se font en espèces. Or, plus il y a d'espèces, plus il y a de risques d'irrégularités. Si l'on veut lutter contre les dérives fiscales, contre l'économie souterraine et contre l'immigration irrégulière, il est naturel de chercher à identifier ces flux et d'empêcher ces personnes de verser des rétributions en espèces.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

CHAPITRE IV
Renforcer la lutte contre l'habitat informel

Article 10

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les opérations déjà conduites ont permis d'éliminer 1 650 habitations informelles, mais celles-ci se comptent en dizaines de milliers. L'article donne à l'État les moyens d'apporter une solution efficace au problème de l'habitat informel.

L'article 10 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 10 bis (supprimé)

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La possibilité donnée au préfet d'accorder des dérogations temporaires et proportionnées aux règles de l'urbanisme et de l'environnement applicables avait été adoptée à l'Assemblée nationale contre l'avis de la commission, nous proposons donc de supprimer l'article.

L'article 10 bis est supprimé.

TITRE III
PROTÉGER LES MAHORAIS

CHAPITRE IER
Renforcer le contrôle des armes

Article 12

Proposition de rédaction de Mme Léa Balage El Mariky, députée

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Mayotte fait partie des trois territoires ultramarins où la circulation d'armes est la plus importante et le registre n'y est pas opérationnel. Étant donné le niveau de criminalité sur place, il est indispensable de se doter d'un outil efficace.

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Nous proposons de lever une incertitude juridique en ajoutant à la fin de l'alinéa 9 la phrase : « Ne peuvent faire l'objet de poursuites les propriétaires d'armes détenues irrégulièrement lorsqu'elles sont remises volontairement au représentant de l'État dans le département sur le fondement du présent article. » Nous avions présenté cet amendement en séance, où il avait été plutôt soutenu par les rapporteurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Votre demande est satisfaite puisque les sanctions visent uniquement les personnes qui ne respecteraient pas les arrêtés de remise générale des armes.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Sans aller jusqu'à parler d'amnistie, il s'agit de veiller à ce que les personnes qui rendraient leurs armes dans le cadre de cette opération ne soient pas passibles de poursuites. Parle-t-on de toutes les poursuites ou seulement des poursuites encourues pour détention d'arme ?

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Il s'agit uniquement des poursuites pour détention d'arme. Nous craignons que le manque de précision de l'article 12 ne décourage la remise volontaire des armes.

La proposition de rédaction est rejetée.

L'article 12 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

CHAPITRE II
Renforcer la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre

Article 13 bis (supprimé)

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous proposons de supprimer l'article 13 bis, dont la première phrase est rédigée comme suit : « À Mayotte, lorsqu'il est constaté, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une instruction judiciaire, que le propriétaire d'un immeuble ou toute personne exerçant sur un immeuble une jouissance paisible et continue est mis en cause pour l'infraction prévue à l'article 225-14 du code pénal à l'égard de ressortissants étrangers en situation irrégulière, le représentant de l'État dans le département peut procéder, par arrêté, à la confiscation conservatoire de ce bien jusqu'à ce qu'une décision de justice établisse la matérialité des faits. »

Cette disposition a occasionné des discussions, et nous avons craint qu'elle ne suscite des recours. Pour ne pas surcharger davantage les services judiciaires mahorais qui manquent déjà de moyens, il nous semble préférable de la supprimer.

M. Yoann Gillet, député. - Votre position ne me surprend pas, monsieur le rapporteur, mais celle de la rapporteure pour le Sénat m'étonne davantage. L'article 13 bis devait renforcer la lutte contre l'immigration illégale ; vous proposez de le supprimer au débotté, par une proposition de dernière minute. Nous nous y opposerons. En effet, nous ne pouvons pas nous passer de cet outil de lutte contre l'immigration irrégulière, certes spécifique à Mayotte, mais justifié par la situation migratoire du territoire.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Cette disposition avait été introduite par un amendement de Philippe Gosselin, soutenu par le groupe Les Républicains, visant à doter Mayotte d'outils plus efficaces pour lutter contre l'habitat dit informel, c'est-à-dire les bidonvilles et les logements loués par des marchands de sommeil. Bien que cette mesure importante ait recueilli un avis défavorable du rapporteur général, les élues mahoraises que nous sommes, ainsi que le maire de Mamoudzou, la jugent frappée au coin du bon sens. Je ne comprends pas que vous vouliez la supprimer.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Nous comprenons l'objectif de M. Gosselin, mais on ne peut pas adopter des dispositions inconstitutionnelles. Il est totalement contraire à la Constitution de permettre au préfet de confisquer un immeuble sans décision de justice.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - C'est effectivement une question de conformité à la Constitution : le pouvoir de confiscation ne peut pas être transféré de l'autorité judiciaire au préfet. De toute évidence, cet article serait censuré par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - M. Gosselin avait reconnu que cette disposition n'était pas sans poser quelques questions constitutionnelles. L'expérience prouve que quand nous essayons de faire passer une mesure de cette nature, la censure est au rendez-vous - nous sommes ensuite les premiers à regretter des divergences avec le Conseil constitutionnel. Nous avons donc jugé plus sage de sécuriser le texte.

M. Florent Boudié, député, président. - C'est l'éternel débat : on provoque la censure puis on reproche au juge suprême d'avoir censuré.

M. Yoann Gillet, député. - Vous me faites bien rire, au bloc central. Tantôt vous nous jurez qu'une mesure est constitutionnelle et elle est censurée, tantôt vous nous mettez en garde contre un risque d'inconstitutionnalité et la mesure n'est pas censurée. J'ai fait le compte : vous vous trompez une fois sur deux. Nous ne sommes pas là pour faire le travail du Conseil constitutionnel mais pour définir ce que nous souhaitons. Le Conseil constitutionnel se prononcera, mais ne le devançons pas.

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Je souligne pour ma part l'incohérence du Rassemblement national, qui a une vision à géométrie variable du droit de propriété : il s'offusque qu'il soit mis en cause à l'article 19 mais défend, à l'article 13 bis, l'expropriation et la confiscation des biens sans limite. Si nous voulons préserver le droit de la propriété dans le cadre du droit commun, il faut supprimer l'article 13 bis.

Mme Muriel Jourda, sénatrice, vice-présidente. - Je suis assez d'accord avec M. Gillet : le Parlement fait comme il l'entend, et le Conseil constitutionnel dit ce qu'il veut. Toutefois, s'agissant du droit de propriété, qui est un droit constitutionnel, la jurisprudence est assez constante : seule une décision judiciaire peut y porter atteinte. Il serait illusoire d'anticiper un changement de jurisprudence constitutionnelle en la matière. Je ne serais pas aussi assurée concernant d'autres textes, le Conseil constitutionnel donnant souvent matière à étonnement, mais ce n'est pas le cas ici.

L'article 13 bis est supprimé.

TITRE IV
FAÇONNER L'AVENIR DE MAYOTTE

CHAPITRE IER
GARANTIR AUX MAHORAIS L'ACCÈS AUX BIENS ET AUX RESSOURCES ESSENTIELS

Article 14

L'article 14 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 15

Propositions de rédaction de MM. Philippe Naillet et Elie Califer, députés ; de Mme Léa Balage El Mariky, députée; de Mme Estelle Youssouffa, députée, et de M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Philippe Naillet, député. - Nous proposons de rédiger l'article 15 de la façon suivante : « La Nation se fixe pour objectif de rapprocher, d'ici 2028 et dans une logique d'alignement, les règles applicables à Mayotte en matière de prestations de sécurité sociale, d'aide sociale, de prise en charge des frais de santé, d'organisation de l'offre de soins, ainsi que de contrôle et de contentieux, de celles en vigueur dans les autres départements. Cet objectif s'inscrit dans le respect des principes de solidarité, d'égalité devant la loi et d'universalité de la protection sociale, en tenant compte des spécificités liées aux conditions d'organisation locale des services. »

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Nous souhaitons que la hausse du smic et les exonérations de cotisations patronales prévues par la Lodeom entrent en vigueur à la même date à Mayotte, le 1er juillet 2026.

Lors des auditions et des échanges préparatoires à la CMP, il nous a été dit à plusieurs reprises que la direction de la sécurité sociale (DSS) jugeait l'échéance du 1er janvier 2026 trop proche. Grand prince, le gouvernement propose de la reporter au 1er janvier 2027.

Pour rappel, la Lodeom exonère les patrons des départements et régions d'outre-mer d'une bonne partie des cotisations sociales. Le gouvernement et la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) y voient le mécanisme clé de l'égalité sociale en outre-mer, permettant de lutter contre les surcoûts inhérents à l'éloignement, à l'insularité et à la vie chère.

Bien que Mayotte soit un département depuis plus de dix ans, la Lodeom n'y a jamais été appliquée pour des raisons inexplicables et inexpliquées. Nos entreprises acquittent donc plus de charges que celles des autres territoires ultramarins - selon les syndicats patronaux mahorais, la différence est de 30 %. À Mayotte, le panier moyen est pourtant 150 % plus cher que dans l'Hexagone, et 70 % de la population vit dans la pauvreté. Plutôt qu'une convergence, nous devons viser l'alignement et l'égalité sociale. Ce ne sera pas possible sans la Lodeom. Les rapporteurs du projet de loi ont d'ailleurs compris l'importance de ce mécanisme.

Après qu'un amendement a été adopté en ce sens en commission, la Fedom et le Medef sont sortis du bois de manière aussi subite qu'inexpliquée pour nous dire que la Lodeom était certes une bonne chose, mais pas tout de suite. Cela fait dix ans que Mayotte n'y a pas droit, et nous devrions encore attendre dix-huit mois, jusqu'au 1er janvier 2027 !

Nous comprenons qu'il faille un peu de temps pour appliquer la Lodeom, et que l'échéance du 1er janvier 2026 soit précipitée, mais un délai de dix-huit mois est trop long. Dans un esprit de compromis, nous proposons l'échéance du 1er juillet 2026. Cela laisse un an aux services du gouvernement, ce qui ne paraît pas délirant pour un territoire minuscule qui ne compte que quelques milliers d'entreprises. Il faudra donc inscrire cette mesure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

Voilà des décennies qu'on promet à Mayotte l'alignement social sans lui en donner les moyens. Pourquoi le gouvernement prévoit-il un dispositif d'exception dans un texte qui vise à inscrire le département dans le droit commun ? Cela n'a aucune logique.

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Nous souhaitons réintroduire l'aide médicale de l'État (AME) dans les prestations devant être dispensées à Mayotte. En effet, l'AME est non seulement un dispositif de solidarité, mais aussi un outil de santé publique - sujet important pour ce territoire - et un moyen de soutenir les praticiens.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - Nous demandons au gouvernement de remettre tous les trois mois au Parlement un état d'avancement des ordonnances prévues au I de l'article 15.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, sénatrice. - Il est prévu d'appliquer la Lodeom et de supprimer le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à Mayotte au 1er janvier 2027. Le gouvernement ne semble pas pouvoir y procéder plus tôt, et je ne suis d'ailleurs pas sûre qu'en l'état, ce serait favorable aux entreprises.

Mme Youssouffa semble établir une comparaison entre la Guyane et Mayotte, mais les situations ne sont pas nécessairement transposables. Le compromis que nous avons trouvé coûte 10 millions d'euros. Quel coût aurait votre proposition ?

Mme Salama Ramia, sénatrice. - Je me réjouis que la Lodeom entre en vigueur à Mayotte le 1er janvier 2027, mais je reste inquiète pour les entreprises. Sur les 26 000 salariés mahorais, 85 % gagnent autour de 1 800 euros. Le gouvernement prévoit de porter le seuil de l'exonération totale de 1,4 à 1,6 smic. Comment expliquer que les employeurs mahorais aient droit à seulement 246 euros de réduction de charges, et les autres à 575 euros ? Je ne comprends pas cette inégalité.

Quant au CICE, il touche très peu d'entreprises mahoraises. Un entrepreneur doit attendre dix-huit mois pour en bénéficier. Entre-temps, de quoi vit-il ? Pour l'aider, il faut surtout réduire les charges dont il doit s'acquitter tous les mois. Pour le moment, l'exonération est trop réduite. Pourquoi ne pas faire passer le seuil à 2,2 smic, comme dans l'Hexagone, le temps que la Lodeom prenne le relais ?

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Dans la version proposée par les rapporteurs de la CMP, les allègements de charges ne sont pas temporaires. Ils se cumuleront avec la Lodeom à partir de 2027. Avec l'introduction de la Lodeom et la suppression du CICE fin 2026, 10 millions d'euros seront injectés dans l'économie mahoraise, auxquels s'ajouteront 10 millions liés à l'augmentation du seuil des exonérations.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Selon les experts-comptables de Mayotte, la Lodeom représentera 300 millions d'euros, soit dix fois plus que les chiffres que vous avancez. La logique de départementalisation ne saurait tolérer un système dérogatoire ; c'est une question de principe. Pourquoi un département d'outre-mer ne bénéficie-t-il pas du mécanisme qui vise précisément à lutter contre la vie chère dans les outre-mer et à favoriser l'alignement social ? Depuis plus de dix ans que Mayotte est un département, il est écarté de manière totalement injuste de la Lodeom. Et on voudrait le faire encore attendre dix-huit mois !

La proposition du gouvernement aboutira à une casse sociale et à des licenciements, car les entreprises ne pourront pas financer l'alignement. Cela fera croître le secteur informel et illégal : sur les chantiers, les entreprises n'auront d'autre choix que de se tourner vers la masse de travailleurs en situation irrégulière, qui ne demandent que cela.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - Le gouvernement n'a pas souhaité attendre dix-huit mois supplémentaires, madame Youssouffa, bien au contraire. En annonçant une augmentation au 1er janvier 2027, nous avons envoyé un signal fort aux Mahorais. Le risque était que les entreprises ne puissent pas suivre et se retrouvent en difficulté. C'est pourquoi nous avons trouvé collectivement une voie de passage.

Une fois encore, je n'ai vu personne défendre l'introduction de la Lodeom à Mayotte lors des précédents PLFSS. Et lorsque nous avons auditionné la DSS, elle n'avait absolument pas progressé sur le sujet. Ce sont nos échanges qui ont permis d'avancer et de trouver des solutions qui ne déstabiliseront pas les entreprises.

Il ne s'agit donc en aucun cas de reculer de dix-huit mois, mais de prévoir une année de transition qui ne fasse pas de perdants, pendant laquelle le CICE se cumulera avec des allègements de charge renforcés, avant l'entrée en vigueur de la Lodeom le 1er janvier 2027.

Celle-ci prévoyant un versement mensuel, il faut un peu de temps.

M. Aurélien Taché, député. - Ces arguments ne me convainquent pas. Comme Mme Youssouffa, j'estime que Mayotte doit bénéficier des mêmes dispositifs de lutte contre la vie chère que les autres départements. Je regrette que vous n'appliquiez pas votre doctrine à d'autres dispositions du texte ! Pour notre part, nous défendons le droit commun dans tous les domaines, y compris en matière migratoire ; pour une fois, dans le cas présent, nos points de vue convergent.

Mme Anchya Bamana, députée. - Permettez-moi de relater une injustice républicaine. À Paris, un patron qui verse un salaire de 1 803 euros ne paie aucune cotisation sociale ; à Mayotte, il lui en coûte 550 euros. Autrement dit, la région la plus pauvre de France finance les cotisations sociales des régions les plus riches. Le maçon mahorais paie la retraite du salarié du boulanger parisien. C'est cela, l'égalité républicaine à la française. Nous parlons d'un territoire où plus de 80 % des salariés sont payés au même niveau qu'en métropole, mais où les entreprises n'ont pas accès aux mêmes exonérations que dans la France hexagonale et dans les autres territoires d'outre-mer. Cette loi n'est pas un cadeau ; c'est la condition de survie d'un territoire français où les entreprises ferment, que les jeunes quittent, faute d'emploi, dont le tissu économique se fragilise. En votant l'application de la Lodeom renforcée pour Mayotte, vous donnez à nos entreprises le même outil qu'à celles de la Guyane, de la Guadeloupe et de la France hexagonale. Vous rendez simplement possible ce que nous appelons tous de nos voeux : l'égalité républicaine.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Le Sénat avait d'abord voté l'alignement du smic mahorais avec le smic national en 2031, sans étape intermédiaire. La proposition de l'Assemblée nationale de porter la rémunération minimale à 87,5 % du smic dès 2026 nous a semblé pertinente. Nous voulions toutefois prévoir des compensations qui répondent aux attentes des entreprises, notamment du Medef à Mayotte.

Nous sommes donc favorables au compromis qui nous est proposé, qui assure une compensation progressive entre le CICE et la Lodeom. J'ajoute que les entreprises seront aussi aidées par le dispositif des zones franches globales d'activité.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je participe à l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale depuis sept ans et c'est la première fois que cette question est soulevée. Nous rattrapons le retard ; il le fallait.

Nous devions faire appel au gouvernement pour résoudre le problème de la recevabilité budgétaire. Le compromis me semble d'autant plus acceptable qu'il met l'accent sur le smic, donc la valeur travail. Quant aux différentes aides sociales, le ministre a rappelé la manière dont elles évolueront année après année.

M. Saïd Omar Oili, sénateur. - Je ne comprends pas cette discussion : nous ne demandons rien d'autre que l'application du droit commun à Mayotte. Tous les acteurs économiques locaux sont partisans d'une application de la Lodeom et du smic au 1er juillet 2026.

M. Marc Laménie, sénateur. - Il s'agit aussi de soutenir le monde économique et les entreprises et de faire preuve de bon sens et d'efficacité. La solidarité avec nos amis de Mayotte est forte et réelle.

Les propositions de rédaction de M. Philippe Naillet, député, et de Mme Estelle Youssouffa, députée ne sont pas adoptées, non plus que celle de Mme Léa Balage El Mariky, députée. La proposition de rédaction de M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale, est adoptée.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 15 bis A (supprimé)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - Le rehaussement temporaire du plafond du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) ne présente plus d'intérêt puisque celui-ci va disparaître progressivement. Nous proposons donc la suppression de l'article.

L'article 15 bis A est supprimé.

Article 15 bis B

L'article 15 bis B est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 15 bis

Proposition de rédaction de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Puisqu'elle visait à assurer la coordination de l'article 15 bis avec ma proposition de rédaction à l'article 15, je la retire.

La proposition de rédaction est retirée.

L'article 15 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 16

L'article 16 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 17 bis AA (supprimé)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - Il s'agit d'être cohérent : cette disposition est inutile dès lors qu'il existe déjà un schéma régional de santé à Mayotte. Nous en proposons la suppression.

L'article 17 bis AA est supprimé.

Article 18

Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée. - La création d'une seule union régionale des professionnels de santé (URPS) interprofessionnelle, approuvée par l'Union nationale des professionnels de santé, nous semble s'imposer, compte tenu du faible nombre de ces derniers à Mayotte. L'ARS aura ainsi un seul interlocuteur et les professionnels de santé ne dépendront plus de La Réunion. J'ajoute que Mayotte sera en avance sur l'Hexagone, car l'interprofessionnalité est amenée à s'y développer dans le secteur sanitaire.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Les professionnels de santé sont unanimement opposés à cette disposition et demandent que l'on revienne au texte adopté par le Sénat. Là encore, il s'agit de créer une dérogation au droit commun. Par ailleurs, l'URPS ainsi créée ne serait pas financée et n'aurait pas d'existence au sein des instances nationales.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, sénatrice. - Cette disposition m'apparaît comme une première étape. Nous pourrions prévoir une clause de revoyure, qui permettrait d'envisager ultérieurement la création de différentes URPS. Je précise que cette union interprofessionnelle pourra - et c'est, me semble-t-il, le plus important - être financée et exercer les mêmes missions que les URPS des autres territoires.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Premièrement, cette URPS sera éligible au financement. Deuxièmement, de très bons professionnels de santé exercent à Mayotte ; il est important de les fédérer et de les mettre en réseau, sans que cela empêche d'éventuelles évolutions à l'avenir.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La réunion est suspendue de dix heures cinquante à onze heures vingt-cinq.

CHAPITRE II
FAVORISER L'AMÉNAGEMENT DURABLE DE MAYOTTE

Article 19 (supprimé)

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - Cet article me paraissait utile pour que différents projets puissent être réalisés à Mayotte dans les délais les plus restreints. Mais nous ne pouvons que prendre acte du défaut d'acceptabilité politique de cette disposition, qui s'explique en grande partie par le fait que tout et n'importe quoi a été raconté à son sujet. Je propose donc de maintenir sa suppression plutôt que d'adopter la proposition à laquelle avaient abouti les rapporteurs des deux chambres.

Il est toutefois évident que cette suppression aura notamment pour conséquence de retarder la réalisation de certains équipements, qui ne pourra pas débuter tant que le juge de l'expropriation n'aura pas fixé le montant de l'indemnité. Nous avons donc déposé une proposition de rédaction qui tend à insérer, après l'alinéa 350 du rapport annexé, un alinéa rappelant que les infrastructures et les investissements prioritaires ne pourront être réalisés que dans un temps qui tiendra compte des délais d'expropriation de droit commun.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souscris à ce qui vient d'être dit. Le dispositif proposé n'était, je le précise, nullement dérogatoire. Mais force est de constater que les esprits ne sont pas prêts à l'accepter. Toutefois, les responsabilités locales ne peuvent pas être ignorées : des dizaines de milliers d'hectares n'ont jamais été cédés.

Les esprits n'étant pas mûrs, nous voterons, à regret, contre le maintien de l'article 19 dans le texte, dont le champ avait pourtant été limité aux grandes infrastructures. Par ailleurs, nous soutiendrons la proposition de rédaction que nos collègues sénateurs ont déposée au rapport annexé.

Mme Muriel Jourda, sénatrice, vice-présidente. - On a beaucoup dit que la population mahoraise était vent debout contre cette disposition. Soit, mais peut-être y a-t-elle été incitée par quelques influences étrangères. En tout état de cause, il convient de rétablir la vérité juridique : en supprimant l'article 19, nous supprimons la possibilité, non pas d'exproprier, mais de recourir à une procédure qui permettait, moyennant le versement d'une provision, que la prise de possession intervienne avant que l'indemnité d'expropriation ne soit fixée. J'ajoute que cette procédure n'est en rien dérogatoire : il s'agit d'une variante du droit commun.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Je me réjouis que l'écoute et l'esprit de compromis aient prévalu.

Si l'article 19 a pour objet de permettre la prise de possession immédiate avant le paiement, c'est parce que les propriétaires sont trop nombreux pour pouvoir être identifiés. Les personnes concernées n'auraient donc pas été indemnisées.

En ne proposant aucune solution pour remédier au problème du désordre foncier, pourtant connu de longue date, l'État contribue à alimenter la défiance. Le fait est que certaines familles n'ont jamais été indemnisées pour les terres dont elles ont été expropriées. Par ailleurs, la procédure de l'article 19 ne s'est appliquée dans l'Hexagone que lors de la construction d'autoroutes ou d'infrastructures liées à l'organisation des Jeux olympiques, soit des projets très différents de ceux visés dans cet article.

Certes, la suppression de cette disposition pourrait allonger la durée de réalisation des projets. Mais il me semble normal que le droit commun de l'expropriation s'applique à Mayotte, département français d'outre-mer.

M. Yoann Gillet, député. - L'article 19 suscite une trop grande défiance des Mahorais, qui souhaitent que le droit commun s'applique. Il s'agissait, du reste, d'une fausse bonne idée, car ce nouveau dispositif aurait forcément provoqué une augmentation des recours telle qu'il n'aurait pas permis d'accélérer la procédure d'expropriation. On peut, en outre, s'interroger sur sa constitutionnalité. La régularisation foncière doit être la priorité.

Quant à la proposition de rédaction de nos collègues sénateurs, elle est une dernière tentative de chantage puisqu'il s'agit, en gros, d'affirmer que, sans l'article 19, tous les projets pourraient être remis en cause. Ce n'est pas acceptable. N'oublions pas que les délais sont à la main de l'État et de ceux qui lancent les procédures d'expropriation. Nous nous opposerons donc à cette proposition de rédaction.

Le gouvernement doit maintenir les ambitions qu'il affiche en matière d'infrastructures et il devra y consacrer les crédits nécessaires dans les prochains projets de loi de finances.

M. Florent Boudié, député, président. - Je rappelle que le rapport annexé est un document politique - et presque littéraire, d'une certaine façon : il n'a pas de portée normative.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - Je le dis au député du Rassemblement national : arrêtons la démagogie ! Dans tous les cas, le délai de recours s'ajoute à celui de l'expropriation, lequel sera plus long du fait de la suppression de l'article 19. Or je ne vois pas pourquoi le propriétaire qui aurait formé un recours dans le cadre de la procédure accélérée s'abstiendrait d'en déposer un dans le cadre de la procédure de droit commun.

Nous renonçons donc aux quelques années que nous aurions pu gagner, mais nous ne renonçons en aucun cas à la réalisation des infrastructures, dont la programmation financière est maintenue. Cessez de faire peur aux Mahorais : si nous en sommes là, c'est à cause non seulement des influences étrangères mais aussi de certains élus qui racontent n'importe quoi !

Dire que les délais sont à la main de l'État, c'est faire montre d'une méconnaissance importante de la procédure d'expropriation : le délai de la déclaration d'utilité publique est incompressible et celui dans lequel le juge rend sa décision ne dépend pas de l'État.

M. Saïd Omar Oili, sénateur. - Tout est question de volonté politique. Il n'y a pas de problème foncier, car la collectivité départementale a mis à disposition un terrain, à Kawéni, pour la construction de la cité judiciaire. Comment se fait-il que ce projet ne soit pas réalisé ? De même, nous avons proposé une vingtaine de terrains pour la construction d'une deuxième prison, mais aucune de ces parcelles ne convient au ministre de la justice. En revanche, lorsque nous avons eu la volonté politique de créer une deuxième usine de dessalement, à Ironi Bé, le processus s'est enclenché, et les travaux vont commencer. Nous n'avons donc pas besoin de cet article 19, que je ne peux pas accepter. Si rien ne se fait, ce n'est pas de la faute des élus mahorais !

M. Florent Boudié, député, président. - Nous aurons ce débat lors de l'examen du rapport annexé, que nous avons renvoyé à la fin de notre réunion.

L'article 19 est supprimé.

Article 19 bis A

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Nous nous rallions à la position de l'Assemblée nationale, qui a souhaité rendre l'établissement public de l'État à Mayotte mentionné à l'article L. 321-36-8 du code de l'urbanisme éligible au fonds de prévention des risques naturels majeurs.

L'article 19 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 19 bis B

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Là encore, nous approuvons cet article introduit par l'Assemblée nationale, qui permet la création d'un grand port maritime à Mayotte.

L'article 19 bis B est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 19 bis

L'article 19 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 19 ter

L'article 19 ter est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 21

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 21 bis

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous proposons de retirer de cet article la mention relative au respect des principes de réduction de l'impact environnemental des constructions.

L'article 21 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 21 ter A

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cet article ratifie l'ordonnance relative à la transformation de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte ainsi que l'ordonnance portant diverses mesures d'adaptations et de dérogations temporaires aux règles de construction à Mayotte afin d'accélérer sa reconstruction à la suite du passage du cyclone Chido.

L'article 21 ter A est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 21 ter (supprimé)

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Proposition de suppression : nous n'avons pas besoin d'un rapport, mais de projets innovants qui peuvent se concrétiser.

L'article 21 ter est supprimé.

CHAPITRE III
CRÉER LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT DE MAYOTTE

Article 22

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous proposons de supprimer de cet article la demande d'un rapport d'étape devant être déposé avant le 1er juin 2028. Ce délai nous paraît trop court.

M. Yoann Gillet, député. - Vous allez tellement vite que vous êtes en train de balayer tous les amendements adoptés dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, notamment à l'article 21 bis. Si vous continuez de la sorte, nous nous dirigerons vers une CMP non conclusive...

M. Florent Boudié, député, président. - S'agissant de l'article 22, les rapporteurs ne proposent pas un retour au texte du Sénat, puisque l'Assemblée nationale n'a pas modifié les I, II et III. À l'article 19, monsieur Gillet, vous avez obtenu satisfaction, me semble-t-il...

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale comportait dix-huit demandes de rapport au gouvernement. Nous avons considéré que nous pouvions en supprimer quelques-unes, notamment lorsqu'elles n'augmentaient en rien l'efficacité des mesures concernées, sachant que les demandes de rapport suscitent au Sénat des réactions épidermiques.

Mme Muriel Jourda, sénatrice, vice-présidente. - Vous le savez sans doute, les demandes de rapport posent une question constitutionnelle, puisque le Parlement ne peut pas donner d'injonctions au gouvernement, en raison de la séparation des pouvoirs. La commission des lois du Sénat évite donc de voter des demandes de rapport, sauf quand elle n'a pas le choix. Nous avons d'ailleurs assez récemment fait le bilan de ces demandes, et nous nous sommes aperçus que le gouvernement y répondait assez peu - et pour cause : on ne peut lui enjoindre de le faire. Ainsi, de manière générale, ne pas conserver une demande de rapport n'influe pas véritablement sur notre capacité à voter des textes et à les faire appliquer.

M. Florent Boudié, député, président. - Vous avez raison. À l'Assemblée nationale, les demandes de rapport sont devenues, ces toutes dernières années, un sport de très haut niveau, dont il ressort une grande créativité.

L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 22 bis

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 22 bis vise à répondre à une demande de la collectivité de Mayotte, à laquelle nous avons accédé, car nous croyons à l'efficacité de cette mesure.

L'article 22 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 23

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 23 vise à classer toute l'île de Mayotte comme quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Trois communes, sur les dix-sept que compte la collectivité, s'apprêtent à signer une convention. J'invite nos collègues mahorais à inciter les autres communes à engager cette démarche le plus rapidement possible afin de ne pas prendre de retard.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - Nous avons soulevé une difficulté dans l'hémicycle, sans pouvoir y remédier en raison de l'article 40 de la Constitution. L'enveloppe des crédits destinés aux QPV à Mayotte reste la même : un élargissement de l'assiette revient donc, mécaniquement, à une diminution de la dotation par habitant, alors même que l'île doit être totalement reconstruite. Cela explique sans doute aussi le manque d'adhésion à cette mesure au niveau local et l'absence de signature de certaines communes, d'autant que la dotation actuelle, dans notre département, s'élève à environ 15 euros par habitant, contre trois fois plus à La Réunion et 200 euros dans l'Hexagone.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Votre remarque est tout à fait juste, mais dès lors que des communes sont classées comme QPV et signent une convention, les financements suivent les projets. Le chiffre que vous avez cité concerne l'enveloppe de base, en l'absence de projets structurés. J'insiste donc sur la nécessité, pour chacune des dix-sept communes de l'île, de signer une convention, ce qui permettra la montée en puissance du dispositif et le versement des financements correspondants, comme dans l'Hexagone, en parfaite harmonie.

L'article 23 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 24 bis

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il paraît important de constituer à Mayotte un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins.

L'article 24 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

CHAPITRE IV
ACCOMPAGNER LA JEUNESSE DE MAYOTTE

Article 26

L'article 26 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 27

M. Yoann Gillet, député. - Encore une fois, vous allez très vite, et nous n'avons pas eu le temps de lire l'intégralité des propositions des rapporteurs, que nous avons reçues très tardivement. Quelle est la différence entre la version de l'article 27 soumise à notre approbation et celle adoptée par l'Assemblée nationale ?

M. Florent Boudié, député, président. - Il me semble que les rapporteurs nous proposent des modifications rédactionnelles.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Nous proposons la suppression de l'alinéa 8 relatif au développement de projets éducatifs, qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui nous paraît constituer un neutron ou, pour le moins, une disposition inopportune.

L'article 27 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

CHAPITRE V
FAVORISER L'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE

Article 28

L'article 28 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

TITRE V
MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ

CHAPITRE IER
DISPOSITIONS CONCERNANT LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Article 30

L'article 30 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE ÉLECTORAL

Article 31

Propositions de rédaction identiques de Mme Estelle Youssouffa et de Mme Léa Balage El Mariky, députées ; proposition de rédaction n° 7 de Mme Estelle Youssouffa, députée.

Mme Estelle Youssouffa, députée. - La nouvelle assemblée de Mayotte sera composée de cinquante-deux élus, soit le double du nombre de membres de l'actuel conseil départemental. Cela correspond à l'évolution démographique de l'île et à ce qui a été fait en Guyane, un département à la population comparable.

L'article 31 prévoit aussi un changement de mode de scrutin, puisque la nouvelle assemblée sera élue au scrutin proportionnel de liste assorti d'une prime majoritaire d'environ 25 %. Le point d'achoppement porte sur le découpage des sections électorales : faut-il suivre le découpage cantonal, et donc retenir treize sections, ou diviser l'île en cinq sections correspondant grosso modo aux cinq intercommunalités de Mayotte ? Pour ma part, je rejoins la proposition initiale du gouvernement, qui prévoyait cinq sections. Le conseil départemental a, quant à lui, voté plusieurs délibérations : dans la première, il était favorable à l'instauration d'une section unique ; dans la seconde, il demandait un découpage en treize sections. Or, cette dernière solution poserait un gros problème de pluralité politique, car elle accorderait une victoire totale à la liste arrivant en tête aux élections, qui obtiendrait presque tous les sièges de l'assemblée de Mayotte. Je plaide donc toujours pour un découpage de l'île en cinq sections, comme l'avait proposé le gouvernement. Cette solution, qui est l'objet de ma proposition de rédaction n° 6, me paraît plus équilibrée et respectueuse des équilibres régionaux ; elle encouragerait par ailleurs les listes candidates à défendre un projet pour l'ensemble du département, ce que ne permettrait pas le morcellement de l'île en treize sections. Le conseil départemental a actuellement beaucoup de mal à proposer des projets structurants. Or, le toilettage institutionnel opéré par l'article 31 doit servir à outiller la nouvelle assemblée, et non uniquement à doubler le nombre d'élus.

Ma seconde proposition de rédaction porte sur la question de la répartition, entre les sections, des sièges liés à la prime majoritaire. Je souhaite que les calculs soient fondés sur le nombre d'inscrits sur les listes électorales, et non sur la population totale de chaque section comme c'est habituellement le cas dans l'Hexagone. Vous le savez, Mayotte est le seul département français aux prises avec des ingérences étrangères : les Comores contestent l'appartenance de notre île à la France et instrumentalisent, de ce fait, les flux migratoires, si bien que la moitié des personnes vivant à Mayotte sont aujourd'hui étrangères ou nées à l'étranger. Dans l'Hexagone, 70 % de la population est inscrite sur les listes électorales. À Mayotte, c'est exactement l'inverse : 70 % de la population n'est pas inscrite sur les listes électorales. En fait, les Comores utilisent les lois de notre pays contre nous. Je sais que ma proposition de rédaction constitue une innovation législative, mais je considère qu'il relève de notre liberté de législateur de poser cette question, sur laquelle pourra aussi se pencher le Conseil constitutionnel. L'article 73 de la Constitution, dont relève Mayotte, permet d'aménager la législation pour tenir compte des particularités des collectivités concernées ; or aucun territoire français ne compte une telle proportion de personnes non inscrites sur les listes électorales, qui illustre non seulement le nombre d'étrangers vivant dans notre île, mais aussi la jeunesse de notre population.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Le Sénat est très attaché au découpage en treize sections, demandé par le conseil départemental de Mayotte et voté par nos deux assemblées. Le dispositif que nous avons adopté, qui prévoit une prime majoritaire de 25 %, garantit le pluralisme. Treize sièges - un par section - seront attribués à la liste arrivée en tête au niveau de la collectivité, les autres étant répartis à la proportionnelle, ce qui permettra la représentation de tous les courants politiques ayant obtenu un nombre de voix suffisant. Du reste, le respect du pluralisme implique le droit de se présenter, mais pas celui d'être élu ! J'ajoute que le choix d'un scrutin majoritaire, qui aurait été tout à fait constitutionnel, aurait entraîné une représentation moins pluraliste. Il nous paraît donc essentiel de maintenir ce découpage en treize sections, qui permettra une répartition équilibrée des élus sur tout le territoire de Mayotte, selon des critères essentiellement démographiques.

L'autre proposition de rédaction soulève une vraie question constitutionnelle, qui n'est pas mineure. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la répartition des sièges doit être calculée sur le fondement de la population d'un territoire, et non sur le nombre d'inscrits sur les listes électorales, la proportion d'inscrits étant d'ailleurs variable d'un endroit à un autre.

Encore une fois, il nous paraît donc essentiel de conserver le dispositif adopté au Sénat et à l'Assemblée nationale.

Les propositions de rédaction, successivement mises aux voix, ne sont pas adoptées.

L'article 31 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

TITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 34

L'article 34 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 35(supprimé)

L'article 35 est supprimé.

Article 36

L'article 36 est supprimé.

Article 37 (supprimé)

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La suppression de l'article 37 est d'autant plus justifiée que cette demande de rapport a été intégrée au sein de l'article 30.

L'article 37 est supprimé.

Article 38

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous proposons le maintien de l'article 38, qui prévoit la remise d'un rapport recensant et évaluant les plans stratégiques applicables à Mayotte dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi. Cela nous paraît d'autant plus important que l'article 19 a été supprimé.

M. Yoann Gillet, député. - Parfois vous voulez des rapports, parfois vous n'en voulez pas... Il faudrait savoir ! Après avoir supprimé tous les rapports intéressants, voilà que vous nous pondez un rapport sur les plans stratégiques applicables à Mayotte, ce qui est d'ailleurs un peu bizarre : cela sous-entend que le rapport annexé, que nous allons voter, sera rediscuté.

L'article 38 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 39 (supprimé)

L'article 39 est supprimé.

Article 40

L'article 40 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 41 (supprimé)

L'article 41 est supprimé.

Article 42 (supprimé)

L'article 42 est supprimé.

Article 43 (supprimé)

L'article 43 est supprimé.

Article 44 (supprimé)

L'article 44 est supprimé.

Article 45 (supprimé)

L'article 45 est supprimé.

Article 46 (supprimé)

L'article 46 est supprimé.

Article 47 (supprimé)

L'article 47 est supprimé.

Article 48 (supprimé)

L'article 48 est supprimé.

Article 49 (supprimé)

L'article 49 est supprimé.

Article 50 (supprimé)

L'article 50 est supprimé.

Article 51 (supprimé)

L'article 51 est supprimé.

Article 52 (supprimé)

L'article 52 est supprimé.

Article 53 (supprimé)

L'article 53 est supprimé.

La réunion est suspendue de douze heures dix à douze heures trente.

Article 1er (précédemment réservé)

Propositions de rédaction de Mme Léa Balage El Mariky, députée; proposition de rédaction des rapporteurs pour le Sénat ; proposition de rédaction du rapporteur pour l'Assemblée nationale

Mme Léa Balage El Mariky, députée. - Le groupe Écologiste et social souhaite supprimer, à l'alinéa 15 du rapport annexé, la référence à des mesures « coercitives » de lutte contre l'immigration irrégulière ainsi qu'à la « démolition systématique » de l'habitat informel. Ces formulations sont d'une particulière brutalité. Si ce rapport n'a pas de portée normative, il n'en a pas moins une portée symbolique.

Il convient en outre de supprimer la seconde phrase de l'alinéa 57, qui évoque le « renforcement du délit de séjour irrégulier » alors que ce dernier a été supprimé en 2012, conformément au droit européen.

Il en est de même pour les mots « en lien avec la lutte contre l'immigration irrégulière », à la fin de l'alinéa 86, dans la partie du rapport consacrée à la sécurité des Mahorais. Lier directement l'insécurité à l'immigration revient à entretenir un amalgame dangereux.

À l'alinéa 138, nous voulons préciser que la mise en service d'une seconde usine de dessalement de l'eau à Mayotte devra être « précédée d'une étude approfondie sur les modalités de rejet hors lagon de l'eau saumurée ». L'an dernier, de nombreuses associations ont interpellé les autorités locales et nationales quant à l'impact potentiel du dessalement de l'eau sur les écosystèmes, et donc sur la pêche et le tourisme. Or le début des travaux de construction de cette nouvelle usine a été décidé par arrêté il y a quelques jours.

Nous entendons également supprimer, à l'alinéa 195, la référence à la régularité du séjour des parents d'enfants scolarisés. Le droit à l'éducation ne saurait être subordonné à la situation administrative des parents sans porter gravement atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Il convient aussi de supprimer l'alinéa 198, qui prévoit un moratoire sur la prise en charge par l'école publique des enfants dont les parents sont en situation irrégulière, de même que l'alinéa 202, qui vise à imposer aux parents ne maîtrisant pas ou maîtrisant mal notre langue de suivre des cours de français. Une telle mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation préalable - ni sur le plan budgétaire, ni du point de vue des capacités locales -, serait en réalité peu efficace.

Nous souhaitons par ailleurs supprimer la seconde phrase de l'alinéa 211, qui établit un lien entre l'immigration et l'engorgement du centre hospitalier. Un tel raccourci occulte les véritables causes structurelles de la crise hospitalière à Mayotte, notamment le sous-investissement dans le système de santé et le manque de personnel et de moyens.

Nous demandons enfin la suppression de la seconde phrase de l'alinéa 344, qui engage l'État à « faire de Mayotte la base arrière du projet gazier du canal du Mozambique, porté par TotalEnergies et d'autres entreprises gazières et pétrolières ».

M. Olivier Bitz, rapporteur pour le Sénat. - Nous avons déjà largement présenté la proposition de rédaction que Mme Canayer et moi-même avons déposée. Nous souhaitons simplement préciser que les équipements ne pourront être mis à disposition qu'une fois que les procédures d'expropriation auront été menées à bien. Il ne s'agit absolument pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de souligner le risque de perdre deux ou trois années dans la mise en oeuvre de ces projets et, ce faisant, de mettre chacun face à ses responsabilités.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - « La création d'une base de la marine en eau profonde permettant d'y affecter des bâtiments hauturiers, notamment un patrouilleur outre-mer de nouvelle génération, en vue de renforcer le contrôle et la maîtrise des espaces maritimes », mentionnée à l'alinéa 37, a été défendue à l'Assemblée nationale par notre collègue Philippe Gosselin, qui entendait ainsi améliorer l'arsenal dont nous disposons pour lutter contre l'immigration clandestine à Mayotte. Cette mesure n'est pas datée et figure dans un rapport sans aucune portée normative. Je m'en remettrai cependant à la sagesse de nos collègues sénateurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteure pour le Sénat. - Les sénateurs n'y sont pas favorables. Cette base navale en eau profonde aurait un coût très élevé : on parle de 100 millions d'euros, qui ne sont pas financés. En outre, cette mesure n'est pas réalisable à court et moyen terme : la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit la construction d'un ponton adapté à l'accueil d'un patrouilleur à Petite-Terre, mais pas d'une base navale. Du reste, une telle décision paraît dangereuse car, si j'en crois le ministère des armées, elle désorganiserait la logistique opérationnelle de nos forces dans la zone Sud de l'océan Indien. Nous nous en tenons donc à notre jurisprudence s'agissant du rapport annexé : ce document doit contenir les mesures sur lesquelles le gouvernement s'est engagé, et rien d'autre.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souscris à ces arguments pertinents.

Les propositions de rédaction de Mme Léa Balage El Mariky, députée, successivement mises aux voix, ne sont pas adoptées.

La proposition de rédaction des rapporteurs pour le Sénat est adoptée.

L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés dans la réaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis AA (précédemment réservé)

L'article 1er bis AA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

*

* *

M. Florent Boudié, député, président. - Nous en venons aux dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.

La réunion est close à 12 h 45.

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales du Sénat -

La réunion est ouverte à 18 heures.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social se réunit au Sénat le mardi 8 juillet 2025.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Philippe Mouiller, sénateur, président, de Mme Christine Le Nabour, députée, vice-présidente, de Mmes Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat, sénatrices, rapporteures pour le Sénat, et de MM. Nicolas Turquois et Stéphane Viry, députés, rapporteurs pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

*

* *

M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire (CMP) est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social, adopté par le Sénat le 4 juin 2025 et par l'Assemblée nationale le 3 juillet 2025.

Les rapporteurs ont donc disposé de peu de temps pour rapprocher les versions des deux assemblées.

Je vous rappelle que ce texte comptait à l'origine dix articles. Il en était de même à l'issue des travaux du Sénat, qui n'a ajouté aucun article et n'en a pas supprimé non plus. Pour sa part, l'Assemblée nationale a adopté un article conforme, modifié neuf articles et ajouté trois articles au sein du projet de loi. Notre CMP est ainsi saisie de douze articles.

Compte tenu de l'absence d'un député titulaire qui n'a pas de suppléant pour le remplacer, je dois demander le déport d'un sénateur titulaire, de manière qu'il y ait six votants par chambre.

Mme Christine Le Nabour, députée, vice-présidente. - Le projet de loi dont nous débattons en CMP vise à transposer des accords nationaux interprofessionnels. Par le biais du contrat de valorisation de l'expérience (CVE), de la reprise des négociations de branche ou encore de la valorisation du temps partiel choisi, ce texte redonne des perspectives à ceux qui trop souvent se voient relégués en marge du marché du travail, bien avant l'âge légal de départ à la retraite. Il ancre durablement la question de l'emploi des salariés expérimentés dans les pratiques sociales et les négociations collectives.

M. Stéphane Viry, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite rappeler la méthode, la progression et le sens du travail collectif que nous avons mené avec les rapporteurs du Sénat, avec, pour principe fondamental, la volonté d'aboutir et de transcrire les accords nationaux interprofessionnels.

Il s'agit de quatre accords, dont trois ont été signés en novembre 2024 et le dernier, plus récemment, le 25 juin 2025, sur l'accompagnement des transitions professionnelles. Ils forment un édifice complet.

Le texte sur lequel je souhaite que nous trouvions un accord conclusif, ce soir, n'est pas un simple exercice législatif, mais il constitue le prolongement d'un dialogue social nourri autour de ces quatre accords nationaux : celui-ci a été exigeant, parfois difficile, mais toujours constructif. Les partenaires sociaux ont négocié pendant plusieurs semaines, voire quelques mois, et ils ont abouti à un compromis. Chacun a fait un pas vers l'autre de sorte que la signature de ces accords est l'aboutissement d'un chemin convergent. Autrement dit, chacun des partenaires sociaux a fait des concessions pour aboutir à des mesures concrètes.

Je considère que ce chemin effectué dans le cadre du dialogue social doit nous conduire à respecter le travail des partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec Nicolas Turquois, dans le cadre des travaux à l'Assemblée nationale, préserver l'équilibre de ce texte dans un esprit de loyauté.

Les quatre sujets évoqués sont centraux en matière de marché du travail et de droit du travail. Ce texte n'est pas figé dans le marbre : il pourra et il devra évoluer si les dispositifs mis en place nécessitent d'être ajustés. En réalité, cette CMP consacrera à la fois une forme d'aboutissement et une méthode d'expérimentation, témoignant que le Parlement sait parfois légiférer pour faire avancer un certain nombre de solutions et de causes.

Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas faire dévier nos travaux de leur trajectoire et à respecter le compromis qui a été trouvé par les partenaires sociaux, en veillant à ce que cette CMP soit conclusive et fidèle.

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Monsieur le président Mouiller, je vous remercie de votre accueil au Palais du Luxembourg, dans un endroit étonnamment calme.

Comme vient de l'indiquer Stéphane Viry, je souhaite que nous poursuivions la démarche constructive qui a été celle des partenaires sociaux, mais aussi de l'ensemble des rapporteurs, et qui a également caractérisé les débats en commission et dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale. Il nous faut en effet parvenir à un texte commun sur les dispositions restant en discussion, notamment au sein des articles 4 à 12 sur lesquels j'ai travaillé, à l'exception de l'article 8, qui a déjà été adopté conforme.

À l'article 4, des précisions utiles ont été apportées par le Sénat quant au caractère expérimental du contrat et au plafond de l'exonération. Un point de débat concerne la période durant laquelle un salarié ne peut conclure de contrat de valorisation de l'expérience avec son ancien employeur ou avec une entreprise du même groupe. Le projet de loi l'avait fixée initialement à six mois, mais l'Assemblée nationale a voté un amendement visant à la porter à deux ans. Il me paraît souhaitable de rétablir le délai de six mois sur lequel les partenaires sociaux s'étaient accordés. Cette période est cohérente avec le délai applicable dans le cadre d'autres dispositifs, en particulier le cumul emploi-retraite. Elle semble de surcroît suffisante pour éviter tout effet d'aubaine dans la mise en oeuvre de ce nouveau contrat.

Les articles 5 à 9 bis, qui n'ont connu pendant la navette que des modifications strictement légistiques, me semblent pouvoir être retenus dans la version validée, jeudi dernier, au Palais-Bourbon.

Ce sont bien les articles 10 à 12 qui ont été concernés par la plupart de nos négociations ces derniers jours. Je me suis réjoui de notre initiative commune d'entendre une nouvelle fois les syndicats de salariés et d'employeurs, hier après-midi, qui nous ont fait part de leur unanimité sur le sujet. Ces articles correspondent - chacun le sait - aux clauses de l'accord du 25 juin 2025 qui nécessitent une intervention du législateur.

Après des originalités procédurales sur lesquelles je ne reviendrai pas, l'article 10 a été récrit par le Gouvernement pour fusionner deux outils, la transition collective (Transco) et la reconversion ou promotion par alternance (Pro-A), dans un dispositif appelé « période de reconversion professionnelle ».

Cette période sert autant à la mobilité interne qu'externe, permet d'acquérir une qualification certifiante, est éligible au conseil en évolution professionnelle (CEP) et à la validation des acquis de l'expérience. Elle se caractérise par une suspension du contrat de travail, avec, à l'égard de l'entreprise de départ, une rupture conventionnelle ou une réintégration dans un cadre simple, selon le résultat de la période d'essai dans l'entreprise d'accueil. Enfin, elle emporte un nouveau financement de France compétences au profit des opérateurs de compétences, en intégrant les droits du compte personnel de formation.

Nous vous proposerons de combler un oubli du Gouvernement, puisque la rupture après que la période d'essai a été concluante n'est pas un licenciement économique.

L'article 11 institue l'espace consacré à la stratégie nationale qu'ont voulu les partenaires sociaux sous la forme du Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences. Nous avons déjà exprimé nos réserves quant à la création d'une structure supplémentaire, alors que l'État doit s'alléger et qu'il y a déjà, outre un nombre important de commissions, un Comité national pour l'emploi (CNE). Cependant, puisque cet organe sera allégé, avec un secrétariat assuré par l'association nationale pour la certification paritaire interprofessionnelle et l'évolution professionnelle (Certif'Pro), nous proposons de rester fidèles dans la transposition.

L'article 12 reconnaît justement Certif'Pro et lui attribue dans la loi les fonctions de l'instance paritaire nationale pour les transitions professionnelles, distincte du Conseil que veulent créer les organisations représentatives. Deux commissions supplémentaires sont créées au sein de France compétences : l'une pour le conseil en évolution professionnelle et l'autre pour les transitions professionnelles de façon plus large.

Est aussi installé un circuit financier au terme duquel les sommes consacrées aux projets de transition professionnelle seraient réparties entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales.

Enfin, le droit à réintégration de son entreprise par un salarié qui, après avoir suivi un tel projet, ne souhaite pas changer d'employeur est renforcé.

Telle est la version du texte que nous devons examiner, mais nos échanges avec les organisations professionnelles nous ont incités à aller plus loin dans le respect de leurs accords, en veillant à ce que l'association Certif'Pro soit véritablement chargée des règles de priorité et de ventilation des fonds - nous aurons l'occasion d'apporter des précisions sur ce point lors de l'examen des articles.

Je conclus en formulant à nouveau le souhait que nos travaux soient conclusifs et respectent la volonté des partenaires sociaux.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure pour le Sénat. - À la suite de la conclusion, par trois fois depuis novembre dernier, d'accords nationaux interprofessionnels ou d'une convention équivalente, le Gouvernement s'est engagé à en assurer la transposition fidèle et complète.

Ce projet de loi avait ainsi pour objet d'assurer la transcription des mesures de ces accords qui nécessitent des modifications législatives sur le travail des salariés expérimentés, sur l'évolution du dialogue social et, enfin, sur les règles d'assurance chômage.

À ces trois accords, se sont ajoutés, en cours de navette parlementaire, deux nouveaux accords dont il faut également se féliciter : d'abord un avenant à la convention d'assurance chômage concernant le système dit du bonus-malus sur les contrats courts, mais surtout, il y a tout juste une semaine, un nouvel accord, tant attendu, sur les reconversions professionnelles.

Nous pouvons saluer la démarche de respect du dialogue social qu'a choisie le Gouvernement. Le rôle des partenaires sociaux est essentiel pour bâtir notre droit du travail, dans l'esprit de l'article L. 1 du code du travail, issu de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher. C'est également cette conviction qui a conduit les quatre rapporteurs que nous sommes à aller jusqu'au bout des négociations pour faire aboutir nos travaux.

En effet, sous réserve de quelques modifications, l'Assemblée nationale a adopté un texte qui assure la transposition des accords.

Considérant que la majorité sénatoriale avait retenu une ligne simple consistant à assurer une transposition fidèle et complète des mesures des ANI qui nécessitent l'intervention du législateur, nous avons été conduits à revenir sur certaines mesures adoptées par l'Assemblée nationale qui s'écartaient de la stricte transposition de ces accords.

Je tiens à remercier nos collègues rapporteurs, Nicolas Turquois et Stéphane Viry, pour la qualité de nos échanges en amont de cette réunion, et pour leur exigence - qui est aussi la nôtre - quant au respect des partenaires sociaux. Nous avons beaucoup consulté les organisations syndicales et patronales dans la préparation de cette CMP afin de leur soumettre systématiquement nos projets de rédaction. Hier encore, nous avons même réuni l'ensemble des partenaires sociaux signataires de l'ANI sur les transitions professionnelles. Cela constitue, à notre connaissance, une première.

Concernant les articles relatifs à l'emploi des seniors, nous vous proposerons de retenir l'article 1er dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il prévoit la tenue d'une négociation obligatoire de branche, tous les quatre ans, sur le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l'emploi, l'aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs et des compétences. Une proposition de rédaction permettra de revenir à l'équilibre trouvé dans l'ANI du 14 novembre 2024, en rétablissant le caractère facultatif de certains thèmes de négociation que l'Assemblée nationale avait souhaité rendre obligatoires.

De même, nous vous proposerons d'adopter l'article 2, au sujet de négociations analogues au sein des entreprises, sous réserve d'une proposition de rédaction précisant le caractère facultatif de l'évocation de la mobilisation du fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle (Fipu), conformément à la lettre de l'ANI.

Concernant l'article 3, qui a considérablement été remanié par un amendement du Gouvernement à la suite de la conclusion de l'ANI sur les transitions professionnelles en cours de navette parlementaire, nous vous proposerons de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale avec certaines précisions rédactionnelles. Les partenaires sociaux se sont en effet montrés satisfaits de cette transcription en faveur d'une meilleure prise en compte des perspectives de reconversion professionnelle des salariés.

L'article 4, qui vise à créer un contrat de valorisation de l'expérience permettant le recrutement de demandeurs d'emploi seniors en ayant une visibilité accrue sur leur date de départ à la retraite, a fait l'objet d'une modification contraire à l'ANI. En effet, ce dernier prévoit qu'un employeur ne peut recruter en CVE un salarié ayant travaillé dans l'entreprise durant les six derniers mois. Nous avons donc entendu rétablir ce délai de carence dans une durée strictement conforme à celle qui a été retenue par les partenaires sociaux. Ce sera l'objet d'une proposition de rédaction que nous vous présenterons.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - Les articles 5, 6 et 7, ont tous trait aux dispositifs d'aménagement de fin de carrière : facilitation du recours à la retraite progressive, flexibilisation du passage à temps partiel et sécurisation du recrutement de salariés de plus de 70 ans. Nous vous proposerons d'adopter ces trois articles dans leur version adoptée par l'Assemblée nationale.

Concernant les articles relatifs à l'assurance chômage, l'article 9 permettra de répondre au souhait des partenaires sociaux d'assouplir les conditions d'affiliation à l'assurance chômage des travailleurs n'ayant jamais bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Nous vous proposerons de l'adopter dans la version issue du vote de l'Assemblée nationale.

L'article 9 bis, qui a été ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale et que nous n'avions donc pas pu examiner au Sénat, retranscrit l'accord des partenaires sociaux en vue de faire évoluer le système du bonus-malus. Il permettra d'exclure du calcul du taux de rupture de contrat des entreprises les ruptures de contrat qui ne relèvent pas de la volonté de l'employeur. Il est légitime que ces dernières n'accroissent pas son taux de contribution ; c'est notamment le cas pour le licenciement consécutif à une faute grave ou lourde d'un salarié. Nous vous proposerons donc de l'adopter dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Nous en venons enfin aux articles relatifs à la transposition de l'ANI en faveur des reconversions et transitions professionnelles, qui a été conclu postérieurement à l'adoption du texte au Sénat. Nous avions, je le rappelle, fait le choix de remplacer une habilitation à légiférer par ordonnance du Gouvernement par un dispositif d'intention, permettant la retranscription sous le contrôle direct du Parlement. Je dois dire que nous nous en félicitons, vu le nombre de points de la version initiale du Gouvernement qui ont nécessité des précisions pour correspondre à l'intention des partenaires sociaux.

L'article 10 prévoit la création d'une période de reconversion, permettant aux salariés, sur proposition de l'employeur, de bénéficier du financement d'une certification professionnelle ou de blocs de compétences afin d'évoluer professionnellement, au sein de l'entreprise, ou dans une autre entreprise. Ce dispositif est en outre assorti de garanties pour le salarié, permettant sa réintégration au poste précédemment occupé en cas d'échec de la formation. Nous vous inviterons à l'adopter sous le bénéfice d'une proposition de rédaction.

L'article 11 prévoit de créer un conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences. Cette instance serait quadripartite et permettrait de transcrire l'article 1er de l'ANI, qui visait à créer un nouvel espace stratégique de discussion.

Les partenaires sociaux ont ensuite souhaité modifier le financement et le pilotage du projet de transition professionnelle (PTP), dispositif sur l'initiative du salarié. Ils ont donc prévu de transférer les fonds issus des contributions des employeurs de France compétences vers l'association Certif'Pro, qui serait chargée de répartir les fonds entre les associations régionales Transition Pro en lieu et place de l'opérateur de l'État, France compétences.

L'article 12, issu d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, reconnaît une existence légale à l'instance paritaire Certif'Pro. Il renforce son rôle de gouvernance des associations régionales Transition Pro, mais, contrairement à l'ANI, il ne lui donne pas directement le pilotage du financement du PTP. La répartition des fonds resterait dans la main de France compétences avec une commission paritaire créée au sein de cet opérateur. Le conseil d'administration de France compétences prendrait ses décisions après avis conforme de cette commission.

Cette transposition n'est pas conforme à la volonté des partenaires sociaux et ils ont été unanimes à nous rappeler leur souhait d'aller vers une meilleure gestion paritaire des fonds finançant le PTP, alors que le poids de l'État est écrasant dans la gouvernance de France compétences.

Après de longues discussions avec le Gouvernement - et je remercie très sincèrement Nicolas Turquois et Stéphane Viry -, nous avons fini par être entendus, lors d'une réunion avec le Premier ministre, hier soir. Celui-ci nous a fait savoir qu'il était prêt à soutenir une transposition plus proche de la volonté des partenaires sociaux, ce dont nous nous félicitons. Cependant, le transfert direct des fonds de France compétences à l'association Certif'Pro serait constitutif d'une charge au sens de l'article 40 de la Constitution, ce qui nous empêche de vous proposer la rédaction que nous envisagions initialement pour cet article.

Nous vous proposerons donc une version de repli, que nous avons travaillée avec les partenaires sociaux et qui a obtenu leur assentiment. Cependant, nous restons fermes sur notre position de transcription fidèle, et présenterons donc, parallèlement à cette proposition de rédaction, un amendement visant à reprendre les dispositions litigieuses au regard de l'article 40. Ce dernier concerne notamment le transfert des fonds à une gestion paritaire, et nous proposerons au Gouvernement de le soutenir lors de la lecture des conclusions de cette CMP devant nos deux assemblées, ce jeudi au Sénat et en septembre à l'Assemblée nationale.

En définitive, nous vous invitons donc à adopter les modifications que nous vous proposons, afin d'aboutir à un texte commun. Celui-ci permettra d'assurer une transposition fidèle et complète des mesures des ANI qui nécessitent de modifier la loi, tandis que nous comptons sur la diligence du Gouvernement pour transposer les mesures qui relèvent du pouvoir réglementaire.

Nous faisons également confiance aux branches et aux entreprises pour appliquer les ANI et se saisir des apports de ce texte, notamment concernant les salariés expérimentés.

C'est ainsi que, dans l'intérêt des salariés et des employeurs, nous ferons vivre la démocratie sociale.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

Article 1er

M. Stéphane Viry, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs vise à rétablir « la santé au travail et la prévention des risques professionnels » et « l'organisation du travail et les conditions de travail » comme des thèmes facultatifs de la négociation de branche sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés instaurée en vertu de l'article 1er.

Ériger ces thèmes en sujets obligatoires de la négociation n'est pas conforme à l'équilibre trouvé au sein de l'ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés. Ce point a été rappelé par l'ensemble des organisations, tant syndicales que patronales, signataires de cet accord.

Conformément à notre ligne qui est de transcrire fidèlement l'accord et après avoir sollicité de nouveau, hier, les partenaires sociaux, je vous propose d'apporter cette correction mineure au texte.

La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs vise à retranscrire plus fidèlement les termes de l'ANI, en inscrivant l'examen de la possibilité de mobilisation du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) parmi les matières facultatives de négociation d'entreprise.

La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 4

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs vise à rétablir un délai de carence de six mois, et non de deux ans, afin de pouvoir recruter en contrat de valorisation de l'expérience un salarié précédemment licencié.

Nous avons débattu assez longuement de ce point lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale. Il ne nous semble pas justifié de nous écarter, sur ce point comme sur les autres, des termes de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

Le délai de carence a été fixé en référence à la durée applicable dans d'autres dispositifs, en particulier le cumul emploi-retraite. Il semble peu vraisemblable qu'il fasse l'objet d'un contournement de la part d'employeurs qui chercheraient à se séparer d'un salarié pour l'embaucher ensuite dans le cadre d'un contrat de valorisation de l'expérience. Il s'agit en outre d'un dispositif expérimental.

Nous proposons donc de nous en tenir aux termes de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Dussausaye, député. - Ce point sur lequel nous avions débattu à l'Assemblée nationale avait fait l'objet d'une réflexion commune et transpartisane, puisque deux amendements identiques présentés par le groupe Socialistes et apparentés et par le groupe Rassemblement National avaient été adoptés en commission, dont l'objet était d'éviter les effets d'aubaine, même s'ils peuvent être rares dans le cadre de cette expérimentation. Je souhaitais le rappeler.

La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Articles 5, 6, 7, 9 et 9 bis (nouveau)

Les articles 5, 6, 7, 9 et 9 bis sont successivement adoptés dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 10

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs vise à transposer les clauses de l'article 4 de l'ANI du 25 juin indiquant que, dans le cadre de la période de reconversion, la rupture d'un commun accord ne donne pas lieu à l'application du régime du licenciement économique.

La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 11 (nouveau)

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 12 (nouveau)

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 5 rectifiée vise à améliorer la transposition de l'ANI en faveur des transitions et des reconversions professionnelles.

Les partenaires sociaux avaient exprimé une volonté claire dans cet accord, qu'ils nous ont unanimement rappelée, hier, lorsque nous les avons auditionnés, concernant la réforme de la gouvernance des dispositifs de transition et de reconversion professionnelle, en particulier du projet de transition professionnelle.

Je veux rappeler les termes de l'amendement n° 127 du Gouvernement adopté en séance à l'Assemblée nationale, car il avait été discuté de façon quelque peu précipitée. Je vous indiquerai ensuite les corrections que nous pourrions retenir sans remettre en cause la reconnaissance explicite, par ce texte, de l'association nationale pour la certification paritaire interprofessionnelle et l'évolution professionnelle.

Dans la version du Gouvernement, France compétences restait chargée de répartir les sommes consacrées aux PTP entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales. Cependant, cet amendement visait également à rendre nécessaire un avis conforme d'une nouvelle commission, au sein de France compétences, composée des organisations syndicales et patronales présentes à son conseil d'administration et auprès de Certif'Pro.

Certif'Pro n'aurait donc pas été directement à l'origine de la définition des règles de ventilation entre les associations de transition professionnelle régionales. En outre, le versement des moyens à ces structures serait resté une prérogative de France compétences.

Nous aurions voulu intégrer, d'une part, une retranscription fidèle de l'accord, donnant le rôle de détermination des critères et d'attribution des crédits à Certif' Pro, et, d'autre part, des préconisations du ministère du travail visant à éviter les conflits d'intérêts - agrément, transparence financière et encadrement des frais de gestion.

Toutefois, l'article 40 de la Constitution nous empêche de donner une nouvelle compétence à une structure chargée d'une mission de service public et de prévoir un nouveau mode de distribution des crédits de l'État, surtout en réduisant son contrôle à un opérateur. Le Gouvernement, à ce stade, n'a pas voulu couvrir cette charge.

Ainsi avons-nous prévu une proposition de rédaction de repli, qui vise à remplacer la commission par Certif'Pro. Cependant, en raison de l'article 40, il reviendra au Gouvernement, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, de soutenir l'amendement qui sera déposé en ce sens et que nous lui avons d'ores et déjà soumis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 6 tend à retirer l'alinéa 15 introduit par le Gouvernement prévoyant que le salarié bénéficiant du projet de transition professionnelle qui démissionne à l'issue de sa formation est indemnisé par l'assurance chômage. Cette disposition ne figure pas dans l'ANI. Il poserait un problème d'équité, en plus d'entraîner une charge pour le régime pouvant aller jusqu'à 180 millions d'euros, selon les organisations d'employeurs.

Par ailleurs, je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale de leur coopération pour parvenir à une solution qui, certes, n'est pas entièrement satisfaisante, mais qui, nous l'espérons, pourra être amendée en séance afin de retranscrire l'ANI en des termes identiques.

Je confirme, enfin, que nous avons déjà préparé, à l'intention du Gouvernement, l'amendement qui permettrait d'encore d'avantage rapprocher notre rédaction de la volonté exprimée par les partenaires sociaux.

Les propositions communes de rédaction n° 5 rectifiée et n° 6 sont adoptées.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

La réunion est close à 18 h 30.